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1.3 I NVESTISSEMENTS EN EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DES ENTREPRISES

1.3.1.2 Investissements en efficacité énergétique

Dans le cas des investissements en efficacité énergétique, les flux de l'investissement sont d'abord constitués des coûts évités: coûts énergétiques et, éventuellement coûts d'entretien des équipements. Un investissement en efficacité énergétique41 rentable sera donc un investissement dont le montant initial est compensé par les économies résultant de la réduction de la consommation énergétique (du bâtiment, du véhicule, de la chaîne de production industrielle, etc.). Deux problèmes se posent pour l'évaluation de la rentabilité de ces investissements. Le premier problème réside dans l’évaluation des économies physiques qui en résulteront, qu’il n’est pas toujours facile d’estimer de façon précise42. Le deuxième problème concerne la traduction des économies physiques en économies monétaires, ce qui pose notamment la délicate question de l’estimation des prix futurs de l’énergie, dont la difficulté croît avec la durée de l’investissement.

Le tableau ci-dessous illustre l'importance du taux d'actualisation (ajusté du risque) et des estimations des prix futurs de l'énergie. Il est extrait des travaux de Simon

41 Rappelons que nous définissons l’investissement en efficacité énergétique comme un investissement dans lequel la réduction de la consommation énergétique (au moyen de technologies plus efficaces) est le/un facteur prioritaire de décision.

42 Même si des "protocoles, méthodes et outils" solides ont été développés par EVO (Efficiency Valuation Organization) pour évaluer les économies physiques des projets en efficacité énergétique, qui sont en voie de s'imposer comme standard mondial. www.evo-world.org/

"At the recent ACEEE conference, James McMahon began his assessment of conservation policy by asking the audience whether they would invest $100 if the payoff were $33 per year forever. The present value of this income stream, capitalized at a 10% discount rate, is $333, which is 3.3 times the initial cost. McMahon's point, which is well supported in the literature, is that such an investment characterizes several conservation opportunities.

…This paper argues that merely asserting the above investment to be efficient is premature.

Conservation researchers have ignored modern investment theory as well as the conditions under which the private market allocates resources efficiently. Investment theory suggests that an energy-efficiency investment with the above payoff may be declined by rational, well-informed individuals, not because of market barriers but because the investment is illiquid, risky and has high transaction costs."

Sutherland (1991, p. 15)

Awerbuch (2003) sur l'estimation des coûts "réels" de la production d'électricité au moyen de sources énergétiques fossiles, nucléaire et renouvelables.

Figure 22 - "Risk-adjusted cost of electricity estimates (Europe/IEA countries) based on historic fuel price risk" (Awerbuch, 2003,

http://www.jxj.com/magsandj/rew/2003_02/real_cost.html )

La différence entre les estimations "traditionnelles" (en vert) et les estimations ajustées du risque (en bleu) provient de la volatilité des prix futurs de l'énergie. Si l'on applique la méthode d'évaluation des coûts de production de l'électricité proposée par Awerbuch, les modes de production basés sur les énergies fossiles deviennent plus coûteux que la majorité des modes de production basés sur les énergies renouvelables.

Les estimations "traditionnelles" sont issues des coûts de l'énergie prédits par le World Energy Outlook 2000 de l'Agence Internationale de l'Energie dans leur scénario de référence. Ces prédictions méritent d'être rappelées (et de figurer sur les bureaux de toutes les personnes travaillant dans le domaine des prévisions). En effet, en ce qui concerne le prix du pétrole (dont le prix a franchi la barre des $80/baril en octobre 2007 et celle des $100/baril en 2008), les prévisions de l'Agence Internationale de l'Energie en 2000 étaient les suivantes: "The Reference Scenario assumes an average IEA real crude-oil import price between 2000 and 2010 of $16,50 per barrel in 1990 dollars, equivalent to $21 per barrel in today's money. This price equals the average from 1987 to 1999.

Between 2010 and 2020, the price increases steadily to $22,50 per barrel in 1990 dollars or $28 per barrel in today's money" (IEA, 2000, p. 39).

Le tableau ci-dessous représente graphiquement les estimations de l'IEA relatives aux prix respectifs des énergies fossiles à horizon 2020, exprimés en dollars par tonne d'équivalent pétrole. La caractéristique la plus frappante de ce tableau datant de 2000, quand on l'examine en 2007, est la stabilité des prix de toutes les énergies fossiles, qui restent imperturbablement inchangés entre 2001 et 2010.

Figure 23 - IEA (2000). World Energy Outlook2000, p. 37

Exemple plus modeste, le tableau suivant décrit le mode de calcul d’un projet en efficacité énergétique à l'université de Santa Clara en Californie (les chiffres indiqués dans le tableau ne sont pas réels, mais indicatifs). Il s'agit d'un projet relatif à un remplacement de 150 appareils d’éclairage équipés d’ampoules à incandescence par des appareils équipés d’ampoules basse consommation. Le calcul prend en compte la consommation de chaque type d’ampoule (en watts), le coût initial des ampoules et leur durée de vie (en heures), leur coût de remplacement (10 minutes de travail par lampe au taux horaire de 40$) et le coût horaire de l’électricité (kilowatt hour rate). L’indication du nombre d’heures d’utilisation par an (8.760 heures) permet d’estimer le nombre d’ampoules qui doivent être achetées et remplacées chaque année et le coût annuel de

l’électricité. Est prise en compte également l’incitation financière offerte par le fournisseur d’électricité.

