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Chapitre 3 : Société de la connaissance et mission pédagogique des universités : vers des évolutions notables

3.4. L’Architecture des universités et les Nouvelles Technologies de l’Information et des Communications appliquées à l’éducation: Une relation étroite.

4.3.13. Débats autour du couvent des Sœurs-du-Saint-Nom de Jésus-et-de Marie

Le 1420 Mont-Royal est acquis par l’Université de Montréal en 2005 auprès des sœurs du Saint-Nom de Jésus et de Marie, qui ont vendu « un prix nettement en dessous de la valeur du marché leur édifice à l’Université, car elles croyaient que l’établissement d’enseignement supérieur allait poursuivre la mission éducative si chère aux religieuses ».58 Elles ont pour cela refusé près d’une douzaine d’offres « dont certaines plus élevées ».59 Ce bâtiment, inauguré en 1925, était à cette époque « la plus vaste maison mère d’une communauté religieuse de tout le continent américain ». Un espace dans lequel, « une jeune fille pouvait parcourir toutes les étapes de sa formation scolaire, du jardin d’enfants à l’université, dans une verticalité parfaite, modelée par une pédagogie unique ». Ainsi, l’historien Dominique Laperle qualifie cette institution comme étant « un marquage féminin de l’espace plutôt unique dans l’histoire du Québec ». De plus, l’édifice abrite une chapelle, réplique de la basilique romaine Sainte-Marie-Majeure avec un dôme peint par « le

57 Rapport du SGPUM déposé en phase B, 2008, op. cit. p. 20.

58 LAPERLE, Dominique, « Un patrimoine témoin de l’histoire des femmes », Le Devoir, 25 juillet 2008. 59 LABONTE, Benoît, « Mont-Royal : un patrimoine culturel en péril ! », Le Devoir, 5 mars 2009.

vitrailliste » et fresquiste Guido Nincheri ainsi qu’un orgue Casavant opus 1150. On dit de l’acoustique de la chapelle qu’elle est « remarquable ». Enfin, « le bâtiment s’insère harmonieusement au complexe immobilier de l’Université de Montréal. Il se situe juste à côté de la faculté de musique et du pavillon Marie-Victorin, à l’extrémité est du campus ».60 Selon le SGPUM, le réaménagement et la remise à niveau de ce bâtiment représente la solution la plus viable pour répondre rapidement aux secteurs en congestion, tout en construisant parallèlement un pavillon neuf pour les sciences. Par ailleurs, après que l’Université de Montréal ait acquis le bâtiment, des travaux ont été réalisés à l’aide d’une subvention du gouvernement qui avait octroyé des fonds à cette fin. Ainsi, près de 18 millions auraient d'ores et déjà été investis, ce qui pose deux problèmes en cas de revente. On pourrait tout d’abord parler d’une « sérieuse entorse morale à l’entente originale » concernant le caractère éducatif du lieu qui devait être perpétué. Ensuite, la somme investie dans les travaux serait perdue et on peut considérer que cela représenterait une « cavalière façon de disposer des fonds publics ».61

La direction de l’Université de Montréal justifie l’idée de se défaire du 1420 Mont- Royal en avançant l’argument qu’en cours de route, des estimations concernant les travaux de réaménagement sont passées du simple au triple. Cependant, un certain quiproquo entoure cette question comme nous l’avons évoqué précédemment. Il semble que la direction n’a jamais mis à disposition de la communauté universitaire les documents relatifs aux études et aux estimations réalisées. C’est cependant la principale raison invoquée pour expliquer objectivement la volonté de se défaire de ce bâtiment qui a été mis en vente peu de temps après l’acquisition du site du Candian Pacifique. Dès lors, des promoteurs immobiliers ont convoité l’immeuble dans l’optique d’en faire des condos de luxe. Cependant, le SGPUM s’est rapidement mobilisé afin de dénoncer la vente. M. Louis Dumont, alors président du Syndicat rapporte que « la direction de l’Université dit que les rénovations auraient coûté 120 millions, mais il est douteux que nous n’ayons jamais eu accès à ces données ».62 Ainsi, « de façon inattendue, non étayée et jamais expliquée, les coûts des rénovations se sont gonflés de 50 à 120 millions et ont été jugés prohibitifs. Les membres de la communauté universitaire ont demandé à ce que soit créé un comité

