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La satisfaction des attentes légitimes des justiciables

Dans le document Le tiers dans le contentieux international (Page 132-139)

Section II- La cohérence de la jurisprudence au service de la sécurité juridique

I- La satisfaction des attentes légitimes des justiciables

La sécurité juridique est définie par le Dictionnaire de droit international public comme une « [c]aractéristique comportant la stabilité, la prévisibilité et l’absence d’arbitraire que doit présenter un ordre juridique pour inspirer confiance aux sujets de droit »497. C’est une « valeur fondamentale à laquelle, selon la doctrine dominante, doit aspirer un ordre juridique »498. Appliquée au contentieux international, la sécurité juridique désigne la nécessité, pour la jurisprudence internationale, entendue comme l’« ensemble des solutions apportées par les juridictions internationales dans l’application du droit »499, d’être prévisible, stable et exempte de tout arbitraire de la part des juges ou arbitres dans la prise de décision. Comprise ainsi, la notion de sécurité juridique appliquée à la sphère juridictionnelle se rattache au principe de bonne administration de la justice, et inclut les notions d’égalité de traitement entre les parties, d’égalité des armes, ainsi que les droits de la défense.

L’enjeu est ici de préserver la confiance des justiciables dans le système juridictionnel international afin de favoriser le règlement pacifique des différends, qui sert l’objectif plus large de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Pour G. LE

FLOCH,il y aun lien inextricable entre le principe de bonne administration de la justice et

la confiance des justiciables dans la justice internationale :

« [u]ne justice bien administrée est de nature à donner confiance aux justiciables. Cette confiance est particulièrement importante pour la justice internationale en raison des spécificités de l’ordre juridique au sein duquel elle évolue. Une justice mal administrée risque très certainement de compromettre l’exécution des décisions juridictionnelles et surtout d’inciter les justiciables à s’en détourner »500.

      

497 SALMON J. (Dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 1023. 498

Id.

499 Ibid., p. 629. v. également DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, op. cit., p. 437 : « [l]a jurisprudence est constituée de l’ensemble des décisions juridictionnelles (…). Considéré isolément, un arrêt ou un avis d’une juridiction internationale constitue un précédent ou un moyen de détermination du droit ; il n’est pas “la jurisprudence” ». v. en outre JOUANNET E., « La notion de jurisprudence internationale en question », op. cit., p. 357 : la notion de jurisprudence revêt « deux sens fondamentaux » : un « ensemble de décisions » et des « principes jurisprudentiels interprétés ou créés ». 500 LE FLOCH G., « L’urgence et la bonne administration de la justice internationale », L’Observateur des

Nations Unies, 2009-2, p. 144. L’auteur s’appuie en outre sur l’opinion individuelle jointe par le Juge

OWADA à l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire des Plates-formes pétrolières. Selon le Juge, « la fonction essentielle [de la Cour,] en tant que cour de justice est la bonne administration de la justice » (CIJ, Plates-

formes pétrolières (République Islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt (fond), 6 novembre 2003,

Selon R. KOLB,la bonne administration de la justice impose, en ce sens, à la Cour

« [non] seulement [de] trancher le litige entre deux parties, mais [de] développer une jurisprudence. [La CIJ] est au service des parties à l’instance autant que du droit international objectif »501.

V. RÖBEN explique en outre que« [l]e respect du précédent est, sinon le seul, du moins le moyen le plus efficace qui soit à la disposition de la C[IJ] pour remplir cette dernière fonction [i. e.] assurer le maintien “abstrait” de la paix, c’est-à-dire comprenant tous les différends en dehors de l’affaire à trancher »502. L’enjeu est d’autant plus crucial dans le système juridictionnel volontaire que connaît le droit international : la confiance que les Etats ont dans la justice internationale « n’existe que dans la mesure où ils croient pouvoir prévoir les décisions [des tribunaux]. Et c’est bien le respect du précédent qui assure cette prévisibilité »503.

Ce besoin de prévisibilité juridique ne concerne pas les seuls Etats, mais également les personnes privées. Selon M. AUDIT,« [à] défaut [d’une jurisprudence cohérente], la

sécurité juridique des investisseurs, comme celle des Etats, serait compromise ; or, personne ne souhaite s’engager dans une procédure arbitrale pour laquelle il ne pourra bénéficier d’aucune visibilité »504.

