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Le secteur des assurances maritimes, au même titre que les sociétés de classification, 247.

doivent s’interroger sur l’application de la MLC aux travailleurs offshore. Il s’agira, au sein des contrats d’assurance liant les entreprises du réseau offshore aux assureurs, de prévoir des clauses relatives à la conformité des entreprises aux certifications sociales de la MLC. Au titre des assureurs, la BIMCO encourage particulièrement les industriels à respecter les normes sociales de la MLC sur les installations offshore570. Des clauses assurantielles en dépendent qui,

en partie, sont encadrées et déterminées par la MLC elle-même à travers des obligations assurantielles de l’équipage571. Ainsi, dans une circulaire spéciale de 2013572, la BIMCO nous

informe sur le contenu des recommandations additionnelles relatives aux clauses MLC pour ses contrats d’assurance offshore. Ces éléments sont d’autant plus intéressants qu’ils ont été travaillés en concertation avec de nombreux acteurs d’origines diverses. Des membres, entre autres, de l’Anglo-Eastern Ship Management, de Maersk Offshore, de l’IMCA, l’International

Marine Contractors Association573, de l’association des armateurs norvégiens574, de NORDISK, d’une entreprise de forniture de main-d’œuvre spécialisée dans le secteur offshore, de la

568 Bureau Veritas, « Marine & Offshore Business Review 2012-2013 », p. 17 : « One area where BV

extended its work to help offshore operators was to adapt and apply the MLC to offshore units. Marine crews on offshore units will be covered by MLC requirements and BV was helping yards and flag states to make that go smoothly », que l’on pourrait traduire par : « un des domaines dans lesquels le BV a développé son travail, est celui de l’aide aux entreprises offshore pour s’adapter et pour appliquer la MLC aux installations offshore. Les équipages de marins sur les installations offshore seront couverts par les exigences de la MLC, et le BV a contribué à ce que les chantiers et les États du pavillon s’adaptent sans difficulté à ces évolutions ».

569 McConnel M. L., « « Making Labour History » and the Maritime Labour Convention , 2006 : Implications

for International Law-Making (and Responses to the Dynamics of Globalization) », in Chircop A., McDorman T.L., Roslton S.J. (dir.), The future of Ocean Regime-Building : Essays in Tribute to Douglas M. Johnston, Martinus Nijhoff/Brill, 2009, p. 384.

570 Watson H., et Newdick P., « Maritime Labour Convention : issues for the offshore sector », Bimco Bulletin, vol. 108, octobre 2013 (5), pp. 38-40.

571 Hjalmarsson J., « Crewing insurance under the Maritime Labour Convention 2006 », in Lavelle J. (dir.), The Maritime Labour Convention 2006, International Law Redefined, Routledge, coll. Informa Law, 2014, pp. 95-116.

572 Special circular, n°2, 11 juin 2013, révisée le 3 juillet 2013, Recommended Additional MLC 2006 Clauses for BIMCO Contracts.

573 Cette associationest fortement engagée dans le développement de normes, souvent techniques,

encadrant l’activité offshore.

Le pluralisme extrinsèque, le réseau contractuel d’entreprises

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chambre maritime du Royaume-Uni575 et des P&I Club de l’ouest de l’Angleterre. Ces entreprises

représentent de nombreuses associations productrices de normes essentiellement techniques, des sociétés de fourniture de main-d’œuvre, des armateurs et des assureurs. La provenance et la diversité de ces acteurs laissent présager un rayonnement important des indications présentes dans le texte de la BIMCO.

Les opérateurs privés donnent une impulsion, une orientation à la direction des qualifications sur les plateformes offshore. La diversité des travailleurs, la fragmentation des conceptions nationales, amplifient leur rôle, d’autant plus dans les États où les avancées sur la question des qualifications est maigre. À ce niveau, encore, la Convention du travail maritime semble le point de référence pour la qualification des travailleurs offshore. Pour les situations difficiles à appréhender, la réponse sera nécessairement sectorielle et relayée par les acteurs du monde maritime à travers leur reconnaissance volontaire de la Convention du travail maritime en tant que Convention applicable aux travailleurs offshore. Cette application peut être volontaire, interne aux entreprises dans leur rapport direct avec les travailleurs. Elle peut se déployer en termes de communication par l’intermédiaire des grilles d’analyse et du langage sectoriel adopté par les entreprises. Enfin, il s’agira également d’une immixtion dans les relations contractuelles entre les entreprises impliquées dans l’activité offshore. À ce titre, les relations contractuelles développées par les sociétés de classification et les assureurs sont révélatrices du rôle accordé à la MLC dans la qualification des travailleurs offshore d’une part, et dans l’application de son régime social maritime spécifique d’autre part.

