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Nées en 1958 d’une volonté de la Pêche Artisanale Étaploise d’unir ses forces et ses moyens, les Coopératives Maritimes Étaploises – Organisation de Producteurs constituent un exemple intéressant de structure coopérative intégrée dans le secteur des pêches. Cette structure présente la particularité d’être présente de l’amont du processus productif (armement coopératif, assurance, avitaillement, etc.) jusqu’à l’aval (commercialisation, dégustation).

Les principes communs sont 259:

- Une gestion démocratique « Un homme - Une voix » - La double qualité associé – client (+ associé – fournisseur)

- L’affectation des résultats en fonction du niveau d’activité de chaque associé. - La proximité économique et sociale (proche du terrain)

- La solidarité (mer et terre).

Actuellement, les CME présentent la particularité d’être constituées de 11 structures, et de multiples services, représentant un chiffre d’affaires total de 76 millions d’euros avec la Flottille Artisanale de 70 à 100 navires, 200 sociétaires et un effectif de 700 personnes. Cet ensemble diversifié, dédié à la valorisation de la pêche artisanale, est accessible à tous les opérateurs intéressés par la filière pêche et au grand public. Il se compose des activités suivantes :

Soutien et assistance technique aux professionnels de la pêche :

 Gestion et mise en valeur de la pêche artisanale (la Coopérative Maritime Étaploise CME, services OP ECORAGE a été reconnue Organisation de Producteurs en 1974),

 Prestations de services au bateau et suivi technique (Ecorage à travers la Coopérative Maritime Étaploise CME, services OP ECORAGE),

 Équipements, groupement d’achats (Avitaillement, à travers la Coopérative Maritime L’ÉTAPLOISE crée en 1958),

 Aide à la première installation et à l’armement à la pêche (Armement Coopératif ACANOR, qui a permis depuis sa création en 1975 la construction de plus de 50 unités de pêche artisanale),  Comptabilité, gestion et conseils économiques et financiers (Groupement de Gestion),  Protection et gestion des risques (Mutuelle d’Assurance GNP crée en 1972).

Valorisation des Produits de la Mer :

 Vente à la criée (Ecorage),

 Transformation et commercialisation (Unité de Traitement),

 Dégustation (à travers les Restaurants Poissonneries Traiteurs « Aux Pêcheurs d’Étaples » de Boulogne – Étaples - Lille).

 Equipement marin (boutiques d’habillement et de décoration marins à travers l’enseigne « Les Boutiques L’ÉTAPLOISE », société SARL Service Marine Étaples filiale de la Coopérative Maritime L’ÉTAPLOISE).

259 TOULOUMON V., Directeur Général de CME, Coopératives maritimes : Réalités et Perspectives, CESAM – Paris, Avril 2008.

Nouvelle Politique Commune de la Pêche, la fixation d’Objectifs internationaux de Gestion de la ressource, la flambée des prix du gasoil). De plus, les CME doivent stabiliser la dimension des flottilles attachées aux Coopératives maritimes, gérer de façon pluriannuelle les quotas de pêche, installer les jeunes et renouveler les outils de travail.

Malgré ces obstacles, les CME se sont engagées résolument dans le Développement durable et sont devenues un acteur incontournable de la Nouvelle Gouvernance de la Pêche de l’Union Européenne.

2.2. Le modèle japonais

2.2.1. Notions générales sur la gestion communautaire des ressources: sasi et association ACP dans le Sud-est Asiatique

Il existe deux systèmes de gestion communautaire des ressources en Indonésie et au Japon : le sasi, pratique coutumière de l’Est de l’Indonésie et la Gyokyo ou association ACP260 (Association coopérative des pêches), le modèle de coopérative des pêches japonaise. Pratiqué à relativement grande échelle dans l’est de l’Indonésie (Bailey et Zerner, 1992261 ; Akimichi, 1995262), le sasi est connu en tant que modèle type, non occidental, de système de gestion communautaire visant à réglementer l’accès aux ressources halieutiques au niveau communautaire. Les membres de la communauté ont la possibilité d’exploiter des ressources récifales, comme la bêche de mer, les troques, l’huître perlière lorsque l’ouverture du sasi (sasi buka) est déclarée par le chef de village. Les opérations de récolte se poursuivent généralement pendant environ une semaine. Une fois déclarée la clôture du sasi (tutup sasi) pour une à plusieurs années, la population n’est plus autorisée à récolter le poisson. Les profits retirés des ventes de la récolte sont répartis entre les individus et l’ensemble de la communauté. Le système du sasi est donc une solution communautaire permettant d’atteindre des objectifs tant de durabilité écologique que de justice socioéconomique.