Que la sécurité juridique ait été à l’origine du respect des précédents, ou qu’elle en soit une conséquence, en tout état de cause les tribunaux s’en soucient grandement. Par exemple, dans l’affaire Diallo, la CIJ se réfère à la jurisprudence du Comité des droits de l’Homme quant à l’interprétation du Pacte relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, et elle déclare que, si elle n’est pas formellement tenue de consulter les décisions juridictionnelles émanant de cet organe et encore moins de s’y conformer, elle estime cela nécessaire à des fins de sécurité juridique. La Cour considère en effet qu’il existe un « droit à la sécurité juridique » au profit des individus, bénéficiaires de cet instrument de protection des droits de l’Homme, tout comme des Etats signataires : « [i]l en va de la nécessaire clarté et de l’indispensable cohérence du droit international ; il en va

      

501 KOLB R., « La maxime de la “bonne administration de la justice” dans la jurisprudence internationale »,

op. cit., p. 11 (v. plus largement p. 11-12).

502 RÖBEN V., « Le précédent dans la jurisprudence de la Cour internationale », op. cit., p. 404. 503 Id.

504 AUDIT M., « La jurisprudence arbitrale comme source du droit international des investissements », op. cit., p. 132.

aussi de la sécurité juridique, qui est un droit pour les personnes privées bénéficiaires des droits garantis comme pour les Etats tenus au respect des obligations conventionnelles »505. De son côté, le TIDM déclare, dans l’affaire consacrée à la Délimitation de la

frontière maritime entre le Bangladesh et le Myanmar : « [l]es cours et tribunaux

internationaux ont contribué à l’élaboration progressive d’un corps de jurisprudence en matière de délimitation maritime qui a réduit la part de subjectivité et d’incertitude dans la détermination des frontières maritimes et dans le choix des méthodes à suivre à cette fin »506.

Quant au Tribunal CIRDI statuant dans l’affaire Saipem c. République populaire du

Bangladesh, il considère qu’il doit, malgré l’absence d’obligation de suivre les décisions

antérieures, veiller à préserver une jurisprudence constante :

« [t]he Tribunal considers that it is not bound by previous decisions. At the same time, it is of the opinion that it must pay due consideration to earlier decisions of international tribunals. It believes that, subject to compelling contrary grounds, it has a duty to adopt solutions established in a series of consistent cases. It also believes that, subject to the specifics of a given treaty and of the circumstances of the actual case, it has a duty to seek to contribute to the harmonious development of investment law and thereby to meet the legitimate expectations of the community of States and investors towards certainty of the rule of law »507.

La notion d’attentes légitimes des justiciables est également présente dans la jurisprudence de l’OMC. Selon le Groupe spécial statuant dans l’affaire Etats-Unis –

Réduction à zéro,

      

505

CIJ, Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), arrêt (fond),

op. cit., p. 664, §66.

506 TIDM, Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh et le Myanmar

dans le Golfe du Bengale, op. cit., p. 64, §226.

507

Tribunal CIRDI, Saipem S. p. A. c. République populaire du Bangladesh, Décision sur la compétence et Recommandation mesures provisoires, 21 mars 2007, ARB/05/07, §67 (nous soulignons). Une position similaire est adoptée par le Tribunal CIRDI se prononçant dans l’affaire City Oriente c. Equateur : « [t]he

Tribunal finds it appropriate to check its own conclusions against those reached in such cases [i. e. other cases in which the tribunals were faced with similar situations], as consistency across different awards will increase legal predictibility and certainty » (Tribunal CIRDI, City Oriente Ltd. c. Equateur, Décision sur les

mesures provisoires, 19 novembre 2007, ARB/06/21, §87). En revanche, dans l’affaire Romak c. Ouzbékistan portée devant la CPA, le Tribunal arbitral a estimé que la mission est « seulement » de résoudre le différend qui lui est soumis (CPA, Romak S. A. c. Ouzbékistan, Sentence, 23 novembre 2009, §170-171 ; v. également en ce sens CPA, Eureko B. V. Slovaquie, Décision sur la compétence, 26 octobre 2010, §218 ; Tribunal CIRDI, Joy Mining Machinery Ltd. c. Egypte, Sentence, 6 août 2004, ARB/03/11, §80 ; Tribunal CIRDI,

SGS Société Générale de Surveillance S.A. c. Paraguay, Décision du Comité ad hoc sur l’annulation, 19 mai

« [i]l est bien établi que les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d'appel ne sont pas contraignants, sauf en ce qui concerne le règlement du différend particulier entre les parties au différend, mais que ces rapports créent des “attentes légitimes” parmi les Membres de l’OMC et qu’ils devraient donc être pris en considération lorsqu’ils sont pertinents pour un différend quelconque »508.

