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L’INTEGRATION DANS L’APPROVISIONNEMENT DES INDUSTRIES HALIO-ALIMENTAIRES

2. L’Industrie halio-alimentaire – un méso-système productif

L’industrie halio-alimentaire est une filière productive qui utilise aussi bien des produits de la mer que d’élevage pour fabriquer des aliments. L'industrie halio-alimentaire repose sur la valorisation d'une ressource qui est naturelle, renouvelable et commune, trois propriétés qui se distinguent de celles des ressources agroalimentaires. Ces spécificités remettent-elles en cause la transposition du modèle de développement de l'industrie agro-alimentaire à l'industrie halio-alimentaire ? Plus précisément ces spécificités génèrent-elles des comportements d'approvisionnement particuliers ?

Le besoin d’approche globale conduit à s’interroger sur les apports possibles des démarches systémiques déjà appliquées dans de nombreux domaines. Dans l’approche théorique comme dans les études empiriques, il a été considéré comme acquis que l’industrie halio-alimentaire présente les caractéristiques d’un méso-système productif orienté vers le marché. Il ne s’agit pas de reprendre ici dans le détail l’histoire et les caractéristiques de ces approches. Nous donnerons seulement à ce sujet quelques repères bibliographiques (Von Bertalanfly 1973, Delattre 1971, Walliser 1977, Morin 1977, Le Moigne 1984, Lapierre 1992) en rappelant que l’idée d’une interdépendance généralisée a prédominé depuis le développement de l’esprit cartésien basé sur un principe analytique et de simplification. Toutefois, selon Delattre (1990), on est encore dans une période de tâtonnements sans véritable théorie des systèmes en tant que méthode scientifique d’appréhension de la réalité. Ainsi il existe une multitude de définitions du concept de système et de l’approche systémique. On peut cependant observer, avec Chaboud et Fontana (1992), qu’elles ont pour point commun de mettre l’accent sur l’interaction des éléments, l’organisation, la globalité et la complexité.

Il semble que les spécificités de l’activité halieutique ne permettent pas une transposition directe des concepts élaborés en agriculture, ni des adaptations proposées dans le domaine de l’élevage où il existe un contrôle de la mobilité animale par l’homme (Rey, 1991-a). En effet, l’extension des notions de système de culture ou d’élevage amènerait à définir le système pêche comme l’association d’itinéraires techniques et le système de production halieutique comme le regroupement de systèmes de pêche pour une période donnée. Cependant, bien qu’il y ait fréquemment un lien entre la technique et l’espace où elle est appliquée, tous les engins n’ont pas de vocation territoriale et il n’est donc pas possible de transposer la notion d’opération technique telle qu’elle est définie en agriculture. Des tentatives d’adaptation de la démarche menée en agriculture ont bien eu lieu ; ainsi Rey (1989) et Babin (1993) proposent comme cadres le système famille/exploitation et le système pêcheur/entreprise/famille, respectivement pour la pêche aux petits métiers188 en Méditerranée et pour la pêche professionnelle continentale française.

Quensière (1991) a défini les conditions qui permettent qu’une analyse systémique de la complexité de la pêche ne soit, ni réductionniste, ni seulement globaliste, en proposant une définition du concept général de système basée sur une notion d’action appréhendée comme couplage ou relation connective. Un système, conceptuel ou matériel, est alors défini à partir de trois concepts : sa composition, son milieu et sa structure. Cette définition présente

188 Les « petits métiers » correspondent à l'ensemble des navires de pêche, sauf les chalutiers titulaires d'une licence de chalutage et les thoniers-sardiniers titulaires d'une licence de pêche aux poissons pélagiques. Les navires pratiquant la pêche des petits poissons pélagiques au « lamparo » ne sont retenus qu'au titre des autres métiers qu'ils pratiquent, le cas échéant. Si certains « petits métiers » travaillent au large, la majorité d'entre eux exploitent les lagunes et la zone côtière. La pêche aux « petits métiers » est l'une des composantes principales du « système côtier » du littoral français en Méditerranée. Disséminée tout au long du littoral et des lagunes, cette activité est beaucoup plus difficile à cerner que les autres types d'activités halieutiques (pêche au chalut, au thon..). Elle regroupe un grand nombre d'embarcations, qui mettent en œuvre de multiples engins et techniques de pêche, et recherchent un nombre important d'espèces. En outre, la production des petits métiers entre rarement dans les systèmes de commercialisation qui produisent des statistiques de vente, car elle est écoulée en dehors des criées, qui absorbent essentiellement les prises des chalutiers.

