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2 Le Comité Maritime International 366 à l’appui d’une méthodologie du rapport fonctionnel et statutaire

Depuis les années 1970, le CMI s’intéresse à la question du statut des plateformes 134.

offshore. Cet intérêt a abouti, en 1977, à la rédaction d’un projet de Convention internationale relative aux engins mobiles offshore367, aux termes de laquelle les plateformes offshore sont : «

la plateforme de forage et autres installations flottantes, reposant ou non sur le lit de la mer, pendant ses opérations, utilisés pour l'exploration, l'exploitation, le traitement, le transport ou l'entreposage des ressources naturelles du lit de la mer ou de son sous-sol ou bien pour des activités similaires ».

À travers ce projet, le CMI proposait que les États parties à certaines conventions maritimes applicables aux navires les étendent mutatis mutandis aux plateformes offshore. Il s’agissait principalement de la Convention de Bruxelles de 1910 sur l'abordage, de la Convention du 10 mai 1952 sur la compétence civile et pénale en matière d'abordage, de la Convention de 1910 sur l'assistance et de la Convention de 1969 sur la pollution par les hydrocarbures368. L’idée était

donc d’aboutir à une uniformisation internationale369 du statut emportant application d’un

régime juridique assimilé à celui du navire. Le projet n’a jamais fonctionné. La complexité du sujet rend difficile sa résolution par l’uniformisation internationale370.

Le CMI remet en 2016 l’ouvrage sur le métier, en adoptant des objectifs différents, de 135.

nature à souligner les évolutions sur le sujet. À l’initiative de l’association de droit maritime des États-Unis371, le CMI a créé un Comité ad hoc, « Ship Nomenclature »372 afin de déterminer la

pluralité du concept de navire. La première réunion du comité s’est déroulée à Istanbul les 7 et 9

366 Le Comité Maritime International est une organisation non gouvernementale dont l’objectif est

l’unification internationale du droit applicable aux activités maritimes. Elle regroupe les associations de droit maritime de plusieurs pays. Voir Wiswall, F. L., « A brief history », sur le site du CMI, http://comitemaritime.org/A-Brief-History/0,27139,113932,00.html , consulté le 26 novembre 2017.

367 XXXIème conférence du CMI, qui s’est tenue à Rio du 25 au 30 septembre 1977 ; v. Ligonie J., Contrats et statut de l’engin maritime de forage, éd. Technip, 1978, pp. 249-255, v. aussi Grellet L., « Intervention aux cinquièmes journées Ripert », DMF, 1998, p. 584.

368 Art. 2 à 7 du projet de Convention.

369 Uniformisation relative car elle nécessitait que les États d’immatriculation des plateformes offshore, ou

des lieux d’exploitation, aient ratifiés les conventions internationales.

370 Sur les difficultés d’unification du droit maritime en général, Vialard A., « Sisyphe et l’unification

internationale du droit maritime », DMF, Op. cit., pp. 213 et s.

371 MLAUS, Maritime Law Association of the United States. La provenance de l’initiative n’est pas étonnante.

Les États-Unis ont une jurisprudence conséquente et fragmentée, en tout cas peu cohérente au sujet de la qualification juridique des navires, cf. infra, n°144 et s.

372 Voir la résolution instituant le comité ainsi que sa composition à ce lien

http://www.comitemaritime.org/Ship-Nomenclature/0,27154,115432,00.html, (consulté le 05 mai

Le pluralisme intrinsèque, les travailleurs

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juin 2015 à l’occasion d’un colloque sur les activités offshore373. Le premier élément à souligner

est donc que la problématique s’étend aujourd’hui au concept de navire, les plateformes offshore représentant une des difficultés évidentes. À la suite de cette première réunion, le Comité a adressé une lettre aux présidents des différentes associations nationales de droit maritime qui annonce, en son préambule, l’objectif de cette nomenclature et joint un questionnaire éclairant sa méthode374.

Le CMI demande aux associations d’identifier les variantes et les frictions qui se révèlent à travers la pluralité des concepts de navire, ici « ship », « vessel » ou autres, à la lumière des droits nationaux internes et externes, c’est-à-dire entre les différents systèmes nationaux. Elle invite enfin à se poser la question de l’impact de ces frictions et de ces variantes375. Dès les

premiers abords, le texte décrit l’objectif de la nomenclature du concept de navire : clarifier les points relatifs à l’immatriculation des différents navires, aux hypothèques maritimes, à l’applicabilité des lois civiles et pénales aux navires et à leurs équipages, et déterminer l’étendue de la couverture des assurances au sujet des navires transformés en FPSO. La finalité de l’étude consiste à dresser une nomenclature des navires en fonction des qualifications juridiques nationales des navires et de leur mise en œuvre.

