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Les articles journalistiques

4.4. La correspondance pour El Correo de París : Lima dans la presse internationaledans la presse internationale

4.4.3. Les écrivains face à la production féminine

Mercedes Cabello part d’un présupposé en ce qui concerne l’art et la littérature. Pour elle, Lima est une ville vouée aux plaisirs et non pas à l’industrie. C’était le cas avant la guerre et cette situation perdure en dépit des conséquences dramatiques :

Para cumplir, pues, mi cometido de corresponsal, principiaré por dar cuenta del movimiento literario, que hoy más que nunca es brillante y halagüeño. Diríase que después de nuestros desastres en la guerra del Pacífico, hubiéramos querido probarle al mundo que, si hemos sido malos guerreros, podemos ser grandes artistas. (El Correo 20 avril 1888)

Cabello revient sur les œuvres françaises qui sont des succès de librairie au Pérou, les auteurs étrangers lus sur place, l’actualité culturelle de Lima, les réunions, les cérémonies et les concours organisés par l’Ateneo, les représentations théâtrales, les publications… Elle fait de même en collaborant pour le journal madrilène La voz de la patria. La seule collaboration pour cette revue122 que nous avons pu consulter est parue le 28 avril 1888, ainsi que dans El Perú Ilustrado. Cabello annonce alors l’installation de l’Académie de la Langue du Pérou, avec la célébration d’une messe d’hommage à Cervantès le 23 avril. Cet événement permet de traiter des liens littéraires qui unissent l’Espagne et le Pérou. Comme dans d’autres occasions, l’auteur fait allusion au congrès littéraire et artistique international qui a lieu en octobre 1887 à Madrid. Au cours de ce congrès, l’un des participants espagnols (Calzado) déclare que les Hispano-américains pillent la littérature espagnole et que la littérature hispano-américaine était dépourvue d’une véritable valeur artistique. Cabello reconnaît que ce qui est publié et diffusé sur le continent américain est essentiellement la littérature française ; elle déclare que l’Espagne vit la même situation de dépendance à l’égard de la production française. Elle ajoute que les auteurs espagnols peuvent diffuser leurs écrits sur le marché hispano-américain et qu’aucune supériorité n’est affirmée par rapport à la littérature péninsulaire, affectée elle aussi par les changements

122 Nous pensons que la collaboration de Cabello a été très limitée; d’après le catalogue de la Bibliothèque Nationale d’Espagne La voz de la patria n’est parue qu’en 1888 et 1889.

venus de France.

La quatrième collaboration (n° 145, samedi 13 avril 1889) rapporte les négligences et les erreurs de l’auteur des Cartas americanas, dans son essai d’évaluer la littérature hispano-américaines. Pour Juan Valera, le théâtre chilien est le plus fécond du continent, et Cabello répond :

Por muy poco que se conozca la historia de la literatura americana, es imposible, al tratarse del teatro, olvidar a Méjico, a la Argentina y al Perú, donde se ha escrito para el teatro mucho y muy bueno, en tanto que en Chile, dicho sea en verdad, y sin ánimo deliberado de ofender, no hay dos obras que merezcan los honores del aplauso en las tablas, ni la benevolencia de la crítica en un libro.

La romancière s’efforce de défendre la littérature hispano-américaine face aux critiques des écrivains espagnols ; elle indique qu’en Amérique on lit les auteurs de la péninsule alors que la réciproque n’est pas vraie. L’espace réduit que la presse accorde à ce sujet en est la preuve. Après l’éloge de la littérature continentale, vient la réflexion sur les raisons du succès de cette production au Pérou et de l’essor de la littérature écrite par des femmes. Pour Cabello, cela s’explique par l’idéalisme national :

Precisamente el Perú, por carecer de ese espíritu práctico, tan necesario en nuestro siglo, ha consagrado a la poesía y a las letras tiempo y atención que mejor debiera consagrar a industrias y empresas de productiva e inmediata utilidad, y vanidosamente nos pagamos de contar en la generación pasada autores dramáticos que han sido colocados en primer orden. (13 avril 1889)

Ce penchant pour les arts, la propension à la beauté ont favorisé le talent féminin qui jouirait de conditions exceptionnelles au Pérou. La plus vaste génération de femmes écrivains a pu voir le jour grâce à la paix. Le temps de la reconstruction étant arrivée, il faut développer l’industrie, relancer le commerce et favoriser l’immigration européenne pour encourager le travail.

