• Aucun résultat trouvé

2 Les conventions intégrant partiellement les plateformes

Certaines conventions s’appliquent seulement en partie aux plateformes offshore. On 99.

retrouve à cet égard, les conventions relatives aux pollutions maritimes (a), la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer (b) et la Convention SUA (c).

a - Les conventions relatives aux pollutions maritimes

Il nous faut tout d’abord porter l’attention sur l’existence de deux cas de figure286 qui

100.

appellent un encadrement spécifique. En premier lieu il existe des plateformes qui extraient du pétrole, ou du gaz, et qui bénéficient de capacité de stockage, ce sont les FPSO, ou certaines plateformes gravitaires. Sur ce type de plateforme, des terminaux spécifiques sont mis en place afin que les transporteurs pétroliers récupèrent le produit des forages in situ287. Le second cas de figure est celui de champs où les plateformes offshore, proches de la côte ou dans des environnements stables, sont directement reliées à la terre par des pipelines sous-marins dans lesquels transitent les produits de l’extraction. Dans cette configuration, aucun traitement du pétrole n’est effectué sur place.

Ce schéma introduit des risques de pollution localisés à différents niveaux. Ils peuvent 101.

être centralisés sur le puits et l’acheminement par pipeline, résulter du stockage et du transfert ou peser sur les pétroliers qui viennent s’approvisionner. La nature du produit déversé en mer est également de nature potentiellement différente. Les pétroles déjà traités étant bien plus polluants que ceux qui proviennent directement du puits.

Les risques liés aux puits sont les plus importants en quantité, puisqu’ils sont limités à la seule quantité de la réserve du puits foré si ce dernier ne peut être contrôlé en cas d’accident. Par ailleurs, la pollution ne concerne pas que les substances extraites. Les boues, les eaux traitées, ou les émissions diverses dans l’air émises en de grandes quantités constituent autant de pollutions maritimes288.

286 En réalité trois cas de figure, étant donné que, bien souvent, les FPSO sont accompagnés de plateformes

de forages. Néanmoins, la présence du FPSO détermine principalement la nature du champ.

287 Les FPSO/FSU se voient appliquer un régime juridique spécifique par la Convention MARPOL. Voir la

résolution MEPC.186 (59) qui exclue de son champ d’application « les opérations de transfert d’hydrocarbures concernant des plateformes fixes ou flottantes, y compris les plateformes de forage, les installations flottantes de production, de stockage et de déchargement (FPSO) servant à la production et au stockage d’hydrocarbures au large et les unités flottantes de stockage (FSU) servant au stockage au large d’hydrocarbures de production », Annexe I, règle 40.

288 Le cycle néfaste des émissions sur le réchauffement climatique et, in fine, sur l’acidification des océans

et la montée des eaux, facteurs de réchauffement est indiscutable, v. not. Gattuso J.-P., et alii., « Contrasting futures for ocean and society from different anthropogenic CO2 emissions scenarios », Science, vol. 349, n°6243, Washington, DC, juillet 2015.

Le pluralisme applicable au lieu de travail

59

Ces éléments ont pour conséquence de fragmenter l’applicabilité du cadre conventionnel 102.

des pollutions maritimes aux plateformes offshore. Il nous semble que l’unicité devrait être préservée en la matière ce qui pose la question de l’inclusion partielle des plateformes offshore aux régimes juridiques encadrant les pollutions maritimes.

La convention MARPOL289 entend ainsi par navire « un bâtiment exploité en milieu marin 103.

de quelque type que ce soit et englobe les hydroptères, les aéroglisseurs, les engins submersibles, les engins flottants et les plates-formes fixes ou flottantes ». Néanmoins, la Convention n’adopte pas une approche globale des plateformes offshore puisque des articles et des règles spécifiques leurs sont applicables, notamment en ce qui concerne la prévention des pollutions par hydrocarbures290, la prévention de la pollution par les ordures de navires291, et la

prévention de la pollution de l’atmosphère par les navires292. La Convention détermine donc un

champ d’application général d’inclusion des plateformes, mais procède à des exclusions explicites dans la Convention, ce qui est de nature à rendre incertain le critère premier et général d’application de la Convention aux plateformes offshore. Il est pourtant évident, sans remettre en cause la nécessité d’une approche parfois spécifique, que l’inclusion correspond à l’ambition de la Convention, à savoir la protection du milieu marin contre les pollutions293.

