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L'impératif et les rapports d'influence locuteur- interlocuteur

L'expression de l’emphase

1.2.1.3 L'impératif et les rapports d'influence locuteur- interlocuteur

Avec l'interrogation et l'exclamation, l'impératif est l'une des modalités de la phrase mettant en exergue à la fois les fonctions expressive, phatique et allocutive du discours. L'injonction se libelle sous les trois autres formes de phrases. Elle peut ainsi se manifester avec un verbe à l'impératif ou à l'infinitif, un verbe illocutoire de l'ordre, un mot avec une intonation injonctive. Le type impératif peut relever de la modalité de l'ordre, exprimer la

volonté qu'un fait se produise. L'acte de l'impératif, à cause de maximes d'interactions verbales (politesse par exemple) est très souvent implicite dans l'énoncé. Il correspond non pas à une relation du locuteur avec son discours, mais à sa relation avec son interlocuteur. Il établit un rapport d'influence du locuteur à l'interlocuteur, rapport qui se lit suivant deux ordres de rôles langagiers : le rapport de supériorité et le rapport d'infériorité.

La spécification énonciative qui fait du rapport de force l'expression de la supériorité du locuteur face à son interlocuteur. Les catégories d'acte de langage que l'on peut exécuter son nombreux : interpellation, ordre, avertissement, jugement, suggestion, proposition, autorisation.

Union Africaine Il faut y aller (LM 17.07.00)

Le locuteur-journal voudrait s'imposer comme autorité, pouvant donner des conseils aux États sur la conduite à tenir dans face à l'enjeu dont on parle. En réalité, l'expertise du journal s'adresse à l'opinion publique, que l'on veut sensibiliser sur les enjeux d'une union des pays africains. Sans vouloir s'aventurer dans une "signifiose" du propos, nous voyons dans cette adresse au public l'ambition d'une adhésion non pas politique mais véritablement populaire à cette union. Mais qu'est-ce qui fondent les journaux à interpeller ainsi le public et à lui donner des directives ? Francis Balle (1999 : 22) esquisse une réponse : Les médias n'agissent pas directement plutôt à travers ce que le public en attend, à travers ce qu'il leur demande et les besoins qu'il espère ainsi satisfaire.

Le besoin de liberté que le public des lecteurs du journal manifeste déjà en achetant ou en lisant le journal fonde ainsi un titre comme :

Tous au palais de justice mercredi le 21 avril pour soutenir Séverin Tchounkeu et David Nouwou (LM 19.04.93)

Le rapport d'influence peut révéler un rapport d'infériorité du locuteur-journal par rapport à son interlocuteur. Le locuteur ne peut faire qu'une demande, il ne décide pas des événements du monde. Pour Patrick Charaudeau (1992 : 582), ce sont des formes comme celles de la requête, de la proposition, du souhait, du regret, de besoin de savoir (interrogation).

Déjà 15 jours que Puis Njawé est incarcéré en toute illégalité à la prison de New Bell Libérez-le ! (LM 07.01.98)

Un rapport secret l'affirme : Il fallait une Conférence Nationale au Cameroun (LM 23.02.93)

Ce n'est pas au journal ou au locuteur d'en décider, mais il suggère fortement aux décideurs et aux lecteurs sa manière de voir ce dont il est question. Un autre rapport figure en titre, les injonctions d'un locuteur autre que le journal à un interlocuteur ou à une entité abstraite :

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L'État doit dépenser moins et mieux (CT 16.07.98)

L'injonction directe reste assez rare et sied mal à la prétention d'objectivité journalistique. Elle est donc présentée sous la forme de citation. Astucieusement, les journaux enlèvent les guillemets à ladite citation qui apparaît à première vue comme l'interpellation des acteurs publics par le journal, mais la lecture des sous-titres et surtitre permet au journal de se dédouaner de prises de position partisanes, surtout quand il s'agit pour Cameroon Tribune de critiquer l'État. Ce brouillage de positions ne garantit pas toujours l'objectivité, car à très souvent faire parler le même camp politique, il est facile de voir l'orientation éditoriale du journal.

1.2.1.4 L'exclamation

Il ne s'agit pas d'un acte de langage proprement dit, on ne lui reconnaît pas d'incidences pragmatiques propres, mais si la typologie des phrases tient aussi à des régularités de marques phrastiques spécifiques, l'exclamation est un type de phrase. À l'oral, l'intonation exclamative se caractérise par une voix plus forte et par une mélodie descendante. Cette intonation suffit souvent à assurer la cohérence sémantique. À l'écrit, elle est marquée par le point d'exclamation. L'exclamation traduit un état d'âme, un sentiment que l'on veut faire partager à ses lecteurs. On admet que ce "type de phrase"28 exprime la réaction du locuteur face à un fait réel ou imaginaire. Il se distingue de la déclarative et de l'impérative par une surcharge émotive. Il correspond à la fonction expressive du langage. Un mot exclamatif peut introduire l'exclamation :

Enfin, Etoudi choisit son "sorcier blanc" ! (LP 31.03.98) Bravo les gars ! (LN 14.02.00)

Le premier énoncé asserte qu'Etoudi devait choisir son sorcier blanc. L'exclamation est régie par l'adverbe enfin qui marque le soulagement d'une attente comblée, signe de la charge émotive dont nous parlions précédemment. Nous pensons également que le contenu de l'expression sorcier blanc participe de cette surcharge émotive génératrice de l'intonation exclamative et du point d'exclamation. L'image, qui accompagne le second énoncé assoit la référence (des joueurs de l'équipe nationale de football du Cameroun brandissant un trophée) et l'inscription de l'expression bravo dans son contexte suffit pour comprendre la référence de l'exclamation.

