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2. 2ème partie : décisions et organisations

2.1 LES FONDAMENTAUX

2.2.3 Les acteurs de la décision

2.2.3.2 Cognition et culture(s) organisationnelles

Le concept de cognition fait référence à la pensée, or les organisations ne pensent pas. Comment parler d'une pensée organisationnelle, de cognition organisationnelle, sans tomber dans l'anthropomorphisme151 ou la réification152? Cette question a donné lieu à un vaste débat. Et, en effet, la notion de cognition organisationnelle est complexe et pose des problèmes au plan théorique comme au plan méthodologique (Meindl et al., 1994;

Schneider et Angelmar, 1993). Tout d'abord, à supposer qu'une pensée collective existe, comment la mesurer? Elle ne peut être constituée simplement de l'agrégation des données du niveau individuel. Comme le font remarquer Schneider et Angelmar (1993, p. 348):

"to advance inquiry into the role of cognition in organizations we need to understand what is organizational about cognition and what is cognitive about organizations".

Otherwise, cognition at the collective level will continue to rely on individual-level variables while ignoring the influence of context, the distinctive nature of cognition at collective levels, and the interaction of cognition across levels of analysis". Les deux chercheurs proposent d'analyser directement le niveau collectif (par exemple à travers l'étude de rapports annuels ou de manuels de procédure) sans passer par l'intermédiaire des individus. Mais les frontières entre les niveaux individuel et collectif ne sont pas toujours très claires: par exemple, pour Cossette (2004), la stratégie est un schème de niveau organisationnel mais qui n'a été décidée le plus souvent que par un individu (dans le cas d'une petite entreprise) ou un petit groupe d'individus (dans le cas d'une grande organisation). Ce qui débouche sur un autre sujet important: celui de la cohabitation et/ou de la suprématie de différent(e)s cultures et schèmes cognitifs au sein d'une même organisation.

Au-delà des polémiques sur la "pensée collective", on peut considérer avec Cossette (2004, p. 53) que: "si on voit l'organisation comme une "chose", on peut dire alors qu'elle ne "pense" pas, ce qui ne signifie pas qu'il n'y ait aucun schème qui guide l'ensemble de ses membres. Et affirmer que l'intégralité du vécu individuel ne peut pas être respectée lorsqu'on détermine une structure collective ne veut certainement pas dire

151 "…only people think, they have brains, organizations don't" (Schneider et Angelmar, 1993, p. 348).

152 "Where, after all, is the organizational (or managerial) mind?" (Idem).

qu'un schème collectif ne puisse pas être considéré comme représentatif d'un groupe d'individus, de toute une organisation ou d'un secteur industriel." Le terme de cognition organisationnelle peut s'appliquer alors, dans une perspective plus large, à l'ensemble des mécanismes selon lesquels managers et organisations donnent du sens aux situations et aux événements153 (Meindl, Stubbart, Porac, 1994). La plupart des chercheurs de l'approche cognitive admettent l'existence de ces "mécanismes interprétatifs" selon la formule de Johnson (1989), sous différentes appellations : schème organisationnel ou de niveau organisationnel (Cossette, 2004), modèle organisationnel de prise de connaissance154 (Lyles et Schwenk, 1992), système cognitif commun (Laroche et Nioche, 1994), logique dominante (Prahalad et Bettis, 1986), idéologies (Johnson, 1989), schèmes interprétatifs (Bartunek, 1984), cartes cognitives (Bougon, Weick et Binkhorst, 1977, Weick, 1979) 155. Le terme "interprétatif" permet de contourner le problème de l'emploi du terme "cognitif" pour décrire les mécanismes de production de sens au niveau organisationnel.

Différents courants de recherche se sont intéressés à l'influence des phénomènes cognitifs sur le comportement des organisations, en particulier sur les prises de décision stratégique (Denison et al., 1996; Dutton et Jackson, 1987; Lyles, 1987; Tyler et Steensma, 1998) et sur l'apprentissage organisationnel (selon la revue de littérature de Lyles et Schwenk 1992, p. 155: Argyris et Schon, 1978; Fiol et Lyles, 1985; Hedberg, 1981; Jelinek, 1979; Levitt et March, 1988; Lyles, 1988; Shrivastava, 1983), et à leur rôle sur le changement organisationnel ou stratégique (Bettis et Prahalad, 1995; Gioia et Chittipeddi, 1991; Johnson, 1987; Schwenk, 1992).