La Convention de Bruxelles sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entrainant 104.

ou pouvant entrainer une pollution par les hydrocarbures de 1969 ne s’applique pas aux installations offshore puisqu’elle s’applique à « tout bâtiment de mer, quel qu'il soit, et tout engin flottant, à l'exception des installations ou autres dispositifs utilisés pour l'exploration du fond des mers, des océans et de leur sous-sol ou l'exploitation de leurs ressources »294. Une telle

application serait de toute manière inopérante étant donné que les plateformes opèrent essentiellement sur le plateau continental et que les réserves de pétrole en haute mer sont extrêmement faibles. Néanmoins, en extrapolant aux autres ressources présentes sous les hauts fonds marins, il peut sembler étonnant que la Convention ne puisse pas s’appliquer à ce secteur en expansion et pour lequel une pollution d’origine accidentelle en haute mer est envisageable.

289 MARPOL pour Maritime Pollution, ou pour la prévention de la pollution par les navires, adoptée le 2

novembre 1973 et entrée en vigueur le 2 octobre 1983. Elle détermine des incriminations avant tout pénales, dans un objectif de prévention et de sanction des pollutions.

290 Annexe I, Règle 21 et ses renvois aux règles 11, 16, 17, ainsi que la Règle 40-2. 291 Annexe IV, Règles 4, 5 et 9 MARPOL.

292 Annexe VI, Règle 6 et règle 19 MARPOL.

293 La Banque Mondiale ne s’y trompe pas, qui fait peser sur les États parties au Groupe Banque Mondiale

impliqués dans un projet offshore de se conformer en matière de protection de l’environnement à la Convention Marpol en certaines matières, notamment de pollution de l’air cf. Environmental, Health and Safety Guidelines Offshore Oil and Gas Development, 2015, point 2.1.1.

294 Art. 2, 2 de la Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969, sur l’intervention en haute mer en cas

Le pluralisme intrinsèque, les travailleurs

60

La Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la 105.

pollution par les hydrocarbures de 1969, envisage le navire comme « tout bâtiment de mer ou engin marin, quel qu'il soit, qui transporte effectivement des hydrocarbures en vrac en tant que cargaison ». Les plateformes offshore semblent donc exclues de la Convention puisqu’elles n’ont pas pour activité le transport d’hydrocarbures mais bien leur extraction et, éventuellement, leur stockage, voire le traitement, que ce soit sur la plateforme ou sous la mer295.

Enfin la Convention sur la prévention de la pollution des mers résultat de l’immersion de 106.

déchets de 1972, définie les navires comme des « véhicules circulant sur l'eau ou dans l'eau, quel qu'en soit le type. L'expression englobe les véhicules sur coussins d'air et les engins flottants, qu'ils soient autopropulsés ou non »296. Ici, l’inclusion est plus nette, bien que la Convention

fasse référence aux véhicules circulant sur l’eau ou dans l’eau et non à un véhicule en état d’immobilité. Avec certitude, cette Convention s’applique aux plateformes en mouvement sans distinction entre celles qui sont autopropulsées, c’est-à-dire autonomes, et celles qui sont remorquées.

b - La Convention de Montego Bay sur le droit de la mer de 1982297

La Convention de Montego Bay ne propose pas de définition des plateformes offshore, 107.

pas plus qu’elle n’en évoque le cas dans son champ d’application. Ce n’est pas son but. Elle entend délimiter les espaces et l’intensité de la souveraineté des États sur ces espaces, sous divers aspects. Les activités offshore néanmoins, déjà développées au moment de la rédaction de la Convention, ne sont pas totalement ignorées. La CMB propose un régime distinct de celui du navire 298 sur plusieurs points qui tiennent à la territorialité de l’activité. Elle différencie le

navire des installations et des autres ouvrages en mer, d’une part, et elle envisage cette dernière catégorie, d’autre part. Il est donc nécessaire de ranger la CMB au sein des Conventions applicables en partie aux plateformes offshore.

La finalité de la Convention tient principalement à la souveraineté des États, aux 108.

rapports interétatiques, au régime de détermination des zones d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles dont l’État est propriétaire. Les questions sont territoriales, et extraterritoriales lorsqu’il s’agit de déterminer les compétences relatives à l’action de l’État en mer sur des territoires étrangers. Les finalités du droit de la mer distinguent en ce sens les

295 Art. 1, 1 de la Convention sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par

hydrocarbures de 1969.