La doctrine relève aussi l’impératif de sécurité juridique qui se trouve au cœur du respect de la cohérence et de la constance de la jurisprudence. L’appréciation portée par E. JOUANNET sur l’arrêt rendu par la CIJ en l’affaire du Timor oriental, suite à la décision concernant Certaines terres à phosphates à Nauru en témoigne : « [o]n sent bien que la Cour a une position définitivement établie sur [le principe de l’Or monétaire], ce qui pourrait permettre une meilleure stabilité de son système judiciaire et une plus grande prévisibilité pour les Etats des conditions dans lesquelles ils peuvent invoquer la thèse des parties indispensables »509. A. HAMMAN relève quant à elle les efforts déployés par les

tribunaux internationaux pour satisfaire les « attentes légitimes » des justiciables, c’est-à- dire les expectatives « des parties à un nouveau litige de voir la juridiction appliquer fidèlement à des faits identiques une solution dégagée antérieurement »510. L’auteure note ainsi que « les juridictions sont réticentes à dévier frontalement de cet impératif de cohérence »511.

Les « attentes légitimes » sont en outre mises en avant par J. CASTELLO qui,

analysant le précédent en matière d’arbitrage d’investissement512, considère que « c’est avant tout pour les parties – c’est-à-dire pour répondre à leurs attentes légitimes de cohérence et de sécurité juridique – que les arbitres acceptent de considérer et de s’appuyer sur d’autres sentences arbitrales, bien qu’ils n’en aient nullement l’obligation       

508 Etats-Unis – Mesures relatives à la réduction à zéro et aux réexamens à l’extinction, Rapport du Groupe spécial, WT/DS322/R, 20 septembre 2006, p. 181, §7.99, note infrapaginale n°733.

509 JOUANNET E., « Le principe de l’Or monétaire. A propos de l’arrêt de la Cour du 30 juin 1995 dans l’affaire du Timor oriental (Portugal c. Australie) », op. cit., p. 686.

510 HAMANN A., « L’autorité du précédent », op. cit., p. 185. 511

L’auteure ajoute « [qu’]on ne peut expliquer la force de l’impératif de cohérence autrement que, en amont, par une reconnaissance implicite de ce que les juridictions internationales, dans certaines conditions, forgent bien de véritables précédents qui font autorité, au sens qu’ils posent de nouvelles règles. Et ce n’est alors pas tant la cohérence de la jurisprudence qui est en cause que la cohérence du droit, qui fait peser sur les juridictions non pas une obligation morale mais véritablement légale de ne s’écarter de leurs décisions antérieures que lorsqu’il existe des raisons de le faire » (Ibid., p. 186. Cette fidélité aux décisions antérieures peut aller, « dans certains cas extrêmes », jusqu’à conduire l’organe juridictionnel à donner une solution différente de celle qu’il aurait retenue autrement. L’exemple d’une décision rendue par l’un des panels de l’OMPI est évoqué (Ibid., p. 186-187)).

512 La notion d’« attentes légitimes » est par ailleurs présente en droit international des investissements, désignant ce que l’investisseur est en droit d’attendre de la part de l’Etat en termes de traitement juste et équitable (v., pour approfondir, CAZALA J., « La protection des attentes légitimes de l’investisseur dans l’arbitrage », RIDE, 2009, p. 5-32).

juridique »513. L’auteur met en exergue le rôle actif joué par les parties dans la construction des précédents, illustrant ainsi la valeur stratégique que représente la connaissance des décisions de justice pour l’ensemble des concernés : « les parties, en se référant de manière systématique à des décisions arbitrales antérieures au soutien de leurs positions, jouent un rôle primordial dans le développement de “précédents” en droit des investissements »514. Le Tribunal CIRDI dans l’affaire El Paso c. Argentine semble conforter cet argument lorsqu’il déclare que les tribunaux CIRDI « will generally take account of the precedents

established by other arbitration organs, especially those set by other international tribunals »515 et qu’il « will follow the same line, especially since both parties in their

written pleadings and oral arguments, have heavily relied on precedent »516.

