• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Société de la connaissance et mission pédagogique des universités : vers des évolutions notables

3.3.4. La question de la concurrence interuniversitaire

Dans le contexte général que l’on vient d’évoquer, on observe une tendance à l’émergence et à l’accentuation d’une forte concurrence interuniversitaire, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. On voit en effet apparaître en quelque sorte un marché mondial de la connaissance, qui s’inscrit dans un contexte de financement difficile et insuffisant quasi généralisé des universités. Précisons qu’au Québec, le financement des universités dépend en grande partie du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) et que la recherche occupe une place importante dans les grandes orientations de développement et les stratégies économiques du pays.38 En effet, le financement des universités est généralement assujetti au nombre d’étudiants inscrits. Il en résulte une compétition entre les institutions qui cherchent à drainer la plus grande quantité d’étudiants possible afin d’augmenter leurs sources de revenus. « La globalisation pousse un segment du monde universitaire, les universités de recherche, dans de nouvelles directions (…) L’éducation est progressivement amenée à être perçue comme un produit à vendre/acheter (…). In well positioned universities, foreign students have become a source of profits ».39 Par ailleurs, bien que la tendance actuelle dans le milieu de la recherche est à la pluridisciplinarité et à la collaboration en réseaux, les universités sont engagées dans une course aux professeurs et chercheurs de renom, dans la mesure où l’octroi de subventions de recherche reste un domaine compétitif.40 En effet, les universités ont intérêt à attirer des chercheurs qui réussissent à obtenir des

37 Ibid. p. 26.

38 Nous reviendrons plus en détail sur cette dimension en fin de chapitre. 39 RENAUD, & PATRICIO, 2008, op. cit.

subventions de recherches importantes ; cela contribue à l’image de l’institution et à sa « côte » dans une perspective concurrentielle à l’échelle internationale. Les efforts déployés par les universités à travers le monde dans ce contexte ont conduit à la reconnaissance plus ou moins généralisée d’un ensemble de critères scientifiques et académiques qui permettent de juger de la qualité, de la notoriété d’une institution universitaire. Des classements mondiaux des universités sont apparus dans ces circonstances, entrainant en quelque sorte la reconnaissance d’une éducation d’élite et des autres. Ce sont les classements du Times et de Shanghai. Le top 100 des universités mondiales est composé à près de 90 % d’universités américaines et européennes. Ces classements reposent sur des critères très subjectifs et ils sont très controversés dans la mesure où ils représentent finalement l’exemple même de la tentative de marchandisation de l’enseignement supérieur à travers la réduction de la société de la connaissance à une économie du savoir.

« Nothing has fuelled more controversies than the exercise of ranking universities world-wide (…) Well-ranked universities use them in their own marketing ».41 En l’occurrence, les critères reposent sur des points tels que le nombre de subventions de recherches perçues, le nombre de prix Nobel obtenus, la quantité de parutions comptabilisées dans des revues scientifiques reconnues, et ne tiennent pas compte de l’« écrémage » qui peut être réalisé à cette fin par certaines universités (au détriment de la démocratisation de l’enseignement peut-on dire), ou encore de la qualité de l’enseignement. Ce classement crée un cadre de références d’élite dans lequel circulent les principales innovations, les connaissances les plus avancées.42 Il en va aussi de l’image que l’université se donne, de la réputation qu’elle se crée dans une société du savoir où l’éducation supérieure s’internationalise, où étudiants et professeurs sont amenés à se mouvoir plus que jamais. De tels classements permettent d’attirer les meilleurs professeurs, les meilleurs étudiants et de maximiser les revenus liés aux frais de scolarité.

41 Wende, M.C. van der & D.F. Westerheijden, “Rankings and Classifications: the Need for a

Multidimensional Approach”, In: F.A. van Vught (Ed). Mapping the Higher Education Landscape.

Towards a European Classification of Higher Education, Springer, 2009, pp.71-87. 42 Dill, D. 2003, op. cit.

« The general goal sought in competition among universities is prestige; an alternative term would be reputation. (…) The fundamental competition involving research universities is the intellectual competition that takes place as these faculties seek to maximize an unusual variety of gain and income ». 43

Ajoutons que les caractéristiques principales qui contribuent à l’obtention de subventions de recherche relèvent essentiellement de facteurs qui portent les enseignants/chercheurs à se concentrer massivement sur le travail de recherche, sur les publications, ainsi que l’obtention de financement pour la recherche de la part d’organismes subventionnaires. Ce processus exige du temps qui peut parfois être pris au détriment des heures de cours dispensées, et de la disponibilité professorale en termes d’encadrement. Il semble que cela pose la question d’un problème qui touche plus spécifiquement les universités de recherche dans l’enseignement supérieur, à savoir celui du délaissement de l’enseignement à l’université au profit de la recherche.

Les problèmes émanant du désengagement du corps professoral par rapport à l’enseignement dans les universités, amène à réfléchir sur la question de la qualité de l’enseignement en premiers cycles. Cette préoccupation est au centre des conversations au Canada, aux États-Unis et en Europe.44 Plus généralement, cela amène à réfléchir sur la notion de qualité académique qui est sujette à des débats autour de l’importance de porter une « attention particulière aux résultats de l’apprentissage des étudiants, les niveaux spécifiques de connaissance, compétence et habilités qu’atteignent les étudiants à la suite de leur engagement dans un programme particulier de collèges ou d’universités ».45

Outline

Documents relatifs