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Paragraphe 1. Les dispositifs de modernisation avant 2001 : La réforme de l’Etat, bis repetita . 148

2. Les approches globales de la modernisation

2. Les approches globales de la modernisation

En dehors de quelques divergences, ces réformes se caractérisent toutes par une prise en compte du caractère multidimensionnel du dysfonctionnement du système administratif et de la nécessité d’une approche globale.

a. 1989 - Le renouveau du service public

La réforme du « renouveau du service public » a été initiée par le Premier Ministre Michel Rocard, dans a circulaire du 23 février 1989 (annexe 10). Cette réforme marque à la fois une continuité et une rupture par rapport aux démarches de modernisation précédentes. La continuité porte essentiellement sur les principales orientations du renouveau qu’on retrouvait déjà dans les discours réformateurs portant notamment la rénovation de la relation du travail, l’introduction des nouvelles technologies, l’amélioration de l’accueil et du service aux usagers. La rupture apparaît au niveau de la démarche adoptée. D’une part, dans la circulaire Rocard qui constitue un projet de modernisation offrant un cadre global353, cohérent et formalisé. D’autre part dans le processus de mise en œuvre ascendant qui associe les agents et qui laisse aux ministères le soin de gérer leurs priorités et le rythme des changements. Le but était de tenir compte de la diversité de leurs situations354. Cette réforme s’appuie sur plusieurs outils de mise en œuvre et leviers que la circulaire explicite et associe de manière cohérente et structurée à chacune des quatre orientations, par exemple, plans de modernisation, projets de service, centres de responsabilité, contrôle de gestion, évaluation des politiques publiques, etc. Par ailleurs, cette réforme soulève la faiblesse de la place accordée à l’évaluation en France et fixe les principes généraux de la mise en place d’une évaluation de l’efficacité des administrations publiques et celle des politiques publiques.

351

Bodiguel J.L., Rouban L., Le fonctionnaire détrôné?, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1991, pp. 206-210.

352

Gibert P. et Thoenig J.C., La gestion publique : entre l’apprentissage et l’amnésie, Politiques et management public, vol. 11, n°1, mars 1993, page 4.

353

Ainsi que le et le séminaire gouvernemental du 11 juin 1990. On note à ce titre que la circulaire est apparue à la même époque que plusieurs rapports portant sur la modernisation de l’administration : De Closets rapport de la commission «efficacité de l’Etat», commissariat général du plan, Paris, La documentation française, 1989.

354

Le changement gouvernemental en juin 1991 a fortement freiné cette réforme. Ainsi, en tant que projet gouvernemental de transformation des services publics, le renouveau a officiellement existé pendant environ 28 mois355. Chaty356constate, à juste titre, que le rôle moteur du Premier Ministre était l’un des facteurs décisifs pour la pérennité du renouveau du service public. Sa forte implication dans ce processus s’est révélée à double tranchant. Elle était un atout considérable pour crédibiliser le dispositif auprès des agents et lui donner une envergure de priorité nationale357. Mais elle est devenue un handicap pour sa pérennité après son départ.

Malgré son abandon prématuré, le renouveau n’a pas été sans effet. Des effets majeurs lui sont attribués. Le premier, pédagogique, s’est traduit par l’acculturation d’une grande partie des agents aux concepts et aux outils managériaux. Les notions de coûts, d’efficacité, d’efficience ou de management ne sont plus systématiquement rejetées comme étrangères, par nature, à la sphère publique. Ainsi, l’idée de l’évaluation des individus, des organisations publiques ou des politiques publiques n’a certes pas été systématisée mais elle a commencé à intégrer progressivement les pratiques à des rythmes et des échelles différents suivant les ministères concernés358. Le deuxième a porté sur l’organisation et les méthodes de travail au sein de certains services où des démarches de progrès cohérentes ont été mises en œuvre. Toutefois, ces démarches ont surtout concerné les services déconcentrés et ont peu affecté les services centraux dont les pratiques ont peu évolué. Or, le postulat du départ supposait un effet de transmission horizontale entre les services déconcentrés pilotes et les autres, mais aussi verticale, vers les directions centrales. Force est de constater que la diffusion du changement s’est généralement faite lentement à l’horizontal359et très peu en vertical.

