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Imageries de la Liménienne

2.2. Promenades, déplacements et moyens de transport

2.2.3. Les lieux de la prostitution à Lima

Nous étudierons d’abord comment le problème de la prostitution est abordé à Lima, quel est le but des études sociologiques sur la prostitution, comment la Péruvienne qui se prostitue est traitée. D’autre part, nous décrirons les lieux marginaux où se déroule cette activité.

La prostitution commence à faire l’objet de travaux de sociologie et de médecine à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, dans le cadre d’une politique hygiéniste et de campagnes de santé publique. Les considérations morales ne sont pas absentes de ces réflexions. L’une des études les plus complètes sur la question est réalisée par Pedro Dávalos y Lisson en 1909 : La

prostitución en la ciudad de Lima75, moment où la syphilis constitue à Lima un problème non seulement médical ou policier mais aussi social76. Dans son travail Dávalos insiste sur l’urgence d’une réglementation car :

Lima es la única ciudad civilizada en el mundo, entre todas las que tienen más de 150 000 habitantes, que directa o indirectamente no ha reglamentado su prostitución; y donde públicamente, una mujer reparte, sin que nadie se lo impida, las enfermedades venéreo- sifilíticas que posee. (40- 41)

Quant aux rares mesures prises par le gouvernement, il est signalé que les poursuites que subissent les prostituées sont arbitraires et que tous les programmes qui ont été mis en application n’ont pas été achevés. L’auteur recommande donc de réglementer l’exercice de la prostitution et de prendre en charge de manière plus efficace les maladies vénériennes : « [...] La hospitalización debe ser respectuosa, tolerante, ilustrada y caritativa » (48).

75 Au début du texte de Dávalos y Lissón, La prostitución en la ciudad de Lima, Lima, La Industria, 1909, se trouve une lettre du ministère de l’Intérieur datée du 2 décembre 1907 chargeant Dávalos de ce travail. Il est indiqué : « Siendo necesario en bien de la moralidad social que la prostitución esté debidamente reglamentada;/Se resuelve:/Encárguese la preparación de un proyecto de reglamento sobre esta materia al señor Pedro Dávalos y Lisson, quien deberá entregar su trabajo dentro del término de noventa días, percibiendo por toda remuneración, la suma de cien libras que le serán abonadas por el Ministerio del Ramo con cargo a partida N° 20 del pliego adicional de Gobierno y Policía del Presupuesto General »

76 L’auteur indique que le nombre de prostituées était le double après la guerre du Pacifique, par rapport au nombre en 1907.

Dávalos fonde ses recommandations sur les règles du docteur Fournier citées en espagnol « Para nuestros hijos cuando tengan diez y ocho años »77

Celui-ci décrit un chalet retiré pour accueillir les femmes syphilitiques, tandis que les hommes bénéficieraient d’un dispensaire en ville, Fournier n’explique pas les raisons de cette différence de traitement. D’autre part, Dávalos décrit la population féminine qui vit à Lima grâce à la prostitution :

Casi en un noventa por ciento, está constituida por mujeres peruanas, en su mayoría blancas, inteligentes, imaginativas, refractarias a lo erótico contranaturaleza, al alcohol y al tabaco. La menor de edad es de 17 años y la mayor de 40. Casi la mitad de ellas son madres y sostienen a sus hijos con el producto de su comercio. No son ninfomaniacas y sólo la ociosidad, el mal ejemplo, la pobreza o el abandono hecho por el querido, las ha conducido a ese estado de abyección. (9- 10)

L’auteur fait une distinction entre la Péruvienne et les femmes d’autres nationalités. Il insiste sur les causes sociales qui expliquent que certaines en viennent à exercer ce métier, ce qui atténue la condamnation morale :

Ninguna sabe hacer su papel. Hay mayor pudor en la más relajada meretriz del Chivato que en cualquiera de sus cófrades de New York o Buenos Aires por encumbrado que sea su rango (...) Son religiosas, oyen misa, tienen santos y lámparas en sus cuartos y muchas de ellas se confiesan aunque no comulgan por la absolución sub- condición de que les da el sacerdote. El suicidio tan común en estas mujeres en Chile, en Cuba y en Argentina, no se realiza en la meretriz peruana. (10- 11)

De même que Mercedes Cabello quelques années plus tôt, Dávalos souligne le mal social qui est à l’origine de cette situation, et il essaie de préserver l’image de la morale féminine en évoquant la possibilité d’une régénération, hypothèse partagée avec l’écrivain de Moquegua :