Le schème organisationnel joue le même rôle pour l'organisation que le schème individuel pour l'individu : il structure la façon dont un groupe, une organisation, ou même un secteur d'activité appréhende la réalité, en servant de système référentiel dans l'observation, ou la perception, des événements présents, dans l'interprétation des événements passés ainsi que dans la prévision des événements futurs (Cossette, 2004); il oriente la recherche d'information (Bougon, Weick et Binkhorst, 1977; Weick, 1979) et,

153"…how managers and organizations make sense of situations and events" (Meindl, Stubbart, Porac, 1994, p. 290).

154 Organizational knowledge structure.

155 Cette liste n'est pas exhaustive.

finalement, il influence la décision ou l'action. Les schèmes organisationnels peuvent être de niveau opérationnel, donc de nature plus technique ou procédurale, ou encore être de niveau conceptuel et porter sur une compréhension plus générale et profonde de la réalité organisationnelle, ce que Kim (1993) appelle respectivement "le know-how et le know-why".

La formation ou la transformation des schèmes dans les organisations proviennent de deux sources : les expériences extraorganisationnelles qui incluent les expériences personnelles vécues par les membres de l'organisation depuis leur naissance (Cossette, 2004; Hambrick et Mason, 1984; Lyles et Schwenk, 1992; Prahalad et Bettis, 1986) et les expériences intraorganisationnelles, vécues à l'intérieur même de l'organisation, dans lesquelles se manifestent la culture de l'organisation, les orientations stratégiques poursuivies et les façons de faire inscrites dans la structure de l'organisation (Cossette, 2004). Une fois acquis ou transformés, les schèmes sont stockés dans la "mémoire organisationnelle", pour une période plus ou moins longue, sur des supports tangibles (par exemple, documents, archives, banques de données, procédures standards opérationnelles) et intangibles (par exemple, cerveau des individus, systèmes de rôle, culture) (Girod, 1995).

De même que les schèmes individuels, les schèmes organisationnels sont stables et peuvent constituer un frein au changement. Ils peuvent cependant évoluer par un phénomène d'apprentissage organisationnel, soit en raison de la compréhension particulière d'événements passés, présents ou futurs, soit à la suite d'actions ou de décisions prises par l'organisation, qui constituent une mise à l'épreuve indirecte des schèmes dont la validité apparaît dans les conséquences des décisions prises (Cossette, 2004). Il arrive aussi que les schèmes soient remis en question de façon plus brutale, en particulier en période de crise (Bettis et Prahalad, 1989). La structure156 (selon qu'elle tend à être flexible et organique, ou rigide et mécaniste), la stratégie (selon les limites qu'elle impose à la prise de décision) et la culture (selon l'orientation des valeurs ou

156 Selon Desreumaux (1998, p. 212, cité par Cossette, 2004, p. 75), la structure est "le mode d'agencement de l'organisation, s'exprimant dans les principes fondamentaux de division du travail et dans les différents systèmes de gestion permettant l'accomplissement coordonné des activités". Le mode d'agencement peut être formel ou informel.

normes en vigueur) conditionnent l'apprentissage organisationnel (Cossette, 2004; Fiol et Lyles, 1985; Johnson, 1987, 1992).

Une catégorie d'acteurs joue un rôle particulier sur la formation et le contenu des schèmes organisationnels : celle des dirigeants. En raison de leur influence sur l'organisation, leurs propres schémas cognitifs s'imposent, soit directement dans les routines, la définition de la structure et des orientations stratégiques et les prises de décisions, soit indirectement à travers leur influence sur la culture de l'organisation. Un certain nombre de chercheurs ont reconnu et analysé les modalités et/ou les conséquences de cette influence (Schein, 2004; Barker et Mueller, 2002; Bettis et Prahalad, 1995, 1989;

Dutton & Jackson, 1987; Hambrick et Mason, 1984; Lyles, 1987; Lyles et Schwenk, 1992; Tyler & Steensma, 1998). A l'extrême on peut, selon la Upper Echelons Perspective de Hambrick et Mason (1984), considérer l'organisation comme le reflet des managers des échelons supérieurs, puisque "executives' experiences, values, and personalities greatly influence their interpretations of the situations they face and, in turn, affect their choices" (Hambrick, 2007). Au plan méthodologique, des caractéristiques démographiques observables, telles que l'âge, la fonction, la carrière, la formation, l'origine socio-économique, la situation financière, peuvent être utilisés comme variables de substitution pour l'étude de caractéristiques psychologiques, plus insaisissables. Le schéma suivant illustre les mécanismes de l'influence des caractéristiques individuelles des dirigeants sur leurs choix.

