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L’INDUSTRIE DE TRANSFORMATION DES PRODUITS AQUATIQUES

4. L’ère de la pêche industrielle

À l’époque du développement des pêcheries de hareng et de cabillaud, la plus grande partie du poisson de mer consommé en Europe était pêchée par des bateaux à voiles, comme les sémaques70 qui dérivaient vent arrière avec des chaluts par le travers.

En Europe, la propulsion à vapeur a commencé à être utilisée pour les navires de pêche vers la fin du XIXe siècle : les navires motorisés ont alors remplacé petit à petit les bateaux de pêche à voiles. Puis les moteurs à combustion interne (Diesel) ont été utilisés pour les navires de pêche au début du XXe siècle et ont complètement remplacé la vapeur dans les années 60. Après la Seconde Guerre Mondiale, les bateaux de pêche en Europe ont commencé à utiliser des sondeurs et des détecteurs à ultrasons pour la détection du poisson, et ces méthodes ont été reprises par les flottes de pêche industrielle dans le monde entier. Le « Fairtry » premier chalutier-usine équipé pour la pêche arrière71, a été construit en 1953 à Aberdeen en Ecosse. Le vaisseau était équipé d'une installation de congélation rapide, de filtreuses automatiques, d'unités de réfrigération et d'une usine de farine de poisson.

Entre-temps, les planificateurs soviétiques décidèrent d'augmenter par la pêche l'appoint en protéines dans l'alimentation de leur population. Ayant très vite reproduit le « Fairtry », l'Union Soviétique possédait dès les années 1960 sa propre flottille de chalutiers-usines congélateurs. Lorsque les vaisseaux de reconnaissance avaient établi qu'une région était assez riche en poisson pour être exploitée commercialement, la flottille de pêche toute entière, comprenant un grand nombre de chalutiers-usines à pêche arrière, équipés de congélateurs, et de plus petits chalutiers y était déployée. Un bateau-mère ou navire-usine l'accompagnait afin de traiter la prise des plus petits chalutiers. L'un de ces navires, le « Professeur Baranov », un bateau-usine de 165 m de long, pouvait transformer la prise de

70 Navire des Pays-Bas, aujourd’hui disparu. Il était de petite dimension: les sémaques figuraient sur l'effectif de 1848 au nombre de 181, d'un jaugeage total de 11 480 tonneaux ; on n'en comptait plus, en 1873, que huit, jaugeant 627 tonneaux.

71 Il levait ses filets au moyen d'une rampe située à l'arrière, contrairement aux chalutiers plus anciens qui levaient les leurs par le côté. Cette méthode nouvelle permettait d'employer des filets plus grands et de pêcher par n'importe quel temps ou presque.

1ère partie – Chapitre 1 : L’offre en produits aquatiques et son influence sur l’industrie de transformation

20 chalutiers de 40 à 50 m. Il était capable de saler 200 tonnes de hareng, de réduire 150 tonnes de poisson et de déchets de poisson en farine, de fileter et de congeler 100 tonnes de poisson de fond, de fabriquer 5 tonnes d'huile, de produire 20 tonnes de glace et de distiller 100 tonnes d'eau par jour. En outre, la flottille russe était accompagnée de navires de ravitaillement en carburant, de remorqueurs de sauvetage, de navires frigorifiques et d'ateliers de réparation flottants.

Dans les années 1950 et 1960 deux améliorations importantes ont mis en valeur l'avantage de la mécanisation des navires de pêche : l'utilisation des fibres synthétiques pour les filets, ainsi qu'une nouvelle conception, plus rationnelle, de leurs formes. Ces améliorations ont modifié les vieilles méthodes de pêche, comme le chalutage, les filets maillants et les palangres, et ont considérablement augmenté les prises.

Cependant, ces développements n'ont pas été accompagnés d’une gestion appropriée des ressources existantes et ont donc conduit à une surexploitation importante et à des pertes financières pour les industries de transformation des produits de la pêche dans le monde entier. Ces pertes résultent de la trop grande capacité des flottes et du surinvestissement ; on estime que 46% de la valeur des prises totales débarquées dans le monde représente le retour sur investissement du capital investi dans les flottes et que ce chiffre est beaucoup trop élevé (FAO, 1995).