La réflexion sur la condition féminine trouve tout son sens au moment où la candidature d’Emilia Pardo Bazán à l’Académie échoue. Cabello affirme que cette manifestation extrême d’intolérance n’aurait pas eu lieu au Pérou où les femmes jouissent d’une situation meilleure et sont traitées avec un

plus grand respect :

En el Perú esta cuestión ha tomado la notoriedad de todo lo que es simpático a nuestras naturales tendencias: es que, dicho sea en justicia, el talento femenino goza del favor y la benevolencia del público limeño, a tal punto, que ni la crítica severa, ni la sátira mordaz jamás se atrevieron a tocar a la escritora, ya sea que escriba con talento o sin él; y la firma de una mujer, es el habeas corpus que en todo caso salva su nombre. Es así que la inteligencia de la mujer ha podido fácilmente desarrollarse, resultando en favor de la literatura nacional, el haber en el Perú mayor número de escritoras que en las demás naciones sud-americanas, aun considerando aquellas en las que, las letras han alcanzado tanto o mayor desarrollo que en el Perú.

La défense de la candidature de Pardo Bazán est ainsi argumentée : les physiologistes prétendent que le cerveau féminin ne permet pas les mêmes capacités intellectuelles que celui de l’homme, mais même si cela était exact, la valeur du travail féminin, de ce fait, mériterait encore plus d’être reconnue. La plupart des académiciens, auteurs d’œuvres dépassées et rétrogrades, sont incapables de signer des textes de la qualité de ceux de Pardo Bazán. L’Espagne est très éloignée d’une civilisation comme celle des États-Unis où le métier d’écrivain est exercé par les femmes comme tout autre travail, avec les mêmes droits ; et au Pérou, l’accès à la carrière littéraire est permis non pas du fait de l’esprit industrieux mais à cause de l’ouverture d’esprit et de la bienveillance des classes dominantes. Elle donne pour exemple la réception organisée par l’Ateneo de Lima à l’occasion de la venue de Dolores Sucre :

Dije en mi anterior correspondencia, que en el Perú, había mayor número de escritoras que en las otras secciones de América, aun contado aquellas en las cuales la literatura ha alcanzado mayor lustre que en el Perú; y más de una vez hemos preguntado ¿no será origen de esta eflorecencia de la inteligencia femenina, el espíritu galante y bondadoso que caracteriza al hombre peruano, muy señaladamente al limeño?... No de otra suerte alcanzo a explicarme este, que bien podría llamarse fenómeno de intelectualidad femenina. (31 aôut 1889)

La sixième contribution sera encore l’occasion d’écrire sur le « fenómeno de la intelectualidad femenina » à Lima. Cabello affirme que ce fait culturel peut être expliqué par le rôle que la capitale a joué dans la carrière des deux figures majeures de la littérature hispano-américaine, Juana Manuela Gorriti, l’Argentine et la Colombienne Soledad Acosta de Samper :

Ambas formaron sus gustos literarios e hicieron sus primeros y más brillantes ensayos en Lima, donde abundantemente cosecharon el aplauso alentador, tan necesario para dar impulso al tímido y delicado espíritu de la mujer, que temerosa y desconfiadamente se aventura en la azarosa senda de las letras. (31 aôut 1889)

Ce fait est justifié par les raisons que nous avons signalées plus haut : la courtoisie traditionnelle, la galanterie à l’égard des femmes de lettres, le culte de la littérature au lieu de celui du travail et de l’industrie. Ces traits ont été dominants avant la guerre. Cabello établit une grande différence entre le passé et le présent.