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ILGA et ILGA-Europe : ong internationales et communautés transnationales d’activistes

Dans le document Espagne : Belgique France (Page 189-192)

CHAPITRE 3 | POLITIQUE INTERNATIONALE DE L’IDÉE D’OUVRIR LE MARIAGE CIVIL

2. Discussion empirique

2.4. Réseautage

2.4.2. ILGA et ILGA-Europe : ong internationales et communautés transnationales d’activistes

Le plus ancien de ces réseaux sectoriels renvoie à une communauté militante transnationale (234) qui repose sur l’International Lesbian and Gay Association (ILGA), une des principales ONG internationales active sur les questions LGBT, et ILGA-Europe, sa branche européenne. Cette association coupole a été fondée en 1978 à Coventry par trois associations homosexuelles européennes (le COC néerlandais, le CHE anglais et le FUORI ! italien) (235). Elle a été rejointe par d’autres groupes l’année suivante, dont le FAGC catalan, la FWH flamande et le magazine français Gai Pied. Au cours de ses premières années d’existence, cette association a surtout été européenne, puis s’est progressivement ouverte à l’Amérique du Nord et l’Amérique latine, au Japon, au reste de l’Asie et à l’Afrique (236). Chaque année, un congrès annuel est organisé par une association membre et une rencontre européenne a également lieu. Depuis 1995, son siège est situé à Bruxelles. L’ILGA a long-temps axé son travail sur le soutien et la promotion des échanges entre associations membres, ainsi que sur le lobbying au sein des institutions internationales. Ces efforts ont été cruciaux pour la discussion de l’homosexualité à l’Organisation des Nations Unies, l’adoption de la résolution du Conseil de l’Europe de 1981, la démédicalisation de l’homosexualité par l’Organisation mondiale de la santé en 1990 et l’approbation des différents documents du Parlement européen (dont le rapport Roth).

En décembre 1996, les associations européennes membres de l’ILGA réunies à Madrid ont décidé de se structurer au niveau régional, créant ILGA-Europe. Cette ONG est également basée à Bruxelles et vise surtout l’Union européenne tout en mettant en réseau et en appuyant les associations LGBT européennes, tout particulièrement des anciens pays communistes. En 1997, ses efforts ont permis l’adoption de l’article 13 du Traité d’Amsterdam et l’association a reçu en 2000 un financement récurrent de la Commission européenne, dont elle est devenue un partenaire régulier. Elle a alors pu engager ses premiers employés.

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(237) Entretien avec Jordi Petit, op. cit.

(238) Marie Digoix (INED), Michel Soudan (FWH), François Sant’ Angelo (FAGL) et Anke Hintjens (FWH) ont notamment à cette conférence.

(239) Le rôle potentiel de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe ont également été abordés. (240) ILGA Bulletin, n° 2, avril, mai, juin 1998.

(241) Entretien avec Chille Deman, op. cit.

(242) Il faut toutefois noter qu’un des premiers administrateurs de la FAGL, Olivier Collet, était en même temps un des premiers employés d’ILGA-Europe.

Ces deux organisations ont été très actives au niveau international et ont indirectement influencé les législations nationales de lutte contre les discriminations par le lobbying qu’elles ont exercé au niveau européen, contribuant à la convergence des dispositions domestiques adoptées. Toutefois, à l’inverse de ce qu’affirme Kelly Kollman, leur action au niveau de la reconnaissance légale des couples et des familles a été jusqu’à présent relativement limitée (237) et a emprunté deux modalités : la création d’un espace transnational permettant la diffusion d’idées et de stratégies et l’élaboration de stratégies propres sur ces questions.

