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Le tiers dans le contentieux international

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-03102004

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03102004

Submitted on 7 Jan 2021

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Le tiers dans le contentieux international

Emilie Legris

To cite this version:

Emilie Legris. Le tiers dans le contentieux international. Droit. COMUE Université Côte d’Azur (2015 - 2019), 2018. Français. �NNT : 2018AZUR0035�. �tel-03102004�

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Le tiers dans le contentieux

international

Jury :

Rapporteurs :

Hervé A

SCENSIO

, Professeur, Université Paris I Panthéon-Sorbonne

Paolo P

ALCHETTI

, Professeur, Université de Macerata

Examinateurs :

Philippe C

OUVREUR

, Professeur, Greffier de la Cour internationale de

Justice

Jean-Christophe

M

ARTIN

,

Professeur,

Université

Côte

d’Azur

(Directeur de thèse)

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Titre : Le tiers dans le contentieux international

Résumé : La réflexion sur le tiers dans le contentieux international a pour origine le constat d’une présence accrue des tiers dans le cadre du règlement juridictionnel des différends internationaux, questionnant la vision traditionnelle du procès international comme étant « la chose des parties ». Le tiers est défini négativement, comme toute entité qui n’est ni l’organe juridictionnel, ni les parties à l’instance. Tout au long de l’étude, il est procédé à une identification plus précise de cette notion à géométrie variable : selon la juridiction considérée et le type de procédure examiné, le tiers est un Etat, une organisation internationale, une personne privée physique ou morale. Dans le cadre d’un corpus de juridictions varié, la place du tiers dans le contentieux international est étudiée, en examinant successivement les aspects relevant de sa protection et de sa participation dans le contentieux international. En filigrane, l’étude appréhende la contribution des tiers au maintien de la paix, dans le cadre du règlement pacifique juridictionnel des différends internationaux.

Mots clés : tiers, juridiction internationale, règlement pacifique des différends, CPJI, CIJ, CJUE,

CEDH, CIADH, CADH, CIRDI, TIDM, ORD, TPIY, TPIR, CPI, consentement à la juridiction, autorité relative de la chose jugée, tierce-intervention, Etats, organisations internationales, organisations non gouvernementales, personnes privées, amicus curiae, témoins, experts, maintien de la paix.

Title : Third entities in jurisdictional settlement of international disputes

Abstract : The reflection on third entities in international litigation comes from the finding of an increased presence of “thirds” in the jurisdictional settlement of international disputes, thus questioning the traditional vision of the international trial as being “the thing of the parties”. The “third” is defined negatively, as any entity that is neither the jurisdiction nor the parties to the proceedings. Throughout the study, a more precise identification of this notion is developed : depending on the jurisdiction in question and the type of procedure examined, third entities are either States, international organizations, private (physical or moral) persons. Within the framework of diverse jurisdictions, the study apprehends the place given to third entities in international litigation, examining successively their protection and their participation. In the background, the study looks at the contribution of third entities to peacekeeping, as part of the peaceful settlement of disputes.

Keywords : Third(s), international litigation, jurisdictional settlement of international disputes, international jurisdiction, peaceful settlement of disputes, PCIJ, ICJ, EUCJ, ECHR, IACHR, ACHR, ICSID, ITLOS, DSB, ICTY, ICTR, ICC, consent to jurisdiction, res judicata, intervention, States, international organizations, non-governmental organizations, private persons, amicus curiae, experts, witnesses, peacekeeping.

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier le Professeur Jean-Christophe Martin, pour ses précieux conseils et sa disponibilité. Que les membres du jury qui m’ont fait l’honneur d’accepter de participer à la soutenance de cette thèse soient également assurés de toute ma gratitude.

En outre, je remercie chaleureusement les enseignant-e-s qui m’ont donné, tout au long de ma scolarité, l’envie d’apprendre et de mener à bien des travaux de recherche. Je remercie également mes proches : ma famille et tout particulièrement mes parents, pour leur soutien, y compris matériel, sans lequel ce travail n’aurait sans doute pu aboutir ; ainsi que mes ami-e-s qui ont toujours su m’encourager. Je n’oublie pas mon chat, fidèle compagnon de rédaction.