La meretriz peruana, en su inmensa mayoría, no es una mujer abyecta. Está en el vicio porque la pendiente la ha conducido allí. Posee elementos de resurrección moral. No considera la vida como el término de su carrera, y aspira a la rehabilitación, al perdón. Ella debe inspirar lástima: de ninguna manera odio ni desprecio. El Estado está obligado a regenerarla y en caso de que esto no sea posible, velar sobre la incorregible a fin de que haga el menor daño posible a la sociedad. (46)

Une caractéristique attribuée aux prostituées est leur insoumission, de manière qu’elles préfèrent travailler seules :

No reúne tampoco la meretriz peruana condiciones propicias para renunciar a su libertad y hacer el papel de pupila. Su espíritu levantisco y el valor con que afronta las contrariedades de su vida, le dan fuerza moral para vivir con independencia, y sola, enfrentar los problemas pavorosos de su profesión. (Muñiz, 31)

Manuel Muñiz78 développe une idée aussi importante à l’époque : comme la nation péruvienne est une nation jeune, la prolifération des maladies vénériennes et les conditions dans lesquelles la prostitution est pratiquée ne sont pas enracinées génétiquement dans la population ; et donc il est temps de corriger cette pratique aussi bien du point de vue médical que social :

No hemos llegado, felizmente, en el Perú, a aquel periodo avanzado de verdadera prostitución moral, en el que, públicamente se toleran y se realizan esas repugnantes y variadas aberraciones del instinto sexual, que a los seres de ambos sexos, gastados generalmente por el placer, los ha llevado hasta tan asquerosos extravíos. Las lesbias y tribadas no hacen gala de sus maniobras. Pero no estamos lejos. (Muñiz 15)

Les travaux de Muñiz et de Dávalos présentent une topographie de la prostitution à Lima. Ils divisent la ville en trois secteurs. Dans le secteur de Chivato (Abajo el Puente), où se trouvent les indigents, les prostituées sont des métisses qui s’installent devant la porte de leurs habitations délabrées ; elles interpellent les passants et ne prennent aucune mesure d’hygiène. Les prostituées de la rue Amazonas et des rues voisines (Salud, Huevo, Acequia Alta, Panteoncito, Puerta Falsa del Teatro, Mandamientos) s'adressent à la classe moyenne :

Por lo regular ocupan sus ventanas, poniéndose detrás de las celosías. Desde allí observan a los hombres, a los que no hacen ninguna insinuación si no los conocen. No reciben soldados, marineros, ni personas de aspecto vulgar y de oficios bajos. Tienen su principal clientela en los empleados de comercio, en la oficicialidad del ejército y

78 Muñiz défend ses idées lors de la soutenance de sa thèse de doctorat La higiene pública en el Perú. Reglamentación de la prostitución (6 décembre 1887). Il expose le problème dans le contexte européen et américain, puis il étudie le cas particulier de Lima et la nécessité de réglementer la prostitution pour prévenir la syphilis, une question qu’il développe en parallèle.

en la burocracia gubernativa. (Dávalos 18)

Les prostituées des environs de Monserrate (les rues Los Patos, Comesebo, Orejuelas, San Sebastián, Barranquita, Juan Simón, Naranjos, Penitenciaria) s'adressant aux milieux aisés. Les maisons closes sont aussi classées par catégories. Le mot burdel désigne l’établissement de première catégorie qui présente le plus de garanties du point de vue hygiénique. L’étude de Muñiz distingue quatre lieux de prostitution : l’appartement de luxe, le domicile particulier, le bordel et la prostitution de rue, mais il signale que la situation de toutes les prostituées est alarmante, et qu’une réforme sanitaire est prioritaire.

La prostitution est présentée par les savants de l’époque comme un mal nécessaire. Ils considèrent que les instincts masculins sont irréfrénables et que la prostitution constitue un moindre mal. Ils lui accordent donc un rôle régulateur, ne prétendent pas l’éradiquer mais l’organiser :

La prostitución organizada y vigilada, facultativamente, es creación moderna. La prostitución es un exutorio indispensable para las pasiones humanas: sin ella se acentuaría una disolución de costumbres, desconocida aún. Se vería crecer en proporciones aterradoras el número de seducciones a niñas inexpertas; el de nacimientos ilegítimos, adulterinos e incestuosos; el de abortos y de infanticidios; los adulterios, violaciones y asesinatos; todos esos crímenes abominables, esos actos de ferocidad, cometidos en fuerza de los impulsos de una brutal pasión sexual. (9)