• Aucun résultat trouvé

1 L’encadrement général des qualifications

En France, la mise en œuvre de la MLC a été assurée par une loi de 2013 portant diverses 210.

dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable501. Cette loi a été intégrée au sein du Code des transports, aux articles L. 5511-1 et s.

pour ce qui concerne la qualification des travailleurs maritimes502. Un décret du 23 avril 2015503

est venu préciser les contours des mesures législatives adoptées.

La partie législative du Code des transports reprend les catégories principales de la MLC 211.

en les distinguant formellement. Une troisième catégorie, les travailleurs autres que gens de mer, est par ailleurs ajoutée. Le Code des transports précise que les marins sont des « gens de mer salariés ou non-salariés exerçant une activité directement liée à l'exploitation du navire »504

et que les gens de mer, non marins, correspondent à « toutes personnes salariées ou non- salariées exerçant à bord d'un navire une activité professionnelle à quelque titre que ce soit »505.

Restait alors à lever le voile sur les éléments généraux de la qualification qui repose en premier lieu sur l’appréhension juridique du navire, obstacle de taille nous l’avons vu, et sur la nature de l’activité exercée. Des précisions concernant ces définitions étendues ont donc été apportées par le décret de 2015.

Le décret précise en premier lieu les catégories générales. Il existe des gens de mer marins, des gens de mer autres que marins et des personnels autres que gens de mer. Cette dernière catégorie est ajoutée par rapport au texte de la Convention et à la partie législative. Les marins sont, a fortiori, des gens de mer. Schématiquement, la logique du « qui peut le plus peut le moins »506 décrit bien le déroulé des articles. Ensuite, le décret procède par listes, à des définitions qui

501 Loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 JORF n°0164 du 17 juillet 2013 page 11890. Celle-ci transpose

notamment la directive 2009/13/CE du Conseil du 16 février 2009 portant mise en œuvre de l'accord conclu par l’association des associations d’armateurs de l’Union européenne (ECSA) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) concernant la Convention du travail maritime de 2006, et modifiant la directive 1999/63/CE, portant modernisation du droit social des gens de mer.

502 Abel A., « The maritime Labour Convention 2006 in the European Union », in Lavelle J. (dir.), The Maritime Labour Convention 2006, International Law Redefined, Routledge, coll. Informa Law, 2014, pp. 1- 17.

503 Décret n° 2015-454 du 23 avril 2015, JORF n°0095, relatif à la qualification de gens de mer et de marins

applicable sur l’ensemble du territoire français. Le décret n’a pas une vocation d’application universelle, extra territoriale, ou personnelle. Concernant les travailleurs sur les plateformes offshore, il devrait concerner peu de travailleurs puisque le décret n’a vocation à s’appliquer, a priori, qu’aux plateformes immatriculées en France et aux plateformes opérant sur les eaux du plateau continental adjacent au territoire français. Néanmoins, la France est un des premiers pays à être allé aussi loin dans la classification des catégories des travailleurs maritimes et cette expérience est intéressante pour éclairer les problématiques qui tiennent aux qualifications de ces travailleurs. Voir Chaumette P. « Gens de mer marins, gens de mer non marins et autres. Décret n°2015-454 du 21 avril 2015 », DMF, 2016, pp. 483-494.

504 Article L. 5511-1, 3° C. Transp. 505 Article L. 5511-1, 4° C. Transp. 506 Article R. 5511-1 et s. C. Transp.

Le pluralisme applicable au lieu de travail

111

semblent ainsi arrêtées : les activités listées emporteraient la qualification et l’application du régime spécifique afférent. Si l’activité n’était pas listée, alors elle relèverait d’une autre catégorie. Ces listes ne sont pourtant pas aussi figées que la méthode ci-dessus envisagée ne le laisse présager. D’ailleurs, elles ne sauraient être limitatives, de sorte que les définitions légales, plus générales, permettront de combler les oublis et manques, avec des questions d’interprétation, voire des modifications du texte.