Des expressions oralisées le plus souvent, avec lesquelles le locuteur s'amuse entraînent l'exclamation.

28

Fauve qui peut ! (LP 10.07.02)

An 1 de la victoire volée Bombe anniversaire ! (LP 04.11.93) Grands Travaux : c'est fini ! (MU 18.06.98)

Stade Ahmadou Ahidjo Attention Danger ! (MU 07.07.04)

Cette empathie du "titreur" renforce le discours sur la subjectivité. Elle porte l'expression de la sensibilité des médias écrits, le dépassement de l'information et les modes d'expressivité à l'écrit. En effet, on a tendance à croire que la langue des médias se limite à l'obéissance aux contraintes liées au genre. Ce discours "contraint" répond quand même à des usages contextuels de la langue. Il met donc en présence un locuteur engagé dans une praxis communicationnelle et sociale, et c'est la raison pour laquelle Dominique Maingueneau (1998) réfute l'usage du terme discours refroidi pour qualifier l'expression journalistique. Le contexte peut par conséquent amener à comprendre l'exclamation.

Massayo se marie ce soir ! (LP 06.08.93) Complot contre le Cameroun, la Fifa avoue ! Biya renverse un gosse à folle allure ! (MU 30.06.98) Mendo Ze - CRTV Dix ans que ça dure ! (MU 26.10.98)

Malgré les morts de Nsam Toujours le trafic des carburants ! (CT 19.02.98)

Ces énoncés déclaratifs par le contenu ont une trame sentimentale telle que le premier exprime une excitation joyeuse, l'annonce triomphale du locuteur qui annonce le mariage caché d'un ministre de la République. Le second énoncé concerne une polémique "nationale", à relents identitaires, face à "l'injustice" dont a été victime l'équipe nationale de football du Cameroun en coupe du monde. Nous semblons lire dans l'exclamation la joie de l'évolution de l'affaire, mêlée à l'indignation populaire. Le troisième énoncé, quant à lui, est simplement la réprobation, l'indignation devant un accident causé par le cortège présidentiel. D'ailleurs, le coupable indexé est le président de la République et l'hyperbole montre bien les conséquences d'une attitude de mépris vis-à-vis des hommes et des lois. La dernière exclamation enfin marque l'impatience du locuteur à voir arriver la fin du règne et peut-être même l'étonnement d'un constat que personne n'avait prévu. La surcharge émotive à finalité phatique entre le locuteur et les récepteurs distingue donc la déclarative de l'exclamative.

L'interlocuteur peut alors exprimer sa surprise et même son admiration pour un fait moralement répréhensible.

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Fauve qui peut ! Ou comment Poupoul a piégé Fru Ndi (LP 16.07.02)

L'exclamation peut orienter le lecteur sur les objets d'enthousiasme et de subjectivité d'une rédaction. Ainsi, dans l'année 1993 le journal Le Messager montre-t-il son admiration pour des parias du gouvernement, des contestataires du régime Biya :

Après quatre mois de silence… Célestin Monga refait surface ! (LM 02.03.93) Tchounkeu et Nouwou enfin libres ! (LM 11.05.93)

Chaque phénomène tendant à la paralysie des activités de ce régime est accueilli avec un soulagement, un enthousiasme à peine caché.

Contestations tous azimuts Enfin les fonctionnaires ! (LM 06.12.93) Université On boude les réformes ! (LM 01.02.93)

Exprimer sa fierté de détenir l'information que tout le monde vous envie, s'adresser directement au public pour mettre fin à un suspense par une nouvelle qui doit en principe le rendre joyeux, ce sont des facteurs d'expression par la phrase exclamative.

Ça doit se savoir Le gouvernement que Poupoul va nommer ! (LP 04.07.02) Le pipeline est là ! La Banque Mondiale a dit oui ! (LM 07.06.00)

Par l'exclamation, l'on se rend compte que les journaux utilisent tous les types de phrases. Les outils grammaticaux se mettent au service d'une cause, la cause journalistique.

Il ne faut cependant pas réduire la séquence titre à une structure phrastique. Elle peut se développer autour de plusieurs phrases, souvent de types différents.

Conférence Nationale Souveraine Il y aura ! … Où ? Quand ? Comment ? (LM 12.04.93) Onana refuse de signer le contrat de Didier Six. Massayo en colère. Les Lions dans l'impasse (LP 10.03.98)

Entre les différentes propositions du dernier énoncé, s'établissent des rapports sémantiques. Entre la seconde qui caractérise un individu Y et la première l'action d'un individu X, la relation est consécutive. La troisième caractérisant Z infère des deux premières. La ponctuation, l'agencement et le rythme des phrases rendent facultatives à la lecture les mots-outils de coordination et de cohérence discursive. C'est la proximité du style télégraphique (Engel, 2001).

Néanmoins, les valeurs modales des phrases ne respectent pas les contraintes typologiques. L'interrogation par exemple peut aussi bien exprimer la demande, l'ordre qu'un état d'âme. Bref, il semble davantage intéressant d'examiner les modalités du discours à la une de presse et leurs réalisations de manière synthétique, au-delà d'une typologie grammaticale réductrice. Les objets syntaxiques peuvent toutefois permettre une observation des jeux internes d'organisation de la signification dans la phrase de titre.

1.2.2 Fonctions syntaxiques, fonctions sémantiques et fonctions