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Les relations de travail offshore : Contribution à l'étude du pluralisme juridique

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-02160549

https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-02160549

Submitted on 19 Jun 2019

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Les relations de travail offshore : Contribution à l’étude

du pluralisme juridique

Florian Thomas

To cite this version:

Florian Thomas. Les relations de travail offshore : Contribution à l’étude du pluralisme juridique. Droit. Université de Nantes, 2018. Français. �tel-02160549�

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Florian THOMAS

Mémoire présenté en vue de l’obtention du

grade de Docteur de l'Université de Nantes

sous le sceau de l’Université Bretagne Loire

École doctorale : Droit et Sciences Politiques Discipline : Droit privé

Unité de recherche : Centre de Droit Maritime et Océanique (EA 1165) Soutenue le 5 Février 2018

Les relations de travail offshore

Contribution à l’étude du pluralisme juridique

JURY

Rapporteurs : Mme Isabelle DAUGAREILH, Directeur de recherche au CNRS, Université de Bordeaux

Mme Fabienne JAULT-SESEKE, Professeur à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Examinateurs : Mme Valérie PIRONON, Professeur à l’Université de Nantes

M. Gilles LHUILIER, Professeur à l’École Normale Supérieure de Rennes, et FMSH Paris

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V

L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans

cette thèse ; ces opinions devront être considérées comme propres à leur auteur.

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VII

Remerciements,

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude au Professeur Patrick Chaumette, pour avoir dirigé ce travail et pour sa disponibilité infaillible et éclairée tout au long de ces années.

Ce travail est le fruit de nombreux échanges. Que tous ceux qui ont contribué à stimuler ma réflexion soient ici remerciés.

J’ai une pensée toute particulière pour ma famille, qui m’a toujours accompagné, soutenu. J’adresse à Auriane ces derniers mots. Tu as, simplement, rendu l’achèvement de ce travail possible.

La publication de la thèse a reçu un financement de la part du Conseil européen de la

recherche (ERC) dans le cadre du Septième Programme-cadre (7

ème

PCRD) de l’Union

européenne (FP7/2007/2013)/ERC 2013, accord de convention de subvention n° 340770

Human Sea, animé par le professeur Patrick Chaumette.

Titre : Les relations de travail offshore

Contribution à l’étude du pluralisme juridique ISBN : 978-2-7314-1133-1

PRESSES UNIVERSITAIRES D’AIX-MARSEILLE – 2019 Collection droit maritime aérien et des transports

29, avenue Robert Schuman - 13621 Aix-en-Provence Cedex puam@univ-amu.fr – http://presses-universitaires.univ-amu.fr/

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IX

Préface

Patrick CHAUMETTE

Professeur de droit à l’Université de Nantes, ERC Human Sea, Advanced Grant 2013, n° 349770

« Tikannen révisait avant chaque rencontre. Steel le Texan, vétéran de l’épopée pétrolière

norvégienne, arrivé en mer du Nord au milieu des années 1960, à l’époque où les Norvégiens commençaient à sentir l’odeur du pétrole, mais savaient tout au mieux écailler leurs morues. Des paysans et des pêcheurs qui ne connaissaient rien aux hydrocarbures et qui avaient fait venir des gens de partout ... »1. « Dans une génération, cette partie là des eaux norvégiennes serait le nouvel

eldorado du royaume. La mer du Nord était en passe d’être reléguée dans les pages Histoire de l’épopée industrielle du pays »2

. « Avec les gisements que vous développez en mer de Barents, laisse

moi te dire une chose. A cause de vous, la Norvège est un pays pollueur, en dépit de toutes les belles paroles de votre gouvernement. Et encore une chose. Si on veut rester dans la limite d‘un réchauffement du climat de la planète à deux degrés, au-delà desquels on va dans le mur, il faut laisser les deux tiers des réserves prouvées de pétrole, de gaz et de charbon sous terre » 3.

Dans son roman policier, Olivier TRUC s’intéresse aux impacts des installations industrielles de l’exploitation pétrolière et gazière offshore en Arctique sur les pâturages de la toundra et les transhumances des communautés Samies, ainsi qu’aux risques professionnels des plongeurs qui ont expérimenté les plongées profondes en mer du Nord dans les années 1970-80.

Florian THOMAS nous propose une recherche doctorale sur les relations juridiques et de travail des opérateurs en mer, Les relations de travail offshore. Contribution à l’étude du pluralisme juridique4. Cette recherche a fait l’objet d’un financement de trois ans du Conseil régional des Pays de la Loire. Il a pu bénéficier d’un séjour de recherche de 6 mois en Louisiane, à Bâton Rouge, qui lui a permis une approche comparative, avec l’accès à une importante documentation anglophone. Cette recherche doctorale anticipait sur le programme européen Human Sea, ERC Advanced Grant 2013, conduit de

1 Olivier TRUC, Le détroit du loup, Ed. Métailé, coll. Points, 2014, p. 61. 2 O. TRUC , préc. p. 361.

3 O. TRUC , préc. p. 380. Dans le même sens, R. SCHUMM, J. ROCHETTE & L. CHABASON, « Pourquoi il faut

protéger les zones marines vulnérables des activités pétrolières et gazières », IDRRI, 13 février 2018, https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/pourquoi-il-faut-proteger-les-zones-marines-vulnerables .

4 Cette thèse de doctorat a été soutenue à l’université de Nantes, le 5 février 2018, devant un jury composé

de Mme Isabelle DAUGAREILH – directrice de recherche au CNRS – Université de Bordeaux – rapporteur, Mme Fabienne JAULT-SESEKE – professeure des universités – Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines – rapporteur, Mr. Gilles LHUILIER – professeur des universités – Université Rennes I, Mme Valérie PIRONON – Professeur des Universités – Université de Nantes et Mr. Patrick CHAUMETTE – professeur des universités – Université de Nantes – directeur de thèse.

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X

mars 2014 à février 2019, portant sur les interrogations juridiques induites par les nouvelles activités en mer, permises par les innovations technologiques. Les énergies renouvelables ont évidemment été visitées, ainsi que le gaz et pétrole offshore, activité plus ancienne et énergies fossiles5.

Il est dommageable que les services du Conseil régional traite toutes les thèses sur le même modèle, exigeant une soutenance dans un délai de cinq années, ignorant la dimension culturelle, documentaire de la recherche en sciences humaines et sociales. Les stimuli reçus par les doctorants, contradictoires entre nos sections du Conseil National des Universités (CNU), nos Écoles doctorales, parfois et de plus en plus nos financeurs, seraient susceptibles de les conduire en folie, ainsi que leurs directeurs de thèses. Si la thèse de Florian THOMAS lui a pris un peu plus de cinq années (un excès de 3 mois pour les services régionaux), ce délai est inférieur à la moyenne de durée des thèses en droit, même financées par des contrats doctoraux.