La question de savoir si le recours à l’exoprécédent par les juridictions internationales favorise ou non le développement d’une jurisprudence cohérente ou constante se pose également. Dans son discours du 27 octobre 2000 devant l’Assemblée générale des Nations Unies, G. GUILLAUME,alors Juge et Président de la CIJ, estimait que

la multiplication des tribunaux internationaux, qui se retrouvent parfois plusieurs compétents dans un même domaine augmente le risque de fragmentation du droit international :

« the proliferation of international courts engenders serious risks of inconsistency within the case-law. Admittedly, the courts have shown themselves anxious to avoid such inconsistency. Thus, the International Court of Justice keeps careful track of the judgments rendered by other courts and tends increasingly to make reference to them (…). By the same token, certain specialized courts have frequently drawn on the jurisprudence of our Court or of its predecessor (…). Despite these efforts, the risks of inconsistency nonetheless remains substantial »517.

Commentant les décisions relatives à la délimitation du plateau continental et de la zone économique exclusive depuis 1969, quand l’affaire Plateau continental de la mer du       

513 CASTELLO J., « Le précédent en arbitrage d’investissement : le rôle des parties », op. cit., p. 246. 514

Id. 515

Tribunal CIRDI, El Paso Energy International Company v. The Argentine Republic, Décision sur la compétence, 27 avril 2006, ARB/03/15, §39.

516 Id. Nous soulignons. 517

Discours de S. Exc. M. Gilbert GUILLAUME, président de la Cour internationale de Justice, devant la Sixième Commission de l'Assemblée générale des Nations Unies, 27 octobre 2000, p. 4-5. v. également GUILLAUME G., « Le précédent dans la justice et l’arbitrage international », JDI, 2010, p. 698-703 et, plus largement, GATTINI A., « Un regard procédural sur la fragmentation du droit international », RGDIP, 2006, p. 303-336.

Nord consacre la finalité d’une solution équitable quelle que soit la méthode de

délimitation choisie (finalité reprise par la CNUDM en 1982), G. GUILLAUME déclare : « la

jurisprudence et le droit conventionnel en étaient parvenus à un tel degré d’imprévisibilité que la doctrine s’interrogea longuement sur la question de savoir s’il existait encore un droit des délimitations ou si, au nom de l’équité, on n’aboutissait pas à l’arbitraire »518. Retraçant l’évolution jurisprudentielle ultérieure (de 1985 avec l’affaire du Plateau

continental (Libye / Malte) à 2001 avec l’affaire opposant Qatar et Bahreïn)519, le Juge estime, rassuré, qu’« il est heureux de constater que le droit des délimitations maritimes, à travers cette évolution jurisprudentielle, est parvenu à un degré nouveau d’unité et de certitude tout en consacrant la souplesse nécessaire »520. La création du TIDM en 1982 et la soumission à sa juridiction de différends portant sur la délimitation de frontières maritimes en 2009521 et en 2014522 ont renouvelé l’interrogation sur la fragmentation du droit international dans ce domaine, générée par un risque de forum shopping aboutissant à d’éventuelles décisions de justice contradictoires523. Les multiples références du TIDM aux décisions judiciaires et arbitrales antérieures en matière de délimitation maritime ont prouvé que ces craintes étaient injustifiées, ainsi que le relèvent les Juges du Tribunal comme de la Cour. Selon le Juge (et alors Président) de la CIJ P. TOMKA,

      

518 Discours de S. Exc. M. Gilbert GUILLAUME, président de la Cour internationale de Justice, devant la Sixième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies, 31 octobre 2001, p. 9.

519 Ibid., p. 9-11.

520 Ibid., p. 11. v. également le Discours de S. Exc. M. Peter TOMKA, président de la Cour internationale de Justice, devant la Sixième Commission de l’Assemblée générale, 2 novembre 2012, p. 1-13 ; ainsi que l’analyse de TANAKA Y., « Quelques observations sur deux approches jurisprudentielles en droit de la délimitation maritime : l’affrontement entre prévisibilité et flexibilité », RBDI, 2004, p. 419-455.

521 TIDM, Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh et le Myanmar

dans le Golfe du Bengale (Bangladesh / Myanmar), compromis notifié le 13 décembre 2009.

522

TIDM, Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Ghana et la Côte d’Ivoire dans

l’océan Atlantique (Ghana / Côte d’Ivoire), compromis notifié le 3 décembre 2014.