La surgélation et la possibilité d'exploiter des chaînes de froid fiables ont conduit à une grande diversification des produits de la pêche sur les marchés du poisson des pays développés. Parmi eux se trouvent des produits pour lesquels l'espèce utilisée importe moins que le type de préparation avec l'introduction du concept de produits préparés et semi-préparés tels que bâtonnets et burgers de poisson ainsi que d'autres préparations. On trouve ainsi divers produits à base de chair hachée de poisson. Cependant, le produit qui prédomine dans ce secteur est le kamaboko72, ou surimi, du Japon. Le kamaboko et ses produits dérivés étaient des produits traditionnels consommés surtout au Japon, mais

72 Le surimi est un produit qui fut créé au Japon, pendant le XVIIe siècle, où il portait le nom de kamaboko. Le procédé de fabrication permettait alors de conserver le poisson afin de pouvoir le consommer même hors des périodes de pêche. Le surimi fut importé en Europe dans les années 1980. Ce sont les Japonais

connus aussi en Chine et dans d'autres pays asiatiques. On le préparait à l'origine artisanalement à partir de quelques espèces de poisson frais. En 1960, les Japonais ont commencé à produire du kamaboko à partir de chair de colin d'Alaska, broyée et congelée, et ont mécanisé l'ensemble du procédé de fabrication. Vers 1975 au Japon, et plus tard dans les autres pays développés, le kamaboko a commencé à être utilisé dans la production de produits d'imitation (par exemple, en ersatz de chair de crabe royal). Ceci a ouvert la possibilité d'utilisation d'espèces moins exploitées et a permis une réduction des pertes après capture.

§2. Les caractéristiques de la matière première utilisée par l’industrie de transformation

Par l’expression « matière première », on entendra ici le cumul des ressources naturelles biologiques, constituées par les animaux et plantes vivant dans l’eau, qui peuvent être exploitées sans mettre en péril leur cycle de reproduction.

La matière première aquatique d’un État désigne donc les ressources aquatiques contenues dans les eaux intérieures73, les eaux territoriales74 et la zone économique exclusive 75 de cet État76.

Cette matière première aquatique présente les caractéristiques suivantes :

 Elle est menacée de disparition, malgré une capacité de renouvellement pratiquement illimitée en théorie

Les animaux et plantes aquatiques (végétaux marins) se renouvellent naturellement ; cette capacité dépend cependant des conditions de l’environnement hydrologique et écologique,

eux-mêmes qui ont inventé le terme "surimi" pour exporter leur produit. Ce nom est maintenant utilisé dans le monde entier.

73 Eaux salées, saumâtres ou douces, situées en deçà des lignes de base à partir desquelles est déterminée la mer territoriale d’un État côtier.

74 Eaux maritimes, s’étendant au maximum jusqu’à 12 milles nautiques (environ 22,2 kilomètres) des lignes de base, sur lesquelles l’État côtier est souverain.

75 Zone Économique Exclusive (ZEE) : eaux maritimes s’étendant, au-delà de la mer territoriale, jusqu’à une distance maximum de 200 milles nautiques (environ 370,4 kilomètres) des lignes de base. L’État côtier y exerce quelques droits souverains à connotation économique.