Énergies fossiles offshore et transition énergétique

Les activités d’exploration et d’exploitation de pétrole et de gaz en mer se sont considérablement développées ces dernières décennies. Près d’un tiers du pétrole et le quart du gaz naturel proviennent des gisements sous-marins. Le nombre de plateformes existantes est évalué à 17 000 ; entre 2 500 et 3 000 installations devraient être démantelées d’ici 2040, quand il s’agit de 120 chaque année actuellement, selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE). Dans le golfe du Mexique, plus de 500 plateformes ont déjà été converties en récifs artificiels permanents. La baisse récente du prix du baril a considérablement ralenti les investissements. Mais les cours sont remontés en 2018. Les entreprises s’efforcent de réduire les coûts. ENI a mis en production le champ gazier Nooros découvert en juillet 2015, dans les eaux égyptiennes, et Zohr dont la production a démarré en septembre 2017. L’est de la Méditerranée semble prometteur. Total a annoncé, en juillet 2018, que le projet Ichthys, en Australie, a franchi une étape majeure avec la mise en production du premier puits offshore, qui marque le début d’une quarantaine d'années d’exploitation de ce champ de gaz et condensats. À pleine capacité, les installations en mer devraient produire 285 000 barils équivalent pétrole par jour et 85 000 barils de condensats par jour. Ce gaz alimentera une usine de gaz naturel liquéfié (GNL) à terre, d'une capacité de 8,9 millions de tonnes de GNL par an destinées au marché asiatique.

Divers accidents, Piper Alpha en Mer du Nord en juillet 1988 (167 morts), Montara en 2009 en Australie, Deepwater Horizon aux USA en 2010, Penglai en Chine en 2011, Elgin au Royaume-Uni en 2012, Kulluk en 2012 aux USA, ont démontré que les risques écologiques pouvaient se transformer

5 P. CHAUMETTE (dir.), Economic challenge and new maritime risks management : What blue growth ? – Challenge économique et maîtrise des nouveaux risques maritimes : Quelle croissance bleue ?, Gomylex Editorial, Bilbao, 2017, 480p.

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XI

en dommages. Ces accidents ont relancé les débats sur la nécessité d’un cadre juridique international6

. Des conventions internationales concernent les pollutions dues aux navires pétroliers, mais non les installations offshore7. À la fin des années 1970, le Comité Maritime International (CMI) a élaboré, à la demande de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), un projet de convention sur les engins mobiles offshore, projet révisé en 1990 ; en 1996 l’Association canadienne de droit maritime publie un document de discussion, révisé en 2000 ; en 2004, le groupe de travail du CMI constate le faible soutien à toute cette initiative. Plusieurs accords internationaux concernant des mers régionales prennent en compte les risques créés par les activités offshore et fixent des règles de prévention8. Il existe actuellement 15 accords internationaux de dimension régionale couvrant la Baltique, la Mer Méditerranée, le golfe Persique, la Mer Rouge et le golfe d'Aden, l'Afrique occidentale et centrale, les Caraïbes, le Pacifique Sud-Est, l'Afrique orientale, le Pacifique Nord-Ouest, l'Asie du Sud, l'Asie orientale et le Sud Pacifique, la Mer Noire et le Pacifique Nord-Est, puis très récemment la Mer Caspienne. La Convention d'Helsinki sur les États de la Mer Baltique du 22 mars 1974 est la plus ancienne ; sa révision du 9 avril 1992 a introduit des principes de précaution et le principe du pollueur-payeur. La Convention de Barcelone du 16 février 1976, telle que modifiée le 10 juin 1995, concerne la Mer Méditerranée, une mer semi-fermée ; avec ses nombreux protocoles, il s’agit d’un modèle, d’un système que les autres conventions régionales se sont efforcées de suivre avec le ferme appui du Programme des Nations Unies pour l’environnement. La Convention OSPAR de 1992 concerne l'Atlantique Nord-Est, avec une Commission Osparcom. Depuis 2010, Ospar se concentre sur la protection de la biodiversité en mer. Enfin, des aires marines protégées ont été créées, notamment en haute mer (mont Milne).

La directive 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer adopte également une approche régionale9. La directive

6 J. ROCHETTE, « Activités pétrolières et gazières en offshore et protection de l’environnement », in Le contentieux extractif, A. NGWANZA & G. LHUILLIER (dir.), ICC, Paris, Chambre de Commerce Internationale, 2015, pp. 125-136.

7 P. CAMERON (2012), « Liability for catastrophic risk in the oil and gas industry », International Energy Law Review, Volume 6, pp. 207-219 – T. SCOVAZZI (2012), « Maritime accidents with particular emphasis on liability and compensation for damage from the exploitation of mineral resources of the seabed», in de Guttry A. et al. (Eds), International disaster response law, Asser Press, The Hague (The Netherlands), 2012, pp. 287-320.

8 J. ROCHETTE & L. CHABASON, « L’approche régionale de préservation du milieu marin : l’expérience des

mers régionales », in Regards sur la Terre 2011, JACQUET P., PACHAURI R. & TUBIANA L., Armand Colin, Paris 2011, pp. 111-121 – ROCHETTE J., WEMAËRE M., CHABASON L. & CALLET S., En finir avec le bleu pétrole : pour une meilleure régulation des activités pétrolières et gazières offshore, Studies N° 01/2014. IDDRI, Paris, 2014. 40p. « Seeing beyond the horizon for deepwater oil and gas : strengthening the international regulation of offshore exploration and exploitation », IDDRI, Study N°01/14, 36 pages.

http://www.iddri.org/Publications/Collections/Analyses/Study0114_JR%20et%20al_offshore_FR.pdf .

9 P. THIEFFRY, « Un régime « Seveso » pour les accidents majeurs liés aux opérations pétrolières et gazières en

mer (Directive 2013/30 du 12 juin 2013, relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer et modifiant la directive 2004/35/CE) », Rev. Trimestrielle de Droit Européen, Dalloz, 2014 p. 553 et s. – P. CHAUMETTE, « Opérations pétrolières et gazières en mer – Adaptation du code minier français au droit de l’Union européenne », 6 janvier 2016, https://humansea.hypotheses.org/405.

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XII

s’applique rationae loci « dans la mer territoriale, dans la zone économique exclusive ou sur le plateau continental d’un État membre au sens de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer » (art. 2, § 2). Ne sont donc concernées ni les opérations effectuées dans les eaux intérieures des États membres, ni celles effectuées en haute mer. Au titre de la prévention, les États membres doivent imposer aux exploitants de « veiller à ce que toutes les mesures adéquates soient prises pour prévenir les accidents majeurs lors des opérations pétrolières et gazières en mer », et de prendre « toutes les mesures adéquates », lorsqu’ils se produisent néanmoins, pour limiter les conséquences de tels accidents pour la santé humaine et l’environnement. Plus généralement, les exploitants doivent exercer leurs activités « sur la base d’une gestion systématique des risques » afin que ceux-ci « soient rendus acceptables » (art. 3) 10.

La loi française n° 2015-1567 du 2 décembre 2015 modifie le code minier en vue de la transposition de la directive 2013/30/UE du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer, qui a modifié la directive 2004/35/CE. La directive comporte des lacunes quant aux mesures de sécurité imposées aux industriels, notamment concernant le démantèlement des installations ; ces mesures ne comportent pas de contrôles européens, qui sont laissés aux États membres ; la directive ne tend pas à responsabiliser les industriels européens pour leurs installations dans des États tiers.

La loi française n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 met fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et porte diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement. Les concessions en cours sont maintenues jusqu’en 2040 mais, jusqu’à présent, les campagnes d’exploration n’ont pas détecté des réserves spécifiques au fond des eaux françaises11. Elle participe de la transition énergique et marque l’empreinte du Ministre de la Transition Écologique et Solidaire, Nicolas Hulot.

