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La LOLF : une concrétisation juridique de la gestion par objectifs

Paragraphe 2. Les projets de modernisation à partir de 2001

1. La LOLF : une concrétisation juridique de la gestion par objectifs

Votée le 1ier août 2001, la LOLF est entrée en vigueur le 1ier janvier 2005 pour l’adoption du budget 2006. Ce texte à valeur constitutionnelle régit les modalités de préparation, le contenu, la procédure d'adoption et les conditions d'exécution du budget de l'État. Il décrit également les modalités des contrôles parlementaires et de la Cour des comptes. La LOLF porte trois ambitions : réformer le cadre de la gestion publique pour l’orienter vers les résultats, assurer la transparence des informations budgétaires et favoriser le débat stratégique en matière de

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C’est en effet la 36ème tentative fois qu’un projet ou qu’une proposition de loi tentait de faire évoluer le teste

fondateur de 1959. Lambert A. ancien Ministre du budget et sénateur de l’Orne, Entretien effectué le 22/02/06, Séant, Paris.

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Selon l’article 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 « Tous les citoyens ont

le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quantité, l’assiette, le recouvrement et la durée »

Malgré une exigence moindre, il y a quelques années, l’information sur l’administration publique était déjà l’objet de critiques notamment quand il s’agit d’information financière où la présentation des dépenses. Celle-ci était jugée trop liée aux nomenclatures de la comptabilité publique. Bourdin J., commission des finances, Sénat, Rapport d'information n° 203, Étude relative à l'évaluation des systèmes d'information statistique sur les administrations publiques, 2000-2001, page 36.

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Plusieurs rapports ont souligné cette exigence on cite à ce titre : Le rapport Lenoir et Prot (1979), p. 123

«... L’administration apparaît d’autant plus légitime qu’elle est perçue comme efficace et soucieuse de l’usage des ressources qu’elle prélève sur la nation. Or, l’évaluation de cette efficacité nécessite une grande transparence … Une meilleure information sur la situation et l’action des administrations publiques apparaît désormais comme incontournable» ; Le rapport Cieutat (2000), page 15 « l’Etat ne peut lui-même être justifié que s’il est perçu comme efficace dans la satisfaction des attentes des citoyens».

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Comme le souligne le rapport du Sénat « … Les incertitudes sur les résultats d’exécution du budget de l’Etat

1999 ont souligné la difficulté pour les observateurs extérieurs de se faire directement une opinion sur l’état réel des finances publiques. Elles ont suscité chez beaucoup de nos concitoyens une forte attente de transparence ... Le problème dépasse largement la seule question de l’exécution du budget de l’Etat ... il concerne plus généralement l’accès à l’information sur l’ensemble du secteur des administrations publiques, sur leurs moyens, sur leurs résultats et sur leur performance» Rapport du Sénat, n°203, Op. Cit., page 35.

finances publiques372. Elle rompe ainsi avec l’ancien mode de gestion focalisé sur les moyens et assoit le dispositif juridique nécessaire à une gestion axée sur la performance.

a. Les principales innovations de la LOLF

i- La nouvelle nomenclature budgétaire

La culture du résultat est introduite par le premier article de la LOLF. Désormais les crédits ne sont plus affectés à des ministères mais à des missions. Chaque mission regroupe un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. À l’image des politiques publiques, la mission peut être interministérielle ou ministérielle. Pour chaque mission, sont définis, dans le cadre d'un projet annuel de performance (PAP), des programmes, des objectifs et des indicateurs. Le programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même ministère. Un responsable de programme est désigné pour veiller sur la mise en œuvre de la politique portée par le programme. Chaque politique publique fait ainsi l’objet d’une mesure de la performance sur la base des objectifs qui lui sont attachés. Ces objectifs doivent être assortis d’indicateurs adaptés, propres à en mesurer la réalisation à la fin de l’exercice, le rapport annuel de performance (RAP) mentionnera les résultats de gestion. Avec l’aide de la Cour des comptes, les parlementaires vérifient la formulation des stratégies, la pertinence des objectifs au regard de l’attente des citoyens, des usagers et des contribuables et de constater l’évolution des indicateurs373.

ii- La mesure de la performance

La LOLF définit la performance de la gestion publique selon trois axes : l’efficacité socio-économique, la qualité de service et l’efficience de gestion. Selon le guide d’audit initial des programmes374 les choix d’objectifs et d’indicateurs doivent correspondre aux attentes des citoyens, des usagers et des contribuables. Ces choix doivent traduire de manière équilibrée les trois dimensions de la performance :

- les objectifs d’efficacité socio-économique répondant aux attentes des citoyens. Ces

objectifs visent à modifier l’environnement économique, social, écologique, sanitaire, culturel, etc. Ils indiquent l’impact de l’action de l’administration dans le cadre de la recherche de l’intérêt général ;

- les objectifs de qualité de service intéressant l’usager. L’usager peut être externe

(utilisateur d’un service public) ou interne (service bénéficiaire d’un programme de gestion interne comme gestion des ressources humaines de la mission par exemple) assuré par un programme dit de « soutien » ;

- les objectifs d’efficience de la gestion intéressant le contribuable. Il s’agit soit d’accroître les produits des activités publiques à moyens égaux, soit de maintenir le même niveau d’activité, mais avec moins de ressources. Les objectifs d’efficience se rapportent donc à la productivité375. La mesure de l’efficience suppose la connaissance des coûts qui est un

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Source : MINEFI, direction du budget février 2002.