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de l’intensité de l’exploitation et des mesures de protection édictées par l’homme. Si l’application des mesures de protection environnementale est efficace et la pratique de pêche gérée de manière rationnelle, ces ressources devraient être inépuisables. Malheureusement, cette vision théorique ne concorde pas avec la réalité contemporaine : la ressource constituée par la pêche de capture est menacée par le phénomène de la « surpêche », qui survient lorsque les poissons sont capturés plus rapidement qu'ils ne peuvent se reproduire. L'industrie de la pêche, allant des artisans pêcheurs aux chalutiers-usines modernes, emploie directement ou indirectement près de 200 millions de personnes dans le monde. Le secteur économique dépendant de la pêche est donc un élément crucial pour le développement d'un grand nombre de pays et notamment le Vietnam. Or, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), 47% des stocks de poissons mondiaux sont complètement exploités, n'offrant donc plus de possibilité d'expansion, et 18% sont signalés comme surexploités. Des changements majeurs dans la composition des prises de valeur économique moindre sont signalés, étant donné que les espèces les plus demandées sont capturées à leur stade immature, ce qui risque d’entraîner à terme leur disparition. Comme les quantités prises baissent, les prix de la plupart des espèces augmentent, diminuant ainsi l'accessibilité du poisson comme aliment pour les populations à faible revenu.

 Elle présente un caractère saisonnier

Les conditions naturelles changent considérablement selon les saisons, ce qui entraîne des conséquences sur les produits aquatiques (les variations de climat et de température altèrent leurs caractéristiques biologiques) ; leur pêche ou leur récolte aura donc un caractère saisonnier marqué77, ce qui est d’une grande importance pour leur exploitation et leur transformation. Une bonne maîtrise de ces paramètres peut donc limiter l’impact des caractéristiques saisonnières sur la production, mais il ne faut pas sous-estimer un autre phénomène : la raréfaction des ressources pousse les grandes firmes à aller pêcher dans les eaux des pays du Sud.

77 Ainsi, au Vietnam, les seiches sont pêchées d’octobre à novembre, les différentes espèces de poisson d’avril à juin…

 Elle est constituée d’une importante variété d’espèces, souvent exploitées à mauvais escient

Les espèces exploitées fluctuent selon les zones de pêche, la profondeur des fonds, la température de l’eau, les cycles de croissance78 et de vie des espèces capturées. Par conséquent, les activités de pêche et de transformation halieutique sont dépendantes des espèces pêchées, ce qui entraîne la novation des techniques afin d’exploiter de manière optimale la ressource. A sa session de 2007, le Comité des pêches de la FAO (COFI) a signalé la nécessité d’aligner la capacité de pêche sur des niveaux d’exploitation viables79. En effet, la pêche industrielle a divers impacts sur les écosystèmes marins, le plus préoccupant restant la diminution rapide des populations de poissons. Un quart des prises totales ne sont pas celles visées, et sont donc le plus souvent perdues80. Certaines prises accidentelles sont certes conservées pour le marché, mais le plus souvent rejetées mortes car elles ne correspondent pas à la bonne espèce, sont trop petites, de moindre qualité ou ne font pas partie des quotas de pêche.

 La répartition des espèces est inégale selon les zones

Sauf en ce qui concerne les espèces sédentaires, qui sont attachées à un type de fonds, il existe une forte mobilité81 des espèces dites migratrices (thonidés) d’une zone à une autre selon les saisons, la température, les courants, les sources d’aliments ; la répartition des ressources n’est donc ni homogène, ni uniforme. La maîtrise de cette particularité doit être prise en compte tant par l’industrie de la pêche que par celle de transformation.

78 La IIIème Conférence des Nation Unies sur le droit de la mer (10 décembre 1982) distingue ainsi entre les espèces anadromes qui concernent les poissons de mer remontant les cours d'eau pour y pondre, comme le saumon et les espèces catadromes, composées par les organismes vivant en milieu dulçaquicole (en eau douce) et se reproduisant en milieu marin (en eau de mer) comme les anguilles.

79 « La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2008 », document de FAO, ISNN 1020-5497.

80 D'après une étude de 2005 publiée par l'organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, les rejets dans l'Atlantique Nord étaient estimés à 1.332.000 tonnes par an, soit 13 % du volume des prises. Pour la mer du Nord, l'estimation se situait dans une fourchette de 500.000 à 880.000 tonnes. Dans les eaux situées à l'ouest de l'Irlande et de l'Écosse, le volume des rejets était compris entre 31 et 90 % de celui des captures selon la flotte considérée, l'espèce ciblée et la profondeur. En Méditerranée et en mer Noire, les rejets s'établissaient à 18.000 tonnes, soit 4,9 % du volume des prises.