Le calcul montre à quel point le coût de l’énergie est important dans l’évaluation de la rentabilité. Pour les projets de longue durée (isolation, système de chauffage, etc.), ce coût est difficile à estimer, et cette incertitude pèse sur la décision. Ce projet d’investissement montre cependant aussi à quel point un investissement en efficacité énergétique peut être rentable : ici de nouvelles ampoules, bien que plus chères, permettent de réduire les coûts de remplacement (car elles durent quatre fois plus longtemps) et la facture d’électricité (car elles consomment presque sept fois moins).

Figure 24 - Analyse type d'un projet en efficacité énergétique telle qu'effectuée par l'université de Santa Clara, Californie (Kulakowski, 1999, p. 7)

Dans l'exemple ci-dessus, la sortie de liquidités (le coût initial de l'investissement qui correspond à l’appareil lui-même, le support de l'ampoule) est de 2.475$ et les économies financières totales réalisées la première année sont de 12.746$. Au total la rentabilité de l’investissement décrit ci-dessus est très élevée. Elle est de 515% sur un an, avec une période de recouvrement de 2,33 mois. Dans les années suivantes la rentabilité est encore plus élevée puisqu'il n'est plus nécessaire de faire l'acquisition des appareils d'éclairage: 13.534$.

De nombreux exemples montrent que des investissements en efficacité énergétique dont la rentabilité estimée est élevée ne sont pas entrepris: par exemple Anderson et Newell (2004) ont ainsi analysé les résultats du programme "Industrial Assessment Centers " (IAC) patronné par le département américain de l’énergie. Ce programme, lancé en 1981, propose aux entreprises industrielles, de tous secteurs confondus et situées sur l’ensemble du territoire américain, des audits énergétiques gratuits ainsi qu’une évaluation financière des mesures de conservation identifiées. Grâce à une collaboration entre vingt-six universités américaines, les résultats de 10.000 audits, les 70.000 mesures que ces audits ont recommandées aux entreprises ainsi que les projets ayant été effectivement adoptés par celles-ci, ont été répertoriés dans une base de données. Se basant sur ces données, Anderson et Newell ont calculé le temps de récupération simple des projets ayant une durée inférieure à 9 ans : selon leurs calculs, le temps de récupération moyen est de 1,29 année43. Malgré ce délai de recouvrement rapide, seuls 53% des projets recommandés ont été décidés par les entreprises. Les entreprises interrogées sur les raisons de la non adoption de projets à rentabilité aussi élevée, donnent des réponses très variées et parfois peu convaincantes telles que

"désaccord avec le projet" ou "motif inconnu". 13,8% des entreprises indiquent des problèmes de liquidité pour financer l'investissement initial. 27,1% déclarent être encore en train d'examiner l'investissement (Anderson et Newell, 2003, p. 21).

Autre exemple, dans le domaine du gaz naturel, celui de la campagne "Save Energy Now". Confronté à la hausse des prix du gaz naturel, liée aux ouragans violents ayant frappés le golfe du Mexique en août 2005, qui met en évidence la vulnérabilité de l'industrie américaine, le département américain de l'énergie (DOE) lance cette initiative

43 Correspondant à un coût initial moyen de US$ 7400 et des économies estimées de US$ 5600 par an.

en octobre 2005. "Save Energy Now" a pour but d'aider les responsables de l'énergie dans les entreprises à réduire leurs consommations de gaz naturel. La première étape du programme consiste à établir un état des lieux basés sur 36 audits énergétiques réalisés dans 39 états américains auprès d'industries de différents secteurs d'activités (secondaires). Les résultats des audits44 montrent que 40% des économies identifiées peuvent être obtenues avec un temps de retour inférieur à 9 mois et 40% avec un pay-back entre 9 et 24 mois, 17% des économies potentielles présentent un pay-pay-back compris entre 2 et 4 ans. 4% seulement des économies identifiées par les audits ont un pay-back supérieur à 4 ans. Ces économies totalisent 95,6 millions de dollars. Ces résultats sont

Une démonstration de l'existence de potentiels rentables d'économies d'énergie (électrique et thermique) est faite depuis de nombreuses années, en Suisse, par le bureau d'ingénieurs Enerplan (Villars Ste Croix, Lausanne). Enerplan applique une méthode originale d'optimisation dans les bâtiments à usage tertiaire ou industriel. La méthode

44 Les résultats complets sont disponibles sur le site du département US de l'énergie:

http://www1.eere.energy.gov/industry/saveenergynow/

consiste à évaluer et à suivre de façon très fine la consommation de ces bâtiments45 (au moyen d'un nombre très élevé de points de mesure et d'un logiciel informatique ayant été développé par Enerplan), et à piloter le bâtiment, en collaboration avec un collaborateur interne de l'entreprise/administration publique propriétaire, pour harmoniser et coordonner le fonctionnement des différents systèmes techniques gros consommateurs d'énergie (chauffage, ventilation, froid).

Les résultats de réduction des consommations (énergies et eau) obtenus sur une période de 1 à 2 ans par Enerplan sont impressionnants. Les économies réalisées le sont à un coût très bas (quelques milliers de francs suisses) qui se répartit entre l'abonnement annuel souscrit auprès d'Enerplan, les frais de prises de mesures et, dans certains cas, des honoraires d'évaluation des potentiels d'économies. Les exemples ci-dessous donnent un aperçu des résultats.

Figure 26 – Source : Enerplan, Sainte-Croix

Le niveau des prix de l'énergie ne joue pas non plus automatiquement un rôle dans les décisions d'investissement, comme le montre une étude effectuée par IFC (International Finance Corporation, filiale de la Banque mondiale) en 2006 en Russie,

45 Par exemple, 6.000 points de mesure au quart horaire à l'hôpital cantonal de Genève

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