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1.3 I NVESTISSEMENTS EN EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DES ENTREPRISES

1.3.1.1 La théorie financière des choix d’investissement

Pour tenter de confirmer ou d’infirmer l’existence d’un sous-investissement en efficacité énergétique, une piste de recherche, empruntée par les économistes, a consisté à évaluer leur rentabilité, en opposant rentabilité apparente et rentabilité réelle. Pour la majorité des économistes les facteurs déterminants la décision d'investir sont en effet exclusivement les facteurs financiers, définis sur la base des éléments techniques du projet. Si des investissements en efficacité énergétique ne sont pas décidés, c'est parce que leur rentabilité n'est qu'apparente.

La théorie financière stipule en effet que tout investissement dont la rentabilité est égale ou supérieure au coût du capital de l'investisseur doit être décidé et fournit les outils qui permettent d'évaluer la rentabilité. En cas de compétition entre investissements, la théorie financière stipule que le plus rentable doit être choisi. Il convient donc tout d'abord de présenter brièvement ces outils, les méthodes de calcul de la rentabilité de l’investissement, proposées – ou prescrites – par la théorie financière des choix d’investissements.

1.3.1.1 La théorie financière des choix d’investissement

Selon une définition strictement juridique, fiscale ou comptable, "est un investissement l’achat d’un bien immobilisable" (De Bodt et Bouquin, in Charreaux 2001, p.123). Il s’agit donc de l’affectation d’une dépense aux postes de l'actif immobilisé (immobilisations incorporelles, corporelles et financières) en fonction de certains critères légaux ou comptables (tel par exemple le montant de la dépense). Dans une perspective économique, "l'investissement est la réalisation ou l'acquisition d'un capital fixe, c'est-à-dire une accumulation de facteurs physiques, principalement de production et de commercialisation. Ces actifs industriels ou commerciaux augmentent le potentiel économique de l'entreprise et contribuent à son fonctionnement sur plusieurs cycles de production successifs" (Conso et Hemici, 2002, p. 372). Selon cette définition, l’investissement consiste donc essentiellement en une augmentation des capacités de

production ou de commercialisation de l’entreprise, sous une forme matérielle (équipements). Dans une perspective financière, Charreaux (1996, p. 13) définit l’investissement comme : "toute dépense qui conduit à l’acquisition ou à la constitution d’un actif en vue de créer de la valeur ". Cette conception élargit la notion d'investissement puisqu’elle concerne non seulement les dépenses de création d'actifs physiques et financiers, mais aussi les dépenses en actifs non matériels, tels que formation du personnel, recherche et développement.

Au-delà de ces différentes définitions, un investissement est, par essence, un décaissement immédiat avec des espérances d'encaissements futurs. Cette définition contient deux caractéristiques importantes: tout investissement implique pour l’entreprise, dans le temps présent, une réduction du profit réalisé ; cette réduction de profit est acceptée dans l’espoir d’un plus grand profit futur, ce qui laisse appréhender que tout investissement est assorti de plus ou moins d’incertitude.

L'incertitude provient notamment de ce que le résultat de l’investissement dépend en partie de décisions prises par d’autres (consommateurs ou autorités publiques par exemple), sur lesquels l’entreprise n’a pas, ou peu, de contrôle. L’incertitude croît avec la durée de l’investissement. L’incertitude génère le risque, qui apparaît comme l’une des caractéristiques fondamentales de l'investissement. Plus l'investissement est risqué, autrement dit plus l'incertitude sur les flux qu'il produira est grande, plus la rémunération requise par l'investisseur augmente.

Les techniques d’évaluation développées par la théorie financière permettent de juger de l'intérêt de l’investissement. La rentabilité mesure le rapport entre le capital investi et les revenus qui découlent de l’investissement.

Méthode de la période de recouvrement. La méthode la plus simple, est celle dite de la période de recouvrement, ou du délai de récupération (pay-back time). Elle consiste à calculer le temps nécessaire pour recouvrer intégralement la ou les mises de fonds initiales, autrement dit pour réaliser au moins une opération à somme nulle.

