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DESCRIPTION DE LA STRUCTURE DU TITRE DANS LA PRESSE CAMEROUNAISE

PREMIÈRE PARTIE

DESCRIPTION DE LA STRUCTURE DU TITRE DANS LA

PRESSE CAMEROUNAISE

41 PREMIÈRE PARTIE :

DESCRIPTION DE LA STRUCTURE DU TITRE DANS LA PRESSE CAMEROUNAISE

L'histoire de la linguistique voudrait que celle-ci s'érige en une science autonome consciente de ses méthodes avec Ferdinand de Saussure, qui lui désigne un objet spécifique : le langage humain. La linguistique s'occupe de la description de la langue ou des langues et, d'autre part, les théories et méthodes linguistiques sont nombreuses à cause de la vision particulière de cet objet. L'analyse linguistique porte sur l'abstraction des formes réalisées de la langue appelées, avec des nuances liées au contexte d'emploi, corpus, discours, phrase, parole, énoncé, texte. Décrire la langue pour Saussure c'est d'abord la réifier, distinguer à travers un raisonnement par dichotomies la langue de la parole. Dans les dichotomies saussuriennes, la parole renvoie à toutes les variations individuelles de la faculté de langage, alors que la parole est du domaine des réalisations concrètes de ladite faculté19. La description linguistique est celle de la langue, son organisation, son fonctionnement.

Bien que s'inscrivant dans la mouvance structuraliste post-saussurienne, André Martinet (1985 : 85) met en avant l'énoncé comme tout segment de discours analysable. Le terme vient de la volonté de traduire l'anglais utterance, et il traduit un objet, un produit concret résultant d'un acte de parole. Autrement dit, l'énoncé résulte d'un processus d'actualisation qui fixe la référence des termes de la phrase. La phrase est la structure de cet objet. Une structure que les pratiques sociales et individuelles, rendent dynamique. Martinet concrétise ainsi l'idée selon laquelle la phrase appartient à la langue et son utilisation particulière la met dans l'ordre du discours et en fait un énoncé. Il s'oppose alors à Saussure qui excluait la phrase de la description linguistique, arguant qu'elle est une réalisation de la langue et donc de l'ordre de la parole. Les deux concepts (phrase et énoncé) sont analysables de manière tout à fait indissociable suivant le principe saussurien de l'analyse de l'objet sui generis pour la phrase, et suivant l’analyse des situations d'énonciation pour l'énoncé.

19 Gustave Guillaume préfère parler de l'opposition langue/discours. Le passage de la représentation abstraite (langue) à l'expression (discours) présente l'acte de langage comme dynamique et se fait par "coupes"

successives. Benveniste quant à lui distingue parole et discours : Le discours, dira-t-on, qui est produit chaque fois qu'on parle, cette manifestation de l'énonciation, n'est-ce pas simplement la parole ? Il faut prendre garde à la condition spécifique de l'énonciation : c'est l'acte même de produire un énoncé et non le texte de l'énoncé qui est notre objet (1966 : 80). La parole est donc de l'énoncé, le discours de l'énonciation.

L'assimilation de la phrase à la structure est constante dans les écoles linguistiques. Les distributionnalistes la conçoivent comme une unité d'ordre syntagmatique correspondant à une structure invariante de constituants. Les théories génératives voient dans la phrase une structure résultant d'une reconstruction inductive. Les générativistes affirment d'ailleurs que les locuteurs d'une langue ont l'intuition de la phrase du fait qu'ils intègrent en eux ses principes de constitution, les règles de combinaison de ses éléments constitutifs. En grammaire, Joëlle Gardes-Tamine (1998 : 10) la définit comme la plus grande unité, celle qui inclut les autres, sans être elle-même incluse dans une unité supérieure. Elle souligne ainsi son autonomie et sa représentativité. La grammaire traditionnelle, d'inspiration logico-sémantique, définissait déjà la phrase comme une unité de propositions. La proposition étant l'unité minimale de jugement, unité de groupement, constituée d'un sujet et d'un prédicat.

En outre, les critères d'acceptabilité de la phrase (et de l'énoncé) sont formels, phonétiques, sémantiques, fonctionnels. La phrase débuterait par une majuscule et s'achèverait par un élément de la ponctuation à l'écrit. Pour Maurice Grevisse (1988 : 293), c'est la suite phonique minimale par laquelle un locuteur adresse un message à un auditeur, alors que pour Robert-Léon Wagner et Jacqueline Pinchon (1962 : 502) il s'agit d'un énoncé qui doit à sa mélodie et à son autonomie le caractère d'un ensemble équilibré. Henri Bonnard (1992 : 248) quant à lui insiste sur l'aspect fonctionnel et parle d'une unité d'énonciation dont la fonction est d'exprimer un propos. Toutes ces généralités pour rappeler que le titre est d'abord une structure linguistique et que son analyse est d'abord celle de constituants linguistiques.

