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Fonctions syntaxiques, fonctions sémantiques et fonctions pragmatiques dans la phrase de titre pragmatiques dans la phrase de titre

L'expression de l’emphase

1.2.2 Fonctions syntaxiques, fonctions sémantiques et fonctions pragmatiques dans la phrase de titre pragmatiques dans la phrase de titre

Parce que le titre se présente comme une construction, chacune des unités, chacun des segments qui le composent joue un rôle dans l'organisation signifiante. La notion de fonction est conçue comme la relation qu'entretient un élément de la structure avec un ou les autres constituant(s) de ladite structure. Cette relation, ces fonctions sont réalisées par la communication. Selon Patrick Charaudeau, Communiquer, c'est procéder à une mise en scène (1992 : 635), une mise en scène d'éléments fonctionnels divers de la structure discursive. On distingue alors dans la phrase titre les fonctions grammaticales (ou syntaxiques), les fonctions pragmatiques (ou énonciatives) et les fonctions sémantiques (ou actancielles) pour ne retenir que les plus importantes. Ces fonctions entrent dans un dispositif déterminé par le mode d'organisation du discours dans le genre, dans la situation de communication, un discours dont la finalité est d'agir sur son interlocuteur réel ou imaginaire.

Les fonctions grammaticales de sujet-prédicat sont liées à la constitution interne de la phrase. Elles sont proprement linguistiques car elles concernent la relation régulière existant entre les diverses classes d'unités, au sein d'un énoncé. Ces fonctions, pour Joëlle Gardes-Tamine (in Merle éd., 2003), relèvent autant du domaine de la Logique que de celui de la grammaire. La lecture grammaticale doit alors tenir compte de critères syntaxiques (relations structurales, paramètres de case), de critères morphosyntaxiques (accord) et des critères topologiques (paramètres de zone par rapport à l'élément nodal de la structure).

Les fonctions énonciatives placent l'interlocution au centre du langage. Les énonciativistes s'opposent aux logiciens sur la question de la construction des représentations pour voir au-delà, dans l'énoncé, l'expression d'un rapport au monde, la communication d'une certaine façon de représenter le monde. Tout énoncé, produit de l'acte d'énonciation, véhicule une information. Il modifie l'univers des représentations mentales préalables, construit, décrit et prédique de nouvelles représentations. La structure fonctionnelle de l'information réside dans l'opposition thème/rhème. Bien qu'il n'y ait pas unanimité autour de la notion, on considère le thème comme l'information connue, celle sur la base de quoi se construit le sens de l'énoncé. Le thème met en scène la référence (Robert Vion, in Merle éd., 2003). Le rhème est l'information nouvelle, la substance du propos, la caractérisation de la référence pour Charles Bally. On retrouve cette opposition dans l'Essai sur la structure logique de la phrase ouvrage de base de la théorie énonciative du langage d'Albert Sechehaye (1926), avec son

83 sujet psychologique représentant la situation initiale et son prédicat psychologique représentant la modification. Charles Bally ne renie pas la systémique saussurienne dont il est l'un des disciples lorsqu'il parle de l'ordre des mots d'un énoncé, qui serait la résultante de l'anticipation ou de la progression. Ces signes, quelle que soit l'opération de leur origine, ont entre eux des liens fonctionnels. Bally reprend ainsi, dans sa segmentation de l'énoncé, l'architecture opératoire de Port-Royal modus/dictum, avec le modus qui décrit la relation de l'énonciateur à la nouvelle situation qu'est le dictum.

Les fonctions sémantiques dans la structure propositionnelle de l'énoncé relèvent des rôles actanciels des unités de composition de la phrase (acteur/agent, patient/objet, bénéficiaire/détrimentaire), de la valeur des verbes (modalité, état, procès ou processus).

La méthode d'analyse cohérente de l'objet–titre nous vient des propositions de Philippe Blanchet (2004 : 32), qui recommande de

[…] Ne pas cloisonner, dissocier, atomiser des faits, classés dans des catégories artificielles de théories abstraites, déconnectées de la vie, mais au contraire, observer les faits dans leur globalité et leur complexité attestée, en intégrant d'apparentes contradictions dans un dépassement dynamique des paradoxes.

