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Paragraphe 2. L’exploitation de la théorie des parties prenantes pour le développement d’un

4. La notion d’attente dans la théorie des PP

L’attente signifie une revendication particulière sur laquelle une ou plusieurs parties prenantes comptent obtenir satisfaction244. Les attributs de légitimité et d’urgence sont attachés aux attentes et non plus aux acteurs, pour juger de la force d’une influence. Dès lors, on peut imaginer qu’une attente soit légitime, urgente et portée par une ou plusieurs PP possédant du pouvoir.

Dans le secteur public, Nutt et Backott placent les attentes au centre de leur analyse. Ils cherchent en effet à résoudre les problèmes liés à l’existence d’attentes antagonistes dans les organisations publiques. Ils raisonnent pour cela en terme d’enjeux, qui, en créant des tensions dans l’organisation, permettent d’initier des changements satisfaisants ainsi que différentes attentes. Au cours de leur analyse les auteurs montrent qu’une même attente peut

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Notamment les coalitions qui peuvent menacer l’entreprise. Dans ce cas là les attributs de deux ou plusieurs groupes de PP se regroupent également, or le modèle de Michell et al. ne permet pas un tel regroupement.

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Bouglet J., 2005, Op. Cit.

7 PP Permanente 5 PP Dangereuse 6 PP Dépendante 4 PP Dominante 2 PP Discrétionnaire 1 PP Latente 3 PP Revendicatrice 8 Non Partie Prenante URGENCE POUVOIR LEGIMITE

concerner plusieurs PP245. En renversant la perspective, et en se focalisant sur les attentes, le dirigeant dispose d’un outil lui permettant d’analyser des phénomènes complexes, comme les coalitions, et d’en tenir compte dans l’établissement de ses priorités. Par ailleurs, dans cette perspective, l’attribut du pouvoir devient opérationnel dans la mesure où, comme l’indique Pfeffer, il est lié au contrôle des ressources dont l’organisation a besoin. Ainsi, il est possible d’apprécier cet attribut en menant systématiquement une analyse des ressources qui sont indispensables à l’organisation pour qu’elle mette en œuvre sa stratégie246. La nature des ressources pouvant doter une PP de l’attribut de pouvoir peut être, par exemple, le contrôle ou l’accès aux ressources financières ou aux voix lors des votes, ou encore la sanction par les autorités de régulation ou autres autorités247. Dans une optique instrumentale, le modèle de Michell et al. pourrait être revu en remplaçant les PP par les attentes. Le résultat est une typologie des attentes (sept types d’attentes). Cette typologie fournit au dirigeant une vision claire pour établir ses priorités. En fonction du type d’attente qu’il aura identifiée en développant la qualité d’écoute, il pourrait augmenter sa capacité d’initiative et proposer les réponses adaptées prévenant ainsi la constitution de coalitions menaçantes. Cependant à l’image de la littérature portant sur les PP, cette typologie reste statique, puisque les attentes peuvent changer dans le temps, et que des contrats informels entre les PP peuvent surgir à tout moment, d’où l’intérêt de doter cette approche d’une dimension dynamique.

5. La contribution de la théorie des parties prenantes dans le développement d’un

système de pilotage stratégique

Selon Athkinson et al.248, la Balanced Scorecard ne fait pas ressortir la contribution des salariés ni celle des fournisseurs dans l’atteinte des objectifs de l’entreprise. Celle-ci reste aussi silencieuse sur le rôle des acteurs qui constituent l’environnement de la firme. Les auteurs soulignent également le fait que la BSC ne perçoit pas le phénomène de réciprocité selon lequel le management s’assure de la contribution de l’ensemble des acteurs aux buts de l’entreprise et ceux-ci s’assurent de la capacité de l’organisation à remplir ses engagements à leur égard. Les auteurs proposent ainsi un modèle alternatif qui prend en compte l’ensemble des composantes de l’entreprise.

Ce modèle repose sur deux idées principales. La première idée est que l’organisation moderne est un réseau complexe de contrats explicites et implicites, qui définissent les relations entre l’entreprise et les parties prenantes. Ces PP sont des individus ou des groupes, internes ou externes, qui ont un intérêt dans la performance de l’organisation ou qui peuvent avoir une influence sur elle. Les auteurs identifient cinq parties prenantes : les clients, les employés, les fournisseurs (de biens, de services ou de capitaux), les propriétaires et la communauté (voir figure ci-dessous). Ils distinguent, dans cet ensemble d’acteurs, deux catégories. La première catégorie inclut les PP de l’environnement qui sont les clients, les propriétaires et la communauté249. Cet ensemble détermine l’environnement externe qui détermine, à son tour, les règles de la stratégie concurrentielle. La deuxième catégorie comprend les employés et les

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Notant néanmoins qu’ils ne précisent pas qu’une même PP peut avoir plusieurs attentes différentes.

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Dans ce cadre, Nutt et Backoff suggèrent d’évaluer chaque ressource selon deux axes : le caractère critique qui indique dans quelle mesure la ressource est indispensable à la firme et sa disponibilité qui indique la facilité par laquelle elle peut être trouvée, dans l’environnement, ou mobilisée. En croisant les deux axes, les auteurs identifient quatre types de ressources. Nutt P.C. et Backoff R.W., 1993, Op. Cit.