Selon l’introduction générale de ce projet de loi, la politique énergétique de la France vise à favoriser le développement des énergies renouvelables et à réduire la consommation des énergies fossiles, au nombre desquelles figurent les hydrocarbures liquides et gazeux, afin de contribuer à l’objectif de lutte contre le changement climatique qui doit permettre de maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5/2°C. Cette politique vise également à assurer la sécurité d’approvisionnement et à garantir la compétitivité des prix de l’énergie. Pour atteindre ces objectifs, l'essentiel des réserves d'hydrocarbures déjà identifiées à l'échelle planétaire devra rester dans le sous-sol. L’exploration d'aujourd'hui aboutira à une production d’hydrocarbures dans quinze ou vingt ans seulement. Or, la

10 P. VOLONDAT, « L'engagement environnemental des industriels du secteur pétrolier et gazier

offshore », Neptunus, e.revue, Université de Nantes, vol. 24, 2018/ 1, www.cdmo.univ-nantes.fr, et « Le défi européen de sécurisation des activités pétrolières et gazières offshore », in P. CHAUMETTE (dir.), Wealth and miseries of the oceans: Conservation, Resources and Borders - Richesses et misères des océans : Conservation, Ressources et Frontières, Gomylex Editorial, Bilbao, 2018, pp. 175-201.

11 P. CHAUMETTE, « La fin du pétrole offshore ? Au-delà du symbole ? », 11 décembre 2017,

https://humansea.hypotheses.org/945 - P. CHAUMETTE (dir.), Wealth and miseries of the oceans : Conservation,

Resources and Borders – Richesses et misères des océans : Conservation, Ressources et Frontières, Gomylex Editorial, Bilbao, 2018.

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XIII

politique énergétique volontariste menée depuis plusieurs années et qui a vocation à se poursuivre aura conduit à une réduction importante de la part des hydrocarbures dans notre mix énergétique d'ici 2040-2050.

Par ailleurs, alors que les gisements actuellement exploités s'amenuisent (déclin de l'ordre de 5 à 10% par an12), ne plus délivrer de nouveaux permis d’exploration conduira à une extinction progressive de la production nationale résiduelle d'hydrocarbures, qui est déjà à un niveau très faible puisqu'elle représente aujourd'hui moins de 1% de notre consommation. Les efforts menés en faveur de la transition énergétique conduisent également à réduire cette production nationale à un rythme plus soutenu que le déclin naturel des gisements et en même temps à poursuivre les efforts pour développer les énergies renouvelables et réduire de manière significative notre consommation en énergies fossiles.

Dans ce contexte, il n'est pas opportun de poursuivre l'exploration des hydrocarbures pour découvrir toujours plus de réserves à produire dans les décennies à venir. C'est pourquoi il a été décidé de ne plus attribuer de nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbures sur l'ensemble du territoire national.

Ce faisant, la loi met en œuvre une action importante, tant en elle-même que par sa portée d'exemplarité et d'entraînement, pour la lutte contre le changement climatique, élément clé de la protection de l'environnement, de la santé humaine et de la biodiversité, la protection de l'environnement étant inscrite dans la Charte de l'environnement adoptée en 2005. Le réchauffement climatique touche toutes les régions du monde. Fonte des glaces, élévation du niveau des mers, modification des précipitations, conditions météorologiques extrêmes plus fréquentes ont une incidence sur l'environnement (épisodes de sécheresse ou inondations suivant les régions), et donc sur l'agriculture, sur la santé humaine ou la vie sauvage13.

Le chapitre Ier et le chapitre VII du projet de loi mettent en œuvre l’axe 9 du Plan Climat du Gouvernement du 6 juillet 2017 : « laisser les hydrocarbures dans le sous-sol ». Les chapitres II à V du projet de loi contiennent diverses dispositions permettant de mieux protéger les consommateurs d’énergie afin :

- d’autoriser le gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre des dispositions concernant la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel des consommateurs français, et en particulier la mise en place d’une régulation pour les infrastructures de stockages souterrains de gaz permettant de mieux garantir la disponibilité du gaz en hiver, tout en maîtrisant le coût de cette sécurité pour les consommateurs ;

12 Source : Projections de production après analyse des données fournies par les opérateurs, Direction générale

de l’énergie et du climat, Ministère de la Transition Écologique et de l’Énergie.

13 Les conséquences du réchauffement climatique, site de la Commission européenne : https://ec.europa.eu/clima/change/consequences_fr.

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- de préciser la compétence de la Commission de régulation de l’énergie en matière de rémunération des prestations de gestion de clientèle effectuées par les fournisseurs d’énergie pour le compte des gestionnaires de réseau de distribution, afin que cette rémunération soit fixée de manière transparente pour tous les fournisseurs, et n’induise pas de surcoût pour les consommateurs ;

- d’assurer la transposition des dispositions de la directive européenne (UE) 2015/1513 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 modifiant la directive 98/70/CE concernant la qualité de l'essence et des carburants diesel et modifiant la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables qui relèvent de la loi, et permettent d’assurer la qualité des biocarburants, tant en termes de réduction de leur empreinte carbone que de critères de durabilité.

En résumé, la loi s’applique à l’ensemble des zones sous juridiction de la République française, à terre comme en mer, sous réserve des droits reconnus et des compétences dévolues aux collectivités mer par les régimes qui leur sont applicables. Il est applicable dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre et Miquelon ; à Wallis et Futuna ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) compte tenu de son article 8 : uniquement sur terre à Saint Barthélemy et Saint Martin. Il n’est pas applicable à la Nouvelle-Calédonie ni à la Polynésie, sur terre, comme en mer.

Outre-Mer

La loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer a prévu le transfert aux régions d’outre-mer de certaines compétences minières en mer. Le décret n° 2018-62 du 2 février 2018 portant application de l’article L. 611-33 du code minier prévoit l’adaptation de la réglementation existante pour les titres miniers en mer, aux compétences transférées par le législateur aux régions d’outre-mer : Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte14.

Compte tenu des caractéristiques géologiques de leur sous-sol et du potentiel en hydrocarbures en mer, les territoires outre-mer impactés par le projet de loi sont la Guyane, Saint-Pierre et Miquelon et les Iles Éparses dans le canal du Mozambique. L’inventaire du potentiel en hydrocarbures de la Guyane a permis à ce stade de mettre en évidence la présence d’hydrocarbures sans pour autant confirmer le caractère commercial de cette découverte. La poursuite de l’exploration (dans le cadre du permis « Guyane Maritime ») permettra de conclure cette phase d’inventaire d’ici 2019. Le potentiel d’un gisement en mer guyanais a encore besoin d’être confirmé; si l’on prend pour base le gisement de

Jubilee au Ghana (parfois donné comme « modèle » géologique pour l'offshore guyanais), le potentiel

de production serait de 80 000 à 100 000 barils/jour pendant une dizaine d'années. Ce chiffre n’étant

14 Décret n° 2018-62 du 2 février 2018 portant application de l’article L. 611-33 du code minier, JORF 4 février

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XV

qu’une comparaison et non une appréciation de la dimension possible d’une exploitation au large de la Guyane.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, la recherche en hydrocarbures est beaucoup moins avancée qu’en Guyane et les ressources sont mal connues. En l’absence de permis d’exploration en cours de validité, l’inventaire de ces ressources ne sera donc pas poursuivi.

L’état de l’inventaire des ressources en hydrocarbures en est aussi à un stade très préliminaire dans le canal du Mozambique au large des Iles Éparses où un seul permis d’exploration est en cours de validité, au large de Juan de Nova. L’arrêt de la délivrance de nouveaux permis de recherche ne permettra pas de terminer l’inventaire des ressources dans cette zone. Dans cette zone, une taxe spécifique sur l’exploration, sur la production et sur les travaux avait été mise en place par l’administration des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). À ce stade, le revenu qu’il aurait pu représenter est incertain en l’absence de caractérisation des gisements.

