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Quelques résultats d’optimisation obtenus sur 1-2 ans, sans investissement en capital, avec chiffre d’affaires croissant

1.3.2 Barrières à l’efficacité énergétique

1.3.2.1 Barrières conditionnées par le marché

La question des obstacles présents au sein des marchés de l’énergie et des services énergétiques a été traitée en majorité par des chercheurs se réclamant du cadre théorique de l’économie néo-classique. Dans ce contexte, “neo-classical economics … attempts to reconcile the existence of the efficiency gap with the hypothesis that consumers make energy related decisions in a fully rational manner.”54 (Sorrel et al., 2000, p.1).

Selon la théorie économique néo-classique du bien-être (welfare economics), pour que les marchés fonctionnent bien et puissent permettre une allocation optimale des ressources, plusieurs conditions doivent être remplies (Perman, McGilvray, Common, 2003) :

- les marchés sont complets (de tous les biens produits et consommés). Les droits de propriété sont clairement définis, les acheteurs et les vendeurs peuvent échanger leurs biens librement ;

- il n'existe que des biens privés et pas de biens publics;

- il n'existe pas d'externalités;

- tous les marchés sont parfaitement compétitifs;

- consommateurs et producteurs bénéficient d'une information parfaite;

- toutes les fonctions d'utilité et de production sont conformes;

- consommateurs et producteurs cherchent à maximiser leurs bénéfices et minimiser leurs coûts.

Plusieurs imperfections sont cependant susceptibles d'empêcher un fonctionnement efficace du marché. Les défaillances du marché peuvent prendre quatre formes : concurrence imparfaite ; marchés incomplets ; information imparfaite ; information inégale.

Concurrence imparfaite (imperfect competition) : ce concept qualifie des situations de monopole ou d’oligopole. Dans le domaine de l’énergie, des situations fréquentes de monopole, en partie naturel (comme par exemple celui des réseaux de transport d’électricité) entraînent des prix artificiellement élevés. Cependant la théorie

54 La synthèse théorique sur la perspective économique présentée ci-dessous repose en grande partie sur la revue de littérature de Sorrel et al. (2000).

économique ne précise pas le niveau de concurrence nécessaire – ni le niveau d’information nécessaire - pour un fonctionnement efficace du marché.

Marchés incomplets (incomplete markets) : les droits de propriété sont imparfaitement définis, ce qui entraîne des externalités55. L’exemple classique d’une externalité (négative) est celui d’une pollution environnementale qui est provoquée par une entreprise mais dont les coûts de traitement sont à charge de la collectivité, contrairement au principe du « pollueur-payeur ». Cette situation, fréquente en matière de production d’électricité, entraîne des coûts de production, et donc des prix de vente, plus bas que si les coûts de dépollution (internalisés), étaient à charge de l’entreprise.

Les droits de propriété peuvent concerner des biens privés ou des biens publics. A la différence des biens privés, les biens publics ont la particularité de pouvoir être consommés par plusieurs individus sans que leur coût de production augmente. Ils sont non exclusifs, dans la mesure où aucun utilisateur ne peut être exclu de leur usage, et non rivaux, car l’apparition d’un nouveau consommateur n'est pas gênante pour les consommateurs existants dans la mesure où elle ne diminue pas les quantités qui restent disponibles pour eux. Le phare est l'exemple type du bien public non exclusif et sans rivalité d'usage entre consommateurs (Bruno et al., 2005, p. 59). En raison de ces caractéristiques, on ne peut donner un prix aux biens publics et ils ne peuvent être échangés sur un marché. C’est pourquoi ils sont fournis par les pouvoirs publics et non par des entreprises.

Information imparfaite (imperfect information). Dans le domaine de l’énergie, les problèmes d’information imparfaite viennent du caractère de bien public de l’information et des externalités positives induites par l’adoption de technologies efficaces.

Selon les économistes, l’information en matière de technologies efficaces en énergie ou consommations énergétiques présente des importantes caractéristiques de bien

55 "Situation où les décisions d'un agent économique affectent un autre agent en dehors du marché. Ainsi, l'externalité n'est pas prise en compte par le système de prix et elle n'est pas intégrée dans les décisions de l'agent qui en est responsable" (Bontems et Rotillon, 2003, p. 51). D’après la théorie, les externalités surviennent en raisonde la violation du principe d’exclusivité, qui prescrit que tous les avantages et coûts relatifs à l’usage d’un bien doivent revenir à son propriétaire.

public, en termes de non exclusivité et non rivalité56. Elle n’a donc pas de valeur marchande. Une fois que l’information existe, elle peut être utilisée par tout un chacun pour un coût nul ou très faible, car il est difficile, voire impossible pour une entreprise qui produit l’information d’empêcher d’autres entreprises ou individus de l'utiliser gratuitement. D’autre part si l’adoption d’une nouvelle technologie par un acteur économique constitue une source d’information utile pour d’autres acteurs, alors on est dans une situation d’externalité positive, puisque le bénéfice de l’information profite à ces autres acteurs sans qu’il y ait compensation pour "l’adopteur" (Jaffe et Stavins, 1994, p. 805). Dès lors, les entreprises ne sont pas intéressées à fournir cette information et, dans l’ensemble, l’information sur les technologies en efficacité énergétique transmise par les marchés des services énergétiques est insuffisante.

