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Les articles journalistiques

4.4. La correspondance pour El Correo de París : Lima dans la presse internationaledans la presse internationale

4.4.4. Le Pérou et la tempête destructrice

« Destructora tempestad » est l’une des expressions que Cabello emploie pour désigner la guerre du Pacifique et ses conséquences pour la ville de Lima. Pour elle, il faut redécouvrir les ressources naturelles, développer le commerce et l’industrie, et en même temps, rendre hommage aux héros dont le sacrifice grandit la nation péruvienne, à la différence de la situation actuelle du Chili.

Il devient nécessaire d’exploiter les richesses de l’Amazonie et des Andes ; pour mener à bien cette politique économique, la construction des chemins de fer interrompue par la guerre doit reprendre, ce qui conduit Cabello à exposer la polémique sur le contrat Grace-Aranibar . Il faut aussi que le port du Callao retrouve son ancien prestige et bénéficie du chantier du canal de Panama. Comme le guano qui procurait une grande part des revenus à l’État et aux particuliers a été épuisé, et que les provinces exportatrices des nitrates sont passées sous contrôle chilien, il est temps que le Pérou se tourne vers d’autres richesses naturelles, comme l’or de l’Amazonie et les mines des Andes :

¡El trabajo! El Perú ha principiado a comprender que esta es la palanca con que puede remover el mundo, y ha dicho: A las regiones

amazónicas. Esto, como quien dice: a la tierra del oro y de las

verdaderas riquezas del Perú, donde el trabajo produce mil por uno. Y hétenos aquí que, hasta los jovencitos de cuerpo de figurín y delicadas manos, apréstanse a ir allá en pos de la tierra de promisión, que ha de

salvarnos de la crisis. A estos no es difícil pronosticarles cosecha abundante de penurias, decepciones y viaje estéril; en cuanto a los que llevan la fuerza física del cuerpo y la fuerza moral del dinero, esos, sin duda, recogerán el fruto prometido. (6 octobre 1888) 123

Dans un autre article, elle affirme que la richesse des mines du Pérou continue de fasciner les capitalistes étrangers prêts à exploiter l’or et à détourner ces ressources vers l’Europe124. Mais ces trésors ne sont pas accessibles facilement, les techniques sont inadaptées, les ressources disséminées sur tout le territoire et l’État impuissant :

Por desgracia no son estas condiciones artísticas ni estos gustos estéticos, los más apropiados para vivir en este nuestro suelo, que guarda avaro su riqueza oculta entre las auríferas arenas trasandinas, o entre metálicas rocas, que han de menester para arrancarlas, no gustos artísticos ni aficiones literarias, sino más bien el nervudo brazo del minero. (31 aôut 1889)

L’exploitation des minerais de l’Amazonie et des Andes ne pourra pas se faire si des voies ferrées ne sont pas construites pour le transport jusqu’à l’océan Pacifique. C’est pourquoi, il est urgent de trouver une solution au contrat Grace-Aranibar. Michel Grace a succédé à Henry Meiggs mort en 1887, en charge de la construction du chemin de fer transandin de Cerro de Pasco. Grace est le représentant des actionnaires anglais en attente du remboursement des emprunts péruviens. Les membres du Congrès débattent de l’approbation d’un contrat par lequel les Anglais s’engagent à financer l’achèvement de la voie ferrée tandis que l’État leur garantit l’exploitation de la ligne et l’exploitation de cent mines, ainsi qu’un versement annuel de 120,000 livres pendant soixante-six ans. La dette sera soldée à ce terme.

La population est particulièrement affectée par ce débat politique. On en discute en public comme en privé. À Lima, la politique suscite des passions

123 On rappellera le célèbre article de Teresa González de Fanning « Educación femenina » (8 avril 1898) sur le physique des Péruviens, et en particulier des Liméniens, qu’elle écrivit au moment de la polémique sur l’éducation féminine à laquelle prit part Mercedes Cabello de Carbonera : « En la fatídica época de la Guerra con Chile, nos sublevaba la rechifla que de la juventud peruana hacían los periodistas del Mapocho, motejándola de ser enclenque y afeminada y de consagrar su escasa virilidad al goce de los placeres sensuales. Estos denuestos eran dirigidos más especialmente a Lima, a quien apellidaban “la moderna Capua” » (37).

124 Zoila Aurora Cáceres, quelques années plus tard, dans son récit de voyages Oasis de arte, transcrit la conférence qu’elle a lue en Sorbonne « El oro del Perú ». Elle y insiste sur la nécessité d’étudier les gisements de minerai pour que le Pérou soit un pays riche. Pour Zoila Aurora Cáceres, le Pérou est vraiment le pays de l’or ; ce n’est pas un mythe du passé, mais une réalité scientifique qui doit être étudiée pour favoriser le progrès national.

aux dépens de la raison alors qu’en province, le clientélisme rivalise seulement avec la puissance de l’Église. L’esprit partisan n’est pas lié à une conscience citoyenne ni à un sentiment patriotique ; pour Cabello, c’est l’expression du fanatisme qui se manifeste en politique.

Cependant, il existe un élément qui pourrait permettre une véritable reconstruction nationale : l’identification à des héros nationaux. L’écrivain développe ce point de vue à trois reprises. Elle corrige d’une part une confusion dans la presse étrangère entre Leoncio Prado, héros de la guerre mort lors de la bataille de Huamachuco, avec un homonyme ; elle rédige une nécrologie pour l’amiral français Petit-Thouars et publie une note à l’occasion du rapatriement des cendres des soldats péruviens morts sur le territoire désormais conquis par le Chili, ainsi que la restitution de la dépouille de Grau. La cérémonie du transfert et de l’enterrement a deux conséquences : elle permet de mettre en scène le patriotisme populaire et souligner la valeur exceptionnelle de nos héros. Cabello écrit donc :

No era solo la suntuosidad, ni el lujo, ni la inmensa concurrencia lo que le imprimía aquel sello extraordinario e imponente; era algo más grande y más respetable; era el sentimiento de condolencia y de gratitud, impreso en las fisonomías de todos los concurrentes, y que entre los dolientes y deudos se desbordaba en incontenibles lágrimas. (13 septembre 1890)

La réception est majestueuse, caractérisée par la surabondance de couronnes funéraires et les honneurs rendus par toutes les associations patriotiques de la capitale. Le gouvernement a décrété deux jours de deuil national pour la cérémonie de transfert des cendres du Callao au cimetière de Lima ; cet hommage a été le sommet de la présidence du général Cáceres, toujours proche de l’émotion populaire125.

De même que le Pérou est propice à l’expression artistique et littéraire, ainsi qu’à l’écriture féminine, de même la magnanimité des héros traditionnels se retrouve dans la conduite de Grau, si supérieure aux actes de vandalisme commis par l’armée d’occupation. L’un des soldats chiliens secourus par le commandant du Huascar atteste de cette grandeur exceptionnelle. En se référant à la presse étrangère, Cabello évoque une

cérémonie qui a eu lieu au Chili et où un militaire argentin a exalté tout à la fois la mémoire de San Martin et de Grau, causant l’indignation de ses amphitryons.