Des concessions d’exploration jusqu’en 2040

La loi française n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 est fortement symbolique. Son impact semble faible : il n’existe pas de plateformes pétrolières sur le plateau continental français, ni en métropole, ni outre-mer ; il n’existe pas de réserves pétrolières offshore connues, qui seraient interdites à l’exploitation. La production pétrolière française est terrestre et correspond à peine à 1% de la consommation. Il faudra donc passer de 1 % à 0 %.

Il existe 62 concessions d’exploration actuellement, maintenues jusqu‘en 2040. Le Ministre espérait probablement y mettre fin plus rapidement et ne pas les renouveler, mais la compagnie pétrolière canadienne Vermilion ne l’a pas entendu ainsi ; elle a menacé le gouvernement d’une procédure d’arbitrage international, fondée sur l’Investor-State Dispute Settlement (ISDS), présent dans de nombreux accords internationaux d’investissement. La compagnie canadienne considère que le non renouvellement de ses concessions au-delà de 2018 porterait une atteinte disproportionnée à son droit de propriété et à sa liberté d’entreprendre. Son argumentaire détaille la jurisprudence du Traité sur la Charte de l’énergie de 1994, un accord multilatéral dont la France est signataire, invoqué par les entreprises pour déclencher des arbitrages internationaux, par exemple la procédure conduite par Vattenfall après la sortie de l’Allemagne du nucléaire. Dans son avis sur le projet de loi du 1er

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XVI

d’hydrocarbures et, par prévention, propose la date limite de 204015. L’article L 142-7 du code minier

prévoit, depuis l’Ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011, que « La durée d'une concession de mines peut faire l'objet de prolongations successives, chacune d'une durée inférieure ou égale à vingt-cinq ans ». La durée totale d’une concession doit être adaptée à l’exploitation complète du gisement et cette durée ne peut être déterminée initialement.

Avant le sommet imaginé par la France pour le deuxième anniversaire de l’accord de Paris sur le climat, le 12 décembre 2017, plus de 80 économistes de 20 pays demandaient la fin des investissements dans les énergies fossiles.

« Nous appelons à la fin immédiate de tout investissement dans de nouveaux projets de production et d’infrastructure de combustibles fossiles, et encourageons une hausse significative du financement des énergies renouvelables », écrivaient dans une déclaration lancée par l’ONG 350.org les américains

Jeffrey Sachs et James Galbraith, le Français Patrick Criqui, les britanniques Tim Jackson (université du Surrey) et Charles Palmer (London School of Economics), le suédois Thomas Sterner, les japonais Takeshi Mizuguchi et Shuzo Nishioka ou encore l’ex-ministre et économiste grec Yanis Varoufakis.

« Le président français et d’autres dirigeants se sont déjà exprimés sur la nécessité d’un soutien financier accru aux solutions climatiques, mais ils n’ont rien dit sur l’autre partie de l’équation : les financements qui continuent à être accordés à de nouveaux projets de production et d’infrastructures charbonnières, gazières et pétrolières », ajoute le texte.

Patrick Pouyanné, le patron de l’entreprise Total a commenté ce projet de loi : « Si je ne peux pas explorer en France, j'explore ailleurs. »

Près de 20% des réserves mondiales de pétrole et environ 30% de celles de gaz naturel sont actuellement situées dans les fonds marins selon IFP Énergies nouvelles (La production pétrolière en

mer offshore). En 2015, plus de 27 millions de barils de pétrole par jour (incluant tous les

hydrocarbures liquides) auraient été extraits en mer, soit près de 29% de la production mondiale de pétrole selon l'EIA américaine.

L’offshore offre de grandes zones d'accès aux nouvelles réserves d’hydrocarbures, aux côtés des gisements de sables bitumineux ou d’hydrocarbures de schiste. Les réserves terrestres sont le plus souvent exploitées en majorité par les sociétés nationales des États producteurs, comme en Arabie saoudite, en Russie ou au Mexique. C'est donc dans les zones offshore que les compagnies pétrolières ont réalisé la plupart de leurs grandes découvertes récentes.

15 M. VAUDANO, « Comment la menace d’arbitrage a permis aux lobbys de détricoter la loi Hulot », 4

septembre 2018,

http://transatlantique.blog.lemonde.fr/2018/09/04/comment-la-menace-darbitrage-a-permis-aux-lobbys-de-detricoter-la-loi-hulot/ - « Mythes et réalités sur les tribunaux d’arbitrage privés du

traité transatlantique », 18 avril 2015,

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XVII

L’évolution des profondeurs d’exploitation s’est faite progressivement : la profondeur de 300 mètres (considérée comme offshore profond) a été atteinte avec le champ de Cognac dans le golfe du Mexique en 1979 ; la profondeur de 1 000 mètres a été franchie au Brésil dans le champ de Marlin Sud en 1994 ; la profondeur de 2 000 mètres a été atteinte dans le golfe du Mexique avec le projet Canyon

express dans le champ Aconcagua en 2002 ; la profondeur de 2 200 mètres a été atteinte au large du

Brésil avec le gisement de Tupi en 2007.

En Méditerranée orientale, d’importantes réserves de gaz ont été découvertes entre le Liban, Chypre, Israël, la Palestine et l’Egypte et seront exploitées16. ENI a, notamment, commencé en juillet 2017 la

production du champ Nooros, découvert en juillet 2015 au large de la côte égyptienne. Comme vu plus haut, la Mer de Barents est le nouvel Edorado russe et norvégien ; pour la première, il s’agit d’exporter vers l’Asie, vers l’Occident ; pour la seconde, il s’agit aussi de financer la transition énergétique. Le Sénégal espère disposer de l’exploitation de ressources semblables au Ghana, permettant de diversifier le développement économique. Des forages ont eu lieu de 2014 à 2017, sur le bloc de Sangomar, à 100kms au large de Dakar, permettant d’espérer entre 75 000 et 125 000 barils par jour en 2021 et soulevant les craintes du secteur de la pêche qui nourrit le Sénégal. Aux États-Unis, les projets de forage offshore avaient été strictement encadrés par le président Barack Obama, à la suite notamment de la pollution dans le golfe du Mexique de la plate-forme Deepwater Horizon, et particulièrement dans les eaux arctiques des USA17. Le président Donald Trump a annoncé des allégements législatifs

importants, mais dès janvier 2018 les États de Floride et de Californie avaient annoncé leur refus de les mettre en œuvre. Compte tenu du développement important du pétrole de gaz de schiste terrestre, les permis d’exploration dans les eaux US ont eu très peu de succès en avril 2018.

Après plus de deux décennies de tractations, la Russie, l’Iran, le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et le Turkménistan ont conclu un accord régional, établissant des règles pour exploiter le plus grand lac salé du monde, la Mer Caspienne, le 12 août 2018. Il s’agit de définir le statut de la Mer Caspienne d’abord, problème complexe né de la disparition de l’Union soviétique, alors qu’il existait un accord bilatéral avec l’Iran. Les négociations étaient en cours depuis 2002. Cette convention régionale devrait apaiser les tensions dans la région, qui recèle de vastes réserves d’hydrocarbures estimées à près de 50 milliards de barils de pétrole et à près de 300 000 milliards m3 de gaz naturel. La Mer caspienne

bénéficiera d’un statut spécial, ni mer, ni lac, qui ont tous deux leur propre législation en droit international, permettant le partage entre les cinq pays des fonds marins et des ressources

16G. CHRYSOCHOU & D. DALAKLIS, « Offshore Energy Exploration Activities and the Exclusive Economic

Zone Regime : A Case Study of the Eastern Mediterranean Basin », in P. CHAUMETTE (dir.), Wealth and miseries of the oceans : Conservation, Resources and Borders - Richesses et misères des océans : Conservation, Ressources et Frontières, Gomylex Editorial, Bilbao, 2018.

