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La coopérative à dimension humaine : un modèle adapté de transition de la pêche artisanale vers la société de pêches dans les PED

L’INTEGRATION DANS L’APPROVISIONNEMENT DES INDUSTRIES HALIO-ALIMENTAIRES

1. La coopérative de pêche - un modèle de transition vers les sociétés de pêche

1.2. La coopérative à dimension humaine : un modèle adapté de transition de la pêche artisanale vers la société de pêches dans les PED

La coopérative peut-elle être considérée comme un modèle adapté permettant de mettre en cohérence243 les acteurs de l’approvisionnement en matière première des entreprises de transformation des PED ?

On a abordé ci-dessus le cas d’intégration verticale dans l’industrie agro-alimentaire (IAA). La relation entre producteurs et industries de transformation halieutique et aquacole pourrait être un cas particulier à envisager, la problématique s’énonçant alors de la façon suivante :

Dans les pays en développement, en raison de l’instabilité de l’environnement de la pêche et de l’aquaculture, de l’insuffisance fréquente de capital ainsi que de différentes données techniques…, les activités de pêche et d’aquaculture artisanale sont confrontées à de nombreuses difficultés. Les pêcheurs, notamment, n’ont pas assez de moyens pour maîtriser les informations sur les zones de pêche, équiper leurs navires de manière fonctionnelle pour la pêche au large, conserver les captures jusqu’à la vente ou le débarquement.

Au Vietnam, la plupart des entreprises de transformation n'ont pas des relations étroites avec les producteurs de matière première (pêcheurs, aquaculteurs). Elles choisissent leurs fournisseurs au coup par coup, en fonction des prix qui leur sont proposés, recherchant le

243 Au sens de « liaison étroite des différents éléments d’un groupe » (Larousse).

captures. Les producteurs, pour leur part, ne sont pas fidèles aux entreprises et vendent à qui paie le plus et surtout à des intermédiaires.

En revanche, si les producteurs de matière première et l'entreprise s’organisent en coopérative, ils auront l’obligation de collaborer. La stabilité des échanges entre l’entreprise et les pêcheurs sera assurée par la détermination d’un prix conventionnel, faisant ainsi disparaître le caractère éphémère et incertain de leur relation.

La création d’une coopérative correspond à une double rupture de la stricte logique économique : d’une part il y a passage d’une action individuelle à une action collective ; d’autre part cette action collective prend, non pas la forme classique de la firme privée, mais celle d’une organisation de collaboration. Elle est envisagée comme la forme de coordination économique nécessaire face à une « défaillance de marché »244 à laquelle on remédiera par :

a. La réduction des coûts de transaction pour pallier les imperfections du marché

La création d’une coopérative peut s’avérer nécessaire pour faire face aux imperfections ou à l’absence de marché : absence de marché de produits, absence de marché de capital industriel et commercial. Elle peut vaincre les obstacles du manque d’acheteurs de leurs produits et l’absence d’investisseurs de capitaux extérieurs en raison des coûts de transaction élevés et de la faible rentabilité du commerce. En prenant en main, via leur coopérative, le développement intégré de filières innovantes à partir de leurs produits de base, ces producteurs-adhérents créent de nouveaux marchés.

b. La réaction face à une concurrence imparfaite : (situation d’oligopsone245) La création d’une coopérative peut aussi répondre à d’autres imperfections du marché, de type concurrence imparfaite.

En France, on a beaucoup écrit sur les coopératives vinicoles qui se sont créées expressément pour réduire et mutualiser les risques techniques et commerciaux des

244 JARRIGE F., Ancienne institution, nouveaux enjeux, la coopération agricole aujourd’hui. Réflexions sur le cas des coopératives vinicoles du Midi, Collection Economie agricole & agro-alimentaire, 1998.

1ère partie- Chapitre 2 : Les modèles d’approvisionnement dans l’industrie halio-alimentaire

adhérents, lesquels, de producteurs de vin, deviennent producteurs de raisin livré à la coopérative (Mévellec, 1986246 ; Deshayes, 1988247 ; Parliament et Lerman, 1993248). La mutualisation des risques permet la réalisation d’économies d’échelle technologiques de type industriel ; elle est souvent évoquée comme moteur de la constitution de coopératives agricoles, en relation avec la mise en commun des moyens des agriculteurs.

c. La recherche d’un soutien public

Des aides publiques à l’investissement coopératif et un allégement du régime fiscal peuvent constituer, sinon l’élément essentiel, tout au moins un facteur facilitant la constitution de coopératives de pêche. Les fondateurs de la coopérative sont souvent eux-mêmes apporteurs du capital, faute d’investisseurs capitalistes249.