L’appartenance à la catégorie de gens de mer non marins ou à celle des travailleurs 212.

autres que gens de mer est déterminée par le critère de la durée d’embarquement, suivant ainsi les recommandations de l’OIT. La durée d’embarquement est un des éléments de rattachement de l’activité professionnelle à la qualification juridique. Elle joue dans le passage de la qualification de gens de mer non marin à celle des gens de mer marin. Pour analyser le décret, il est nécessaire de reprendre les listes arrêtées par le décret507.

a - Les gens de mer marins

Pour être marin, il faut exercer une activité relative « à la marche, à la conduite ou à 213.

l’entretien du navire »508. Les marins sont ceux qui exercent des activités « nécessaires pour

assurer l’ensemble des fonctionnalités du navire »509. Il y a donc quatre éléments distincts à

prendre en considération pour l’exercice de qualification. La partie règlementaire du Code des transports précise la liste des activités ou fonctions emportant la qualification du statut de marin510. Celles-ci doivent être511 :

À bord de l’ensemble des navires : 214.

- préparation ou services de repas pour les gens de mer ; - hydrographes ;

- médecin ou infirmier lorsque l’embarquement est exigé par la réglementation maritime. À bord des navires affectés à l’exploitation de parcelles concédées sur le domaine public 215.

maritime nécessitant une navigation totale de trois milles ou plus : - les personnels armant ces navires.

507 Nous nous limiterons aux activités qui peuvent intéresser les travailleurs offshore dans leur ensemble. 508 Art.R. 5511-1 C. Transp.

509 Ibid.

510 Art. R. 5511-2 C. Transp.

Le pluralisme extrinsèque, le réseau contractuel d’entreprises

112

On pourrait penser de prime abord que les travailleurs offshore peuvent, selon les engins 216.

sur lesquels ils travaillent, être assimilés aux « personnels armant ces navires ». Ainsi, les plateformes offshore, qui répondraient à la définition de navire, et qui effectueraient plus 3 milles de navigation pour arriver sur site512, seraient armées, au sens du droit maritime, par des

gens de mer marins. Toutefois, il faut avancer davantage dans le Code des transports pour nuancer ce premier propos.

b - Les gens de mer autres que marins513

Au sujet des éléments de qualification des gens de mer autres que marins, le décret 217.

procède par une affirmation négative, ne sont pas qualifiés de marins, mais sont gens de mer514 :

À bord des navires d'exploration et d'exploitation515, les personnels qui préparent ou servent

les repas aux personnels employés dans l'une des activités suivantes : - installations et constructions d'unités de productions sous-marines ; - forage de puits, champs pétroliers ou gaziers ;

- plates-formes516, îles artificielles, ouvrages ou installations en mer.

Ces éléments du décret nous intéressent particulièrement. Ainsi, les plateformes offshore sont qualifiées de « navire d’exploration et d’exploitation ». Les travailleurs cuisiniers et les personnels de service, qui effectuent leur activité pour des personnels employés à l’installation et la construction des unités de production sous-marines, au forage de puits sur les champs pétroliers ou gaziers, ainsi que pour les travailleurs employés sur les plateformes, les îles artificielles ou les ouvrages et les installations en mer, ne sont pas des marins. Ils relèvent de la catégorie des gens de mer non marins. La qualification juridique de ces travailleurs est donc déterminée par l’activité des gens dont ils assurent la restauration. Ce critère de qualification par l’activité d’une personne tierce est pour le moins hasardeux.

L’articulation entre la nature de l’activité et la qualification juridique du navire est par ailleurs ambigüe. Enfin l’activité visée est très restreinte, puisqu’elle ne concerne que les personnels de restauration. Reste la catégorie des travailleurs autres que gens de mer.

512 Si tant est que la navigation unique ou occasionnelle, soit ici suffisante. 513 Art. R. 5511-3 à R. 5511-4 C. Transp.

