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Chapitre 2 : Université, architecture et mission pédagogique

2.1 Naissance des universités

2.5.1. Outils conceptuels pour l’étude d’un campus

C.C Strange et J. Banning ont analysé l’impact de l’environnement physique et social sur les êtres humains et leurs manières de vivre dans le milieu universitaire.76 Leur étude prend en considération un ensemble de facteurs variés tels que l’impact du cadre bâti et de l’architecture d’un campus selon un ensemble de dimensions liées à la mission des institutions de haut savoir. Ils postulent qu’il est possible d’établir une relation entre l’environnement physique d’un campus universitaire et l’influence de ce dernier sur les

comportements. Partant de là, ils posent la question de la nature de cette relation/cette influence. D’une certaine manière on peut y voir le prolongement des réflexions proposées par Panofsky et Bourdieu. Ainsi, Strange et Banning cherchent à analyser les manières dont la composition physique d’un campus est susceptible de mener à un certain type de comportements, à favoriser certains agissements.77 Dans le cas de notre étude du campus de l’Université de Montréal, nous avons cherché à adopter cette approche en étudiant le projet de développement du futur campus à Outremont, en analysant plus spécifiquement les préoccupations des différents groupes d’acteurs impliqués dans l’élaboration du projet et en mettant à jour les principales orientations du projet.

L’étude de C.C Strange et H. Banning nous servira d’appui afin de faire l’état des différentes avancées théoriques récentes qui ont été développées concernant l’influence de l’environnement sur les comportements. Ils accordent une attention particulière à l’étude de l’aménagement d’ensemble des campus universitaires, en mettant en évidence le fait qu’il est susceptible de créer une « première impression » qui revêt une grande importance dans le choix que font les étudiants entre une institution et une autre. Les étudiants qui effectuent des visites sur des campus en vue de faire un choix pour l’inscription dans une université, peuvent être particulièrement sensibles à plusieurs éléments :

« The basic layout of the campus, open spaces and shaded lawns, the accessibility and clenlines of parking lots, interior collor schemes, the shape and design of a residence hall or classroom building, an impressive fitness center and even the weather on the day of a campus visit all shape initial attitudes in subtle ways ».78

Dans cette continuité, Boyer a réalisé une étude dans laquelle il corrobore l’idée suivant laquelle l’apparence d’ensemble d’un campus est une dimension qui est susceptible d’influencer dans la prise de décision des étudiants lors d’une visite : “The appearance of the campus is, by far, the most influential characteristic during campus visits, and we gained the distinct impression that when it comes to recruiting students, the director of buildings and grounds may be more important than the academic dean”. 79

77 Ibid. p. 12.

78 Ibid. p. 13.

Les auteurs précisent que leur approche se base sur les travaux antérieurs de Sturner et Yankovitch.

79 BOYER, E., College : The Undergraduate Experience in America, HarperCollins, New York, 1987, p.

Nous avons ainsi accordé une attention particulière à cette question dans notre étude du campus de l’UdeM.

Dans notre étude, nous allons retracer l’ensemble de l’histoire du développement de l’institution afin d’évaluer dans quelle mesure cette dimension est présente dans l’histoire du développement du campus sur la montagne. Nous prolongerons ensuite cette réflexion avec l’étude du projet de construction d’un campus annexe à Outremont. Notre démarche concernant l’étude du campus de l’Université de Montréal dans son ensemble se situe dans la continuité des travaux de recherches que l’on connaît sous le nom de Architectural Probabilism. Ce programme de recherche, aussi appelé Environmental Probabilism, s’efforce de traduire la relation probable entre l’environnement physique et les comportements à travers l’étude des campus universitaires. Le postulat repose sur l’idée que certains comportements sont susceptibles d’avoir des liens avec l’environnement bâti dans lequel ils s’inscrivent. Ce courant théorique est en lien avec les Men Environmental studies que nous avons évoqués en introduction, et il marque une rupture avec deux traditions de recherches qui lui sont antérieures.80 Il emboite le pas au courant de recherche appelé Architectural Possibilism où l’on considère que l’environnement physique est perçu comme une source d’opportunités qui peuvent poser des limites, mais ne déterminent pas les comportements. Il offre aussi un point de vue alternatif connu sous le nom d’Architectural Determinism, où l’on considérait que les comportements sont directement déterminés par l’environnement physique.81 Si le premier courant de recherche que nous avons évoqué est quelque peu réducteur, il est intéressant de noter que les trois approches reposent sur la notion essentielle que l’environnement physique du campus, à travers l’aménagement de l’espace et le design des bâtiments, peut influencer et faire une différence dans la vie des étudiants et des visiteurs. 82

