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Chapitre 2 : Université, architecture et mission pédagogique

2.1 Naissance des universités

2.5.2. La place des usagers

La notion d’ « investissement » de la part des usagers d’un pavillon universitaire en particulier peut être un indicateur d’appropriation et d’appréciation concernant les caractéristiques architecturales d’un bâtiment. Si l’on considère par exemple les associations universitaires, on peut penser que l’aménagement de l’espace intérieur d’un bâtiment peut être de nature à favoriser les activités qu’elles organisent. La plus ou moins grande participation à des évènements peut être liée à des facteurs tels que les espaces qui sont supposés les accueillir, et plus généralement, la proximité et la centralité des associations étudiantes peuvent influer sur l’investissement, sur le degré de participation des étudiants dans les activités offertes. Dans la prolongation de cette idée, la présence et la qualité de ce qu’on peut appeler des « lieux de vie », « des espaces de rencontre et de sociabilité » ou encore des « lieux de détente » peuvent avoir une influence sur les interactions entre les usagers d’un pavillon et plus spécifiquement sur la sociabilité. Ces aspects ont fait l’objet d’une attention particulière dans le cadre de l’étude du bâtiment de l’École des HEC Montréal.

Nous formulons ainsi l’hypothèse que l’expérience académique repose sur un ensemble d’éléments parmi lesquels l’agencement de l’espace semble prendre une place considérable (plus particulièrement encore dans un contexte de changements dans les modes d’enseignement et de recherche qui caractérisent l’état de l’éducation supérieure dans le monde (nous verrons qu’on attache aujourd’hui une importance particulière aux notions de pluridisciplinarité et qu’on cherche à favoriser les collaborations entre disciplines et chercheurs de divers horizons académiques). Plus généralement, il s’agit de voir dans quelle mesure l’environnement physique d’un campus dans son ensemble est de nature à pouvoir ou non intensifier la vie académique, et si oui, de quelle manière. Comme le fait remarquer Kuh, la capacité des universités à faire en sorte que les étudiants

s’impliquent plus ou moins dans des formes de vie universitaire fait partie de l’expérience d’apprentissage qui est une des missions fondamentales des institutions de haut savoir.87 En ce sens, dans notre étude du projet de développement du campus de l’Université de Montréal, nous chercherons à voir dans quelle mesure cette dimension fait partie des préoccupations lors de la conception des projets, et nous vérifierons si des caractéristiques en lien avec l’architecture pouvaient être de nature à nous renseigner sur cette question. Dans le cadre d’un campus comme d’un pavillon en particulier, on peut prendre comme indicateur d’ « implication » et d’ « appropriation » de la part des usagers, la plus ou moins grande présence d’espaces verts aménagés, leur répartition plus ou moins stratégique, la présence de lieux pour manger à l’extérieur comme à l’intérieur, la présence et l’emplacement des associations étudiantes, etc. Il y a aussi plus largement l’impact des nouvelles technologies de l’information et des communications (NTIC) qui influent de manière notable sur l’organisation des lieux et les modèles pédagogiques d’éducation.

Notre réflexion s’inscrit donc dans un contexte social de changements dans les modes d’organisation et de fonctionnement des universités au niveau de la mission qui leur est inhérente. Nous avons donc pris soin de mettre à jour ces changements, en précisant la place qu’occupe l’architecture dans ce contexte. Puis nous avons analysé les tendances observées et avons cherché à voir si elles peuvent êtres rapprochées de certains renouveaux amenés par les changements observés dans une société du savoir, arrimée à une économie du savoir. Nous avons donc complété notre recherche par l’étude d’un pavillon en particulier - celui de l’École des HEC Montréal – qui nous a permis de préciser certains éléments mis à jour lors de l’étude du campus de l’Université de Montréal dans son ensemble. Nous avons aussi voulu vérifier la nature du lien entre l’architecture d’un bâtiment universitaire et son influence sur les comportements. Nous avons donc cherché à vérifier dans quelle mesure des spécificités architecturales du nouveau pavillon de l’École des HEC Montréal peuvent favoriser l’investissement des étudiants dans les lieux qu’ils fréquentent et leur appropriation de ceux-ci. Pour cela, nous sommes allés à la rencontre des personnes qui fréquentent l’École des HEC afin d’évaluer le point de vue des usagers à travers deux notions centrales : l’usage et l’appropriation. Si l’on peut porter une

87 KUH, G. D. & All., Involving Colleges : Encouraging Student Learning and Personal Development Through Out-of-Class Experience, Jossey-Bass, San Francisco, 1991.

appréciation quant aux caractéristiques architecturales d’un bâtiment lorsqu’on passe devant celui-ci, par exemple sur l’esthétique d’ensemble, on peut aussi en exprimer une autre en pénétrant dans l’édifice. Il va de soi que ce sont deux dimensions complémentaires d’un même résultat - la construction achevée ; cependant le fait d’évoluer dans un lieu, de le découvrir en détail, voir de l’utiliser pour les diverses fonctions qui lui sont attribuées sont une autre manière de voir et de vivre les choses. Comme le souligne Walter Benjamin : « il y a deux manières d’accueillir un édifice, dit-il, on peu l’utiliser, on peut le regarder. En termes plus précis, l’accueil peut être tactile ou visuel. On méconnaît du tout au tout le sens de cet accueil si l’on n’envisage que l’attitude recueillie qu’adoptent, par exemple, la plupart des voyageurs lorsqu’ils visitent des monuments célèbres (…). L’accueil tactile se fait moins par voie d’attention que par voie d’accoutumance ».88 Rappelons à ce stade de notre réflexion que toute construction s’inscrit dans une volonté de satisfaire à un ensemble de fonctions et qu’elle est pensée puis réalisée à cette fin. Mais si tout lieu à une vocation, si ce n’est plusieurs, auxquelles il est prédestiné, on peut s’interroger sur la manière dont les individus qui fréquentent ces lieux les perçoivent, comment ils en usent, comment ils les comprennent et les investissent et finalement comment évaluent-ils l’influence de l’environnement physique d’un campus dans son ensemble et d’un pavillon en particulier, sur le bon déroulement de leurs expériences d’apprentissage à l’université.

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