296 Art. 3, point 2.

297 La CMB a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 98/392/CE du Conseil,

du 23 mars 1998, JO L, 179, p. 1.

Le pluralisme applicable au lieu de travail

61

navires des plateformes offshore, puisque ces dernières sont des territoires sur lesquels l’État côtier, celui du lieu des explorations ou de la production, exerce une souveraineté autrement plus intense que sur le navire 299.

L’État côtier a, dans la zone économique exclusive, ainsi que sur le plateau continental300,

juridiction concernant la mise en place et l’utilisation d’installations et d’ouvrages301. Par

ailleurs, au sein de sa zone économique exclusive et sur son plateau continental, l’État côtier a le droit exclusif de procéder à la construction et d’autoriser et de réglementer la construction, l’exploitation et l’utilisation d’installations et d’ouvrages affectés aux fins d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles des fonds marins et du sous-sol302. L'État côtier a

juridiction exclusive sur ces installations et ouvrages, y compris en matière de lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires, de sécurité et d'immigration303.

Le régime distinct entre le navire et la plateforme offshore est à nuancer. D’abord, 109.

certains articles spécifiques, bien que distinguant les installations et autres ouvrages des navires, s’appliquent de façon équivalente aux deux. Ainsi, concernant l’ouverture par les États d’une enquête sur tout accident de mer ou de navigation impliquant des éléments d’extranéité, le régime est similaire304. C’est également le cas au sujet de l’encadrement des émissions radio

en haute mer305, bien que les plateformes soient très peu en haute mer, si ce n’est lors de leur

période de navigation ou de transport.

L’affaire du détroit de Grand-Belt, portée en 1991 devant la Cour internationale de 110.

Justice306 et opposant le Danemark et la Finlande, demeure intéressante au regard de la

qualification juridique des plateformes offshore à travers la mise en œuvre de la Convention de Montego Bay. Le litige est né au sujet de la construction d’un pont par le Danemark au-dessus du détroit de Grand-Belt. Plus précisément l’opposition de la Finlande à ce projet concernait le respect de son droit de passage dans ce détroit utilisé pour la navigation internationale. Le

299 Le mouvement contemporain d’emprise des États côtiers sur le navire n’est cependant pas à négliger

mais il n’est pas comparable à celui qui existe à l’égard des plateformes offshore.

300 Art. 80 CMB.

301 Art. 56, 1. b), i) CMB.

302 Art. 60, 1. b) et son renvoi à l’art. 56 CMB. 303 Art. 60, 2. CMB.

304 Art. 94, 7 CMB

.

305 Art 109 CMB.

306 La requête introductive d’instance contre le Danemark a été déposée par la Finlande le 17 mai 1991,

date à laquelle elle a été enregistrée par le greffe de la Cour internationale de Justice. Plus précisément, les résultats de la négociation menée par la Finlande et le Danemark découlent de la demande en indication de mesures conservatoires prononcée par la Cour à travers une ordonnance du 29 juillet 1991 ; cf. Decaux E., « L'affaire du passage dans le Grand-Belt (Finlande c. Danemark). Demande en indication de mesures conservatoires. Ordonnance du 29 juillet 1991 », AFDI, 1991, vol. 3, n° 1 pp. 444-454, Koskenniemi M., « L'affaire du passage par le Grand-Belt », AFDI, 1992, vol. 38, n°1 pp. 905-947, et Bonassies P., Scapel C., Traité de droit maritime, Op. cit., p. 43, note 36.

Le pluralisme intrinsèque, les travailleurs

62

Danemark entendait, de son côté, faire valoir son droit, en tant qu’État côtier, de construire ce pont sur son territoire. À l’appui de ses demandes, la Finlande estimait que les plateformes offshore, il s’agissait de plateformes mobiles, devaient être assimilées à des navires dans le cadre de l’application de la Convention de Montego Bay. Elles bénéficiaient à ce titre d’un droit de passage dans les détroits internationaux307. Or, la hauteur du pont qu’envisageait de construire

le Danemark empêchait ce passage. Par ailleurs, la demande de la Finlande posait la question plus générale de « la pertinence de la prise en considération des développements prévisibles dans la technologie des navires »308. Le Danemark argumentait que la projection de ce que

pourraient être les navires et autres installations du futur ne devait pas entrer en considération ni dans l’évaluation d’un potentiel préjudice occasionné, ni dans l’étude du non-respect du droit de passage. Le Danemark ne contestait ainsi pas directement le statut de navire de la plateforme, mais plutôt le fait qu’aucune plateforme en activité dans la zone n’aurait été empêchée de passer par la construction du pont et que la Cour ne pouvait pas se référer à de futures constructions pour déterminer le non-respect du droit de passage.