260 Associations coopératives des pêches (ACP) ou gyokyo (FCA en anglais).

261 BAILEY C. et ZERNER C., Community-based fisheries management institutions in Indonesia, Maritime Anthropological Studies 5(1), 1992, pages 1 à 17.

262 AKAMICHI T., Indigenous Ressource management and sustainable development : Case studies from Papua New Guinea and Indonesia, Anthropological Science, 103 (4), 1995, pages 321 à 327.

1ère partie- Chapitre 2 : Les modèles d’approvisionnement dans l’industrie halio-alimentaire

Le système n’est cependant pas une solution parfaitement efficace au niveau inter-communautaire. Il ne permet pas, par exemple, de résoudre les conflits limitrophes entre communautés voisines, puisque les communautés respectivement responsables de leur sasi décident de leur propre calendrier d’ouverture et de clôture. Parallèlement, l’absence de droits sur le domaine maritime et de droits d’exploitation correspondants entraînent des litiges territoriaux entre communautés, qui peuvent dégénérer en actes de violence et en conflits. Comme décrit dans une monographie sur l’archipel des îles Kai de Maluku (Indonésie) (Akimichi, 1995), les chefs des administrations locales de districts (camat), jouent un rôle important, puisqu’ils ont un pouvoir de décision face aux propositions des différents villages en matière d’ouverture du sasi. L’approbation ou le rejet d’une proposition est souvent décidé après prise en considération du caractère récurrent des conflits. Dans un cas d’espèce, rapporté par Akimichi dans son étude, le camat (chef de l’administration) a réussi à éviter des conflits de délimitation entre deux villages hostiles en écartant leurs propositions d’ouverture du sasi. Cela souligne, selon lui, la nécessité de l’intervention d’un médiateur, par exemple un camat, en tant qu’élément clé d’une réelle exploitation communautaire de la ressource.

Au Japon, les associations coopératives des pêches (ACP) ou gyokyo (Gyogyo-Kyodo-Kumiai ; voir Ruddle et Akimichi, 1984263) constituent une institution fondamentale en matière de gestion communautaire des ressources. Les ACP ont assuré différentes fonctions dans le domaine des pêches : par exemple, mise en œuvre de la réglementation et coordination des activités correspondantes, rôle de facilitateur pour le financement et la commercialisation des produits de la mer (Kaneda, 1980264). L’ouverture et la clôture des zones de pêche côtière pour l’exploitation des ressources benthiques265 (par exemple ormeaux266, oursins de mer, et algues marines) font également souvent l’objet de la

263 RUDDLE K et AKIMICHI T. (dir. Publ.), 1984. Maritime institutions in the western Pacific, Osaka, Musée national d’ethnologie, 1984.

264KANEDA, Y., Practical Manual for the Fisheries Law. Tokyo, Seizando Pub. Com. 1980, (en japonais).

265 Provenant du fonds des océans, des mers ou des lacs.

266 Ormeau, ou ormier ou encore ormet : mollusque gastéropode marin primitif, à coquille plate nacrée à l’intérieur et percée d’une rangée d’orifices. Appelée aussi oreille-de-mer.

Le Japon est considéré comme un pays où le développement du mouvement coopératif en matière de pêche est le plus réussi. Dans ce pays, elles coexistent, dans toutes les régions, avec des coopératives des coopératives agricoles et des coopératives de consommateurs. En principe, en tant qu’institutions d’économie sociale, les coopératives sont considérées comme la clef du développement social et économique du milieu rural. Le modèle coopératif, dérivé del’expérience européenne, s’est appliqué à d’autres pays à partir de la fin du XIXe siècle. Le développement coopératif au Japon a été soutenu par les communautés villageoises, caractérisées par une forte cohésion sociale, si bien que les coopératives sont étroitement liées à la politique et à l’administration, ce qui n’est pas toujours observé dans les coopératives françaises ou autres.

