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Les articles journalistiques

4.4. La correspondance pour El Correo de París : Lima dans la presse internationaledans la presse internationale

4.4.5. Les transformations de Lima

L’occupation chilienne a marqué toute la ville de Lima et divisé l’histoire entre un avant et un après. L’avant-guerre se définit par l’héritage colonial, une classe dominante qui se veut noble par la naissance et grâce au maintien de la particule, une ville vouée aux plaisirs de toute sorte (théâtre, corrida, promenades, fêtes, danses…). Dans sa sixième contribution au

Correo de París, Cabello considère que les coutumes sont restées inchangées

depuis des siècles et elle prétend observer la capitale en adoptant le point de vue d’un voyageur étranger fasciné par la Lima d’antan :

Un joven viajero, de los muchos que a nuestras playas arriban, y que con el nombre de turistas, viajan por las costas del Pacífico, decía no ha muchos días, que él había deseado conocer Lima antes que París, y más aun que las capitales del mundo civilizado. Para justificar este su caprichoso deseo, que bien merecía explicación, exponía entre muchas razones, la de haberse imaginado a Lima "como la ciudad de los placeres, del lujo y del ocio continuado. (31 aôut 1889)

Le temps présent se définit par l’accélération des progrès techniques qui transforment la vie quotidienne (machine à écrire, machine à coudre, électricité, instruments médicaux…), de sorte que les activités et les déplacements adoptent de nouveaux rythmes, ce qui conduit à une prise de conscience de la vitesse. À cette constatation, il faut ajouter le fait que les jeunes États comme le Pérou changent plus vite leurs habitudes sous l’influence des modes étrangères. Le développement économique de la seconde moitié du XIXe siècle est un autre facteur, comme l’apparition de nouveaux riches, que ce soient des étrangers pauvres qui ont fait fortune par le commerce ou des Péruviens grâce au guano, ou au trafic de la main d’œuvre chinoise. Ces différents éléments ont entraîné une diversification de la classe dominante qui n’est plus réduite à l’ancienne aristocratie d’origine européenne. D’autre part, les mœurs des classes populaires changent aussi,

suivant les modes et les habitudes des catégories les plus aisées : la corrida, la promenade, le théâtre deviennent des loisirs pour un nombre toujours plus important. Les salles de spectacles s’agrandissent pour accueillir les ouvriers, même si la division sociale y reste visible ; l’ascension sociale se trouve encouragée par la mobilité de quelques-uns.

Notre auteur reproduit un argument qu’elle avait utilisé auparavant : les régions qui jouissent du bien-être et de la prospérité sans une industrie, ont voué un culte à la beauté et aux arts, la ville de Lima a fait de même :

Y como si esas condiciones que inutilizan a la clase alta, o cuando menos son inapropiadas para las faenas rústicas o mineras, fueran con la clase obrera compartidas; también ella es indolente y perezosa para el trabajo rudo del campo y más aun para el de minas. Verdad es, que respecto a ciertas costumbres propias del pueblo, Lima no tiene semejanza con ninguna otra ciudad de la América del Sur. La clase obrera, por ejemplo, es la que puede llamarse rica y feliz, sin que jamás se haya visto atormentada por el temor de que pudiera faltarle el trabajo, siemprer bien retribuido, a tal punto, que entre los obreros es costumbre establecida el no trabajar más de cuatro días en la semana.

Il y a deux événements qui provoquent l’enthousiasme dans toute la ville au cours de ces années, beaucoup plus que d’autres célébrations traditionnelles (religieuses comme Noël, l’Epiphanie, ou patriotiques comme la fête de l’indépendance). C’est la représentation de la zarzuela La Gran Vía126:

Si vale decir verdad, en Lima diríase que la gente callejera hubiera suprimido toda otra música para darle lugar a los aires criollos de La

Gran Vía, los que ya no solo en el teatro, sino también en las calles, en

las plazas y en las casas se oyen a todas horas (14 décembre 1889).