17 Fl. THOMAS, « Dernières évolutions relatives à l’encadrement juridique des forages offshores

exploratoires dans les eaux arctiques des États-Unis », DMF, nº 782, juillet-août 2016, pp. 649-661 – « Étude sur l'avenir de l'activité pétrolière et gazière offshore dans les eaux arctiques des États Unis », Annuaire de Droit Maritime et Océanique, université de Nantes, tome XXXIV, 2016, pp. 249-273.

(17)

XVIII

marines. Le Turkménistan, pays peu ouvert sur le reste du monde, a proclamé le 12 août « Journée de la mer Caspienne », en l’honneur du futur accord, affichant son enthousiasme. Ce pays d’Asie centrale, riche en hydrocarbures, espère installer au fond de la Mer Caspienne des pipelines sous-marins lui permettant d’exporter son gaz vers les marchés européens via l’Azerbaïdjan.

Énergies fossiles offshore et énergies marines renouvelables coexistent en attendant, si l’on peut dire, que les humains se décident quant au sort de la planète et du changement climatique. Effectivement, il serait raisonnable de n’exploiter que la moitié des réserves offshore connues, et de cesser d’en chercher d’autres au bénéfice d’autres voies énergétiques.

Les relations de travail offshore

En attendant, il est ambitieux de s’intéresser à ces installations en mer, aux travailleurs et entreprises qui participent à l’exploration et à l’exploitation de ces ressources.

Il n’existe pas de conventions internationales spécifiques à la sécurité des plateformes gazières et pétrolières en mer, ni à la protection de l’environnement marin, ni aux conditions des travailleurs. L’environnement marin est protégé par les protocoles offshore des conventions des mers régionales, quand ces protocoles sont ratifiés. Les industriels de ce secteur ont développé des normes et

guidelines, dénommés lex petrolea18. Sans certitude précise, aujourd’hui le nombre de 17 000

plateformes dans le monde est évoqué. Pour le professeur Terence DAINTITH, la lex petrolea est une expression globale un peu trompeuse, à laquelle on préférera la notion de « transnational petroleum

law », notion qui a la préférence de Florian THOMAS, dans sa traduction de « droit pétrolier

transnational ». Cette notion recueille certainement aussi l’assentiment de notre collègue Gilles LHUILIER, membre du jury de soutenance19. La recherche de Florian THOMAS s’inscrit dans le champ du droit transnational du travail, mais aussi plus largement des relations interentreprises, liées à des opérations complexes20.

Florian THOMAS distingue la conception interne du droit transnational des relations de travail, qui envisage les lois réglementant les actions ou les évènements liés aux relations de travail transcendant les frontières nationales et les relations de travail se déployant hors des frontières nationales. La

18 O. DE JESUS, « The prodigious story of the Lex Petrolea and the Rhinoceros. Philosophical aspects of the

Transnational Legal Order of the petroleum society », TPL Series on Transnational Petroleum Law, vol. 1, 2012 – T. DAINTITH, « Against lex petrolea », Journal of Energy and Business, 2017, n° 10, pp. 1-13.

https://academic.oup.com/jwelb/article/10/1/1/2807096 .

19 Gilles LHUILLIER, Le droit transnational, Dalloz, coll. Méthodes du droit, 2016 – Les contrats extractifs (Pétrole, Gaz, Mines), Lamy contrats internationaux, 2017.

20 A. BLACKETT & A. TREBILCOCK (dir.), Research Handbook on transnational labour, Edward Edgar

Publishing, 2015 – R. ROGOWSKI, Reflexive labour law in the world society, Edward Edgar Publishing, 2013, En français, l’incomparable M.A. MOREAU, Normes sociales droit du travail et mondialisation, Dalloz, 2006.

(18)

XIX

conception externe de la transnationalité concerne les ordres juridiques nationaux, en ces sens que des acteurs produisent des normes dont le champ d’application s’affranchit des frontières étatiques. Ces normes se déploient au-delà de l’État d’accueil de l’implantation ou de l’activité professionnelle.

Ainsi Florian THOMAS envisage l’objet des relations de travail au regard des parties qui la composent, au-delà du contrat de travail même ou du contrat d’activité autonome, inventant une indépendance professionnelle dans un système complexe. Il faut donc prendre en compte la complexité des techniques sociétaires, des réseaux de sociétés21. L’activité offshore est importante pour l’État d’accueil en termes de flux financiers, mais aussi de risques environnementaux, ce qui ne signifie pas que les contrôles de l’État d’accueil soient importants, ni soient pertinents, souvent faute des compétences techniques nécessaires, sans même évoquer la volonté politique. L’opérateur principal est le contractant de l’État d’accueil et est chargé de réaliser l’activité, en recourant à des partenaires spécialisés tels l’entreprise de forage. La contractualisation entre l’État d’accueil et l’opérateur principal concerne la répartition de la production, les revenus financiers, le développement de l’emploi local, le renforcement de la capacité des opérateurs locaux, les contraintes environnementales éventuellement. L’opérateur principal fait partie des entreprises cruciales, concept emprunté à la professeure Marie-Anne FRISON-ROCHE22.

La plateforme est un lieu fermé, soumis à des conflits de normes et de compétences juridictionnelles, coordonné par un opérateur principal, entreprises transnationales, ou filiale d’une entreprise transnationale. L’opérateur principal s’efforce de discipliner les divers intervenants, mais aussi de limiter ses responsabilités.

Doit-on envisager l’affaiblissement de l’État d’accueil ou son absence de puissance sur les activités développées et ici les espaces concernés ? Afin de lutter contre les trafics illicites en mer, les États côtiers ont besoin de sémaphores, de radars, de centres de surveillance, peuvent-ils ignorer les installations industrielles en mer qui veillent à leur propre sûreté et pourraient accueillir des installations techniques étatiques, dans une approche coopérative complexe23 ?

21 M. LAFARGUE, Les relations de travail dans l’entreprise transnationale, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit

social, tome 71, 2017 – J.G. RUGGIE, « Multinationals as global institution : Power, authority and relative autonomy », Regulation & Governance, 2017, doi:10.1111/rego.12154.

https://www.business-humanrights.org/sites/default/files/documents/Ruggie-2017-Regulation_Governance.pdf

22 M.-A. FRISON-ROCHE, « Réguler les entreprises cruciales », D., Chron. 2014 pp. 1556-1563.

http://mafr.fr/fr/article/71-reguler-les-entreprises-cruciales/Cet article est une version courte d’une réflexion plus

ample et s’appuyant sur de nombreuses références de droit positif et de réflexions doctrinales. www.mafr.fr/spip.php?article 3659. M.-A. FRISON-ROCHE, « Les entreprises cruciales et leur régulation », in Alain SUPIOT (dir.), L’entreprise dans un monde sans frontières – Perspectives économiques et juridiques, Dalloz, coll. Les sens du droit, 2015, pp. 253-267.

23 P. CHAUMETTE (dir.), Maritime areas : Control and prevention of illegal traffics at sea – Espaces marins : Surveillance et prévention des activités illicites en mer, Gomylex Editorial, Bilbao, 2016.

