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Locuteur- Journal Parcours énonciatif DEICTIQUES MODALITE ENONCEUR ENONCIATION DELOCUTEE

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Soit en (1) la zone d'ontologie du discours, sous la forme de facteurs motivants et déterminant le discours, elle peut être constituée de discours en circulation, d'actes, d'une ligne éditoriale, etc. La zone (2) est celle de l'énonceur, la première instance d'énonciation. Les journalistes sont les premiers énonceurs. Cette instance est celle du choix des mots, du style, des stratégies discursives. Deux énonceurs peuvent donner l'impression de s'imposer ici, chacun en fonction de ses intentions discursives va, dans la suite du parcours choisir son mode de passage pour la locution. Mais c'est illusoire parce qu'il y a une hiérarchie dans l'accès à la locution. Un rédacteur en chef a par exemple plus de chance d'orienter le discours d'un journaliste ou d'un individu quelconque mis en scène. Les instances (3), (4) et (5) sont les stratégies de manifestation locutoire. Elles sont conscientes ou inconscientes. La (3) est relative à la subjectité, l'instance (4) relative à la subjectivité. Les deux instances peuvent n'en former d'une, d'où les traits interrompus courts. Ces instances sont distinctes de l'énonciation délocutée (5). L'énonceur refusant ici de s'impliquer dans l'énoncé, on ne le connaît que parce qu'il y production verbale, parce qu'il y a locution. On peut parler en principe d'instance vide. Le locuteur-journal (6) est l'instance de la locution, de la production effective d'énoncés. On parle de locuteur collectif, mais nous préférons penser que la collectivité est celle des énonceurs, le locuteur n'est qu'une interface : visible, il rend également visible l'énoncé. Le parcours discursif du linguiste est de reconstituer une représentation de l'énonceur. Il effectue le parcours inverse du parcours de la locution et de l'illocution (7) et (8).

Le journal matérialise les intentions de communication d'un collectif énonceur, mais aussi l'implication de l'énonciateur, complexité pouvant être autonome de l'énonceur et même du locuteur-journal, source des jugements.

Dans le cadre du discours rapporté et des discours polyphoniques, on a une double locution. Pour Laurence Rosier, le discours rapporté est la mise en rapport de discours dont l'un est un espace énonciatif particulier tandis que l'autre est mis à distance et attribué à une autre source, de manière univoque ou non (1999 : 125)

Les repères du locuteur du discours évoqué sont facilement identifiables dans le discours direct. Dans le discours indirect et indirect libre, les marques de subjectivité deviennent très fines à cause de la nature linguistique du discours. Par contre le discours du rapporteur devient important et, à travers un certain nombre de marques, on peut saisir le rapport qu'il établit avec les propos qu'il rapporte (le discours emprunté), son degré d'adhésion, d'implication dans ces propos. Cet aperçu théorique ne peut néanmoins se comprendre qu'avec la réalité des discours dans les titres de presse.

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2.1.1.2

Énonciation et responsabilité

La responsabilité est une notion philosophique en partie liée à la morale. Dans un journal, espace de communication publique, et dans les formes de l'exposition langagière, une implication des journalistes est nécessaire pour valider les comportements langagiers. Quelle est la responsabilité du journaliste dans ce qui paraît dans un journal dès lors que toute une équipe entre dans sa confection ? La question est davantage complexe lorsque Culioli asserte qu'il n'y a pas d'énoncé sans énonciateur. Qui parle est responsable de l'énoncé dans un journal ?

Les premières heures de V.O. à Kondengui.

Nous l'avons accompagné à sa nouvelle demeure. Du château au cachot. Cinq chefs d'accusation

retenus (MU 11.06.98)

Dans cet exemple, le nous de la subjectité est sujet de la prédication et sujet de référence, transmetteur de l'information selon Charaudeau (ibid.). Mais qui est l'énonceur? Tout le journal ne pouvait logiquement pas accompagner le personnage évoqué. Ainsi, si un membre de la rédaction assume tout seul la position d'énonceur, c'est-à-dire la construction discursive, linguistiquement, il est le locuteur. La possibilité existe en effet que le nous soit un nous de modestie. Dans ce cas, il s'agit d'une forme d'atténuation de la subjectivité, forme que l'on retrouve d'ailleurs dans les textes scientifiques. Le nous peut également désigner une équipe précise, dont on peut trouver les références autonymiques dans les pages intérieures. De toute façon, il est le lieu d'un projet de parole, et fait l'ontologie du discours anthropomorphique. Malgré tout, juridiquement et socialement, le statut de responsabilité de la parole est collectif, l'énonceur n'est pas comptable de son intention communicative. Selon Sophie Moirand (2006), parce que ce ne sont pas les interlocuteurs qui interagissent directement dans la presse, alors il y a, surplombant la diversité des intervenants et la diversité des scripteurs, une responsabilité singulière, celle de l'instance socio-institutionnelle du journal. Autrement dit, la responsabilité dans la presse est essentiellement éditoriale sur le plan de la justice, elle incombe au locuteur.