60 LABONTE, Benoît, « Mont-Royal : un patrimoine culturel en péril ! », Le Devoir, 5 mars 2009. 61 Ibid.

d’experts pour effectuer une évaluation rigoureuse. Cette démarche s’est heurtée à un mur, la direction de l’établissement refusant de sursoir à sa décision ».63

Si le SGPUM s’est fortement mobilisé, de nombreux citoyens voient aussi la vente de ce bâtiment d’un mauvais œil. Ils sont aussi préoccupés par les conditions dans lesquelles le couvent a été acquis par l’Université de Montréal auprès des SNJM. Il s’agit en quelque sorte d’un problème qui relève de dimensions économico-éthiques. Les conditions dans lesquelles l’Université a acquis le bâtiment, le prix, l’entente tacite avec les religieuses, la valeur patrimoniale du lieu sont autant d’éléments qui suscitent les émois d’une partie de la population. Malgré tout, une offre a rapidement été faite par le promoteur CATANIA afin d’acquérir le bâtiment. Malgré la mobilisation du SGPUM et de groupes de citoyens, les négociations entre la direction de l’Université et la ville sont allées bon train. Un changement de zonage a été rapidement voté. Et le bâtiment a été vendu en 2009. Le projet prévoit cependant la sauvegarde de l’ensemble de la structure du pavillon ainsi que de la chapelle qui sera accessible au public une fois par mois. Malgré les oppositions, donc le projet est en voie de réalisation. Il semble que d'ores et déjà « près d’une vingtaine d’unités ont été vendues ou réservées » et l’édifice a été rebaptisé « château Maplewood ».64 La vocation éducative du lieu est vouée à disparaître si les dernières tentatives de l’opposition ne réussissent pas. En effet, les opposants au projet, « furieux », dénoncent « un changement de zonage illégal » de la part de la Ville de Montréal et ils « comptent poursuivre l’administration Tremblay devant les tribunaux ».65

Au-delà de savoir si la vocation du lieu sera ou non conservée ou encore si la direction de l’Université fait preuve « d’une entorse morale » à l’entente conclue avec les Sœurs du Saint-Nom-de-Jésus-et-de Marie, il est un autre aspect qu’il est important de relever. Plutôt que de faire le choix de conserver un bâtiment qui peut servir à long terme de quelque manière que ce soit à l’Université pour sa mission, en plus de préserver un bâtiment d’une incontestable valeur patrimoniale, la direction semble avoir préféré investir dans un projet où l’accent est mis sur des constructions neuves, en phase avec les exigences pédagogiques du moment. Comme nous l’ont expliqué deux responsables de la Direction

63 SAUL, Samir ; MARSAN, Jean-Claude ; DUMONT, Louis, « Vente d’un immeuble patrimonial de

l’Université de Montréal », Le Devoir, libre-opinion, 28 juillet 2008.

64 CORRIVEAU, Jeanne, « Château Malewood », La Presse, 8 février 2011. 65 Ibid.

des immeubles de l’Université, le bâtiment acquis auprès des Sœurs du SNJM ne peut être réaménagé de manière à répondre aux besoins actuels en termes d’équipements et de normes sécuritaires. Le choix de construire à neuf sur un nouveau campus semble donc se justifier. Cependant, au-delà des aspects que nous venons d’évoquer, il convient de préciser que d’autres universités choisissent de conserver de manière « quasi récurrente » tout ce qu’elles peuvent des bâtiments anciens qui ont une certaine valeur patrimoniale, architecturale et souvent symbolique.66 Nous verrons que d’autres moyens de faire sont envisageables, comme par exemple dans le cas du réaménagement de l’ancien édifice de l’École des HEC Montréal, rue Decelles. Il semble possible de développer des approches qui relèvent davantage d’un « compromis » : on conserve de l’ancien en le « réactualisant » afin de pouvoir répondre aux besoins pédagogiques actuels.

4.3.14. Le Conseil d’Administration de l’Université de Montréal adopte le

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