(19)

XX

Les relations de travail offshore sont prises dans une approche large, comme un laboratoire d’analyse, ouvrant ainsi vers d’autres secteurs d’activités, plus ou moins comparables. L’œuvre entreprise touche le droit du travail, le droit extractif, le droit des contrats internationaux et le droit de la mer.

Gaz et pétrole, sociétés et travail … et la mer

Offshore, au large. La recherche ouvre vers une nouvelle dimension : l’océan, ses espaces marins, les territoires maritimes des États, éventuellement plus tard l’Autorité Internationale des Fonds marins pour ce qui concerne la « Zone ». Il s’agit d’exploiter les ressources minérales contenues dans les plateaux continentaux et éventuellement les grands fonds marins. Par delà l’horizontalité de la navigation de surface, il faut prendre en compte l’horizontalité des fonds marins, dans les eaux intérieures, la mer territoriale, la Zone Économique Exclusive et plus tard, ou bientôt, l’extension du plateau continental des États côtiers au delà des 200 milles marins de la ZEE. Cette activité industrielle doit relier ces deux dimensions horizontales, l’une terrestre, les fonds, l’autre liquide, marine, à travers la colonne d’eau. L’État côtier a des obligations de conservation de l’environnement marin dans ces espaces et ces volumes. La coopération entre États voisins s’impose en termes de prévention ou de gestion de crise autant et plus qu’à terre ; les pollutions marines sont transnationales, comme les pollutions aériennes.

Le droit maritime s’est construit sur la navigation, l’utilisation de bâtiments de mer navigables ; le navire se déplace en mer, au minimum, il est apte à ce déplacement. Qu’en est-il des plateformes ? Les conventions internationales retiennent une approche fonctionnelle pragmatique. La recherche d’une définition unique du navire, d’une simplification, opposée à la diversité et spécialisation des objets marins et activités maritimes, semble illusoire. Comment le droit social des gens de mer s’est aussi construit sur les marins travaillant à bord des navires, que sont les travailleurs des plateformes ? L’Organisation Internationale du Travail (OIT) a adopté récemment deux conventions maritimes, la Convention du travail maritime de 2006 qui concerne la marine marchande, commerciale, et la convention 188 sur le travail à la pêche. Une convention unique concernant tous les travailleurs intervenant en mer est-elle un jour envisageable ?24 Au sein du Comité Maritime International, il n’existe plus de volonté nette d’adopter une convention portant spécifiquement sur les plateformes offshore, comme en 1977, mais une démarche fonctionnelle, par ailleurs prête à accueillir des nouveaux objets marins.

« Le pluralisme institué », partie I, décrit la réalité des plateformes, du travail, les lieux, les relations du sujet de recherche. La plateforme offshore n’est ni terre, ni navire; cette industrie est internationale.

24 P. CHAUMETTE, « Questions introductives sur les défis actuels et futurs des conditions de vie et de travail

des gens de mer », in Problemas actuales y cambios futuros del Derecho del Trabajo Marítimo, O. FOTINOPOULOU-BASURKO (dir.), Gomylex Editorial, Bilbao, 2017, pp. 15-60.

(20)

XXI

Le sujet est clairement documenté, concrètement et juridiquement. Cette première partie envisage les institutions, États et entreprises (Titre II). La seconde partie s’intéresse au « Pluralisme régulé, responsabilité et relations de travail ». Les relations de travail sont intégrées au réseau de contrats organisant l’exploitation, les États souverains semblant reléguer à un rôle de contrôle de l’économie globale. L’utilisation des contrats a permis le développement des normes privées et un décentrement normatif des États vers les opérateurs privés transnationaux. Le droit transnational du travail conduit nécessairement à interroger la responsabilité25. Florian THOMAS met l’accent sur le devoir de

vigilance dans le réseau d’entreprises offshore26. L’extraction de gaz et pétrole en mer n’échappe pas

aux évolutions juridiques des activités transnationales. Si des conventions internationales sectorielles, provenant de l’OMI et de l’OIT ne sont pas nécessairement souhaitables, ces activités doivent s’inscrire dans les principes du droit international de l’environnement, la démarche de précaution, la responsabilité du pollueur, dans les principes du travail décent. En dépit de ces limites, le cadre définit par la Directive 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer concrétise, après l’accident de la plate forme Deepwater

Horizon en 2010 dans le golfe du Mexique, une dynamique de protection de l’environnement marin,

puisque le texte le plus complet adopté en Europe était auparavant le protocole offshore de 1994 de la Convention de Barcelone sur la protection de la mer Méditerranée27.

En conclusion, Florian THOMAS constate que, paradoxalement, la mer est relativement absente de sa réflexion. Nous n’en sommes pas certains. S’agit-il de la mer, cadre essentiel des activités industrielles et de travail, ou s’agit-il des États « maritimes », États côtiers et États du pavillon, du lieu d’immatriculation du navire ou de la plateforme ? L’exploitation des grands fonds marins de la Zone, sous la tutelle de l’Autorité Internationale des Fonds Marins devrait, si elle intervient dans un futur proche, soulever des questionnements très semblables. La partie XI de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 constitue en patrimoine commun de l’humanité les ressources minérales de la Zone, mais l’accord de 1994 a mis de côté « L’Entreprise »28. L’AIFM a adopté trois

Règlements préfigurant son code minier et la délivrance des titres d’exploration ou d’exploitation. L’Autorité Internationale est en charge de la protection de l’environnement marin dans la Zone; elle doit également prévenir les dommages à la faune et à la flore, ce qui lui ouvre des perspectives nouvelles. Depuis l’avis du 1er février 2011 du Tribunal International du Droit de la Mer, les États sont

25 M. DELMAS-MARTY & A. SUPIOT (dir.), Prendre la responsabilité au sérieux, PUF, 2015 – A. SUPIOT

(dir.), L’entreprise dans un monde sans frontières – Perspectives économique et juridiques, Dalloz, coll. Les sens du droit, 2015.

26 F. THOMAS « Le devoir de vigilance dans le réseau d’entreprises offshore », in P. CHAUMETTE (dir.), Wealth and miseries of the oceans : Conservation, Resources and Borders - Richesses et misères des océans : Conservation, Ressources et Frontières, Gomylex Editorial, Bilbao, 2018, pp. 203-231.

27 P. VOLONDAT, « Le défi européen de sécurisation des activités pétrolières et gazières offshore », in P.

CHAUMETTE (dir.), Wealth and miseries of the oceans: Conservation, Resources and Borders - Richesses et misères des océans : Conservation, Ressources et Frontières, Gomylex Editorial, Bilbao, 2018, pp. 175-201. 28 S. MERCOLI, « La contractualisation des ressources minérales profondes par l’AIFM : une approche

(21)

XXII

clairement responsables des agissements de leurs ressortissants autorisés dans la zone, mais le rôle de l’Autorité n’est pas que d’exercer une activité, c’est aussi d’assumer des responsabilités. Les États qui patronnent des entités le font librement, mais doivent assurer un contrôle effectif des activités, prouver leur capacité technique et scientifique et assumer les responsabilités découlant de leurs obligations29.

L’AIFM pourrait-elle représenter la Zone Internationale des Fonds Marins en justice, en vue d’assurer la conservation de l’océan, en dépit de l’impact des activités autorisées sous condition ?

