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LES CARACTERISTIQUES DE L’OFFRE DE PRODUITS AQUATIQUES

1. La courbe de l‘offre des produits de pêche et le modèle biologique du secteur Le module biologique :

1.2. Le module technique

Les prélèvements opérés par la pêche font passer la ressource du statut de stock vierge à celui de stock exploité. Le concept de fonction de production permet de représenter le lien technique entre captures, ressource et facteurs anthropiques mis en œuvre pour exploiter celle-ci. La fonction de production de court terme traite la ressource comme un facteur exogène. L’intégration de la dynamique du stock (cf. module biologique) conduit à la notion de fonction de production durable.

1.2.1. Fonction de production de court terme Cette fonction repose sur les trois hypothèses suivantes :

 H6 : l’usage pendant un certain temps des facteurs anthropiques mobilisés pour l’exploitation de la ressource (capital, travail) peut être synthétisé à l’aide d’un nombre indice appelé « effort de pêche ».

 H7 : le volume total Y des captures réalisées pendant l’intervalle de temps marginal [t ; t+dt] est une fonction croissante de la biomasse S du stock en t et de l’effort de pêche E déployé pendant dt.

Y = f( S, E ) avec δf / δS > 0 et δf / δE > 0 (3)

 H8 : la capture par unité d’effort (CPUE) est proportionnelle à l’abondance du stock :

Y / E = q . S (4)

où q est un paramètre positif appelé « coefficient de capturabilité ». La relation (4) permet de spécifier la fonction de production f :

f( S, E ) = q . S. E (5)

Les hypothèses du modèle présentent encore un caractère restrictif :

- Ainsi que le note Johann Le Roux dans ses travaux93, « compte tenu des possibilités de substitution entre facteurs, l’existence d’un indice synthétisant le jeu combiné

93 Le Roux Johann, op. cité.

des facteurs de production anthropiques suppose des conditions assez strictes qui ne sont pas à prendre en compte dans une pêcherie concrète et leur caractère évolutif, sous l’effet du progrès technique, pose des problèmes de mesure complexes (Laurec et Le Guen, 1981) » ;

- L’hypothèse de proportionnalité entre CPUE (à supposer qu’on ait réussi à définir l’effort de pêche) et abondance de la ressource constitue une approximation qui convient mieux à certaines pêcheries qu’à d’autres ; schématiquement, elle s’applique mieux aux pêcheries démersales qu’aux pêcheries pélagiques94, les espèces pélagiques vivant généralement en bancs.

À titre de remarque, il est possible de préciser l’interprétation du progrès technique à partir de l’expression (4) qui peut s’écrire sous la forme suivante :

Y / S = q . E

Elle indique que le taux instantané de mortalité par pêche (Y/S) est proportionnel à l’effort de pêche. En réécrivant l’égalité ci-dessus de manière à isoler le coefficient q,

q = (Y/S) / E

on fait ressortir la signification du coefficient de capturabilité : celui-ci mesure le taux de mortalité infligé au stock en moyenne par une unité d’effort, i.e. l’efficacité technique des opérations de pêche ; le progrès technique dans le secteur halieutique a pour effet d’accroître ce coefficient.

1.2.2. Fonction de production durable

Les prélèvements effectués par la pêche affectent la biomasse des stocks exploités. A la différence des ressources minérales, les ressources halieutiques sont renouvelables, de sorte

94 Ainsi qualifiées en fonction du type de pêche pratiquée et des espèces capturées. Les espèces pélagiques, très souvent des grands migrateurs, peuplent la partie des mers ou océans comprenant la colonne d'eau, c’est-à-dire les parties autres que les côtes ou le fond marin (la plaine abyssale). Par opposition, les pêcheries démersales ont pour objectif la capture des espèces vivant dans les eaux proches des côtes ou du fond marin.

1ère partie – Chapitre 1 : L’offre en produits aquatiques et son influence sur l’industrie de transformation

qu’un équilibre peut s’établir entre le flux de prélèvement opéré par la pêche et le flux de renouvellement de la ressource, permettant une exploitation durable de cette dernière. De façon plus spécifique, l’exploitation est dite durable lorsque le flux de prélèvement opéré par la pêche est juste égal au flux d’accroissement naturel de la ressource, permettant ainsi à la biomasse du stock exploité de se maintenir à un niveau constant (dans les conditions environnementales non perturbées). La condition d’exploitation durable peut donc s’écrire :

f ( S, E ) = g ( S ) (6)

La relation ci-dessus permet normalement d’obtenir une relation S(E) entre la biomasse d’équilibre et l’effort de pêche qui, une fois réinjectée dans la fonction de production f, donne la fonction de production durable de la pêcherie :

Y = f [ S (E), E ] = φ ( E ) (7)

Cette égalité exprime la relation entre un niveau d’effort donné et le niveau de production durable qu’il permet de réaliser, compte tenu des spécifications retenues pour g et f (relations (2) et (5) respectivement), on obtient la relation suivante entre effort de pêche et biomasse d’équilibre :

S ( E ) = Smax . (1 – q. E / r ) (8)

Cette relation indique que la biomasse d’équilibre est une fonction linéaire décroissante de l’effort de pêche. Égale à Smax en l’absence de pêche (E = 0), elle s’annule lorsque l’effort de pêche atteint le niveau r / q. Un effort de pêche trop important provoque donc l’extinction du stock.

En reportant cette expression dans (2), on obtient ensuite la fonction de production durable :

φ ( E ) = Smax . q . E . (1 – q. E / r ) (9)

Figure 7 : Equilibre biologique de la pêcherie et fonction de production durable A. Biomasse en fonction de l’effort de pêche

S Smax γ tg γ = (- q/ r) . SMAX Smax 2 0 r / 2q r / q E

B. Fonction de production durable

Y tg λ = q . Smax λ E 0 r / 2q r / q

Lorsque l’effort de pêche augmente, deux effets contradictoires s’exercent sur le volume de production durable :

- Un effet direct positif : à stock donné, les captures sont d’autant plus fortes que l’effort est élevé (cf. relation (2)).

- Un effet indirect négatif, via la biomasse d’équilibre : celle-ci diminue lorsque l’effort augmente (cf. relation (8)).

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Passé un certain seuil (E = r / 2. q dans le modèle G-S), l’effet indirect l’emporte sur l’effet direct, de sorte que le volume de production durable devient une fonction décroissante de l’effort de pêche. Il existe donc un niveau maximum de rendement durable (MSY)95, imposé à la pêche par les caractéristiques naturelles de la ressource et de son écosystème. Ce MSY correspond au flux d’accroissement naturel maximal du stock (dans le modèle Gordon-Shaeffer, MSY = r. Smax /4). La réalisation du MSY suppose donc que la biomasse exploitable soit stabilisée au niveau qui génère ce flux maximum (ce niveau est Smax /2 dans le modèle Gordon- Shaeffer), ce qui nécessite que l’effort de pêche soit dosé de façon adéquate (cf. relation (8) entre effort de pêche et biomasse d’équilibre).

Ce point fait ressortir une première différence entre pêche et élevage : quel que soit-on degré de sophistication technique, la pêche reste une activité de simple prélèvement sur les stocks « sauvages » dont la dynamique (reproduction, croissance individuelle) n’est pas contrôlée. Le progrès des techniques de pêche n’est pas susceptible de relever le MSY. Celui-ci constitue donc un butoir à l’augmentation de l’offre de matière première halieutique, qui n’a pas d’équivalent dans le secteur des matières premières agricoles.