L'activité des « petits métiers » du large est plus facile à appréhender car ils exploitent peu d'espèces (principalement le merlu, la sole et le thon rouge) selon une saisonnalité marquée (source : site Ifremer).

1ère partie- Chapitre 2 : Les modèles d’approvisionnement dans l’industrie halio-alimentaire

l’intérêt d’offrir une distinction entre composition et structure avec une définition fonctionnelle de la structure qui permet une approche en termes de réseau.

2.1.1. Le concept de filière

La méso-économie est une réponse à la question du passage entre niveau macroéconomique et microéconomique. Elle rejoint les principes de la théorie des organisations dans le sens où le nouveau niveau d’analyse qu’elle introduit est adapté à l’étude des formes de coordination des comportements individuels et suppose l’existence d’un mode de coordination différent du marché (Hugon, 1988)189. L’analyse en terme de filière permet d’appréhender l’adéquation entre l’offre et la demande au niveau des différentes opérations de transformation de la matière et des ajustements dans l’espace (transport et distribution) et dans le temps (stockage).

Ainsi la filière se définit comme un espace de technologie, de relation et de stratégie (Morvan, 1985) ou plus généralement comme un lieu d’interdépendance (De Bandt, 1988). Cependant, Morvan (1985) observe que les filières peuvent être plus ou moins épaisses et plus ou moins linéaires tandis que De Bandt (1988) évoque le fait qu’elles peuvent être plus ou moins étanches en notant l’importance des relations horizontales entre filières. La réintroduction d’une démarche de type systémique, conduit donc à une nouvelle conception de la filière (Valcescini, 1990), tandis que De Bandt (1988) propose de lui substituer le concept de « méso-système productif » qui met davantage l’accent sur les modalités d’organisation (De Bandt, 1988).

La filière ou méso-système (Hugon, 1989, 1994) est définie comme « un ensemble structuré de transformation de biens par des opérations d'acteurs, de modes de coordination (par les prix de marché, par les conventions, par les contrats, par les règles et réglementation), de modes de régulation (domestique, marchande, capitaliste, administrée). Le déploiement des stratégies des acteurs (firmes, offices publics, paysanneries, pouvoirs publics...) en charge des opérations se caractérise par une régulation du fonctionnement de la chaîne ; celle-ci

189 HUGON définit la filière comme « le lieu permettant de comprendre la dynamique d’un système, d’étudier les relations marchandes et non marchandes, d’analyser les modes d’organisation et de repérer les nœuds stratégiques ».

position hégémonique ».

2.1.2. L’apport du méso-système productif

L'analyse de filière est donc particulièrement opérationnelle pour les pays en développement caractérisés non seulement par des défaillances de marché (market failures), mais aussi par des non constitutions de marchés (des facteurs de production de la terre, du travail ou du crédit) et par des défaillances des États et des règles (states and rules failures). Elle permet de repérer les nœuds stratégiques de valorisation ainsi que les goulets d'étranglement au niveau des producteurs, des fournisseurs de produits d'amont et de crédit, des opérations de collecte, de transport, de transformation, de distribution et d'utilisation finale des produits. Elle s'applique avec pertinence pour des sociétés où quelques produits représentent l'essentiel de l'activité économique nationale. Elle prend en compte les articulations entre les échelles locales et globales et permet notamment de voir les concurrences ou les complémentarités entre les filières de produits importés et les filières locales, régionales ou nationales (Lançon et al 2004).