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Chapitre 3 : Société de la connaissance et mission pédagogique des universités : vers des évolutions notables

3.4. L’Architecture des universités et les Nouvelles Technologies de l’Information et des Communications appliquées à l’éducation: Une relation étroite.

4.1.2. Le choix d’un site et d’un maître d’œuvre

À la fin de l’année 1923, le recteur Mgr. Joseph-Vincent Piette entré en fonction depuis peu, « entreprends une série de visites sur le site de la carrière désaffectée ». Il invite à l’une d’elles l’architecte montréalais Ernest Cormier qu’il convie à observer et étudier rapidement un site incluant le terrain offert par la ville ainsi qu’une parcelle plus large, le terrain du chemin Bellingham et de l’avenue Maplewood, situé sur le Mont- Royal. L’architecte analyse alors le terrain et rend un avis favorable pour y ériger un campus pour l’UdeM. Le site est retenu et l’année suivante, l’Université « achète 27 lots situés en bordure de l’avenue Maplewood », des transactions « coûteuses ». Une seconde phase se caractérise alors par le recours aux services d’un arpenteur, Paul Béique, « auquel on confie la tâche de repérer les lots qu’il reste à acquérir pour parfaire le terrain (…) Les terrains désignés par l’arpenteur seront expropriés (…) des arbres sont émondés, des chemins sont ouverts », la voie pour le futur campus de l’Université de Montréal s’ouvre.17 Lorsqu’on analyse en détail le processus qui mène à la sélection de l’emplacement, on peut s’accorder sur le fait qu’ « à bien mesurer les avantages et les inconvénients, le choix des universitaires se justifie essentiellement d’un point de vue symbolique. En se situant en prolongement de l’oratoire Saint-Joseph et en adoptant une position dominante parallèle à celle de l’Université McGill et de l’hôpital Royal-Victoria sur le versant sud du Mont-Royal, la hiérarchie catholique manifeste haut et fort sa présence à l’horizon de Montréal et dans l’esprit de ses habitants ».18 Le choix de quitter le centre-ville, ses « distractions », s’accompagne donc aussi de la volonté plus ou moins affichée de se distinguer des autres universités montréalaises, de s’affirmer par rapport à elles, en choisissant un site hors du commun, et surélevé. Cette idée est appuyée par Marcel Fournier qui rappelle que lorsque les discussions concernant le choix du site ont débuté, une préoccupation spécifique a orienté la décision dans la mesure où « pour les partisans du Mont-Royal, qui en cela s’inspirent du modèle du campus américain, l’isolement est le premier critère dans le choix du site d’une université : les études exigent, pour les professeurs comme pour les étudiants, des espaces aérés, à l’écart des

17 BIZIER, Hélène, 1993, op. cit. p. 118.

18 GOURNAY, Isabelle, sous la direction de, Ernest Cormier et l’Université de Montréal, Centre

bruits de la ville ».19 Dans un contexte social où les Canadiens francophones étaient fortement minoritaires, le choix du site pour ériger un nouveau campus pour l’université francophone est révélateur d’une volonté d’affirmer une certaine indépendance et d’asseoir une certaine image pour un peuple en infériorité numérique.20

Un concours est initialement prévu pour le choix d’un architecte qui devait avoir lieu au début de l’année 1925. Cependant, suite à sa première collaboration, E. Cormier accompagne -sur invitation- une délégation universitaire qui se rend aux États-Unis au milieu de l’année 1924 afin d’y effectuer des repérages et des observations de campus existants. L’idée à l’origine de ce projet est d’observer ce qui se fait ailleurs afin de s’inspirer des meilleures réalisations. Sa présence « fait douter de la rigueur des concours » qui doivent être organisés au retour du voyage et fera l’objet d’une controverse, non sans fondements dans la mesure où effectivement, au mois de novembre 1925, au retour de la délégation universitaire, sans qu’aucun concours n’ait lieu, Ernest Cormier est engagé par l’Université de Montréal. Pour l’élaboration des plans, une consultation est effectuée et « chacune des facultés de l’université évalue ses besoins et transmet à l’architecte ses commentaires et suggestions ».21 Le processus qui mène à l’élaboration du plan d’ensemble qui sera retenu n’est pas simple. Bien que l’université ait laissé M. Cormier « absolument libre de trouver l’expression plastique qui convient le mieux à son projet »,22 il s’avère que des conversations parfois difficiles ont eu lieu entre l’architecte et les dirigeants de l’UdeM. Un comité est même mis sur pied pour réévaluer les plans de l’architecte. Si le plan d’aménagement global est approuvé, on demande à l’architecte de « réduire au strict minimum et de ne penser qu’à l’indispensable et ne pas recourir au luxe dans les matériaux ».23 L’architecte revoit ses plans à plusieurs reprises et il est amené à intégrer en 1927 un hôpital universitaire dans le plan d’ensemble, afin de satisfaire aux recommandations de la fondation Rockefeller, qui doit contribuer au financement du projet. Ernest Cormier soumet deux topographies différentes pour le plan

19 FOURNIER, Marcel, La construction de l’Université de Montréal sur le Mont-Royal, p.48, dans : Ernest Cormier et l’Université de Montréal, GOURNAY, Isabelle, 1990, op. cit.

20MARSAN, Jean-Claude,Montréal en évolution : historique du développement de l'architecture et de l'environnement urbain montréalais, 1ère édition, Fides, Montréal, 1974.

21 FOURNIER, Marcel, 1990, op. cit. p.49.

22 Lettre du président du comité de Développement et de construction, « Mémoire à Monsieur Ernest

Cormier », 19 avril 1961. Service des archives et de la gestion des documents de l’Université de Montréal, fond A64/A3.2.

d’ensemble. À la fin du mois de décembre 1927, la direction de l’Université privilégie la formule d’un édifice « unique et compact » à celle des pavillons séparés « en raison des coûts élevés d’entretien, de chauffage et de surveillance ».24

Il y a aussi une dimension symbolique à ce choix, « l’un des grands avantages de la construction d’un édifice sous un même toit est aussi de mettre en évidence et en valeur l’unité de l’institution », aspect non négligeable pour une institution en quête d’affirmation identitaire.25 Cependant, lorsque les plans sont rendus publics lors de la présentation d’une maquette du campus au début de l’année 1928, il n’y a « pas le moindre enthousiasme. La tour, le style, l’esthétique tout est contesté ».26

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