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En 1933, le gouvernement japonais a lancé une politique de revitalisation des exploitations agricoles et des pêches pour permettre aux populations rurales et littorales de lutter contre la pauvreté engendrée par la Grande Dépression. Cette politique a été appelée « Mouvement d’auto-réhabilitation » car le gouvernement ne fit rien de plus que de mettre à la disposition des pêcheurs des crédits à taux modérés. D’ailleurs il se montra bientôt incapable de poursuivre ce programme. Et certains pêcheurs ne perdirent pas de temps pour le critiquer. Le mouvement coopératif n’avait pas encore touché les villages de pêcheurs d’Hokkaido qui vivaient alors d’activités du secteur primaire. Désormais, les associations de pêcheurs s’appelèrent Associations coopératives de pêche (ACP) et il leur incomba à la fois de gérer les droits de pêche et le capital accumulé des adhérents. Les associations purent ainsi se livrer à des activités économiques en tant que coopératives.

L’Association coopérative de Hakodate a dû choisir de se doter d’un statut juridique fondée sur le principe de la responsabilité illimitée : pour obtenir un prêt de la banque, tous les pêcheurs membres, et donc actionnaires de la coopérative, devaient donner leur accord par signature. En contrepartie, ils sont tous solidairement responsables de cet emprunt.

Depuis lors les coopératives d’Hokkaido ont fait preuve d’un dynamisme inégalé par rapport à d’autres préfectures. Si la mise en place des coopératives ne posait pas de problème, le problème de l’exploitation des pêcheurs par les négociants était récurrent. On conseilla donc la transformation des Associations de pêcheurs en Associations coopératives à travers toute l’île d’Hokkaido. En quelques années, il y eut des coopératives partout et 90 % d’entre elles étaient à responsabilité illimitée.

Tout l’argent des ventes transitait par la coopérative qui déduisait les commissions, les frais de transport et toute autre somme due par les pêcheurs. Le solde était déposé sur les comptes individuels des pêcheurs. A la fin de l’année 1983, l’épargne totale de cette coopérative atteignait 440 millions de yens.

Sources : SAMUDRA, Avril 1999, Décembre 2000 et Avril 2001

267 LIM C., MATSUDA Y., et SHIGEMI Y., Co-management in Marine Fisheries : the Japanese experience, Coastal Management, n° 23, 1995, pages 195 à 221.

268 D’après la présentation réalisée par TAKATOSHI Ando, pionnier des coopératives de pêche à Hokkaido au Japon.

1ère partie- Chapitre 2 : Les modèles d’approvisionnement dans l’industrie halio-alimentaire

Cependant, il faut noter que l’expérience japonaise et notamment celle d’Hokkaido souffrent d’un manque de coordination et d’un vieillissement de la population concernée (G. Barret et T. Okudaira, 1995)269.

2.2.3. Perspectives du secteur de la pêche et du mouvement coopératif

Longtemps présentée comme une solution parfaitement adaptée au système des pêcheries au Japon, la coopérative semble aujourd’hui secouée par des divergences d’intérêts sectoriels qui ont petit à petit émergé de l’idyllique ensemble communautariste initial. L’étude de la gestion des ressources des îles Yaeyama (sud-ouest du Japon), réalisée par Tomoya Akimichi270 en est une parfaite illustration. L’opposition la plus caractéristique relevée dans ce cas d’espèce est l’opposition entre pêcheurs professionnels et amateurs et entre activités halieutiques et développement touristique. Ainsi, les pêcheurs professionnels de Yaeyama ont exprimé une ferme volonté d’exclure les pêcheurs amateurs des zones où ils opéraient. Or, il s’est avéré impossible d’éliminer la pêche récréative dans le cadre des politiques régionales générales de gestion du littoral, pour une meilleure gestion de la ressource, de même qu’il n’a pas été possible d’éviter l’industrialisation récente des projets de mise en valeur des terres et des aménagements touristiques. Tous ces éléments sont autant de facteurs externes, qui ont un impact sur les pêches et qui ont dû être pris en considération, empêchant les communautés de pêcheurs de revendiquer une utilisation exclusive des eaux côtières.

Au cours des dernières décennies, on a pu observer une multiplication des conflits au sujet des ressources côtières entre, d’une part, les pêcheurs membres d’associations ACP et, d’autre part, les plongeurs sportifs, les surfeurs, les personnes pratiquant le ski nautique, les collectionneurs de coquillages et même les chercheurs d’épaves venus des zones urbaines. En particulier dans le cas des récifs coralliens au Japon, les conflits entre pêcheurs professionnels et plongeurs ont même abouti à des violences physiques, comme dans les îles Miyako. Le problème posé par les conflits susmentionnés tient au fait que les eaux

269 BARRET G. et OKUDAIRA, T., The limits of fisheries cooperatives ? Community development and rural depopulation in Hokkaido, Economic and industrial democraty, n° 16, 1995, pages 202 à 232.