Conclusion de chapitre

Le travail sur les plateformes offshore est marqué par l’extraordinaire diversité des fonctions et des compétences des travailleurs. La distinction cardinale des métiers repose sur l’affectation, ou non, à l’activité d’extraction. À première vue, il semble difficile de résoudre la diversité des travailleurs à une grille de qualification systématisée. Toutefois, la Convention du travail maritime tend à occuper cette fonction. La Convention du travail maritime de 2006 est devenue le référentiel pour déterminer le champ d’application de la plupart des conventions maritimes internationales à vocation sociale. Néanmoins, certaines d’entre elles, car elles impliquent directement le navire, accordent une importance particulière au statut du lieu de réalisation de l’activité en lui-même et, par référence, au navire. La question de l’application de la Convention

Le pluralisme applicable au lieu de travail

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du travail maritime et des conventions maritimes internationales à vocation sociale aux travailleurs offshore est une question complexe. Plusieurs éléments nous permettent d’affirmer que la Convention du travail maritime devient le référentiel global de qualification des travailleurs maritimes et des travailleurs offshore. L’étude comparatiste de la mise en œuvre de la Convention du travail maritime par le Royaume-Uni et la Norvège constitue un pemier signe en ce sens. Le second signe relève de la pratique professionnelle. Il est saisissant, à cet égard, de relever l’assimilation des travailleurs offshore aux référentiels conventionnels maritimes par les opérateurs privés que sont les sociétés de classification et les assureurs, ainsi que par le syndicat international ITF. La voie d’une uniformisation conventionnelle internationale de la qualification des travailleurs offshore ne sauraient, toutefois, écarter la prise en compte de leur diversité. L’uniformisation doit être accompagnée d’une approche pragmatique. En conclusion, la mise en œuvre des fondements de la qualification des travailleurs offshore favorise les conditions d’émergence de la situation de pluralisme juridique encadrant l’activité offshore.

Conclusion de titre

L’exercice de qualification que nous avons mené tout au long de ce titre a permis de creuser les premiers sillons de l’encadrement juridique des relations de travail sur les plateformes offshore. Considérant le travailleur comme le personnage central de toute étude en droit social, il est fondamental de commencer par la connaissance de son identité juridique profonde. Le travailleur est, certes, central, mais il n’est pas isolé. Son environnement de travail détermine sa qualification juridique. La plateforme offshore est, à ce titre, un élément structurant du système juridique qui encadre les relations de travail. Elle révèle une première tension à travers la dualité de ses rattachements physiques : en prise avec la terre et l’État d’accueil, elle est toutefois située en mer. Cette tension est un élément constitutif des travailleurs offshore. Au rapport fonctionnel de qualification des plateformes offshore répond ainsi une relation dialogique fonctionnelle entre le travailleur et son lieu de travail. Les voies de la qualification passent par l’adoption d’une méthode pluraliste éclectique.

La résolution éclectique, pragmatique, du rapport de qualification dialogique mis en 248.

avant nécessite de concevoir l’encadrement juridique des travailleurs offshore comme fondé sur la coexistence de mécanismes, de normes, constitutifs de systèmes juridiques. Le pluralisme juridique institué ne saurait ainsi être appréhendé en l’absence d’une réflexion sur les ordres juridiques au sein desquels il s’enracinne. Les relations de travail se situent, à cet égard, au cœur

Le pluralisme extrinsèque, le réseau contractuel d’entreprises

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d’un réseau contractuel dense formé autour du contrat initial conclu entre l’entreprise pétrolière transnationale et l’État d’accueil.