Golove et Eto (1996) ont identifié trois dimensions de l’information imparfaite: le manque d’information, le coût de l’information et l’exactitude de l’information. Les effets négatifs d’une information imparfaite seront plus importants dans trois cas (selon Hewett, 1998, p. 211, cité par Sorrel et al., 2000, p. 32) : le produit ou le service est acheté rarement ; la performance du produit ou du service est difficile à évaluer avant l’achat ou peu de temps après ; la technologie évolue rapidement entre deux achats.

Information inégale (asymmetric information). Il s’agit d’une situation particulière d’information imparfaite dans laquelle les parties en présence ont accès à des niveaux d’information différents. Un vendeur peut ainsi en savoir plus sur les qualités d’un produit que l’acheteur potentiel.

Deux conséquences importantes de l’information inégale sont la sélection adverse et l’aléa moral. La sélection adverse (adverse selection) désigne une situation

"d’opportunisme précontractuel". On parle de sélection adverse si une caractéristique d’un bien est cachée à son utilisateur potentiel, avant un achat éventuel. Par exemple la revente, ou la location, d'un logement mieux isolé n'inclut pas forcément le prix des travaux d'isolation. Notion très voisine de la sélection adverse, l’aléa moral (moral hazard) désigne une situation "d’opportunisme post-contractuel" (Mohlo, 1998, p. 8, cité par Sorrel, 2000, p. 21). L’alea moral est généralement envisagé dans le contexte d’une

56 "That is, many people may « consume » the same information without reducing its supply. Similarly, it may be difficult to exclude people from the benefits of information”. Sorrel et al., 2000, p. 19.

relation d’agence (voir p. 75 et ss.). Il qualifie une situation dans laquelle le comportement d'un agent économique n'est pas parfaitement observable par celui qui l'a mandaté. Ce qui, étant donné les divergences d’intérêts des parties en présence, peut créer une incitation pour l’une à adopter une attitude opportuniste au détriment de l’autre. Par exemple, les constructeurs de logements ont intérêt à rogner sur les dépenses d'isolation au détriment de leurs acheteurs. La situation d’incitations partagées (split incentives), barrière fréquemment citée dans la littérature sur les investissements en efficacité énergétique comme un problème majeur, peut s’interpréter également comme la conséquence d’une information inégale (Sorrel et al., 2000 ; Jaffe et Stavins, 1994).

L’exemple type de la situation d’incitations partagées est celui du "dilemme propriétaire-locataire" : le propriétaire d’un bien immobilier pourrait investir dans l’efficacité énergétique mais il ne le fait pas car l’investissement serait à sa charge tandis qu’un autre acteur (le locataire) bénéficierait des économies monétaires liées à la baisse de la consommation énergétique. Quant au locataire il n’est pas désireux de prendre l’investissement à sa charge car, en cas de départ, c’est le nouvel occupant du logement qui recueillerait les bénéfices de la baisse de consommation. La solution consisterait, pour le propriétaire, à pouvoir augmenter le loyer en proportion de l’investissement effectué ou, inversement, pour le locataire, à obtenir une diminution de son loyer en proportion de l’investissement effectué. Mais les ajustements à réaliser pour que le loyer reflète la valeur actuelle des économies d’énergie sont complexes. Et, dans ce cas, des coûts de transaction viendraient s’ajouter aux problèmes d’information. La plus grande partie de la littérature sur les incitations partagées n’a étudié cette situation que dans les immeubles d’habitation et non pas dans les immeubles occupés par les entreprises.

Le tableau ci-dessous présente les différentes barrières à l’efficacité énergétique, selon le cadre théorique néo-classique de Jaffe et Stavins (1994), qui peuvent expliquer le déficit d’efficacité énergétique (efficiency gap).

des défaillances du marché, principalement liées à des problèmes d’information imparfaite ou inégale, qui empêchent la transmission aux agents économiques des indications de prix susceptibles de déclencher leurs décisions d’investissement. Cette situation bloque la diffusion de technologies efficaces en énergie et empêche les investissements car au total "le coût d'acquisition de l'information excède largement celui de l'énergie elle-même"57 (Sorrel et al.; 2000, p. 32). Par contre d’autres défaillances du marché, telle que les externalités négatives et la concurrence imparfaite, n’ont pas d’effet sur les investissements en efficacité énergétique.

En fin de compte, les barrières de marché à l'efficacité énergétique n'existent pas.

Elles sont en réalité des défaillances du marché. Cette conclusion de Jaffe et Stavins est représentative de l'opinion de la majorité des économistes de l'énergie. Elle est importante car, selon la théorie économique néo-classique, les défaillances du marché peuvent légitimer une intervention de l’Etat (condition nécessaire, mais cependant non suffisante), qui est autrement formellement déconseillée par la théorie, puisqu'elle considère que, dans leurs conditions normales de fonctionnement, les marchés sont efficaces et ne doivent pas être contrariés par l'intervention des pouvoirs publics. Une conséquence indirecte de cette conclusion est la validation du cadre théorique de l’économie

57 "the cost of acquiring information on energy efficiency greatly exceed that for energy supply” (Sorrel et al.; 2000, p. 32).

classique pour décrire le fonctionnement du marché de l'énergie et des services énergétiques.