Figure 39 - An Upper Echelons Perspective of Organizations (Hambrick et Mason, 1984, p. 198)157.

157 NB : le tableau est rogné dans l'article d'origine lui-même.

Bettis et Prahalad (1986) soutiennent une position similaire, qui s'incarne dans le concept de "dominant logic". Pour Bettis et Prahalad, comme pour Pettigrew (1985), dans la lignée de la perspective politique, les organisations sont dirigées non pas par "une abstraction sans visage" mais par une coalition dominante, composée d'individus clé, qui exerce une "influence significative" sur la gestion de l'organisation. Or ces managers partagent une "structure mentale générale" (a general mental structure), qui s'incarne dans une logique de gestion dominante, définie comme "la façon dont les managers conceptualisent l'activité et prennent des décisions critiques d'allocations de ressources"158 (Bettis et Prahalad, 1986, pp. 489-490). Bettis et Prahalad (idem, p. 491) suggèrent que cette logique dominante est un schème partagé, un "système cognitif commun, proprement organisationnel" selon la formule de Laroche et Nioche (1994). Le concept de logique dominante de Bettis et Prahalad s'apparente à celui du "paradigme"

organisationnel tel qu'il est défini par Gerry Johnson (1992, p. 29) : "a set of core beliefs and assumptions [shared by the managers] which are specific and relevant to the organization in which they work and which are learned over time". Ce paradigme est culturel par nature, nous dit Johnson, car il se situe au niveau inconscient des convictions tenues pour acquises et des croyances. En considérant la manière dont les croyances des managers affectent le comportement organisationnel, on bascule donc inévitablement dans des considérations de culture organisationnelle159.

"Concept insaisissable" selon Johnson (1989), la notion de culture a fait l'objet de débat depuis des décennies, y compris chez les anthropologistes eux-mêmes, comme le rappellent Schneider et Barsoux (2003) qui retracent l'historique du concept : dans une de ses premières définitions, la culture a été définie comme un "modèle partagé de comportement"160 (Mead, 1953). Cependant cette définition n'était pas satisfaisante car un même comportement peut avoir différentes significations tandis que des comportements différents peuvent avoir la même signification. La culture a donc été définie par la suite

158 "A dominant general management logic is defined as the way in which managers conceptualize the business and make critical resource allocation decisions, be it in technologies, product development, distribution, advertising, or in human resource management" (Bettis et Prahalad, 1986, p. 490).

159 "In considering the way in which managerial beliefs affect organizational behaviour we move inevitably into a consideration of organizational culture" (Johnson, 1989, p. 47).

160 “A shared pattern of behaviour”.

comme "des systèmes de significations partagées" ou des "réseaux de signification"161, qui déterminent le comportement observé (Lévi-Strauss, 1971; Geertz 1973). Mais la signification doit être déchiffrée car elle est sous-tendue par des "basic assumptions"

(Kluckhohn & Strodtbeck 1961; Schein 2004), formule difficile à traduire, pour laquelle on peut adopter la traduction proposée par Cossette (2004) de "conviction tenue pour acquise". La culture peut alors être définie comme "a pattern of shared basic assumptions that was learned by a group as it solved its problems of external adaptation and internal integration, that has worked well enough to be considered valid and, therefore, to be taught to new members as the correct way to perceive, think, and feel in relation to those problems" (Schein, 2004, p.17). Les convictions tenues pour acquises sont inconscientes et invisibles, et donc "non confrontables" (nonconfrontable). Elles sous-tendent les croyances et valeurs qui, à leur tour, influencent les attitudes (les idées, les convictions ou les goûts des individus) et le comportement (la manière dont les individus agissent)162 (Schneider & Barsoux, 2003). On peut voir le comportement qui résulte de l'influence invisible et inconsciente de la culture mais nous ne pouvons pas voir les forces cachées à l'œuvre. La culture, nous dit Edgard Schein, est à un groupe ce que la personnalité ou le caractère sont à l'individu. De même que notre personnalité et notre caractère guident et contraignent notre comportement, de même la culture guide et contraint le comportement des membres d'un groupe à travers les normes partagées par ce groupe163 (Schein, 2004, p. 8).

La culture peut être considérée comme une variable "externe" de l'organisation, et elle renvoie dans ce cas à l'ensemble des valeurs particulières (par exemple, individualisme ou respect de l'autorité) qui sont privilégiées dans un espace géographique donné (un pays, ou une région); elle peut être considérée aussi comme une variable interne de l'organisation, et, dans ce cas, la culture représente les croyances et valeurs de l'organisation, ou plus exactement, les croyances et valeurs qui prédominent au sein de

161 “Systems of shared meaning or understanding” or “webs of significance”.