Autrement dit, l'analyse de ce que Dominique Maingueneau (2005 : 74) appelle un parcours doit être un dépassement des conflits épistémologiques qui tiraillent la linguistique. L'interprétation du fait linguistique reste l'objectif et la multidisciplinarité de la science doit constituer autant d'éclairages distincts du discours, même si il faut admettre comme principe que le point de départ de toute analyse linguistique sérieuse est structurale (sans donner au mot toute la connotation théorique et idéologique qu'il a aujourd'hui). L'option (plus ou moins voulue) des études formelles de la phrase d'évacuer dès le départ, avec le principe d'immanence, l'instabilité des usages de la langue, de mettre au centre de l'analyse ce que William Labov (2001) nomme les invariants linguistiques (des patterns linguistiques) a certainement permis de faire de grands bonds dans les domaines syntaxiques et phonologiques. Elle a permis d'affirmer la nécessité d'interpréter le sens de la phrase en tenant compte des relations significatives entre unités et segments la structurant. Or dans ces jugements sur l'intuition et "l'acceptabilité" de la phrase, une place prépondérante est donnée à l'expérimentateur et pas aux situations réelles de la langue. La prise en compte du cadre communicatif constitue dès lors une approche importante pour l'interprétation globale des phénomènes du langage. Il ne faudrait pour autant pas non plus vouloir tout réduire à cette inférence contextuelle de l'énonciation, faire croire que seules cognition et énonciation déterminent les énoncés. On invaliderait du coup la pertinence des relations fonctionnelles

dans la phrase. Antoine Culioli (1976 : 91), énonciativiste, insiste sur ce que les opérations énonciatives sont difficilement dissociables des opérations prédicatives. En plus, les positions absolues qui participent à la conception de deux linguistiques différentes sont à nuancer et l'on en veut pour preuve que l'on a accordé au fonctionnalisme et même aux bloomfieldiens d'avoir envisagé l'importance de la situation de communication et de la variabilité en linguistique, même si celles-ci ne vont pas avoir chez eux les implications théoriques conséquentes.

La fusion de la syntaxe et de la sémantique, de la sémantique et de l'énonciation dans ces différentes perspectives nous fera passer de l'écriture au sens, et du sens à la signification. La nécessité de cette fusion établie, il faut savoir comment organiser cet éclectisme méthodologique. Aurons-nous affaire à une juxtaposition éclectique d'approches hétéronormes (Maingueneau, 2005) ?

En d'autres termes, sur un plan purement théorique (ou épistémologique), la lecture des variables linguistiques et leurs fonctions dépendent de la grille appliquée. Mais force est de reconnaître que les concepts et les méthodes de la grammaire sont les plus éprouvés et connus, et la logique qui la sous-tend se veut "naturelle" et concomitante à la naissance de la pensée et du langage. L'organisation de ce chapitre est conditionnée par la segmentation morphosyntaxique de la phrase. La démarche sur le fond se veut également intégrative et concerne aussi la manipulation de la structure informative, créatrice de sens. Cette démarche est primordiale et elle aurait pu figurer dans une étude stylistique, car l'"objet premier" d'un titre est d'informer. Mais comment informer ? L'information a donc une logique de construction sur laquelle le sujet parlant va investir sa représentation du monde. Dans cette représentation, il faut également examiner les relations propositionnelles et voir comment les participants internes du discours, les co-énonciateurs, contribueront à la création de la référence et donc du sens. Un sens contextualisé, avec la notion de contexte structurée dans la double perspective de Moeschler (2001 : 98) comme l'ensemble des paramètres permettant de décrire la situation de communication et comme l'ensemble des informations qui constituent les connaissances mutuelles aux participants de la conversation.

Ceci pose par ailleurs le problème épistémologique du sujet interprétant. Le descripteur est obligé de se substituer à tout un public, puisque la communication est destinée à un public de lecteurs camerounais d'abord, il est obligé de veiller à la "conformité" de son analyse. Didier de Robillard (2007 : 15) expose le problème : Au nom de quoi puis-je construire une représentation d'un autre et la communiquer à d'autres ?