81 C’est pour cette raison qu’a été conclu, le 4 août 1995, à New York, l’accord aux fins de l'application des dispositions de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982. Il est relatif à la conservation et à la gestion de stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs. Le Vietnam ne l’a pas signé ni, a fortiori, ratifié.

1ère partie – Chapitre 1 : L’offre en produits aquatiques et son influence sur l’industrie de transformation

 Les subventions gouvernementales amplifient le phénomène de surpêche

Mais il faut signaler ici les problèmes engendrés par les subventions accordées au secteur de la pêche : le secteur de la pêche est en proie à de lourdes pertes économiques depuis plus de quinze ans. Cependant, les gouvernements nationaux ont, par habitude, largement subventionné ce secteur étant donné qu'il est une source majeure d'emploi et de bénéfices pour l'alimentation et les exportations. En effet, environ 50 millions de personnes (dont 35 millions de pêcheurs) dépendent mondialement directement ou indirectement de la pêche. Selon la FAO, réduire la pêche de grande - et moyenne - ampleur de moitié pourrait éliminer plusieurs centaines de milliers d'emplois. Réduire le secteur de la pêche artisanale entraînerait la perte de plusieurs milliers d'emplois. Cependant, les subventions sont souvent allouées sans considération pour les dommages à long terme subis par les milieux naturels. Atteignant mondialement environ 15 milliards de dollars chaque année, elles permettent aux pêcheurs de rester dans des zones de pêche proches de l'épuisement même si cela ne leur est plus profitable, portant encore davantage préjudice aux ressources marines.

 L’altération rapide des produits peut fragiliser le secteur économique

La matière première aquatique se gâte et se dégrade très facilement après récolte, ce qui peut influer considérablement sur la qualité des produits transformés. Le processus de production demande donc une continuité de la sauvegarde de la qualité et des règles d’hygiène et de santé alimentaire durant toutes les étapes de la production depuis la récolte jusqu’à la transformation en passant par l’achat, le transport et la conservation. Il convient donc de maîtriser parfaitement les techniques modernes de conservation après récolte pour réduire les pertes en raison des risques de la putréfaction de la matière première (notamment en se garantissant contre toute rupture de la chaîne du froid).

La dégradation de la ressource constitue une menace grave pour la santé humaine et peut avoir des conséquences catastrophiques pour le secteur économique. En Asie, plus d'un milliard de personnes dépendent de produits de la mer comme principales sources en protéines animales. Sur le plan de la consommation individuelle, la FAO estime que les citoyens des pays développés consomment annuellement plus de 26 kg de fruits de mer par

personne, alors que les habitants de pays en voie de développement n'en consomment que neuf. Un approvisionnement incertain sur le plan sanitaire génère une augmentation de la vulnérabilité des entreprises de transformation, surtout si elles sont tournées vers l’exportation.

§3. Les caractéristiques et le rôle de l’industrie de transformation aquatique

L’industrie de transformation aquatique utilise, comme matière première, des produits halieutiques et aquacoles pour les transformer en produits finis à valeur ajoutée.

Figure 4 : Composition du secteur des Pêches (selon les activités de production)

L’aquaculture - Élevage de poissons - Élevage d’autres espèces - Écloserie

Le secteur tertiaire des services:

- Réparation de navires - Fabriquer les engins de pêche

- Transport

- Port, entrepôts frigorifiques - Production de glace - Production d’emballages - Production d’aliments pour l’aquaculture La pêche de capture La transformation halieutique L’industrie des pêches

Secteur des Pêches

La transformation permet :

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- De répondre aux besoins sans cesse croissants de la population et de l’exportation ; - De contribuer de manière très significative au budget national.

Le développement de l’industrie de transformation halieutique tient une place considérable non seulement dans le système industriel mais également en amont dans l’essor de la pêche.

Figure 5 : Composition du secteur des Pêches et rôle de la transformation des produits aquatiques