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Eden C. et Ackermann F., Making strategy: the journey of strategic management, éd. Sage publications, 1988.

248

Atkinson A.A., Waterhouse J.H., Wells R.B., A stakeholder approach to strategic performance measurement, MIT Sloan Management Review, spring 1997, Vol 38, N°3, pp 25-37.

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On signale ici que cette analyse porte sur ce qu’est le rôle et l’influence de la communauté, non sur ce qu’ils devraient être.

fournisseurs qui travaillent dans le cadre défini par les PP de l’environnement, pour préparer, concevoir et exécuter les processus qui permettront de produire les produits et services et de les faire parvenir aux clients.

La deuxième idée est que la raison d’être d’une entreprise250 est de servir les objectifs de ses propriétaires. La nature et le domaine des relations que l’entreprise établit avec ses PP, reflètent la façon dont, individuellement ou collectivement, ces PP lui permettent de réaliser

ses objectifs primaires. Dans ce cas, le but de la planification stratégique est d’identifier et

d’instaurer les règles des relations avec chaque intéressé. Il s’agit ainsi de faire émerger les besoins des clients, d’analyser les demandes et les contributions potentielles des employés et des fournisseurs et de tenir compte des exigences des propriétaires et de la communauté. En fonction de ces données, l’entreprise sélectionnera la stratégie et les processus adéquats. La planification stratégique aboutit à la négociation de contrats explicites ou implicites avec les PP. Ces accords stipulent à la fois ce que l’entreprise attend de chaque groupe d’intéressés pour réaliser ses objectifs primaires et inversement, ce que chacun attend de l’entreprise en retour de sa collaboration. Selon les auteurs, les objectifs secondaires représentent ce qu’attend l’entreprise de chacune de ses PP et ce qu’elle leur offre pour réaliser ses objectifs primaires. En ce sens, la satisfaction du client est un objectif secondaire. Elle est jugée importante parce qu’elle conduit à plus de gains pour l’actionnaire (objectif primaire).

Figure 21. Modélisation des composantes du réseau de l’entreprise (adapté de Atkinson et al.)

Puisque la réussite des objectifs primaires dépend de la réalisation des objectifs secondaires, le succès d’une firme implique que l’on garantisse la performance dans ces objectifs secondaires. Les auteurs soulignent l’importance de concentrer les efforts sur les objectifs secondaires qui génèrent ces résultats et non sur les résultats eux-mêmes251.

Pour réaliser les objectifs secondaires, les employés mettront en place les processus (fabrication, logistique, GRH, service clients) appropriés. Le but final étant de produire des effets sur les objectifs primaires (voir figure ci-dessous).

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Dans leur analyse, les auteurs ne considèrent que les entreprises privées ; cependant ils ne limitent pas le champ d’application de leur modèle à cette catégorie ; au contraire celui-ci peut s’appliquer dans des organisations à but non lucratif. La seule condition qu’ils posent est que les propriétaires expriment clairement leurs objectifs et, si ces objectifs sont conflictuels, qu’ils trouvent le moyen de les concilier.

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Les auteurs illustrent leur raisonnement comme suit « … se focaliser sur les seuls profits des actionnaires fait penser à un entraîneur qui voudrait améliorer le jeu de son équipe mais garderait les yeux rivés sur le panneau d’affichage ». Atkinson A.A., Waterhouse J.H., Wells R.B., 1997, Op.Cit.

Figure 22. Comment s’applique un modèle de mesure de la performance ? (d’après Atkinson et al.) Cette approche dépasse l’appréhension traditionnelle de l’organisation en tant que « boite noire ». Elle permet de tenir compte du point de vue des acteurs constitutifs, du réseau de l'entreprise et de la manière de satisfaire leurs attentes pour bénéficier, en retour, de leur participation252. Pouloudi et Whitley253 estiment que la théorie des parties prenantes met en évidence des enjeux que d'autres approches négligeraient. Ces enjeux sont liés aux exigences des PP notamment en termes d’information et à l’évolution de ces exigences dans le temps. Ils considèrent également que cette théorie offre les clés nécessaires pour analyser les systèmes des relations inter-organisationnelles, un domaine longtemps considéré comme compliqué.

252

Donaldson T. et Preston L.E., The stakeholders theory of corporation: concepts, evidence and, implications, Academy of Management Review, vol. 20, N°1, 1995, pp 65-91.

253

Pouloudi A. and Whitley E. A., Stakeholder identification in inter-organizational systems: Gaining insights

for drug use management systems, European journal of informationsystems, Vol. 6, N°1, 1997, pp 1-14 ;

Objectifs secondaires

Reflètent les contrats implicites et explicites avec les parties prenantes

Processus * * *

Objectifs primaires

Estimation des relations d’échanges contractuels entre l’organisation et les parties prenantes Buts et objectifs clés à chaque partie concernée par la conception, le suivi et la gestion des processus de l’organisation

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