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Chapitre 3 : Société de la connaissance et mission pédagogique des universités : vers des évolutions notables

3.4. L’Architecture des universités et les Nouvelles Technologies de l’Information et des Communications appliquées à l’éducation: Une relation étroite.

4.1.5. Des opinions mitigées

Cependant, le résultat ne fait pas l’unanimité, plusieurs critiquent la tour principale : « plus que son style, c’est le gigantisme du pavillon principal qui déroute et irrite certains journalistes invités à l’inauguration ou aux journées portes ouvertes. Le Montréal Daily Star qualifie le pavillon principal de « labyrinthique » et ironise en écrivant que « les autorités universitaires songeraient même à engager des guides pour diriger les visiteurs ».38 Lorsqu’on cherche à comprendre de plus près les raisons du mécontentement des personnes réfractaires au résultat, il semble que « plus que son style, c’est le gigantisme » du pavillon principal qui déroute et irrite des journalistes invités à l’inauguration ou aux journées portes ouvertes en 1944 ».39 Le Devoir titrait peu de temps avant la fin du chantier : « C’est la formule américaine. Les professeurs, les cerveaux importent peu ; c’est le moule qui compte, le moule et les lignes. Plus la tour sera haute, plus les plans seront grandioses et plus aussi l’étiage de la science sera élevé ».40

Malgré ces quelques réticences, l’édifice est devenu emblématique pour l’Université et emblématique pour la montagne du Mont-Royal mais aussi pour la ville de Montréal. Une

35 CHAMEY, Melvin, Saisir Montréal, les Éditions du Jour, Montréal, 1975, p. 23. 36 MAURAULT Olivier, L’Université Montréal, Les Éditions des Dix, 1952, p. 30. 37 GOURNAY, Isabelle, 1990, op. cit. p. 74.

38 FOURNIER, Marcel, 1990, op. cit. p. 59. 39 GOURNAY, Isabelle, 1990, op. cit. p. 76. 40 FOURNIER, Marcel, 1990, op. cit. p. 51.

construction que certains ont pu critiquer, mais qui s’avère au pire, être en avance sur son temps, et très certainement un bâtiment précurseur d’un certain rapport à la modernité. Reste à noter qu’un certain paradoxe teinte cette première étape d’apparition du campus de l’Université de Montréal. En effet, Ernest Cormier s’est donné la peine de revoir les plans initiaux qu’il avait réalisés, pour répondre aux demandes d’un hôpital universitaire intégré au site. Si l’architecte a effectué la besogne qui lui avait été impartie, en revoyant ses plans et en fournissant une nouvelle version en 1927, il convient de préciser que l’hôpital ne verra jamais le jour comme c’était prévu dans les croquis. Plus de vingt ans après l’inauguration du campus principal, la question est encore largement d’actualité : « Rares sont les espèces biologiques dont la période de gestation dépasse 28 mois… Mais chez les Canadiens français, une entité appelée Centre médical de l’Université de Montréal est encore en gestation. Tous les experts consultés sont unanimes. L’accouchement doit être provoqué par une rapide décision du gouvernement de notre province, sans quoi l’élan extraordinaire de la médecine canadienne-française sera entravé (…) ».41

L’histoire de la construction d’un hôpital universitaire pour l’Université de Montréal est un périple qui jusqu’à ce jour, n’a pas pleinement abouti. Pour de plus amples informations sur ce chapitre de l’histoire de l’Université, le récent ouvrage de Robert Lacroix et de Louis Maheu, Le CHUM : une tragédie québécoise, rapporte de manière détaillée les différentes grandes périodes qui se sont succédé concernant le choix du site qui devait l’accueillir.42

4.2) Les différentes grandes périodes de développement du campus sur la montagne

Afin de retracer l’histoire du développement du campus de l’Université, nous avons réalisé des recherches au service des archives de celle-ci. Notre travail a cependant été rapidement simplifié par une étude réalisée par la Chaire de recherche en patrimoine bâti (qui dépend de la faculté d’Aménagement de l’Université de Montréal). Un premier rapport a été rendu public en 2008 et a par la suite donné lieu à un ouvrage portant sur

41 BEAULNES Aurèle, BEDARD Michel, BOIS Pierre, CORDEAU Jean-Pierre, TREMBLAY Gilles, Le Centre médical universitaire. Un passé, une nécessité, Éditions du jour, Montréal, 1965, p. 10.

Comme nous le verrons plus loin dans le chapitre, le projet connaître encore bien des déboires pour au final ne jamais être construit à proximité du campus de l’Université comme ce devait être le cas.

« les valeurs patrimoniales de l’UdeM », publié en 2010. Ces deux supports nous ont été d’un grand concours (ils passent en revue de manière détaillée les différentes périodes de développement du campus). Nous avons aussi obtenu le Plan directeur de 1995 qui inclut un état des lieux du cadre bâti du campus de l’Université pour les différentes périodes de développement qu’elle a connu.

Vue d’ensemble du campus avant la fin des travaux de la première phase de construction

(Archives de l’UdeM. Image numéro 2838.)