b. 1991 - La réforme de l’Etat

Après une période de transition marquée par la succession de plusieurs gouvernements360 et quelques initiatives de réformes (voir annexe 11), la préoccupation de la modernisation fera à nouveau l’objet d’une nouvelle circulaire marquant officiellement le passage du renouveau des services publics à la réforme de l’Etat. Il s’agit de la circulaire du 26 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en œuvre de la réforme de l'Etat et des services publics (voir annexe 12).

i- La réforme de l’Etat sous le gouvernement Juppé

Cette réforme s’appuyait sur cinq orientations prioritaires : (1) clarifier les missions de l'Etat et le champ des services publics ; (2) mieux prendre en compte les besoins et les attentes des citoyens ; (3) changer l’Etat central en améliorant les capacités de conception et de décision des services centraux ainsi que la qualité des textes réglementaires; (4) déléguer les

responsabilités et instaurer un dialogue de gestion ; (5) rénover les règles de la gestion

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Le projet n’était plus porté explicitement par le nouveau gouvernement, même si certains de ses aspects étaient encore poursuivis au sein de nombreux services.

356

Chaty L., Regard rétrospectif sur l’analyse d’une politique publique : le rapport Serieyx, entre évaluation et outil de modernisation, Politiques et management public, vol. 14, n°3 septembre 1996.

357

En effet en vertu de l’article 20 de la Constitution du 4 octobre 1958, le Premier Ministre est le chef de l’administration son aval à l’égard d’un dispositif de réforme lui offre une légitimité incontestable de la part des agents.

358

Trosa S., Modèles et expériences : l’évaluation en pratique ; Un premier bilan de l’expérience française, Revue française d’administration publique, n°66, avril-juin 1993, pp. 225-232.

359

Sauf dans certains ministères où l’impulsion des réformes était forte tel que le ministère de l’équipement par exemple.

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publique au travers de la modernisation de la GRH, la rénovation des procédures financières et des règles de comptabilité publique.

S’appuyant sur des travaux et réflexions menées par le Commissariat au plan, par le Comité pour la réorganisation et la déconcentration des administrations ainsi que par la mission sur les responsabilités et l'organisation de l'Etat, cette réforme s’inscrit fortement mais implicitement dans la continuité du renouveau des services publics. Cette continuité apparaît dans le rappel de l’existence d’actions de modernisation dans les ministères et l’incitation à poursuivre ses actions, les étendre et en accélérer le rythme. La circulaire Juppé se distingue

cependant par un affaiblissement du recentrage autour des agents ainsi que par la place

accordée au citoyen.

Trois structures interministérielles on été mises en place, chacune chargée d’un volet de la réforme. La définition des orientations est confiée au comité interministériel de la réforme de l’Etat (CIRE361) ; la mise en œuvre au commissariat à la réforme de l'Etat (CRE362) et l’évaluation au conseil scientifique de la réforme de l’Etat. Un fonds de Réforme de l'Etat (FRE363) a aussi été créé pour financer les actions de modernisation.

Cette réforme a été marquée par le conflit social de 1995 qui a poussé le gouvernement à relancer son action et à en préciser les finalités notamment en matière de conservation du statut de la fonction publique. Soumises à diverses pressions internes et externes364, cette réforme a été recentrée sur des mesures principalement techniques dont la mise en œuvre devait s’échelonner sur trois ans. Cependant, le gouvernement, une fois de plus, n’a pas bénéficié de ce délai puisque les résultats des élections législatives ont entraîné son départ.

ii- La réforme de l’Etat sous le gouvernement Jospin

L’alternance politique n’a pas provoqué cette fois-ci une remise en cause fondamentale de l’action réformatrice. Seuls quelques changements ont été observés au niveau des structures chargées de la réforme. Les principaux chantiers de cette réforme sont regroupés sous deux grands thèmes :

- un Etat plus proche des citoyens à travers l’amélioration des relations avec les usagers en termes de proximité, d’accessibilité, et de qualité des services, l’accélération de la déconcentration des services et l’utilisation des NTIC ;

- un Etat plus efficace en rénovant la GRH et les procédures budgétaires, en recentrant les administrations centrales autour de fonctions stratégiques, en développant la contractualisation entre services centraux et services déconcentrés, en améliorant la connaissance et la gestion du patrimoine immobilier de l’Etat, etc.