2.2.2. Le cadre juridique

Au Japon, la loi sur les Pêcheries reconnaît trois catégories principales de droits de pêches : les droits communs, les droits limités et les droits fixes de pêche à grande échelle. Parmi ces droits, des droits délimités sont octroyés pour l’aquaculture dans des zones spécifiques et sont généralement valables pour 5 ans. Il y a deux classes de droits : les « droits spéciaux délimités de pêche » et les « droits de pêche délimités ». Les premiers sont octroyés quand plusieurs pêcheurs souhaitent s’engager à exercer différents types d’aquaculture dans un emplacement assez grand, mais qui est toutefois abrité et donc relativement sujet à la pollution, et dans lequel diverses activités, ayant des exigences distinctes de qualité environnementale, doivent être gérées de manière compatible et équitable. Les seconds sont délivrés pour des étangs aquacoles qui occupent un site bien défini et fixe et qui, donc, nécessite peu de coordination avec d’autres activités potentiellement incompatibles.

Les droits de pêche sont délivrés par la préfecture au profit de l’ACP qui distribuera par la suite ces droits à ses membres. Ces derniers s’engagent à exercer une aquaculture en conformité avec les réglementations des ACP et le plan d’aménagement accordé par les autorités préfectorales. Les droits de pêche sont exclusifs et ne peuvent pas être prêtés,

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loués ou transférés à d’autres, ni être hypothéqués. En plus des ACP, les organisations privées et les particuliers ont aussi le droit de demander l’octroi de droits délimités de pêche, mais l’ordre de priorité cité dans la loi sur les pêcheries donne la priorité aux ACP. La Loi relative aux Associations de Coopérative de Pêche (1948, modifiée) fournit le cadre juridique des associations coopératives de pêche locales (FCA) qui assument la responsabilité d'une région géographique particulière et dont les membres sont les pêcheurs des communautés incluses dans la région géographique concernée. Dans le cadre des préfectures, et au regard des conditions particulières locales, chaque FCA établit ses propres réglementations pour le contrôle des activités de pêche, la conservation et l'exploitation rationnelle des ressources halieutiques. Au quotidien, le secteur de la pêche japonais, bien que le sujet soit réglementé au plus haut niveau, est essentiellement géré de façon autonome par les FCA ou les fédérations de FCA.

L’histoire des coopératives agricoles japonaises commença par une initiative gouvernementale au début du XXe siècle. Les coopératives furent créées dans les villages, et soutenues par les collectivités locales. À cette époque, les collectivités locales se caractérisaient par une forte cohésion patriarcale et des obligations réciproques d’aide mutuelle au sein des villages. Les paysans acceptèrent la proposition gouvernementale et se servirent des coopératives pour préserver leur cohésion sociale. Pendant la deuxième guerre mondiale, cette cohésion a été utilisée par le gouvernement militaire pour mener ses efforts de guerre.

Après la guerre, les coopératives se réformèrent afin d’introduire plus de démocratie et pour diversifier leurs domaines d’activités. Les nouvelles coopératives se sont intégrées dans un système hiérarchique national : on trouve des coopératives au niveau municipal, des fédérations au niveau départemental, et des fédérations au niveau national. Ce système a fait naître d’étroites liaisons triangulaires entre les coopératives, les élus locaux et le ministère de l’agriculture : les paysans demandent aux députés la réalisation d’une politique agricole à leur profit en échange de leurs suffrages et le ministère de l’agriculture, sur les recommandations des députés, finance les paysans, les coopératives réalisant la politique agricole initiée par le ministère.

Il est évident que les conditions indispensables du développement coopératif en général

plutôt des conséquences spécifiques de la réussite des coopératives japonaises.

À titre d’illustration, nous présentons ci-dessous l’exemple des coopératives de pêche à Hokkaido, afin de mieux comprendre le succès des coopératives japonaises, dont certains auteurs (C. Lim et al., 1995) expliquent la pérennité par la combinaison de l’attitude des pêcheurs, qui évitent tout différend et acceptent les règlements édictés par les autorités (nationales, préfectorales et municipales), et des valeurs culturelles qui leurs sont propres267.