270 Directeur du Musée national d’ethnologie (Osaka, Japon). Document consultable sur le site : http://www.fao.org/DOCREP/006/Y1290F/y1290f0n.htm.

(1989), exploités par les pêcheurs et les associations coopératives des pêches, alors qu’à présent, les citoyens pêcheurs et non-pêcheurs ont une idée très différente de l’utilisation et de la propriété des eaux marines. Or, la Loi nationale sur les pêches ne dispose certes pas que les associations ACP « possèdent » les eaux côtières et aucune règle ne définit la propriété des eaux marines, mais elle confère néanmoins des droits d’exclusivité, quant à l’utilisation des eaux côtières et d’organismes marins particuliers, à certaines associations coopératives des pêches dont ils constituent les moyens d’existence. Ainsi, tandis que les pêcheurs des coopératives estiment que la mer leur appartient, pour différents types de non-pêcheurs (par exemple, baigneurs et adeptes de la plongée autonome, non-pêcheurs amateurs, chercheurs d’épaves et personnes qui s’intéressent à la mise en valeur des terres), la mer appartient au domaine public.

À l’heure actuelle, ce régime juridique ambigu facilite donc les remises en cause émanant des citoyens non-pêcheurs qui demandent pourquoi les zones côtières sont ouvertes uniquement aux pêcheurs immatriculés et pour quelles raisons elles ne peuvent également être utilisées à d’autres fins par des personnes qui ne font pas partie des coopératives. Les pêcheurs membres des associations ACP justifient cette situation de façon simple : les personnes de l’extérieur doivent être exclues afin de garantir une utilisation responsable et durable des ressources halieutiques. Or, la question est plus complexe et d’autres nuances doivent être introduites. Dans le cas des îles Yaeyama par exemple, on peut distinguer deux groupes différents parmi les pêcheurs amateurs : le premier est constitué de résidents locaux, l’autre de touristes venus de régions plus éloignées. Or, il s’agit de distinctions importantes parce que la participation des membres de la communauté est essentielle pour la mise au point d’une gestion communautaire et des moyens concrets de la mettre en œuvre.

Aujourd’hui, le secteur japonais de la pêche continue de se replier en raison de la réduction de sa main-d’œuvre et de l'épuisement des ressources halieutiques nationales. La production intérieure des produits de la pêche en mer et de l'aquaculture fléchit d'une année sur l'autre : elle est tombée à 5 669 000 tonnes métriques en 2006, en baisse de 96 000 tonnes métriques (1,7 %) par rapport à l'année précédente.

1ère partie- Chapitre 2 : Les modèles d’approvisionnement dans l’industrie halio-alimentaire

En 2005, le nombre d'entreprises spécialisées dans la pêche en mer et l'aquaculture a diminué de 4 % par rapport à l'année précédente pour s'établir à 125 000. Environ 95 % d'entre elles sont des établissements de pêche en eaux côtières employant essentiellement une main-d’œuvre familiale. Quelque 7 000 petites et moyennes entreprises de pêche ont une main-d’œuvre salariée. On ne compte que 112 entreprises de pêche de grande échelle, pourvues de bateaux à moteur dont le déplacement total est d'environ 1 000 tonneaux271. De même, les coopératives de pêche du Japon souffrent aussi du déclin récent du secteur de la pêche. En 2005, le Japon comptait 2 377 coopératives de pêche, dont les trois quarts étaient déficitaires. Des mesures sont prises pour les fusionner afin d'améliorer leur infrastructure commerciale.

3. La coopération, au cœur de l’économie des pêches de la région sud-centrale du Vietnam

Après cette approche générale de l’organisation coopérative, illustrée par deux exemples nationaux, nous abordons le cas du secteur des pêches et de l’aquaculture de la région sud-centrale du Vietnam. L’application des outils théoriques à cette situation particulière permet de dégager des pistes de réflexion sur les voies d’évolution de la coopération agricole, institution ancienne, et surtout, sur les stratégies d’adaptation de ses acteurs face aux enjeux socio-économiques contemporains.

3.1. Le développement du concept coopératif au Vietnam

L’évolution des coopératives de pêche au Vietnam a connu des périodes difficiles. Dans les provinces du Nord, avant la libération nationale du pays en 1975, les coopératives de pêche ont attiré des centaines de milliers de travailleurs. Mais à partir de 1989, ces coopératives, organisées sur un ancien modèle,272 se sont retrouvées en faillite par suite de diverses difficultés. En 1996, le « Droit vietnamien de la coopérative » fut adopté273 ; il énonce que

271 Sénat, session ordinaire de 2008-2009, Rapport d'information n° 316, fait au nom de la commission des Affaires économiques à la suite d'une mission effectuée au Japon du 10 au 17 septembre 2008, annexé au procès-verbal de la séance du 1er avril 2009. (www.senat.fr/rap/r08-316/r08-3163.html)

272 Ces coopératives avaient été créées par l’État dans le secteur du service social.

273 Ces dispositions ont été rendues applicables à partir du 1er Janvier 1997 à la totalité du territoire national vietnamien.