162 "Basic assumptions underlie beliefs and values which, in turn, influence attitude (people’s ideas, convictions or tastes) and behaviour (what people are doing).”(Schneider & Barsoux 2003, p. 22).

163 "…culture is to a group what personality or character is to an individual. We can see the behavior that results, but often we cannot see the forces underneath that cause certain kinds of behavior. Yet, just as our personality and character guide and constrain our behavior, so does culture guide and constrain the behavior of members of a group through the shared norms that are held in that group" (Schein, 2004, p. 8).

l'organisation, et qui déterminent inconsciemment et implicitement la représentation que l'organisation se fait d'elle-même et de son environnement.

Au plan organisationnel, Schein (2004) distingue trois niveaux de culture, du moins visible au plus visible : au plus profond se trouvent les convictions tenues pour acquises, enfouies et inconscientes, puis les croyances et les valeurs affichées, et enfin les artefacts qui présentent l'avantage d'être visibles et donc observables, mais qui sont à traiter avec prudence car ils peuvent être difficiles à interpréter. Les artefacts englobent les structures et processus organisationnels, tels l'organigramme, les procédures et routines, et les systèmes de récompenses et de contrôle. Selon Johnson (1989) également, les systèmes de gestion et de contrôle de l'organisation peuvent donc être considérés comme des artefacts, reflets de sa culture.

Figure 40 – Les niveaux de culture. D'après Schein (2004, p. 26) et Kluckholn et Strodtbeck (1961).

La culture influence tous les aspects du fonctionnement d'un groupe, et la manière dont une organisation exécute ses tâches, organise ses opérations ou perçoit son environnement. A ce titre la culture influence la structure et la stratégie de l'organisation (Cossette, 2004; Schneider et Barsoux, 2003).

A la lecture des différents textes, il n'est pas facile pour le profane de se faire une opinion sur la relation entre cognition et culture, entre schèmes cognitifs, de niveaux individuel ou organisationnel, et culture. Cossette propose utilement une définition de la culture organisationnelle selon la perspective cognitiviste sur l'organisation qui établit

Artefacts

Croyances et valeurs

Convictions tenues pour acquises Visible

Invisible

clairement – et logiquement - la relation entre les deux: la culture est un schème de niveau organisationnel. Comme l'écrit Cossette (2004, p. 121): "La culture est un schème de niveau organisationnel constitué essentiellement de valeurs qui sont partagées dans une mesure plus ou moins grande et de façon plus ou moins consciente par les membres d'une organisation. Elle est un système d'idées à caractère normatif, façonné ultimement par les acteurs concernés; la culture est donc créée, maintenue et transformée par des individus possédant eux-mêmes des schèmes, certains de nature normative, c'est-à-dire formés par les valeurs personnelles des individus. Ce schème organisationnel qu'est la culture est en relation étroite avec d'autres schèmes organisationnels [et notamment celui de la stratégie], même si l'influence de l'un sur l'autre passe forcément par les individus ".

Que ce soit au niveau individuel ou organisationnel, la culture n’est pas monolithique : différents processus de socialisation, développés au sein de la famille, de l’école et de l’église, et de professionnalisation, développés lors de formations et dans les pratiques, contribuent à construire des "paradigmes culturels" (Romelaer et Lambert, 2001). Ainsi, différentes cultures cohabitent au sein d’un même individu et influencent, parfois de façon contradictoire, ses décisions et différentes (sous)-cultures cohabitent au sein des organisations. Schneider & Barsoux. (2003) montrent comment six sphères culturelles interreliées (“interrelated spheres of culture”) influencent la vision du monde que se font les décideurs, mais aussi celle tous les autres acteurs de l'organisation, individus et groupes. Il s’agit des cultures nationale, régionale, professionnelle, fonctionnelle, culture du secteur d’activité et enfin la culture d'entreprise. Le schéma de la page suivante représente les six sphères culturelles interreliées.

Figure 41 - Sphères culturelles d'influence interreliées (Schneider et Barsoux, 2003)

Plus le contenu des "sphères culturelles" des membres de l'organisation est similaire et plus ils ont en commun de sphères culturelles, plus leurs schèmes cognitifs seront similaires. Inversement, les particularités des individus, créent des frontières informelles dans l’organisation entre groupes de culture différente, ayant des schèmes cognitifs différents et donc une façon différente de percevoir leur environnement et d'y réagir.