À travers leurs conférences annuelles et leurs publications internes, ces ONG ont d’une part progres-sivement constitué des espaces d’information et d’échange qui ont pu contribuer à la diffusion d’un certain nombre d’idées et de stratégies, tant par « reciprocation » que par adaptation. Plusieurs avancées des droits des couples ont ainsi fait l’objet de discussions spécifiques lors des conférences de l’ILGA. En décembre 1990, la Conférence européenne de l’ILGA, organisée au Danemark, a consacré un atelier au partenariat enregistré, qui venait d’être approuvé dans ce pays. De même, une journée spéciale intitulée « Partnership day » a été organisée durant la 23ème conférence européenne de l’ILGA qui avait lieu en octobre 2001 à Rotterdam (238). Elle réunissait le professeur de droit Robert Wintemute, le journaliste Henk Kroll (Gay Krant), les députées européennes Lousewies van der Laan et Joke Swiebel, le député néerlandais Boris Dittrich et l’ambassadrice des droits humains auprès du ministère néerlandais des affaires étrangères, René-Jones Bos. Quatre objectifs étaient poursuivis : fournir des renseignements sur le cas néerlandais, échanger des informations entre membres d’ILGA-Europe sur la situation actuelle et future dans leurs pays respectifs, s’interroger sur la manière de s’aider mutuellement dans « ces luttes nationales vers plus d’égalité en ce qui concerne les partenariats » et voir si ILGA-Europe pouvait contribuer au développement de lois de partenariat en Europe (239). Un numéro spécial de la revue interne à l’ILGA a enfin été consacré au mariage au printemps 1998 (240). Il comprenait, outre des articles sur les États-Unis et l’Afrique du Sud, une traduction de la carte blanche d’Éric Fassin au

Monde de novembre 1997 (« Homosexualité, mariage et famille »), un texte de Steffen Jensen sur le Danemark et un article sur les dispositions adoptées par la mairie de Barcelone.

Ce mécanisme a toutefois eu peu d’impact sur les trois pays étudiés. En effet, si de nombreuses informations internationales publiées dans la revue Entiendes (COGAM) proviennent par exemple des bulletins de l’ILGA, les échanges étaient rares et les acteurs qui ont élaboré la revendication du mariage étaient, du moins à l’époque, peu engagés dans l’ILGA et dans ILGA-Europe. En Belgique, la FWH flamande, qui avait participé aux premières années de l’ILGA, avait cessé de s’y intéresser pour se concentrer sur les combats domestiques (dont la question du mariage). Du côté francophone, Tels Quels continuait à y participer activement, hébergeant le secrétariat de l’ILGA pendant plusieurs années (241), mais il ne s’agissait pas d’un des acteurs revendiquant le mariage. La FAGL s’était quant à elle contentée d’une participation de principe depuis sa fondation en 1999 (242). Reflétant la grande fragmentation du paysage associatif dans ce pays, la participation française a été très inégale. Les associations membres ont souvent changé et, à l’exception de

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(243) Entretien avec Philippe Colomb, Paris, 11 octobre 2007 ; Entretien avec Daniel Borrillo, op. cit.

(244) Entretien avec Beatriz Gimeno, op. cit. ; Entretien avec Mili Hernández, op. cit.

(245) Entretien Jordi Petit, op. cit.

(246) ILGA-Europe, ILGA-Europe’s key demands to advance the recognition of diverse families [document en ligne] ,Bruxelles:ILGA-Europe, 2006, < http://www.ilgaeurope.org/europe/issues/marriage_and_partnership/ilga_europe_s_key_demands_to_ advance_the_recognition_of_diverse_families_october_2006 > (consulté le 3 octobre 2008).

(247) Entretien avec Jordi Petit, Barcelone, 4 mai 2008. Ainsi, une réunion de l’ILGA pour planifier la stratégie à l’égard des Communautés européennes, organisée par la CGL, a eu lieu du 16 au 18 octobre 1992 à Sitges. Une autre réunion a eu lieu la même année à Bruxelles avec des députés européens. Jordi Petit était à nouveau présent. Un séminaire de l’ILGA sur l’Europe s’est à nouveau déroulé à Sitges du 21 au 23 octobre 1993.