Spécialiste de droit du travail et de la sécurité sociale terrestre, devenu depuis longtemps maintenant spécialiste du droit social de gens de mer, constructeur d’un programme de recherche européen, Advanced Grant 2013 n° 340770, Human Sea, « Rendre la mer humaine »30, centré sur les innovations techniques, les avancées technologiques, les nouvelles activités en mer, les impacts juridiques, notamment quant aux statut des travailleurs et conditions de travail, le directeur de cette belle thèse ne peut qu’être très satisfait du parcours suivi par Florian THOMAS, par l’œuvre réalisée sur ce thème innovant qui lui avait été proposé, par la qualité et la densité de la réflexion portée.

29 J.P. BEURIER, « L’autorité internationale des fonds marins, l’environnement et le juge », Vertigo, la revue électronique en sciences de l’environnement, Hors Série 22, septembre 2015, consulté le 06 septembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/16169 ; DOI : 10.4000/vertigo.16169.

(22)

XXIII

Sommaire

Introduction ... 1

Partie I :

Le pluralisme institué, travail et réseau d’entreprises ... 29

Titre I : Le pluralisme intrinsèque, les travailleurs ... 31 Chapitre I : Le pluralisme applicable au lieu de travail ... 32 Chapitre II : Le pluralisme applicable aux travailleurs ... 95 Titre II : Le pluralisme extrinsèque, le réseau contractuel d’entreprises ... 131 Chapitre I : Les relations contractuelles entre les États d’accueil et les entreprises ....

... 133 Chapitre II : Le réseau contractuel des entreprises offshore... 176

Partie II :

Le pluralisme régulé, responsabilité et relations de travail ... 233

Titre I : Paradigme contractuel et décentrement normatif ... 237 Chapitre I : Le décentrement normatif par le contrat initial ... 239 Chapitre II : Les pouvoirs normatifs au cœur de la relation de travail ... 274 Titre II : Le droit transnational du travail offshore ... 321 Chapitre I : Les responsabilités au sein de la relation de travail ... 323 Chapitre II : Un droit international privé du travail pluraliste ... 381

(23)
(24)

XXV

Liste des abréviations

ADMO Annuaire de droit maritime et océanique ADR Alternative dispute resolution

AFDI Annuaire Français de Droit International

aff. Affaire

al. Alinéa

AIPN Association of International Petroleum Negociators AJDA Actualité juridique – Droit administratif

Arch. phil. dr. Archives de philosophie du droit

art. Article

BIMCO Baltic and International Maritime Council Bull. ass. plén. Bulletin des arrêts de l’Assemblée plénière

Bull. civ Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation

CA cour d’appel

C. cass. Cour de cassation

Cass. ass. plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation. Cass. 1ère civ. Première chambre civile de la Cour de cassation

Cass. 2ème civ. Deuxième chambre civile de la Cour de cassation

Cass. com. Chambre commerciale de la Cour de cassation Cass. soc. Chambre sociale de la Cour de cassation

CE Conseil d’État

Cf. Confer (se référer à)

C.F.R. Code of Federal Regulation

Cir. Circuit

CJCE Cour de Justice des Communautés Européennes CJUE Cour de justice de l’Union européenne

CMI Comité Maritime International

CNUDCI Commission des Nations unies pour le droit commercial international CTM (ou MLC) Convention du travail maritime de l’OIT de 2006

C. Transp. Code des transports

D. Recueil Dalloz

Dir. Sous la direction de DMF Droit Maritime Français éd. Editeur ou édition(s)

E.D. La. United States district court for the eastern district of Louisiana

ég. Egalement

F. Reporter fédéral

F.2d Reporter fédéral, 2ème Série F.3d Reporter fédéral, 3ème Série Fed. Cir. Federal circuit

FPSO Floating Production, Storage, and Offloading FSO Floating, Storage and Offloading

IADC International Association of Drilling Contractors Ibid. Ibidem, Au même endroit

IML International Legal Materials

in Dans

infra Ci-dessous

IOC International Oil Company

ITF International Transport Worker’s Federation

JCP E Juris-classeur périodique (La semaine juridique), édition entreprise JCP G Juris-classeur périodique (La semaine juridique), édition générale JCP N Juris-classeur périodique (La semaine juridique), édition notariale

(25)

Liste des abréviations

XXVI

JCP S Juris-classeur périodique (La semaine juridique), édition sociale JDI Journal de droit international

JOCE Journal Officiel des Communautés Européennes JO ou JOFR Journal Officiel de la République Française JOUE Journal Officiel de l’Union Européenne

LHWCA Longshore and Harbor Workers and Compension Act MARPOL Maritime Pollution, Convention

MLC (ou CTM) Maritime Law Convention (CTM)

obs. Observations

OCSLA Outer Continental Shelf Act OGEL Oil, Gas, & Energy Law

Op. cit. Opere citato (dans l’ouvrage précité)

Préf. Préface

PUAM Presses Universitaires d’Aix Marseille PUF Presses Universitaires de France

Rev. crit. de DIP Revue critique de droit International privé RFDA Revue française de droit administratif RIDE Revue internationale de droit économique RI Trav. Revue internationale du travail

RSE Responsabilité sociale des entreprises RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil RTD eur. Revue trimestrielle de droit européen

S. Recueil Sirey

s. Et suivants

SOLAS Safety of Life At Sea, Convention SPAR Single Point Anchor Reservoir

Supra Ci-dessus

SSL Semaine sociale Lamy

t. Tome

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne TGI Tribunal de Grande Instance

TLP Tension-Leg Platform TAD Tender Assisting Drilling Tul. Mar. L. J. Tulane Maritime Law Journal

U. S. United States Supreme Court Reports U. S. C. United States Code

V. Voir

(26)

1

Introduction

« Il y a donc des pays sans lieu et des histoires sans chronologie ; des cités, des planètes, des continents, des univers dont il serait bien impossible de relever la trace sur aucune carte ni dans aucun ciel, tout simplement parce qu’ils n’appartiennent à aucun espace »1.

Les relations de travail offshore2 se déploient3 sur des plateformes situées en mer qui

1.

semblent bien mystérieuses. Pourtant, à l’inverse d’une utopie, un espace « absolument autre »4

auquel renvoie la citation de Michel Foucault, ce lieu de travail peut être cartographié puisqu’il est physiquement situé et très peu mobile. La plateforme offshore est reliée au fonds marin, physique, duquel elle entend extraire les ressources et, à ce titre, à un État d’accueil5. Le mystère

qui reste attaché aux plateformes offshore relève certainement pour partie de leur positionnement entre terre et mer ainsi que de leur formidable diversité. Le mystère s’épaissit par l’insaisissabilité des techniques industrielles employées ainsi que par la méconnaissance du secteur industriel. L’absence de données statistiques fiables sur l’activité renforce ce trait carractéristique. Le mystère n’est toutefois pas, partout, égal. Il varie considérablement selon

1 Foucault M., « Les utopies réelles ou lieux et autres lieux », in Œuvres, tome II, Gallimard, éd. La Pléiade,

2015, p. 1238.

2 On trouve trois orthographes différentes du mot « offshore », s’agissant de la qualification de l’industrie

pétrolière et gazière en mer. La première, « offshore », correspond au terme anglais. La seconde, « off-shore », parfois employée dans les écrits anglais, est généralement utilisée en français. Dans ce cadre, elle est reproduite entre guillemets ou en italique et elle est invariable. En langue française, le terme « offshore » sera également écrit dans sa forme traduite par « en mer ». Nous avons choisi d’exciper de la pratique industrielle une entorse à ces usages orthographiques en utilisant le terme « offshore » dans sa forme anglaise sans les précautions d’usage liées à sa présence dans un texte en français. À cet égard, offshore, ne sera pas écrit en italique ni entouré de guillemets. En anglais, le terme « offshore » se trouve sous une forme adverbiale ou adjectivale. Dans les deux cas, il est invariable. Sa forme invariable sera conservée.