La culture organisationnelle joue un rôle particulier car elle "fédère" en quelque sorte les autres cultures. Elle renvoie aux valeurs164 principales, c'est-à-dire celles qui sont considérées comme prioritaires par ses membres, elle intègre les convictions tenues pour acquises et les croyances fondamentales communes, qui composent la "logique

164 Les valeurs d'une organisation désignent ce qu'on "doit" (ou "ne doit pas"), ou ce qu'il "faut" (ou "ne faut pas") faire, penser, dire, ou être. Chaque culture organisationnelle est unique, car l'ensemble de valeurs ne peut pas être identique dans deux organisations différentes (idem). Cependant on peut regrouper certaines valeurs, ce qui permet de faire des classifications rendant compte de différents grands types de cultures organisationnelles (Schein, 2004). En général il est utile de distinguer entre les croyances ou valeurs sur la mission de l'organisation, prise au sens large dans sa relation avec son environnement, et les croyances ou valeurs au sens plus étroit sur la "bonne" façon de se comporter au sein de l'organisation. Différents auteurs développent cette idée, bien que, une fois de plus, selon une terminologie variée: par exemple Rokeach (1973) emploie respectivement les termes de instrumental values et terminal values pour qualifier les façons de faire ou les objectifs à atteindre; Schein rejoint la distinction faite par Davis (1984) qui distingue entre "guiding beliefs" et "daily beliefs" dans les cultures organisationnelles. Il faut aussi être prudent dans l'analyse des valeurs d'une organisation: le fossé est parfois grand entre les valeurs "affichées", celles auxquelles les dirigeants disent souscrire, et les valeurs "en usage", celles qui guident concrètement leurs actions, pour reprendre la distinction proposée par Argyris et Schön (1974) entre espoused theories et

dominante" (Bettis et Prahalad, 1986) déjà évoquée, le "paradigme" (Johnson (1992), même si les membres d'une organisation n'attribuent pas le même poids aux valeurs qui constituent la culture de l'organisation auxquelles ils adhèrent (Cossette, 2004). Selon la formule de Johnson, la culture organisationnelle est en même temps "a device for interpretation and a formula for action": d'une part elle crée une approche relativement homogène pour interpréter la complexité à laquelle l'organisation est confrontée, d'autre part elle fournit un répertoire d'actions et de réponses correspondant aux signaux interprétés (idem, p. 29). Selon la perspective cognitiviste sur la décision stratégique, la culture organisationnelle, agissant comme un filtre interprétatif, domine donc le développement de la stratégie.

La culture organisationnelle est aussi le reflet des rapports de force au sein de l'organisation entre les différentes fonctions. Elle est influencée en particulier par les dirigeants de la coalition dominante qui, dans toutes les organisations, comprend le haut management des fonctions de production (ou son équivalent dans les entreprises de services), de finance et de ventes& marketing (voir p. 136 et ss.).

La perspective cognitiviste sur l'organisation est la première à donner toute leur place aux acteurs, en prenant en considération non seulement leurs biais cognitifs, ou leurs conflits d'intérêts, mais aussi leur pensée et la façon dont "leurs expériences, leur valeurs et leur personnalité influencent, par l'intermédiaire des schémas cognitifs, leurs modes de pensée et les décisions qu'ils prennent, à travers trois processus distincts : délimitation du champ de vision (les directions dans lesquelles ils regardent et écoutent), perception sélective (ce qu'ils voient et entendent) et interprétation (le sens qu'ils attribuent à ce qu'ils voient et entendent)"165 (Hambrick, 2007). Cette approche permet de prendre en compte de façon intégrée les niveaux individuels et organisationnels, ainsi que l'influence des relations de pouvoir entre les différents acteurs.

La perspective cognitiviste sur l'organisation est la première à donner toute leur place aux acteurs, en prenant en considération non seulement leurs biais cognitifs, ou leurs conflits d'intérêts, mais aussi leur pensée et la façon dont "leurs expériences, leur valeurs et leur personnalité influencent, par l'intermédiaire des schémas cognitifs, leurs modes de pensée et les décisions qu'ils prennent, à travers trois processus distincts : délimitation du champ de vision (les directions dans lesquelles ils regardent et écoutent), perception sélective (ce qu'ils voient et entendent) et interprétation (le sens qu'ils attribuent à ce qu'ils voient et entendent)"165 (Hambrick, 2007). Cette approche permet de prendre en compte de façon intégrée les niveaux individuels et organisationnels, ainsi que l'influence des relations de pouvoir entre les différents acteurs.