Les titres d'information journalistique, comme le rappelle Bonnard (ibid.), sont des phrases du moment où il y a propos. Que l'on fasse appel à la logique, à la sémantique ou à la syntaxe, il reste qu'une description de l'organisation syntaxique du titre de presse devra converger avec la description de leurs modes de réalisation dans des situations déterminées. En effet, remarque-t-on en pragmatique, différents énoncés d'une phrase ont généralement des sens tout à fait différents (Oswald Ducrot et Jean-Marie Schaeffer, 1995 : 220).

On ne saurait faire du titre de presse une phrase ou un énoncé isolé, sa structure bien souvent étant d'une plus grande complexité. La définition du texte comme structure combinée de signes, comme un tissu d'éléments (de l'étymologie latine du mot tessere signifiant "tisser") ayant un aspect matériel, sémantique, symbolique et pragmatique résume mieux l'idée que nous nous faisons du titre de presse. Le titre est donc un texte, une séquence verbale qui forme un tout relevant d'un genre de discours déterminé, même si on reconnaît que le texte dans la une de presse est moins construit, ou plutôt autrement construit, que celui de l'intérieur

43 d'un journal ou celui d'une œuvre littéraire. Il doit néanmoins être expliqué dans le cadre d'une théorie de sa structure compositionnelle (Jean-Michel Adam, 1992 : 15). Il faut dire qu'un texte ne peut être réduit à une suite linéaire de signes ou de phrases repliés sur eux-mêmes. Chaque texte se définit en tant qu'organisation de signes et de phrases, constitués en réseau de déterminations mutuelles, qui concourent au sens et dont la formulation dépend de paramètres linguistiques, de genre, de contexte (énonciatif et pragmatique). L'explication ne sera pas aisée puisque notre genre de texte semble rebelle à toute typologisation : il paraît moins interactif qu'une communication orale ordinaire mais le contact direct qu'il a avec le public, dû à son exposition, va susciter une illusion d'oralité. Au journal Le Monde, on avait l'habitude de dire que la radio annonce l'évènement, la télévision le montre et la presse l'explique. Le titre de presse annonce, montre et même explique l'évènement… Il reste que, comme tout acte de communication, le titre à la une possède un contrat de reconnaissance, c'est-à-dire des conditions discursives et énonciatives surdéterminantes et nécessaires à sa réalisation.

Au Cameroun, comment le contexte et ses fonctions influencent-ils cette forme d'exposition langagière dans la transmission/interprétation des informations ? À l'échelle du discours, on n'a en effet pas affaire […] à des déterminismes exclusivement linguistiques, mais à des mécanismes de régulation communicationnelle hétérogènes dans lesquels les phénomènes linguistiques doivent être envisagés en relation avec des facteurs psycho-linguistiques, cognitifs, et sociolinguistiques (M. Charolles et B. Combettes, 1999 : 79).

Le parcours analytique est d'appliquer à l'étude du texte - titre les méthodes de l'analyse linguistique interne pour en observer les spécificités structurelles génériques, puis partir de celles-ci pour étudier les variables linguistiques et stylistiques liées à l'homme (au sujet parlant, sujet énonciatif) et celles liées à la société. Pour tous ces paramètres imbriqués les uns dans les autres, une description sériée semble de prime abord subjective, il fallait cependant observer les rapports fonctionnels entre les éléments linguistiques du titre de presse. La singularité du support textuel (on parle d'écrit oralisé, de communication directe ou destinée) va demander une analyse des rapports syntaxique, logique et sémantique. Il fallait aussi observer l'organisation formelle péri-linguistique, ses relations avec le texte pouvant être un moyen d'accès au sens (chapitre 1). Ceci fait, il s'avère difficile de ne pas placer l'homme, le sujet au centre des descriptions linguistiques. Il s'agit alors de voir les formes et le degré d'implication du journal, pris comme sujet d'énonciation, dans les faits qu'il rapporte et ainsi, de comprendre comment un style est mis au service de la communication et d'un jeu d'influence entre ce sujet et les lecteurs (chapitre 2).

CHAPITRE I :