Le CMI engage la réflexion par une tentative de définition générale du concept de navire 136.

centrée sur la Convention internationale sur l’assistance maritime de 1989 d’une part, pour la définition de « Vessel »376, et sur la Convention MARPOL, d’autre part, pour la définition de

«Ship »377. Le navire se définirait ainsi communément comme : « any ship or craft or any structure

capable of navigation »378 et le bateau comme « a vessel of any type whatsoever operating in the

marine environment and includes hydrofoil boats, air-cushion vehicles, submersibles, floating craft and fixed floating platforms »379. Le Comité propose de partir de ces conceptions généralement

acceptées, selon lui, pour répondre au questionnaire. La prémisse logique est fonctionnaliste puisque les définitions générales que les répondants sont censés garder à l’esprit dans leurs réponses proviennent de conventions elles-mêmes fonctionnalistes.

373 Grellet L. « Compte rendu du colloque CMI les 7 et 8 juin 2015 à Istanbul sur les activités offshore », DMF, décembre 2015, pp. 1021-1026.

374 Lettre du 8 mars 2016, cf. http://comitemaritime.org/Ship-Nomenclature/0,27154,115432,00.html,

consultée le 26 novembre 2017.

375« The purpose of this questionnaire is to identify variations and conflicts in the definitions of « vessel, »

« ship » and related terms, both internally in your legal system and externally, between the laws of the member States and then to assess the impact of those variations and conflicts ».

376 Disons schématiquement « navire » en droit français. 377 Schématiquement « bateau » en droit français.

378 « Tout navire ou toute embarcation capable de naviguer ».

379 « Un navire de quelque type que ce soit, opérant dans l’environnement marin, y compris les navires sur foil, les aéroglisseurs, les navires submersibles, les embarcations flottantes et les plateformes fixes flottantes ».

Le pluralisme applicable au lieu de travail

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Le questionnaire joint à la lettre peut nous apprendre davantage sur ce que recherche le Comité. Neuf questions y sont posées aux associations nationales de droit maritime. D’un côté, le Comité interroge sur l’application d’institutions juridiques particulières aux navires, et sur les variations du statut des navires en fonction des régimes juridiques envisagés. D’un autre côté, le CMI interroge les associations nationales de droit maritime afin de reporter les jurisprudences intéressantes dans la construction de la nomenclature du concept de navire selon que les installations sont autopropulsées ou non, des installations de vie, des unités mobiles de forage offshore, des éoliennes offshore flottantes ou fixes, des plateformes de forage de type autoélévatrices, des installations de construction, des sous-marins, des hydravions, des hydroglisseurs, des navires en construction, des navires sans équipage, des navires consacrés temporairement ou de façon permanente au stockage de marchandises en vrac, des navires à quai, des navires abandonnés ou des épaves, des navires en voie reconstruction. Il est donc ici davantage question de la fonction des navires en eux-mêmes, dressant par là une nomenclature instinctive assise sur leur nature.

À l’ambition de 1977 de créer une convention offshore permettant de définir un statut 137.

international unique des plateformes offshore, s’est substituée la volonté de déterminer une nomenclature sous la forme d’une base de données internationale à visée pratique. Cette nomenclature est le fruit d’une méthode intégrant le rapport fonctionnel navire /institutions juridiques. Le statut juridique des plateformes offshore est sans conteste un sujet de réflexion intarissable. Leur pluralité technique obscurcit l’idée générale que l’on se fait d’elles, bien plus que des navires380. Ces navires dont on a déjà pu remarquer que leur définition était ardue tant

leur réalité était devenue complexe381. Le droit maritime, centré autour de la figure du navire, a

développé un environnement normatif dont la fonction est d’encadrer les activités en mer. Or, les présences en mer évoluent, les plateformes étant peut-être les premières manifestations d’envergure de cette évolution. L’environnement normatif du droit maritime doit pouvoir s’appliquer à ces nouvelles présences, car les fonctions des institutions qu’elles sollicitent sont en grande partie similaires à celles sollicitées par les navires.

De cette étude, il ressort que seule la logique de qualification doit être mise en exergue. 138.

Pour conclure, nous estimons que les plateformes offshore se définissent par l’analyse d’un

380 « On n’a jamais creusé la notion de navire en soi, on a vécu sur des idées transmises et généralement

obscures, on avait plutôt le sentiment, l’impression de ce qu’était un navire et cela suffisait », Rodière R., « Faut-il réviser la définition classique du navire ? », JCP G, 1978, I, 2880.

381 « Ce navire, que l’on n’avait pas besoin de définir tant la notion était évidente, il est devenu impossible

de le définir, tant elle est devenue complexe », Lucchini L., « Le navire et les navires, Rapport général », in Le navire en droit international, Colloque de Toulon, Pédone 1992, p. 42.

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rapport de fonctionnalité entre leur nature propre et l’essence des institutions juridiques que la situation sollicite.

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