523 v. également les craintes autour de l’affaire de l’« Usine MOX » à l’occasion de laquelle le différend a été « disloqué », car soumis à quatre juridictions différentes (Tribunal institué en vertu de la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique Nord-Est (« Tribunal OSPAR »), Tribunal arbitral du droit de la mer, TIDM, CJUE), mettant en exergue une pratique de forum shopping, avec un risque de contradiction de jugements (MALJEAN-DUBOIS S., MARTIN J.-C., « L’affaire de l’Usine Mox devant les Tribunaux internationaux », JDI, 2007, p. 437-471, spéc. p. 443 et p. 448). Pour d’autres auteurs, cette affaire illustre un dialogue des juges qui renforce la sécurité juridique (v. MIGAZZI C., « Vers un dialogue des juridictions dans le domaine de l’énergie ? », op. cit., p. 282-286 ; PACCAUD F., « La protection de l’environnement passée au crible du juge : dialogue ou renvoi ? », in ARCARI M., BALMOND L. (Dir.), Le dialogue des juridictions dans

l’ordre juridique international. Entre pluralisme et sécurité juridique, op. cit., p. 303-306). Le dialogue des

juridictions comme facteur d’unité du droit international et, partant, de sécurité juridique est également abordé par T. TREVES s’agissant de l’effet obligatoire des mesures conservatoires dans le contentieux international, relativement aux décisions de la CIJ, du TIDM et de la CEDH (v. TREVES T., « Cross- fertilization between different international courts and tribunals : the Mangouras Case », op. cit., p. 1787- 1796).

« [b]ien qu’il ait été, dans la doctrine de ces 15 dernières années, très en vogue de gloser sur la possible fragmentation du droit international public, le tout premier arrêt rendu par le TIDM en matière de délimitation maritime démontre clairement le contraire, ces craintes n’ayant été, semble-t-il, que beaucoup de bruit pour rien. En effet, comme l’atteste l’arrêt rendu par le TIDM en l’affaire du Différend relatif à la délimitation maritime entre le Bangladesh et le Myanmar dans la baie du Bengale (Bangladesh/Myanmar), la jurisprudence internationale dans le domaine de la délimitation maritime s’est au contraire unifiée, et est devenue claire et cohérente. Dans l’exposé des motifs de sa décision précitée, le TIDM s’est spécifiquement fondé sur la jurisprudence de la Cour mondiale, mettant particulièrement l’accent sur la décision que celle-ci avait rendue à l’unanimité en 2009 dans l’affaire de la Délimitation maritime en mer Noire, laquelle opposait la Roumanie à l’Ukraine. Par son arrêt, le TIDM a confirmé que cette décision de la Cour mondiale avait consacré la méthode de délimitation maritime fondamentale en droit international, dissipant ainsi les craintes exprimées quelques années auparavant à l’égard d’un ordre juridique international chaotique et fragmenté du fait de la multiplication des juridictions sur le plan international »524.

Selon le Juge (et alors Président) du TIDM R. WOLFRUM,

« le Tribunal n’a pas hésité à se référer dans ses arrêts, lorsqu’il y a eu lieu, aux précédents établis par la Cour. Le Tribunal a ainsi contribué à promouvoir le développement d’un corpus de jurisprudence. Cela dénote à mon sens une approche constructive du maintien de la cohérence du droit international et un renforcement de l’indispensable cohérence entre le droit international général et le droit de la mer. L’harmonisation de la jurisprudence offre également une réponse aux questions que soulèvent la création de nouvelles cours et de nouveaux tribunaux internationaux ainsi que la multiplication de régimes spéciaux, comme le droit de la mer »525.

Ou encore, selon le Juge (et alors Président) du TIDM S. YANAI,

« [l]e TIDM, la CIJ et les tribunaux arbitraux ont connu d’un nombre significatif de différends portant sur des questions relatives au droit de la mer depuis l’entrée en vigueur de la Convention, mais il semblerait que les juges et les arbitres aient soigneusement étudié les arrêts et les sentences arbitrales rendus dans des affaires semblables par d’autres cours ou tribunaux et que la “fragmentation” qui était crainte n’ait pas eu lieu. A mon avis, le système souple de règlement des différends de la Convention facilite la soumission par les Etats Parties de leurs différends aux procédures obligatoires de leur choix aboutissant à des décisions obligatoires, et encourage ainsi le règlement pacifique des différends portant sur des questions relevant du droit de la mer »526.

      

524

Allocution de S. Exc. M. Peter TOMKA, Président de la Cour internationale de Justice, prononcée à la table ronde intitulée « La Haye, ville internationale de la paix et de la justice », 16 mai 2013, p. 3-4.

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