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Titre II : Le pluralisme extrinsèque, le réseau contractuel

d’entreprises

Les conditions du pluralisme nécessitent une confusion préalable des structures 249.

juridiques qui le composent576. Dans la relation tripartite liant l’État, les sociétés et les

travailleurs, l’État et les sociétés jouent une partition contractuelle complexe. L’État est propriétaire des ressources minières de son sous-sol marin, dont il gère l’exploitation pour le bien commun, c’est-à-dire dans l’intérêt des individus qui le forment et qu’il représente577. L’État

est régulateur et, dans ce cadre, il protège son territoire et son peuple. Il est, à ce titre, garant, en dernier ressort,578 de l’environnement terrestre, maritime et aérien, de la santé et de la sécurité

des personnes qui travaillent sur son territoire579. L’État est aussi un État d’accueil pour les

investissements étrangers. Il encadre les conditions d’accès à l’activité pétrolière et gazière en mer avec dans la mesure de ses besoins en matières premières ou de sa volonté d’en tirer des bénéfices. L’État entre alors dans la peau du client, demandeur vis-à-vis de l’entreprise qui vient lui fournir les moyens d’exploiter ses ressources et de respecter ses obligations à l’égard de ses citoyens580. De client, il peut aussi être un partenaire de l’opérateur principal, voire revêtir

toutes ces casquettes à la fois (Chapitre I).

Le réseau contractuel, qui déterminera par la suite les contours de l’opérateur principal, 250.

s’inscrit dans cette confusion des genres. L’État d’accueil pénètre dans l’entreprise, il en conditionne éventuellement la structure, en imposant sa participation. Pourtant, il pénètre le réseau par la petite porte et reste dans l’arrière-cour, car c’est bien l’entreprise pétrolière

576 Dans le sens d’une transcendance des frontières juridiques, Alex Wawryk écrit : « International

petroleum law transcends legal boundaries and may encompass, for example, aspects of contracts, property, administrative law, taxation law, environmental law and competition law »; « les lois pétrolières internationales transcendent les frontiers juridiques et couvrent, par exemple, les aspects contractuels, la propriété, le droit administratif, le droit fiscal, le droit de l’environnement et le droit de la concurrence », v. Wawryk A., « Petroleum regulation in an international context : The universality of petroleum regulation and the concept of lex petrolea », in Hunter T. (dir.), Regulation of the Upstream Petroleum Sector. A Comparative Study of Licensing and Concession Systems, éd. Edward Elgar publishing, coll. « New Horizons in Environmental and Energy law », 2015, pp. 3-35.

577 Officiellement, ce schéma est fondateur au sein de la majorité des États.

578 Brunet F., « L’État, garant en dernier ressort », in Supiot A., et Delmas-Marty M. (dir.), Prendre la responsabilité au sérieux, PUF, 2015, pp. 275-290.

579 Dans notre monde globalisé les interdépendances entre environnement, sécurité et santé sont

essentielles.

580 Les entreprises transnationales se substituent en fait aux États en tant que partie au contrat social liant

ce dernier à ses citoyens, par la réalisation des fonctions qui sont normalement celles de l’État. Les implications de cette substitution irradient la sphère économique, sociale et environnementale.

Le pluralisme extrinsèque, le réseau contractuel d’entreprises

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transnationale et les pouvoirs économiques privés qui organisent la réalisation de l’activité sur le terrain. Ce sont eux qui se structurent à travers un réseau d’entreprises afin de répondre aux appels d’offres, pour négocier et conclure des contrats d’exploration et des contrats d’exploitation, dans un environnement plus ou moins concurrentiel et marqué par l’histoire581.

L’entreprise transnationale dispose des moyens techniques et financiers pour mener à bien l’activité pétrolière et gazière offshore. Ses formes contractuelles construisent un univers où gravitent l’opérateur principal, des entreprises partenaires, ainsi que des entreprises cruciales transnationales et des entreprises locales582 spécialisées par secteur d’activité (Chapitre II).

581 L’histoire des rapports de force entre États, ainsi qu’entre les États et les entreprises transnationales,

ont structuré le droit de l’énergie dont l’objet a une dimension inter-étatique. Comme le rappellent Naseem M., et Naseem S. : « It is often said that the oil business is not a business but politics and may not only result in or relate to profit or loss but in war and peace »; « il est souvent rappelé que le commerce de pétrole n’est pas seulement un commerce mais surtout de la politique et qu’il ne repose pas que sur les profits et les pertes, mais aussi la guerre et la paix », in « World petroleum regimes », in Talus K. (dir.), Research Handbook on International Energy Law, Edward Elgar, 2014, p. 149. Se référer à deux excellentes monographies historiques sur le sujet, Auzanneau M., Or Noir. La grande histoire du pétrole, éd. La Découverte, 2015, 712 pages, et Yergin D., The Prize : The Epic Quest for Oil, Money & Power, éd. Free Press, rééd. 2009, 928 pages.

582 Parfois, les entreprises transnationales se « localisent », par la création de « local vehicle » par

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Chapitre I :

Les relations contractuelles entre les États

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