Et la célébration du carnaval, auquel chacun participe à sa façon : « Los días del carnaval acaban de pasar, y esta fiesta popular y a la par aristocrática, bien merece que le consagremos algunas líneas; pues que el carnaval limeño, es muy limeño, y muy propio de esta ciudad.” (19 avril 1890). Les bals masqués sont l’apanage des plus aisés ; ce qui mobilise la population et caractérise le carnaval127 de Lima, ce sont les jeux avec l’eau,

126 La Gran Vía est une opérette en cinq tableaux représentée pour la première fois à Madrid le 2 juillet 1886. Écrite par Felipe Pérez y González et mise en musique par Chueca et Valverde, elle obtient un très grand succès et inclut des éléments de l’actualité madrilène, en s’inspirant de la transformation de la ville avec la construction de cette artère principale de la capitale espagnole. Cette zarzuela est traduite en allemand, en français et en italien.

plus ou moins agressifs et hygiéniques. Toutes les catégories de la population jouent à s’asperger, avec de l’eau des caniveaux ou de l’eau parfumée. La réputation des stations voisines de Chorrillos, Barranco, Miraflores et Ancón conduit à célébrer le Carnaval sur place, au détriment de Lima. Lima s’agrandit et la classe dirigeante évolue également.

Finalement, les collaborations publiées par Mercedes Cabello dans la presse péruvienne et étrangère montre un intérêt constant pour les questions portant sur la condition féminine, la littérature et le destin du Pérou. Nous avons observé comment elle réaffirme ses idées en adoptant des perspectives différentes.

En ce qui concerne le Pérou, Mercedes Cabello met en avant une éthique féminine, consolidant une nouvelle image du héros, beaucoup plus proche du civil que du militaire, un homme cultivé et sensible aux autres. Elle dénonce les pièges que la société tend aux femmes en les enfermant dans le mariage. Les mariages de convenance sont stériles, selon Cabello, pour la société tout comme pour les femmes. Ils font des femmes des êtres solitaires et isolés qui, en cas de crise comme au moment de la guerre du Pacifique, se trouvent encore plus affaiblis, en sacrifiant leur santé et leur honneur pour le bien-être de leurs proches. Pour en finir avec l’isolement féminin résultant de la vie conjugale et de la religion, les femmes doivent recevoir une instruction et ne pas se limiter à travailler chez elles.

Par l’instruction et le travail (grâce aux métiers nés de l’industrialisation), les femmes auront la certitude de pouvoir mieux élever leurs enfants, de veiller à la morale conjugale et de construire un nouveau Pérou prospère et développé.

Dans ce cadre, la littérature joue un rôle important. Le romantisme doit être abandonné, remplacé par une écriture qui fasse une analyse de la société, sans la grossièreté de l’école naturaliste française, car la société liménienne n’est pas affectée par le même degré de corruption ; la nouvelle littérature doit dépeindre les principaux vices pour les corriger. Sans oublier la tradition occidentale, il faut créer une littérature américaine et proprement péruvienne. Dans ce but, les auteurs nationaux doivent s’inspirer de ce que font les écrivains contemporains les plus importants, comme ces femmes de

lettres que Cabello admire, notamment Soledad Acosta de Samper et Emilia Pardo Bazán.

Cabello considère que malgré la crise économique et politique, Lima est un lieu particulièrement propice à la création féminine, ce dont l’écrivain s’enorgueillit. Lima donne l’exemple par rapport à d’autres villes et pays où les femmes ne peuvent pas participer à la vie publique. L’élite intellectuelle tout entière est engagée dans la reconstruction de la nation qui a été pillée et saccagée.

Après l’étude de la presse, nous allons analyser les trois étapes que nous distinguons dans la production romanesque de Cabello de Carbonera : l’étape du roman traditionnel, les romans de la récriture et les romans de la transgression. Au fur et à mesure, nous retrouverons les idées développés dans ce chapitre, puisqu’un de nos objectifs est de comparer le positionnement théorique de Cabello et l’application de ses idées dans la fiction. Nous pensons que si certains articles sont très intéressants par leur caractère revendicatif, les romans nous offrent un panorama plus complexe et plus problématique sur la société contemporaine, et en particulier sur la condition féminine.

Chapitre 5