Les auteurs avancent l’idée qu’un campus dans son ensemble comme des pavillons en particulier, peuvent aussi véhiculer des idées, des symboles qui seraient exprimés de manière plus ou moins tacite. Il convient alors de s’interroger sur la manière dont un cadre bâti peut véhiculer des messages symboliques. Que ce soit pour un campus universitaire ou un pavillon en particulier, on peut considérer que l’aménagement de l’espace contribue

80 STRANGE C.C & BANNING, J., 2001, op. cit. p. 12-18.

81 ELLEN, R., Environment, Subsistence and System, Cambridge University Press, Cambridge, 1982. 82 STRANGE C.C. & BANNING, J., 2001, op. cit. p. 15.

à créer une atmosphère, un certain « climat social ».83 Ce concept proposé par Moos et ses collaborateurs est composé de trois dimensions essentielles: « relationship dimensions (…), personal growth and development dimensions, and system maintenance and change dimensions ». Il donne pour exemple les salles de classe qui peuvent être selon lui un environnement significatif dans l’étude du « climat social ».84

Dans le cadre de notre recherche, nous avons cherché à vérifier dans quelle mesure on pourrait considérer que l’environnement physique pourrait exprimer des messages de manière « non verbale» à travers l’organisation spatiale des lieux. Pour le dire autrement, il s’agit de voir comment l’environnement physique d’un campus est susceptible de véhiculer des messages symboliques et lesquels. Notre approche concernant cette dimension tout au long de l’étude se base sur les conclusions de Rapoport qui affirme - en parlant des universités - que plusieurs éléments symboliques peuvent être exprimés de manière latente à travers une organisation particulière de l’espace. Ainsi selon lui : « The important link between function and symbol in the physical environment is nonverbally communicates (…).The functionality of the campus physical environment not only affords and constrains certain activities, but it also communicates important nonverbal, symbolic messages » .85 Nous avons ainsi cherché à vérifier dans quelle mesure les préoccupations que l’on a pu mettre à jour concernant le plan de développement du futur campus de l’Université de Montréal à Outremont peuvent révéler des volontés de la part des dirigeants de l’Université et des personnes impliquées dans le processus d’élaboration du projet, d’exprimer des valeurs d’ordre symbolique et lesquelles. Comme le rappelle Brian Edwards, les universités expriment un ensemble de valeurs et de spécificités qui leur sont propres à travers l’architecture des bâtiments et l’aménagement paysager du campus. Dans ce contexte, si l’on admet que l’image que se donne une université est importante et passe par l’architecture et l’aménagement paysager, la réelle question pour une institution de haut savoir revient alors de décider quelle est le type de message qu’elle souhaite

83 MOOS, R. H., The Social Climat Escales : A User’s Guide, CA : Consulting Psychologists Press, Palo

Alto, 1994.

84 MOOS, R. H., The University residence environment scale manual, CA : Consulting Psychologist Press,

Palo Alto, 1988.

85 STRANGE C.C & BANNING, J., 2001, op. cit. p. 16-17.

Les auteurs citent les travaux de A. Rapoport, The Meaning of the Built Environment, CA: Sage, Thousand Oaks, 1982.

projeter.86 Nous avons cherché à tenir compte de ces aspects dans notre étude du projet de construction de campus de l’Université de Montréal à Outremont.

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