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C'est en principe la fonction la plus neutre d'un titre de presse. Fonction généralisante par excellence, elle consiste à apporter au receveur une information qu'il n'a pas et qui n'existe pas encore, ou qui est insuffisamment sue. P. Charaudeau (2007) ne limite pas cet acte à la simple connaissance des événement sociaux, il y ajoute la tentative de les expliquer. L'acte constatif est réalisé par un locuteur le plus souvent effacé sur le plan de l'énonciation. Le titre va annoncer l'évènement que le texte devra prouver. Cette fonction informative n'est pas dissociable de la fonction épiphanique.

Souvent on a mis en marge ces énoncés communicant la réalité, la référence, énoncés descriptifs, informatifs de la perspective et des performances. Mais si on admet qu'informer autrui sur ce qui s'est passé, sur ce qui existe ou sur ce qui sera répond à une intention, alors

les énonciations informatives sont des actes performatifs (John Searle, 1979), des incitations indirectes.

L'article intérieur du journal devra répondre à la question comment du titre et l'imperfection informative du titre de presse est incitative, ou, tout au moins formative (elle sert à construire sa propre opinion).

Les grands secrets du Palais Massayo se remarie ce soir !

Il épouse une fille Bamoun (LP 06.08.93) Cavale

Agbor Tabi s'enfuit par le Nigeria

L'ancien ministre était interdit de sortie; il vient d'échapper aux forces de l'ordre. (MU 10.08.98)

L'acte constatif peut être l'explication d'un fait déjà connu des locuteurs. L'énonciateur élucide l'information, donne au receveur l'information qui lui manque. L'énoncé comporte un présupposé, un ensemble de conditions qui doivent être remplies pour qu'il remplisse lui-même la fonction à laquelle il prétend (Ducrot, 1980 : 41).

[a] Après la grève des militaires et l'offensive de l'opposition Biya entre les fusils et le zoua-zoua (LP 17.09.93)

[b] Voici pourquoi les américains ont sacrifié Siyam Siewe (LP 03.03.06)

Effectivement, Oswald Ducrot (ibid. : 5) affirme l'existence de nombreuses situations où l'on a besoin de dire certaines choses, et de pouvoir faire comme si on ne les avait pas dites, de les dire, mais de façon telle qu'on puisse refuser la responsabilité de leur énonciation. Le premier énoncé [a] présuppose pour le lecteur un savoir de l'antériorité d'une grève de militaires et d'un ensemble d'activités de l'opposition politique. Le second [b] présuppose que les Américains ont sacrifié Siyam Siewé. Ce sont ces présuppositions qui assurent la félicité de l'acte informatif de ces titres. Or on présuppose ici des informations que le public destinataires n'a pas toujours, et rien ne nous garantit que Siyam Siewé soit en prison parce que les Américains l'ont laissé tomber, ce n'est pas une information officielle. Qui savait d'ailleurs qu'il était soutenu par ceux-ci pendant ses fonctions ? Le journal est responsable de ses propos et cette responsabilité ne faiblit pas quand bien même le public partagerait l'univers présuppositionnel de ses informations. L'acte d'informer est un acte responsable.

La présupposition, contenant un appel à autrui, démontre le caractère performatif des énoncés informatifs des titres de presse, des performatifs le plus souvent obliques, dont le sens ne s'obtient que par dérivation. Elle met donc en jeu des implicites, fondés sur l'énoncé, mais aussi des sous-entendus du discours, fondés sur l'énonciation.

169 La remarque faite est que Ducrot pense les sous-entendus subjectifs, et les présupposés objectifs et connus par le destinataire. Néanmoins, dans les titres, les présupposés fonctionnent par un simulacre d'expérience commune, favorisé par le détachement interactif des destinataires. Le locuteur-journal affirme que son public sait qu'il y a eu "grève des militaires", même si c'est une interprétation d'incidents survenus au quartier général de l'armée qui ne devrait en principe engager que le journaliste. Il interprète les activités de l'opposition comme une "offensive" et cela reste un point de vue. Or ce sont ces deux pseudo présupposés qui fondent le posé, Biya se trouve entre un coup d'Etat ourdi par l'armée (le fusil est la métonymie du moyen de combat de l'armée) et une déstabilisation par l'opposition politique (le zoua-zoua était l'arme de combat dans la rue de l'opposition). On veut faire comprendre au public que le Cameroun court le risque d'entrer dans un cycle de violence, son président n'arrivant à satisfaire personne. Et si c'était pour montrer la fragilité de cet homme que l'on pensait naguère intouchable, aujourd'hui fragile au point où on n'utilise plus aucun titre de civilité, encore moins le prénom pour le désigner publiquement. Il semble donc y avoir, derrière toute information principale, plusieurs informations secondaires essentiellement contextuelles.

En outre, commenter l'information revient à la voir de façon critique, que ladite critique soit positive ou négative. Au-delà de l'information, le titre annonce une véritable analyse d'une situation complexe. Cela se fait par la présence de nombreuses marques de subjectivité.

Présidence

Vérités sur la campagne d'Akame Mfoumou

De curieuses affiches ont été placardées à Douala. Qui donnent le Minefi partant pour remplacer Paul Biya. Que cache tout cela ? (MU22.06.98)

Yaoundé en ébullition

Le patron du quartier général des armées limogé

Les ministres en congé et en mission rappelés d'urgence

Mécontentement dans la police (LM 22.09.06)

Ces éléments de subjectivité relèvent également le caractère performatif de l'énoncé. Le premier acte par exemple implique que le locuteur ne sait pas tout de la campagne d'Akame Mfoumou. En posant "ses" vérités, en jugeant péjorativement les affiches de curieuses, par l'interpellation directe du locuteur sur la réalité présupposée d'une intention cachée, le journal invite son lecteur à plus de prudence dans la perception de l'évènement. On ne dit pas brutalement "Méfiez-vous des affiches que vous lisez sur…", le lecteur doit sous-entendre cela. On sous-entend une manipulation, mais on ne donne pas d'emblée sa source, il faut lire les pages intérieures pour cela. Dans le second énoncé, le vocabulaire vise à provoquer l'inquiétude, mais ce qui frappe c'est le rythme saccadé des annonces qui doit accroître ce

sentiment. Le commentaire peut venir d'une information sur laquelle le journal se veut dubitatif, l'énonciateur refuse de prendre en charge un propos, une proposition.

Large débat national Une autre farce en perspective (LN 03.93)

Le qualificatif "farce" caractérise négativement la proposition du "Large débat national" plutôt que la "conférence nationale souveraine" proposée par l'opposition politique. Notons qu'il s'agit-là de déterminer le cadre dans lequel peut s'engager une discussion, un forum devant assurer pacifiquement et harmonieusement la transition de l'ère monolithique (politique) au pluralisme. Les acteurs sociaux et politiques discutent sur les formes et la dénomination à donner à ce cadre de discussion. Le rhème est donc qu'il s'agit là d'une farce.