Exprimée en années ou en mois, elle s’obtient en divisant le coût initial de l’investissement par son revenu annuel. La procédure de sélection dans ce cas consiste à éliminer les projets pour lesquels le délai de récupération est supérieur à un délai

"couperet". En cas de concurrence entre plusieurs projets, celui dont le délai de

récupération est le plus court sera choisi. La règle de sélection de la méthode de la période de recouvrement n’est donc pas basée sur l’évaluation de la rentabilité (qui n’est pas estimée pour l’ensemble du projet puisque les flux postérieurs à la date de récupération estimée ne sont pas pris en compte) mais plutôt sur celle du risque, exprimé par la durée. Le délai couperet est généralement court, inférieur à trois ans, voire deux ans, ce qui est d'autant plus logique si les flux ne sont pas actualisés. Cependant, une application mécanique de ce mode de sélection des projets est dangereuse car elle conduit à favoriser les investissements de courte durée aux dépens de ceux de longue durée, sans prendre en compte les différences de rentabilité entre les différents projets. Comme le fait remarquer DeCanio, (1993, p. 908), "un délai de récupération de deux ans pour un projet d'une durée de dix ans équivaut à une rentabilité réelle, après impôt, de 56%"40. Il faudrait donc toujours appliquer plusieurs méthodes pour évaluer les investissements, de façon à prendre en compte l'échéancier complet du projet.

Méthode de la valeur actuelle nette. La valeur actuelle nette (VAN, ou NPV en anglais pour Net Present Value) d’un projet d’investissement est la valeur actualisée de tous les flux (flux de trésorerie et flux d’exploitation) estimés sur la durée de vie du projet, moins le coût initial. Ce qui s’exprime mathématiquement par la formule suivante :

Le tableau ci-dessous présente un exemple simplifié d'investissement dans lequel les flux sont actualisés à un taux de 15%.

40"A payback of two years for a project with a 10-year lifetime is equivalent to a post-tax real rate of return of 56%." (DeCanio, 1993, p. 908). Ce pourcentage varie évidemment en fonction du taux d'imposition.

Tableau 2 – Calcul de la valeur actualisée (Bender et Dumont, 2001, p. 156)

Si on applique la formule de la VAN à l'exemple ci-dessus, la valeur actuelle nette de l'investissement est donc de:

1'422,7 – 1'412,0 = 10,7

Une rentabilité strictement égale à 15% impliquerait que la somme des flux actualisés soit égale à la sortie initiale de capitaux, soit dans l'exemple 1'412,0 et que le résultat de la formule soit donc 0. Ici le résultat est positif – 10,7 –, ce qui signifie que la rentabilité du projet est supérieure à la rentabilité exigée de 15%, excédent qui représente une sorte de "surprofit" par rapport à l'exigence minimum de rendement.

Le taux d’actualisation représente donc l’exigence minimum de rendement de l’investissement. Celle-ci est basée sur le coût du capital pour l’entreprise et sur le risque attaché au projet : plus le risque est élevé, plus le taux d’actualisation sera fixé à un niveau élevé, plus petite sera la VAN et moins intéressant l’investissement. La structure temporelle de l’investissement est importante car l’actualisation des flux plombe la VAN des projets qui ne sont pas – ou peu - rentables durant les premières années. Selon la théorie financière, si la valeur actuelle nette est supérieure ou égale à zéro (c'est-à-dire dans l'exemple ci-dessus, supérieure ou égale à 15%), le projet est suffisamment rentable pour être accepté. Si la Van est inférieure à zéro, le projet est insuffisamment rentable, compte tenu de la rentabilité minimum exigée.

Flux de Facteurs Entrées Sorties

Année l'inves- d'actualisation de liquidités de liquidités tissement à 15% actualisées actualisées

Le taux d'actualisation exerce donc une influence décisive sur la rentabilité du projet d'investissement. Par exemple si on reprend les chiffres de l'exemple ci-dessus, et qu'on les actualise à un taux de 13% au lieu de 15%, la valeur actuelle nette du projet passe de 10,7 à 110,5. Inversement la valeur actuelle nette calculée, par exemple, avec un taux d'actualisation de 17% devient négative à – 79,6.

Reprenant les données de l'exemple indiqué plus haut, le tableau ci-dessous illustre l'influence du taux d'actualisation sur la valeur actuelle nette : au fur et à mesure de l'augmentation du taux d'actualisation, la VAN diminue au point de devenir négative.

Taux 13% 14% 15% 16% 17%

d'actualisation

VAN 110,5 57,7 10,71 -35,6 -79,6

Méthode du taux de rendement interne. Le taux de rendement interne (TRI) est le taux d'actualisation pour lequel la valeur actuelle nette est égale à zéro, c'est-à-dire quelque part entre 15 et 16% dans notre exemple. Si l'on ne dispose pas d'une calculatrice électronique, on doit le calculer par interpolation linéaire (et l'on obtiendra 15,25%).

Selon la théorie financière, si le TRI d'un projet d'investissement est supérieur au taux de rentabilité exigé pour le projet (taux d'actualisation), alors le projet est suffisamment rentable pour être accepté (ce qui est normal puisque un TRI supérieur au taux d'actualisation signifie une VAN supérieure à 0 au taux d'actualisation défini pour le projet).