85 Comment être sûr d'avoir les bons prérequis cognitifs pour interpréter dans toute leur substance les énoncés ? Kerbrat-Orecchioni (1998 : 110) assure, pour ce qui est de l'interprétant, qu'il est exclu qu'il ait accès à la totalité des données, puisqu'elles recouvrent l'ensemble des savoirs que les participants possèdent, non seulement sur la situation locale, mais à la limite, sur l'univers dans sa globalité. Comment une explication, même si elle se veut la plus objective possible peut-elle plonger dans un contexte, résultat d'une construction permanente, d'une subjectivité de la pluralité ? Quel degré d'objectivité, quelle représentativité avons-nous pour parler au nom des lecteurs ou comme eux ? Nous prétendons nous placer au-dessus d'un contexte, d'un énoncé, à la manière d'un entomologiste devant ses insectes, essayant de comprendre leur comportement. En réalité, comme Robillard (ibid.) le constate, le chercheur construit plus qu'il ne décrit. Nous sommes aussi lecteur. Un lecteur qui construit des modèles, dont le but dans la lecture est de fonder une théorie des variations. Cette mise au point vaut pour ce que notre recherche est une lecture individuelle d'un sujet, elle est une expérience de vie d'un camerounais qui fréquente des kiosques à journaux.

La structure de notre grammaire "enrichie" se fonde sur la distinction et la description des formes nodulaires des phrases dans un titre ainsi que sur leurs différentes valeurs pragmatico-énonciatives.

1.2.2.1 La phrase verbale

Simple ou complexe, la phrase verbale se construit autour du verbe. Quand elle est simple, elle se réduit à une seule proposition et, complexe, elle en comporte plusieurs. La proposition elle-même est définie par les logiciens comme l'association d'un sujet et d'un prédicat pour la construction de la référence. L'expression du prédicat se fait par le verbe. Cette catégorie de mot variable est centrale dans la phrase verbale dont elle détermine déjà la dénomination, car les fonctions essentielles, les participants essentiels de la phrase verbale s'articulent autour d'elle. On l'oppose souvent au nom qui, dans la phrase, est son support notionnel. Alors que le nom ou substantif serait le mot propre à désigner des êtres, des objets, des choses, avec la caractéristique d'une certaine stabilité formelle et donc d'une "substance", le verbe quant à lui serait la catégorie d'expression du temps, si l'on se fie à la caractérisation guillaumienne.

La notion étant polysémique, le temps dont il est question est celui qui situe dans l'une des époques de la chronologie : le futur, le présent et le passé ; mais aussi le temps interne au verbe, celui qui indique une certaine manière de voir le procès. Ce dernier temps est l'aspect

(Imbs, 1978 : 13). Le verbe se conjugue donc, c'est-à-dire qu'il varie en mode, en temps, en voix, en personne et en nombre (Grevisse, 1993 : 1118).

Certaines grammaires mettent en avant les fonctions sémantique et logique du verbe dans la phrase (Imbs, ibid. : 9). Le verbe exprime le procès ou plus simplement il sert à décrire, à apprécier ou à situer une action, un état, un changement d'état. Le procès désigne alors le côté existentiel ou événementiel de la situation. Cette vision ne le distingue cependant pas véritablement du substantif. Christian Touratier (1996 : 9) assimile la fonction prédicative du verbe à la fonction informative du rhème. Le verbe est admis comme un élément ayant une aptitude, ayant vocation à être le constituant central, le noyau de l'énoncé, celui qui remplit la fonction énonciative de rhème. Ceci fait qu'il se spécialise comme point d'ancrage des morphèmes de phrases (Jean Fourquet, 1950 : 78). André Martinet (1980 : 141) a défini le verbe (prédicat) en associant la fonction sémantique à la fonction syntaxique. Il pense que les verbes sont des monèmes qui ne connaissent que les emplois prédicatifs. Le prédicat étant l'élément central de l'énoncé, son noyau irréductible, ce qui le fait véritablement. Autour de lui, peuvent graviter des éléments structurels ayant des fonctions essentielles comme le sujet ou des fonctions secondaires comme les expansions ou compléments.