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La documentation française, la gestion de la performance dans l’administration, www.ladocumentationfrançaise.fr

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Document établi en coproduction par le MINEFI, les commissions des finances du Sénat et de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes et le Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP). Le CIAP a été mis en place par le CIRE du 15/11/2001 dans le cadre de l’application de ka LOLF. Le CIAP a reçu la mission d’auditer la qualité des projets et rapports annuels de performance associés aux programmes ministériels.

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Sénat, LOLF : culte des indicateurs ou culture de la performance ? Rapport N° 220, Commission des finances, Par Arthuis J., 2 mars 2005, page 11 et 12.

exercice particulièrement nouveau pour une grande partie des administrations. À cet effet la LOLF introduit une comptabilité d’analyse des coûts des actions376.

iii-Le couple autonomie /responsabilité

Sous l’autorité du ministre, le responsable de programme (RPRO) est chargé de l’atteinte des objectifs fixés dans le PAP. Afin de lui donner les moyens lui permettant de jouer pleinement ce rôle, la LOLF lui accorde une autonomie de gestion, en lui permettant de redéployer les crédits dont il dispose à l’intérieur du programme en respectant la fongibilité377 asymétrique. Selon ce principe il est possible d’utiliser de l'argent attribué à des charges de personnels pour d'autres types de dépenses mais l'inverse n'est pas possible. Au niveau déconcentré, le RPRO répartit ses crédits en budgets opérationnels de programme (BOP). Il fixe à chaque responsable de BOP ses propres objectifs et organise un système de compte-rendu lui permettant de piloter son programme. En contrepartie de l’autonomie et à la responsabilisation, les RPRO(s) rendent compte devant les membres Parlement des résultats de gestion inscrits dans le RAP.

b. La nouvelle répartition des rôles entre le gouvernement et le Parlement

« La LOLF est un coup d’Etat passé sous silence »378

Avec la LOLF le rôle du Parlement est considérablement renforcé, celui-ci retrouve la capacité et la légitimité379 pour discuter les politiques publiques et l'orientation stratégique à donner à l'action de l'État. La réforme budgétaire replace le débat démocratique au cœur du circuit décisionnel en augmentant l’implication du Parlement dans la gestion publique et en orientant le débat budgétaire autour de la performance des politiques publiques380.

Par l’ambition de ses buts et par les procédures nouvelles qu’elle instaure, la LOLF offre une opportunité et un levier d’action exceptionnel. La réforme de la constitution financière représente un geste symbolique fort pour amorcer le mouvement de modernisation. Elle confère une légitimité et une crédibilité incontestable au projet de modernisation de la gestion publique.

Concrètement, la mise en œuvre de la LOLF suppose aussi bien pour les administrations que pour le Parlement et les autres organes de contrôles des capacités nouvelles. Il s’agit pour l’administration d’acquérir des capacités :

- de réflexion stratégique associée à celle de construction de système de contrôle de gestion (tableaux de bord de pilotage, objectifs et indicateurs de performance) ;

- de rénovation, d’harmonisation et la fiabilisation des systèmes d’informations ;

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L’article 27 énonce les différentes comptabilités qui doivent être instaurées, il s’agit d’une comptabilité budgétaire ou de caisse ; d’une comptabilité générale d’exercice ; et d’une comptabilité de gestion qui répond à la volonté de connaître, analyse et maîtriser les coûts de gestion.

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Caractéristique des crédits dont l'affectation, dans le cadre du programme, n'est pas prédéterminée de manière rigide, mais simplement prévisionnelle. La fongibilité laisse donc la faculté de définir l'objet et la nature des dépenses pour en optimiser la mise en œuvre.

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Lambert A., 2006, Op. Cit.

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Avant la loi organique, le Parlement reconduisait, de manière quasi-automatique, 94% des crédits, en un seul vote (services votés), sans examen au fond. Le débat n'était approfondi que pour les mesures nouvelles,

représentant seulement 6% du budget (mesure nouvelles). « … En accordant à l’administration les moyens

qu’elle demande en début de l’année, nous nous sentions, en partie, coupables dans les résultats qu’elle réalisait. En outre, nous ne disposions pas d’instruments adaptés pour mesurer l’efficacité de son action »

Lambert A., 2006, Op. Cit.

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Un des apports de la LOLF est de compléter la logique jusqu’à lors prédominante de la qualité et de l’efficience des administrations par une attention (voir une obligation) plus soutenue à l’efficacité des politiques publiques. Guillaume H., Op. Cit., page 62.

- d’audit et d’évolution organisationnelle tant du point de vue culturel que juridique.

- de coordination et de cohérence entre les différents niveaux de l’administration :

horizontalement pour améliorer l’interministérialité et verticalement pour renforcer la déconcentration.

S’ajoute à cela la définition des périmètres de responsabilité notamment entre la sphère politique et l’administration. Pour le Parlement et la Cour des Comptes notamment, l’enjeu se situe dans leur capacité à accompagner la réforme dans son ensemble et veiller au respect des dispositifs par les administrations. Il s’agit également de leur capacité d’expertise pour apporter des conseils et des propositions de réformes susceptibles d'améliorer le fonctionnement de l’administration.

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