4.2.1. Phase I : 1943 à 1961

En 1943, peu de temps après l’inauguration du campus, l’Université de Montréal lance une nouvelle campagne visant à réunir des fonds à l’issue de laquelle un excédent sera même dégagé par rapport aux attentes. « L’initiative dépasse les espérances : près de 2 millions de dollars de plus que l’objectif initial ».43 Cette somme d’argent servira à parachever les ailes ouest de l’édifice principal ainsi qu’à construire deux pavillons destinés à la vie étudiante : la première résidence (Résidence A) et le pavillon J-A De- Sève. Tous deux sont érigés entre 1949 et 1956, et sont l’œuvre de l’architecte Ludger Venne « qui inscrit ces réalisations dans la poursuite du plan initial en les implantant dans les secteurs prévus avec une architecture imprégnée d’une forte ressemblance avec le pavillon principal ». Pendant cette phase, « l’aménagement paysager du site est caractérisé par le tracé continu d’un axe est-ouest qui se veut le prolongement du

boulevard Mont-Royal ».44 L’ensemble peut être perçu comme reflétant bien « l’esprit d’une architecture institutionnelle à tendance moderne de la fin des années 1950 ».45 Au milieu des années 1950, l’École polytechnique qui se situe jusqu’alors en ville et qui commence à faire face à un réel manque d’espace est autorisée par le gouvernement à passer une entente avec l’Université de Montréal et à venir s’établir sur la montagne. L’École rejoindra le campus de l’Université en 1956. Le nouvel édifice construit pour l’accueillir prendra place en amont du pavillon principal.46 Il est l’œuvre de l’architecte Gaston Gagnier. Les travaux seront réalisés avec la collaboration d’E. Cormier, et se feront dans la prolongation des plans initiaux. L’aménagement de l’espace est pensé par l’architecte de manière à garder une « cohérence » avec les premières constructions du campus. Le bâtiment sera agrandi à trois reprises : une première fois en 1974 puis en 1977 et enfin en1987).

Dans un contexte social où il faut faire face à une progressive et incessante augmentation de la population étudiante suite à la démocratisation de l’enseignement supérieur, les besoins d’expansion apparaissent de plus en plus pressants et à partir de 1961-1962, la direction de l’Université va déployer des efforts particuliers pour « planifier » et évaluer les besoins futurs en matière d’expansion. Elle veillera ainsi à la mise en place d’un Plan d’ensemble qui fera l’objet d’une réflexion globale sur le campus et mettra fin aux développements individuels de chacune des facultés et écoles qui jusque-là « traçaient elles-mêmes les voies de leur développement ».47 L’Université de Montréal développe donc une nouvelle approche pour son développement physique. Cette volonté s’inscrit dans une mouvance générale plus large. Comme le rappelle Pierre Merlin, au début des années 1950 encore, « la majorité des campus américains n’avaient pas de stratégie spatiale, l’intérêt pour ce problème est apparu dans les années 1960».48 Cette période est enfin marquée par la fin de la collaboration d’Ernest Cormier au développement du campus de l’Université de Montréal avec même un certain quiproquo

44 CAMERON Christina, DEOM Claudine, VALOIS Nicole, Le patrimoine architectural et paysager de l’Université de Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2010.

45 OUELLET Jean, Boisvert Jean-Claude, PARE Jean, « Plan directeur 1995 ». Service des archives et de

la gestion des documents de l’Université de Montréal.

46 Il sera appelé par la suite pavillon Roger-Gaudry et deviendra le symbole de l’Université de Montréal. 47 Annuaire général de l’Université de Montréal, « Statistiques de l’inscription », 1980.

48 MERLIN, Pierre, L’urbanisme universitaire à l’étranger et en France, Presses Ponts et chaussées,

entre la direction et l’architecte. En effet, en 1961, l’université engage un urbaniste- conseiller afin que celui-ci réalise des études complémentaires à celles de Cormier. Cependant, comme en attestent les courriers échangés à cette époque entre Cormier et les dirigeants de l’université, l’architecte fait ouvertement connaître son mécontentement à cette décision en insistant sur le fait que les conditions dans lesquelles le contrat a initialement été conclu n’allaient pas dans ce sens : « Je dois m’opposer à un tel engagement qui fait double emploi avec l’esprit et la lettre de l’entente qui retient mes services (…) Si au cours des entrevues qui ont précédé cette entente, on m’avait laissé entrevoir la possibilité qu’un urbaniste serait appelé à faire des études complémentaires aux miennes, je n’aurais pas accepté le travail aux mêmes conditions ».49 La collaboration s’achève donc sur un désaccord et l’architecte se retire du projet et ne contribuera plus au développement de l’université bien qu’il soit question de refaire appel à lui en tant qu’intervenant occasionnel au besoin.50 La direction de l’université confie alors à Jean-

Claude La Haye, qu’elle voulait engager pour travailler aux côtés d’Ernest Cormier, le soin de préparer l’aménagement à court terme du campus. Pendant que ce dernier commence à travailler sur le projet, une grande enquête est réalisée en 1963 sous l’initiative de la Commission des études : elle concerne les prévisions sur les sept années à venir. Dès lors, trois autres comités superviseront l’élaboration du projet : un Comité de planification, un Comité de construction ainsi qu’un Comité consultatif d’architecture.51

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