Finalement, la Cour n’a pas eu à se prononcer sur le fond du litige, notamment sur la 111.

qualification de « navire » des plateformes, le litige ayant été réglé à l’amiable en 1992. Toutefois, le fond de l’affaire nous semble aller dans le sens d’une approche fonctionnaliste. L’article portant sur l’entrave à la navigation de navires nous paraît à ce titre être applicable aux plateformes offshore.

c - La Convention SUA309

Au titre des conventions qui relèvent d’une approche par le droit de la mer et le droit 112.

international pénal maritime, la Convention internationale pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, du 10 mars 1988, entrée en vigueur le 1er mars

1992 et modifiée en 2005310, est intéressante. Cette dernière définit le navire comme « un

bâtiment de mer de quelque type que ce soit qui n’est pas attaché en permanence au fond de la

307 « Dans les détroits [qui servent à la navigation internationale], tous les navires et aéronefs jouissent du

droit de passage en transit sans entrave, à cette restriction près que ce droit ne s'étend pas aux détroits formés par le territoire continental d'un État et une île appartenant à cet État, lorsqu'il existe au large de l'île une route de haute mer, ou une route passant par une zone économique exclusive, de commodité comparable du point de la navigation et des caractéristiques hydrographiques », Art. 38 CMB.

308 Koskenniemi M., « L'affaire du passage par le Grand-Belt », Op. cit., pp. 920 et s.

309 SUA, pour Suppression of Unlawful Acts. La Convention a été ratifiée par la France, le 17 novembre

2017, à travers la loi n° 2017-1576 du 17 novembre 2017 autorisant la ratification du protocole relatif à la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole relatif au protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, JORF, n°0269 du 18 novembre 2017, texte n°2.

Le pluralisme applicable au lieu de travail

63

mer et englobe les engins flottants à portance dynamique, les engins submersibles et tous les autres engins flottants »311.

La Convention s’applique donc expressément aux plateformes offshore sous réserve qu’elles ne soient pas attachées en permanence au fond de la mer. La Convention SUA distingue ainsi les plateformes fixes, attachées au fonds marin de façon permanente et pour lesquelles elle prévoit un régime juridique particulier, des plateformes flottantes et semi-submersibles, au moins certaines d’entre elles. Elle fait, en ce sens, référence à la nature de l’installation en cause.

Concernant les plateformes fixes, un protocole ad hoc a été adopté312 qui met en œuvre

113.

un régime différent de celui applicable aux navires et autres bâtiments de mer, tels que définis dans la Convention principale. Le protocole précise qu’une plateforme fixe « désigne une île artificielle, une installation ou un ouvrage attaché en permanence au fond de la mer aux fins de l’exploration ou de l’exploitation de ressources ou à d’autres fins économiques »313. Ce dualisme

est renforcé par une deuxième série de protocoles de 2005. Le premier s’applique aux bâtiments de mer tels que prévus par la Convention de 1988 auquel se joint un protocole de 2005 (protocole du protocole)314, qui ne concerne que les plateformes fixes.

Alors que la Convention SUA envisage des capacités d’action a priori315 en matière 114.

d’arraisonnement des navires suspectés, et a posteriori de façon plus classique, le protocole relatif aux plateformes fixes n’envisage que la dimension a posteriori, en dressant la liste des incriminations316 et en établissant les compétences juridictionnelles317. L’article 8 bis du

protocole de 2005 n’est en effet pas repris dans le protocole au protocole SUA de 2005.

Malgré la mise en œuvre d’un régime distinct pour les plateformes fixes ou les plateformes attachées de façon permanente au fond de la mer, une large partie de l’encadrement juridique de SUA est applicable aux plateformes fixes à travers les protocoles. Le danger encouru par la réalisation d’un acte malveillant à l’encontre d’une plateforme offshore ou par la prise de contrôle de cette dernière nécessite des réponses qui puisent leur source dans ce qui est applicable au navire.

Outline

Documents relatifs