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Le débat qui s’est tenu, particulièrement en France du fait de la dualité marquée des 296.

juridictions, a porté sur la nature juridique de la concession. Plus précisément, il s’est agi de déterminer si une concession était un contrat ou un acte administratif unilatéral. Le débat s’est concentré sur l’accord des volontés. Rappelons qu’en droit français, y compris en droit administratif684, un contrat se définit comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs

personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations »685. Or, il existe des

concessions qui sont administratives, par leur auteur ou par leur contenu et qui sont, en outre, des actes unilatéraux indépendants d’un accord de volonté. Certaines concessions sont donc le résultat de la volonté exclusive d’une autorité administrative, quand bien même l’activité est réalisée par un opérateur privé. Ce dernier n’est alors que le destinataire de l’acte et les concessions ainsi formées échappent au droit privé des contrats.

D’autres concessions, en revanche, sont le résultat d’un accord de volonté. Elles ne 297.

portent pas nécessairement sur la gestion d’un service public ou sur la réalisation de travaux publics. Il faut s’accorder sur le caractère administratif ou non de tels contrats de concession, c’est-à-dire réfléchir à leur nature en fonction du domaine sur lequel porte l’activité ou encore eu égard au contenu du contrat686.

684 Delvolvé P., « Les contrats de la « commande publique » », RFDA, 2016, p. 202. L’auteur rappelle, dans

un autre article, que le droit des contrats administratifs, bien qu’autonome par rapport au droit civil, comporte des solutions qui en font une application directe et s’inspire de ses principes, Delvolvé P., « Les nouvelles dispositions du Code civil et le droit administratif », RFDA, 2016, p. 619.

685 Art. 1101 du Code civil.

686 De Laubadère A., Moderne F., et Delvolvé P, Traité des contrats administratifs, LGDJ, Tome 1, 2ème éd.,

Le pluralisme extrinsèque, le réseau contractuel d’entreprises

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En matière d’activité pétrolière et gazière offshore, le contrat de concession consiste, 298.

d’abord, à attribuer des droits d’exploration ou d’exploitation à un ou plusieurs opérateurs privés. Ces droits sont exclusifs ou non, et ils portent sur une aire géographique délimitée. En contrepartie les opérateurs privés explorent, développent, et produisent, le cas échéant, du pétrole ou du gaz selon certaines obligations bien spécifiques et prévues par le contrat de concession687 moyennant une rémunération.

Quelle est ainsi la nature de cette concession minière qui ne porte pas sur la réalisation 299.

d’un service public688, mais tout au plus sur la réalisation d’une activité d’intérêt général689 ? Il

faut analyser l’activité pétrolière et gazière offshore en elle-même pour déterminer si la concession est un contrat et préciser à quel type de contrat elle correspond : un contrat administratif, un contrat privé, un contrat « économique de souveraineté », etc. Le Professeur Pierre Delvolvé signale, dans son Traité de droit administratif, dès 1983, au sujet des concessions minières terrestres, que : « l’évolution du statut de la concession de mine a progressivement fait prévaloir sa nature contractuelle »690 par le renforcement de son caractère

synallagmatique eu égard à la possibilité de la déchéance du propriétaire et à l’existence d’un cahier des charges substantiel. Le contrat de concession minière réalise, selon la grille de lecture contemporaine, la liberté contractuelle des parties prévue par l’article 1102 du Code civil dans les limites de leur respect de l’ordre public691. Sous réserve de la stricte application des clauses

contractuelles potentiellement unilatérales, l’opérateur est autorisé par l’État à explorer et à produire des ressources sur lesquelles l’État exerce des compétences économiques exclusives, et à en tirer des bénéfices. Il importe peu, quant à la nature du contrat de concession, que l’État prenne part à l’activité, réduisant ainsi l’autonomie de l’opérateur privé et ses modes de

687 Ibid., p. 331.

688 La notion de service public est une notion subjective, dans le sens où il appartient à l’État, sous le

contrôle du juge, et sous réserve d’une liberté suffisante pour le législateur de légiférer en ce sens, de déterminer si une activité est de service public ou non. Aujourd’hui, l’État français ne considère pas cette activité comme une activité de service public. L’État ne prend pas en charge cette activité, il autorise un opérateur privé à la réaliser dans le cadre d’obligations contractuelles. L’importance stratégique de cette activité, néanmoins, conduit l’État à interférer dans la sphère contractuelle pure, cf. De Laubadère A., Moderne F., et Delvolvé P., Traité des contrats administratifs, Op. cit., p. 330. Voir également en ce sens, au sujet des concessions minières terrestres, qui ne sont pas considérées comme des travaux publics, CE 04 juin 1925, Cie des houillères lyonnaises, p. 563 ; 16 juin 1933, Ville de Liévin, p. 653 ; 22 novembre 1957, E.D.F. c/ Dame veuve Barlet, p. 640 ; Cons. Préf. Toulouse, 23 décembre 1952, AJDA 1953.II.III ; S., 1953.372.

689 Tous les États historiques producteurs de pétrole mettent en avant le caractère d’intérêt général de

cette activité dans le sens où elle droit profiter, in fine, au développement économique et social de l’État, c’est-à-dire profiter à la population.

690 De Laubadère A., Moderne F., et Delvolvé P., Traité des contrats administratifs, Op. cit., p. 331.

691 L’article 1102 du Code civil prévoit : « Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir

son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public ».

Les relations contractuelles entre les États d’accueil et les entreprises

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rémunération, ou que l’État ne participe pas à l’activité, pour laquelle l’ensemble des risques pèse alors sur l’opérateur privé692.

En réalité, le contrat de concession de mines est de nature mixte693, puisqu’il repose sur

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la combinaison de clauses à caractère règlementaire, c’est par exemple le cas du cahier des charges types, et de nombreuses clauses exorbitantes du droit commun, mais elle repose aussi sur des clauses contractuelles négociées avec les opérateurs privés. Le caractère administratif du contrat de concession, intégré en France aux contrats de la « commande publique », ne fait en revanche pas de doutes694. L’opposition traditionnelle entre contrat administratif et contrat civil,

que certains auteurs qualifient d’artificielle695, tend en tout cas à s’estomper. Dans d’autres États

les difficultés tenant à la qualification des contrats de concession se posent en termes moins dogmatiques et plus pragmatiques, car le dualisme juridictionnel n’est pas aussi marqué, et les catégories du droit privé et du droit public sont plus perméables.

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