514 La catégorie des gens de mer est la plus « englobante », elle fait office de frontière.

515 Nous sommes surpris de la qualification non équivoque de navire concernant les engins d’exploration

et d’exploitation. On imagine qu’il est ici fait référence aux plateformes offshore. Or, la situation juridique de ces installations est pour le moins floue au regard de la multitude des plateformes.

Le pluralisme applicable au lieu de travail

113

c - Les travailleurs autres que gens de mer517

Le décret procède ici par exclusion, ce qui, nous le verrons, va à l’encontre, 218.

méthodologiquement, de la logique adoptée par la MLC. Le décret ne nous informe pas sur ce qu’ils sont, précisément, mais avant tout sur ce qu’ils ne sont pas : des gens de mer non marins518

et, a fortiori, des gens de mer marins. Ce sont donc des travailleurs terrestres en mer et aucun régime maritime particulier ne leur serait applicable.

Le décret précise que, ne relèvent pas de la qualification de gens de mer, les personnels exerçant leur travail exclusivement à bord d’un navire à quai ou au mouillage ou exerçant une des activités professionnelles suivantes :

- observateurs des pêches ou de la faune et de la flore marine519 ; - représentant de l’armateur ou de ses clients ;

- interprètes ; - chercheurs ;

- chefs gastronomiques ;

- activités relatives au bien-être et au sport ;

- personnels autres que chercheurs et les hydrographes lorsqu’ils participent aux missions de recherche à bord des navires affectés à des activités de recherche océanographique ou halieutique ;

- les personnels ouvriers, techniciens ou ingénieurs à bord des navires affectés à des activités d’exploration ou d’exploitation ;

- les personnels dispensant des formations n’ayant pas un caractère maritime ;

- les personnels exerçant une activité de culture marine ne relevant pas de celle exercée à bord des navires affectés à l'exploitation de parcelles concédées sur le domaine public

517 Art. R. 5511-5 à R. 5511-7 C. Transp. 518 Art. R. 5511-5 C. Transp.

519 Il peut arriver que de tels personnels soient obligatoirement présents sur les plateformes offshore. Une

telle obligation existe, par exemple, sur les plateformes offshore qui opèrent sur le plateau continental arctique des États-Unis. Ces observateurs étudient les conséquences de l’activité offshore sur la faune et la flore environnante. L’obligation résulte du contrat de concession conclu entre l’opérateur principal et les agences fédérales en charge de l’activité, en conformité avec les réglementations du US Fish and Wildlife Service (USFWS).

Le pluralisme extrinsèque, le réseau contractuel d’entreprises

114

maritime nécessitant une navigation totale de trois milles ou plus, les personnels armant ces navires.

De nombreux travailleurs sur les plateformes offshore seraient donc des travailleurs 219.

autres que gens de mer. Il est pour le moins curieux de considérer les cuisiniers classiques, qui cuisinent pour certains travailleurs offshore, comme des gens de mer non marins, alors que les chefs gastronomes, ne seraient pas des gens de mer. L’hypothèse est, certes, d’école, mais le résultat laisse perplexe.

En pratique, l’hypothèse est moins fantaisiste concernant les personnels ouvriers, 220.

techniciens ou ingénieurs à bord des navires affectés à des activités d’exploration ou d’exploitation, qui ne seraient donc pas qualifiés de gens de mer. L’exclusion absolue étonne, bien qu’elle ne concerne pas ceux qui exerceraient une activité liée à la navigation. De nombreuses normes de la Convention du travail maritime devraient pouvoir être applicables à ces catégories de travailleurs. Cette exclusion, fondée sur l’activité des travailleurs, interroge encore lorsqu’on pose l’hypothèse d’une plateforme qualifiée de navire, dont l’activité principale serait la recherche et la production de gaz ou de pétrole et dont le fonctionnement serait assuré par ces travailleurs.

Outline

Documents relatifs