3 Pour reprendre la métaphore guerrière employée par Antoine Mazeaud, in « Le déploiement de la

relation de travail dans les groupes de sociétés. Aspects de droit du travail », Droit social, 2010, p. 738.

4 Foucault M., « Les utopies réelles ou lieux et autres lieux », Op. cit., p. 1239, où l’auteur assimile les

utopies à des « contre-espaces », c’est-à-dire à des lieux absolument différents, en ce sens qu’ils s’opposent à tous les autres.

5 L’État est qualifié soit d’État côtier en droit de la mer, soit d’État d’accueil en droit du commerce

international, en raison de sa fonction de creuset des investissements étrangers. Cette dernière acception sera privilégiée, car l’étude des relations transnationales de travail offshore suit davantage les flux économiques et financiers que les perspectives de délimitation des espaces sous souveraineté étatique et les problématiques liées à l’intensité de cette souveraineté sur les espaces considérés, qui sont au cœur du droit de la mer. Le terme d’État côtier sera conservé uniquement au sein des développements axés sur le droit de la mer.

(27)

Introduction

2

que l’activité fasse partie du quotidien des populations en raison de son importance économique et sociale dans une région. Enfin, le mystère est lié à l’absence de contrôle et de maîtrise sur les constructions sociétaires, les flux financiers et les éventuelles conséquences environnementales générées par cette industrie6.

Le concept d’hétérotopie7 développé par Michel Foucault se révèle comme un concept

2.

plus opérant que celui d’utopie pour percer le mystère qui entoure l’industrie offshore. L’hétérotopie, c’est une utopie que l’on peut situer. Les traits saillants du concept tracés par l’auteur permettent d’appréhender les données structurantes de l’activité. Selon le philosophe, les hétérotopies sont liées « le plus souvent à des découpages singuliers du temps. Elles sont parentes aux hétérochronies »8. Par ailleurs, « elles ont toujours un système d’ouvertures et de

fermetures qui les isole par rapport à l’espace environnant »9. Enfin, « les hétérotopies sont la

contestation de tous les autres espaces, en créant une illusion qui dénonce le reste de la réalité comme une illusion ou en créant un autre espace réel aussi parfait que le nôtre est désordonné »10.

Il nous faut situer notre démarche de recherche. Les hétérotopies offshore sont 3.

caractérisées par l’insaisissabilité de l’activité (§I). Les études juridiques qui lui ont été consacrées ont traduit l’idée d’un « contre-espace » juridique, dans le sens où il serait « absolument différent », déconnecté du cadre des ordres juridiques internes et détaché des frontières étatiques. Ces contre-espaces juridiques se sont exprimés par la reconnaissance d’une

lex petrolea11. La lex petrolea est un concept fondé sur l’existence d’un corps de règles juridiques

6 Le contentieux consécutif à l’explosion qui s’est produite en 2010 au large de la Louisiane, dans le Golfe

du Mexique, de la plateforme offshore Deepwater Horizon opérée par British Petroleum (BP), illustre ces trois aspects de l’industrie pétrolière offshore. Le 4 avril 2016, la US district court for the eastern district of Louisiana a prononcé un Consent Decree par lequel la société BP, les États-Unis et 5 États fédéraux touchés ont transigé le montant permettant de mettre fin aux poursuites civiles de ces derniers fondées principalement sur le Clean Water Act et le Oil Pollution Act. Le Consent Decree prévoit que British Petroleum paye la somme de 5,5 milliards de dollars au titre du Clean Water Act, 8,1 millards de dollars en raison des dommages environnementaux auxquels s’ajoutent 700 millions de dollars pour des préjudices qui pourraient survenir mais qui sont aujourd’hui inconnus et 600 millions de dollars sur le fondement du Fals Claim Act. Enfin, BP s’engage à régler 4,9 milliards de dollars aux États fédéraux du Golfe du Mexique ainsi que 1 milliard de dollars aux collectivités locales, v. Consent Decree, BP Exploration & Production Inc. v. United States (E.D. La. 2016).

7 Voir les racines grecques de cette construction fondée sur topos, le lieu, et hetero, autre, qui caractérise

ces « espaces autres ». Selon l’auteur, l’hétérotopie par excellence c’est le navire. Il écrit : « et si l’on songe que le bateau, le grand bateau du XIXème siècle, est un morceau d’espace flottant, un lieu sans lieu, vivant

par lui-même, fermé sur soi, libre en un sens, mais livré fatalement à l’infini de la mer (…) on comprend pourquoi le bateau a été pour notre civilisation, à la fois le plus grand instrument économique et notre plus grande réserve d’imagination. Le navire, c’est l’hétérotopie par excellence », v. « Les utopies réelles ou lieux et autres lieux », Op. cit., p. 1247.

8 Ibid., p. 1243. 9 Ibid., p. 1245. 10 Ibid, p. 1246.

(28)

3

spécifiques qui gouvernerait les relations pétrolières transnationales au-delà des frontières des États nations. Ce concept comporte pourtant des défauts structurels. Particulièrement, il offre un cadre d’analyse contraint par son autonomie constitutive. La conception d’un pluralisme juridique éclectique est plus adaptée pour saisir les relations transnationales de travail offshore (§II).

I. L’hétérotopie offshore

Les questions suscitées par l’industrie offshore émergent à mesure que l’on tente d’en 4.

saisir les contours. Les usages du terme offshore ainsi que les évolutions techniques majeures qui ont bouleversé l’activité créent une première source d’éloignement entre l’industrie les États (A). Ce détachement vis-à-vis des États et de la société civile est renforcé par les difficultés à saisir l’importance et la répartition des « présences en mer »12 ainsi que le nombre de

travailleurs liés à l’industrie offshore. La clôture relative à l’accès aux informations est, certes, différenciée selon qu’il soit question d’un État aux institutions fortes, ou d’un État failli. Plus précisément, alors que dans les premiers l’accès à l’information est difficile, dans les seconds elle ne peut se faire que par des chemins détournés et peu rigoureux (B).

A. Usages, droit et technique

Le terme offshore, s’il renvoie en premier lieu à la situation du lieu de travail « au large », 5.

en mer, évoque également l’image de systèmes fondés sur la volonté de s’affranchir des ordres juridiques internes des États. En outre, les conditions d’accès aux marchés économiques liés à l’industrie offshore participent de sa fermeture (1). Les usages du terme s’inscrivent dans l’histoire de l’activité offshore dont les débuts pittoresques ont rapidement laissé place à une exploitation de nature industrielle de plus en plus éloignée des côtes de l’État d’accueil et dans des eaux de plus en plus profondes. La fulgurance des évolutions techniques a profondément affecté les caractéristiques des relations de travail offshore et favorisé l’émergence de la lex

petrolea (2).

1. Les usages du terme offshore

12 Nous reprenons ici les mots de Martine Rémond-Gouilloud dans une des premières études, en langue

française, consacrée aux questions soulevées par l’industrie offshore au regard du droit privé, Rémond-Gouilloud M., « De la présence en mer », in Études offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, pp. 493-501. Renvoyons également à son ouvrage, L’exploitation pétrolière en mer et le droit : droit maritime, droit de la mer, Rodière R. (dir.), 1970, éd. Technip, 197 pages.

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