(248) Entretien avec Jordi Petit, op. cit.

l’APGL (qui n’a toutefois pas joué un rôle moteur), elles ne comprenaient pas les principaux acteurs de la mobilisation pour le mariage (Aides et Act Up - Paris). Un discours critique à l’écart de l’ILGA et d’ILGA-Europe est de plus souvent tenu dans ce pays, y compris de la part de militants qui participent à leurs activi-tés (243). Enfin, les associations espagnoles ont été longtemps réticentes à s’investir dans ILGA-Europe, notamment pour des raisons linguistiques (244). Plus actives dans l’ILGA, elles avaient en outre développé une tradition de collaboration avec l’Amérique latine. Dans ce cadre, les associations catalanes, très engagées au niveau international, font figure d’exception, dans la mesure où elles sont membres de l’ILGA depuis 1979 (FAGC puis CGL), qu’elles ont accueilli plusieurs conférences mondiales et européennes et, surtout, qu’un de leurs principaux leaders, Jordi Petit, a été cosecrétaire général de cette organisation entre 1995 et 1999. Toutefois, ce dernier reconnaît que, si une telle situation a contribué aux échanges entre les associations cata-lanes et du reste du monde, leur influence a été infime en ce qui concerne la question de la reconnaissance légale des couples (245).

D’autre part, l’ILGA et, surtout, ILGA-Europe ont directement travaillé sur les questions conjugales et familiales. Toutefois, à l’exception de la mobilisation autour du rapport Claudia Roth, ces questions n’ont pendant longtemps pas constitué l’objectif prioritaire de ces deux organisations, qui se sont concentrées sur leur reconnaissance au sein des institutions internationales et sur les droits fondamentaux des personnes LGBT. Leur intervention dans ce dossier est donc globalement postérieure à l’élaboration des revendications en Belgique, en France et en Espagne. De plus, ILGA-Europe, qui a été la plus active, est intervenue dans des matières relevant plutôt des compétences de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, qui constituent ses terrains d’action. Elle n’a pour cette raison par exemple pas pris position sur la désirabilité du mariage par rapport à d’autres formes de reconnaissance légale des unions de même sexe et s’est surtout concentrée sur les questions relevant de la liberté de circulation des couples et des familles et de l’harmonisation de leur statut au sein de l’Union, des questions relativement peu traitées au niveau domestique (246). L’action de ces ONG peut être divisée en trois étapes. Elles sont intervenues pour la première fois dans ce dossier dans le cadre des opérations de lobbying vis-à-vis du Parlement européen et des réunions préparatoires au rapport de Claudia Roth. Ce texte émane en effet de discussions suivies entre la députée européenne allemande et l’ILGA (247). Plusieurs réunions ont ainsi été organisées à Bruxelles et à Sitges, une cité balnéaire catalane connue comme destination de tourisme gay (248). ILGA-Europe a également soutenu plusieurs recours devant la Cour euro-péenne des droits de l’Homme et la Cour euroeuro-péenne de Justice, une stratégie qu’elle continue à poursuivre. Son Board a enfin décidé de travailler plus intensément sur ces questions en 2006. Deux documents politiques

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(249) Matteo Bonini Baraldi, Different Families, Same Rights ? Freedom and Justice in the EU: Implications of the Hague Programme for Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Families and their Children, Bruxelles: ILGA-Europe, 2007 ; Loveday Hodson,

Different Families, Same Rights? Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Families under International Human Rights Law, Bruxelles: ILGA-Europe, 2007.

(250) Y sont notamment intervenus Roman Kuhar, Loveday Hodson, Robert Wintemute, Stephen Whittle, Matteo Bonini Baraldi, José Ignacio Pichardo Galán, Hans Ytterberg, < http://www.ilga-europe.org/europe/campaigns_projects/lgbt_ families/conference_on_lgbt_families_in_europe_4_6_march_2008_ljubljana > (consulté le 3 octobre 2008).

(251) Stefano Fabeni, « CERSGOSIG : Perspectives and Objectives to Challenge Discrimination. A Network on Global Scale »,

Journal of Homosexuality, vol. 48, n° 3 - 4, 2005, p. 4.

ont été publiés en 2007 (249) et une conférence sur les familles LGBT a été organisée en mars 2008 à Ljubljana (250). Cette organisation s’intéresse plus à la famille et aux liens juridiques avec les enfants qu’aux modalités de reconnaissance légale des couples de même sexe.

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