Au niveau des structures, trois organes peuvent être identifiés : Le CIRE ; la délégation interministérielle à la réforme de l’Etat (DIRE) présentée comme une force interministérielle d'analyse, d'évaluation, d'expérimentation, de concertation, de proposition et de suivi dans le domaine de la réforme de l'Etat ; et le conseil national de l’évaluation (CNE) chargé de

361

Nous reviendrons avec plus de détail sur les attributions du CIRE ci-après.

362

Décret no 95-1007 du 13 septembre 1995 relatif au comité interministériel pour la réforme de l'Etat et au Commissariat à la réforme de l’Etat.

363

Créé en 1996, par une décision du CIRE en date du 29 mai 1996, le fonds pour la réforme de l’Etat a pour vocation d’accompagner les chantiers de modernisation et de réorganisation des administrations centrales et déconcentrées.

364

Outre les grèves de 1995, des pressions diverses de certains de groupes ont affaibli cette réforme. On cite à ce titre les obstacles posés contre la réorganisation des cabinets ministériels, ou encore l'action des élèves de l'ENA qui ont fait pression pour que la réforme qui avait été votée par le parlement en mai 1996 les obligeant à passer au moins 2 ans dans une collectivité territoriale soit vidée de toute sa portée.

l’évaluation des politiques publiques conduites par l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

On souligne également la création du Plan Pluriannuel de Modernisation (PPM)365 (voir

annexe 13). Le PPM devait traduire, pour une période de 3 à 5 ans, le projet de modernisation du ministère à partir d’une réflexion sur les missions de l’Etat intégrant notamment les orientations institutionnelles et les attentes des usagers.

Sous l’orientation du CIRE et l’impulsion de la DIRE, la réforme de l’Etat a connu une réelle dynamique interministérielle durant cette période (voir tableau, annexe 14).

Conclusion

Les programmes de réforme administrative que nous venons de passer en revue ne retiennent du management public que des instruments de gestion balkanisés sans importer l’ensemble des réflexions qui leur sont liées366. Concepts, outils et processus managériaux ont alors été mobilisés sans réellement s’interroger sur le sens et les contours d’un management adapté aux organisations publiques. Malgré une volonté d’harmonisation par des structures

interministérielles367, le management public demeure très volontariste. Sur la base de

directives descendantes, il n’impose pas de règles de manière arbitraire et privilégie les modes opératoires et expérimentales aux politiques constituantes. Il met l’accent sur l’idéal d’autorégulation des services, sur la valeur des apprentissages et des innovations locales et sur la recherche du soutien des fonctionnaires.

Entre abondance d’expérimentations et tentatives de mise en cohérence, la managérialisation de la gestion publique relève plus de changements incrémentaux, voire émergents, émanant des différents ministères que d’une réelle stratégie délibérée de transformation globale du mode de fonctionnement des administrations. Ainsi, le caractère effectif et efficace des actions entreprises dans ce domaine apparaît difficile à évaluer de manière globale.

365

Circulaire du Premier ministre du 3 juin 1998 relative à la préparation des Programmes Pluriannuels de Modernisation (PPM) des administrations.

366

Bézes Ph., Penser les réformes : politiques et institutions, dans 30 de réforme de l’Etat, éd. Dunod, 2004, page 22.

367

Dont la capacité d’influence reste assez faible à cause de leur statut et leur positionnement hiérarchique qui ne leur offre aucun pouvoir sur les autres administrations.

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