Les opérations d'analyse signifiante de la phrase verbale, si l'on ne s'en tient qu'aux valeurs du verbe, ne peuvent pas faire l'économie des aspects syntaxiques, sémantiques et énonciatifs, encore moins dissocier les uns des autres.

1.2.2.1.1

Sujet ou thème ?

Généralement, on parle du thème comme du constituant énonciatif qui pose ce dont on parle29. Dans la théorie informationnelle, il concerne une information ancienne, c'est-à-dire le contexte dans lequel se trouvent les interlocuteurs ou alors les connaissances qu'ils partagent déjà. Les fonctions énonciatives étant dépendantes des contextes, de la psychologie des sujets parlants et donc des stratégies énonciatives, nous étudierons le thème selon qu'il assume les fonctions martiniennes de sujet, d'actualisateur nominal, ou selon que l'on se trouve antéposé par emphase (extraction, dislocation gauche).

Sur un tout autre plan, la langue française admet comme constituant ou participant nécessaire à la proposition le sujet car il a une relation syntaxique étroite avec le noyau verbal. Le sujet (grammatical) est, de par l'étymologie du mot (de subjectum, "placé en dessous"), le support constitutif de la phrase. C'est l'élément sur lequel s'exerce l'incidence de l'apport

87 prédicatif. Pour donc construire le sens, le sujet se trouve au centre de modules syntaxique, sémantique et discursif. Il se distingue des autres constituants de la phrase en ce qu'il est d'emploi obligatoire, au moins avec des formes personnelles du verbe, et lui impose souvent un accord, en personne, en nombre, parfois en genre. (Baylon et Mignot, 1995 : 145)

Il peut être un nom ou un pronom, une structure substantive ou substantivée qui a trois caractéristiques, selon Gardes-Tamine (ibid.). La première est syntaxique (le sujet ou No est obligatoire dans la construction du verbe), la seconde est morphosyntaxique (il est lié au verbe par des règles d'accord), la dernière est topologique (la zone du sujet dans l'unité grammaticale canonique se trouve devant le verbe). Seulement, le sujet ne serait syntaxiquement obligatoire que dans les propositions assertives.

Cela dit, le sujet ne joue pas que le rôle syntaxique de support de la prédication, il peut également contribuer à la construction de la référence : Gilbert Lazard (2003 : 17) parle de sujet de la référence. Une référence tant pragmatico-énonciative que sémantique.

Dans la référenciation pragmatico-énonciative, le sujet ne coïncide pas toujours avec la structure thématique de l'énoncé. Généralement, le thème est compris comme ce ou celui dont on parle, l'information connue. Pourtant, il est aussi un mode d'organisation pragmatique de l'énoncé, ainsi que l'affirme Tanya Reinhart (1982 : 24) : Sentence-topics, within this view, are one of the means available in the language to organize, or classify the information exchanged in linguistic communication. They are signals for how to construct the context set, or under wich entries to classify the new proposition. Le thème, en plus de sa valeur de stockage de l'information nouvelle, a la propriété de l'évaluation de la valeur de vérité de la proposition. Il peut ainsi prendre la forme de ce que Martinet appelle actualisateur nominal, que Claire Blanche-Benveniste appelle verbe de dispositif, ainsi que diverses formes de l'emphase par antéposition d'une structure de la proposition.

Les relations sémantiques aujourd'hui renvoient au rôle du sujet (le support d'un comportement, d'un destin selon les philosophes) à l'intérieur d'une distribution actancielle. Il est celui qui fait ou subit une action, le point d'ancrage d'une modalité ou le siège d'un état. Tout sujet entretient une relation sémantique avec le verbe, même si cette relation reste imprécise. Rejoignant la Logique de Port-Royal, Dumarsais pense que le sujet est une partie de la proposition.

C'est le mot qui marque la personne ou la chose dont on juge, ou que l'on regarde avec telle ou telle qualité ou modification (cité par Michel Arrivé et Jean-Claude Chevalier, 1975 : 104)

Sémantiquement, le sujet est donc l'élément regardé de la proposition. Pour analyser cet élément regardé, il faut le faire en en examinant toutes les valeurs théoriques.