Le statut informationnel de ce nous peut être vu indéterminé et tout semble fonctionner comme si l'article de presse était une construction collective [Nous = Je+(Tu)+(Lui)], et que l'indétermination des énonceurs régissait l'usage du pluriel en titre. Les énonceurs vont subsumer leurs personnalités au bénéfice de l'abstraction qu'est le journal qui, en situation d'énonciation et de contact avec le lecteur, devient locuteur (l'instance énonçante, et aussi le sujet qui "s'engage" à échanger avec le lectorat). On pourrait gloser ce nous par un "Notre équipe de rédaction". À ce moment, l'énonceur partage avec d'autres personnes des liens

d'appartenance corporative. Au regard de la taxinomie des instances de production de discours médiatiques de Charaudeau, on a affaire à un chercheur–pourvoyeur-transmetteur d'informations.

Toujours est-il que l'énonceur marque la personne du locuteur, le JE et sa présence dans le discours. L'instance socio-institutionnelle locutrice laisserait donc se manifester l'expression d'unités discursives particulières. Cela signifie que la référence du locuteur-journal peut être une référence d'un sujet, d'un énonceur particulier. Cela rend compte de la complexité du cadre participatif et énonciatif quant à ce qui concerne les médias écrits et surtout dans les titres. L'énonceur est le chercheur et le pourvoyeur d'informations. La conception benvénistienne des instances d'énonciation ne parlait pas d'énonceur ni de son statut, mais on peut lire dans les évolutions du concept d'énonciation différentes acceptions dont la principale était de positionner l'instance du locuteur comme point référentiel, celui qui donne sa substance au signe vide qu'est le déictique. L'analyse énonciative tient donc compte de la production du sujet énonçant en situation.

Dans cet énoncé, le locuteur-journal est une instance de repérage des faits, il se présente comme sujet d'une expérience perceptive, sa présence donne comme une garantie d'objectivité, d'authenticité à la référence (V.O. en prison). Paradoxalement, le contrat de lecture oblitère que la compétence et les commentaires du nous ont une telle charge cognitive qu'il ne peut être qu'un "sujet évaluant", le produit d'une subjectivité. Il va alors commenter l'information et provoquer le débat. D'ailleurs deux éléments d'ironie montrent à suffisance la subjectivité du locuteur-journal au niveau du dictum et la possibilité de sa conception comme énonciateur : le choix du mot demeure pour désigner la prison, le jeu de sonorités en [o] mises en opposition dans Du château au cachot. Le nous, personne de l'énonciation n'est donc ni une garantie absolue de subjectivité, encore moins celle de l'objectivité. C'est un point de référence renvoyant à la présence du locuteur (et de l'énonceur) dans la communication et dans ce qui est énoncé.

Prenons le cas de deux discours rapportés :

[a] Fru Ndi met les points sur les i "Nous ne négocions pas avec le RDPC" (LM 12.01.98) [b] Le Sdf dit non à la sécession (LN 08.05.00)

Nous avons une double ontologie du langage, deux énonceurs dans l'exemple [a]. Un énonceur du journal qui a écouté et stratégiquement choisi des propos de Fru Ndi à transmettre à un public ; un énonceur-locuteur source d'un propos. Nous avons également deux énonciateurs : un énonciateur assumant son point de vue (avec le déictique nous et la négation d'un propos) et un énonciateur évaluant les propos rapportés. Ce dernier énonciateur

131 est le locuteur-journal. Il aurait pu, en évitant d'être la source d'un point de vue, laisser se manifester le seul point de vue de celui dont il rapporte le propos. Le journal aurait gagné en objectivité (avec une formule comme John Fru Ndi : "…"). La double subjectivité ne montre-t-elle pas la volonté du journal de construire une certaine représentation autour de la personne du leader du Sdf ?

Dans le cas [b], on a toujours deux ontologies discursives, celle d'un énonceur du journal et celle du Sdf. Le locuteur-journal est responsable du point de vue, puisqu'il interprète des discours du Sdf. Le Sdf peut nier l'interprétation du propos, mais il ne peut nier la réalité de celui-ci.

Énonceur, énonciateur et locuteur, il s'agit de trois instances distinctes de l'énonciation dans un titre de presse. Pour mieux comprendre, il convient de revenir sur la théorie du statut de l'instance d'émission.

2.1.2

Les traces d'inscription langagière : l'appareil formel de