La création de la coopérative correspond donc à un projet collectif, défini en accord avec le projet individuel des membres fondateurs : ceux-ci souhaitent en conserver, sinon le contrôle, tout au moins un pouvoir de participation à la décision, compte tenu de leur engagement et de l’implication des résultats de cette entreprise collective sur leurs entreprises individuelles.

La coopérative serait-elle un modèle adapté de transition de la pêche et de l’aquaculture artisanales à des sociétés de pêche et d’aquaculture dans les PED ?

Dans la mesure où les coopératives ont une activité d’approvisionnement nettement supérieure à celle des entreprises privées, il existe une faiblesse relative de la valeur ajoutée dégagée sur les achats par rapport aux performances des entreprises de droit commun. La création de structures de collecte, de transformation et de commercialisation est incomparablement plus difficile à maîtriser. D’ailleurs, la coexistence de coopératives et

246 MEVELLEC P., « Informatique et capitaux à risque. La coopération nouvelle est arrivée », Ed. RECMA, n°20, pages 46 à 55, 1986.

247 DESHAYES Gérard, "Logique de la coopération et gestion des coopératives agricoles" Skippers (Paris), 1988.

248 LERMAN Z. et PARLIAMENT C., "Financing growth in Agricultural Cooperatives", Review of Agricultural Economics, Vol. 15, pages 431 à 441, 1993.

249 Par exemple, les coopératives de nouvelle génération aux Etats-Unis.

relatives aux problèmes de l’imposition sur les bénéfices. Aujourd’hui, ce problème devient banal et certains responsables de coopératives souhaitent même un alignement des statuts sur le secteur privé, espérant un élargissement des sources de financement250. Ceci suppose une rentabilité suffisante et soulève le problème du contrôle par les producteurs de matière première.

Cependant, face à l’évolution de leur base et de leur environnement, les coopératives peuvent être amenées à de profondes mutations jusqu’à « faire apparaître une coopérative d’un type nouveau ou plutôt un nouveau type d’organisation », notamment sous la pression des nouvelles technologies et de nouveaux modes de financement251. La conclusion de Mévellec mériterait d’être méditée par les responsables politiques de la coopération agricole : «…Les coopératives ne devraient avoir aucun regret à disparaître car elles auraient pleinement rempli leur rôle d’organisation médiatrice entre l’économie préindustrielle et l’économie postindustriel structurée par les réseaux d’information.»

Du point de vue individuel, l’intérêt du mode d’organisation coopératif dans le secteur de pêche et de l’aquaculture repose donc en premier lieu sur le regroupement de l’offre de produits aquatiques, qui, dans le cadre d’échanges répétés avec les mêmes partenaires, permet des économies de coûts de transaction concernant :

- D’une part la gestion de la clientèle, des produits, des prix ;

- D’autre part la logistique pratique de manipulation, éventuellement de transformation, de stockage et de transport de produits aquatiques.

À terme, le regroupement de l’offre en coopérative halieute ou aquacole, outre des gains sur les coûts de transaction proprement dits, peut jouer sur le rapport de force, le cadre même des échanges : ainsi, les coopératives sont en mesure de participer à la définition des niveaux et conditions de prix, des normes de qualité, des prestations de services associées… avec, face aux acheteurs, un pouvoir de négociation supérieur à celui de

250 En particulier grâce à l’ouverture du capital social à des tiers.

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producteurs isolés. La coopérative serait un modèle efficace de transition de la pêche et de l’aquaculture artisanales à la société de pêche et d’aquaculture dans les PED.

Ainsi, la coopération représente dans le secteur agro-alimentaire une forme de coordination collective unique. Elle se distingue du fonctionnement hiérarchique du modèle de firme capitaliste ainsi que de la coordination entre individus par le marché ou par le contrat. L’avenir en terme d’organisation des filières halio-alimentaires va se jouer entre la coopération institutionnalisée, via le contrat coopératif, et la coordination verticale contractuelle, de type accord interprofessionnel.

Nous tenterons maintenant de mettre en évidence cet aspect par la présentation de coopératives que nous considérons comme exemplaires en France et au Japon et par une brève analyse sur les perspectives de développement des coopératives et associations de pêche au Vietnam.

2. Les études de cas : Les coopératives de pêche et l’intégration verticale des IHA