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S

IGLES ET ABRÉVIATIONS

Accord IAE Accord sur l’inspection avant expédition

Accord OTC Accord sur les obstacles techniques au commerce

Accord SMC Accord sur les subventions et les mesures compensatoires Accord SPS Accords sur les mesures sanitaires et phytosanitaires

ACDI Anuario Colombiano de Derecho Internacional

ADC-ICTY Association of Defense Counsel practicing before the ICTY AFDI Annuaire français de droit international

AFNU Association française pour les Nations Unies

AJIL American Journal of International Law

ALENA Accord de libre-échange nord-américain

Ann. IDI Annuaire de l’Institut de droit international

CADH Cour africaine des droits de l’Homme

Commission ADHP Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples Cour ADHP Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples

CCI Chambre de commerce internationale

CDI Commission du droit international

CEDH / ECHR Cour européenne des droits de l’Homme

CIADH / IACHR Cour interaméricaine des droits de l’Homme

CICR Comité international de la Croix-Rouge

CIJ / ICJ Cour internationale de Justice

CIRDI / ICSID Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements

CJUE Cour de justice de l’Union européenne

CNRS Centre national de la recherche scientifique

CNUDCI / UNCITRAL Commission des Nations Unies pour le droit commercial international

CNUDM / UNCLOS Convention des Nations Unies sur le droit de la mer

CPA / PCA Cour permanente d’arbitrage

CPI / ICC Cour pénale internationale

CPJI / PCIJ Cour permanente de Justice internationale

EJIL European Journal of International Law

FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture

FIDA Fonds international de développement agricole

FIDH Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme

GATT General Agreement on Tariffs and Trade / Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce

GEP Groupe d’experts permanent

Ibid. Ibidem

ICLQ International and Comparative Law Quaterly

Id. Idem

IDI Institut de droit international

i. e. Id est

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ILA International Law Association

ILR International Law Reports

INTERPOL Organisation internationale de police criminelle

ILSA International Law Students’ Association

JDI Journal du droit international

LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence

LJIL Leiden Journal of International Law

MARD / DSU Mémorandum d’Accord sur le règlement des différends

MERCOSUR Marché commun du Sud

MINUAR Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda

MINUBH Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine

MINURCAT Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad

MONUC Mission de l’Organisation des Nations Unies en République

démocratique du Congo

MTPI (MICT) Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux

OACI Organisation de l’aviation civile internationale

ODIHR Office for Democratic Institutions and Human Rights

OIT Organisation internationale du travail

OMC / WTO Organisation mondiale du commerce

OMPI Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

OMS Organisation mondiale de la santé

ONG Organisation non gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

Op. cit. Opus citatum

ORD Organe de règlement des différends

OSCE Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

OTAN Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

OUA Organisation de l’Unité africaine

PNUE Programme des Nations Unies pour l’Environnement

PUF Presses universitaires de France

QIL Questions of International Law

RBDI Revue belge de droit international

RCADI Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye

RGDIP Revue générale de droit international public

RIDE Revue internationale de droit économique

RPP Règlement de procédure et de preuve

RQDI Revue québecoise de droit international

RSA Recueil des sentences arbitrales

RTDH Revue trimestrielle des droits de l’Homme

TANU Tribunal administratif des Nations Unies

TAOIT Tribunal administratif de l’Organisation internationale du Travail

TBI Traité bilatéral d’investissement

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TIDM Tribunal international du droit de la mer

TPI Tribunaux pénaux internationaux

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TPIY Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

TSSL Tribunal spécial pour la Sierra Leone

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture

UNHCR / HCR Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés

UNICRI United Nations Interregional Crime and Justice Research Institute

URSS Union des Républiques Socialistes Soviétiques

SA Sentence arbitrale

SFDI Société française pour le droit international

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(14)

S

OMMAIRE

INTRODUCTION ... 15

PARTIE I–LA PROTECTION DES TIERS DANS LE CONTENTIEUX INTERNATIONAL ... 35

TITRE I–LES TIERS PROTÉGÉS DU CONTENTIEUX INTERNATIONAL ... 39

Chapitre I – Les tiers protégés par la relativité de l’autorité de la chose jugée ... 43

Chapitre II – Les tiers protégés par l’autorité du précédent juridictionnel ... 95

TITRE II–LES TIERS PROTÉGÉS PAR LE CONTENTIEUX INTERNATIONAL ... 147

Chapitre III – Le tiers protégé, « raison d’être » du différend ... 153

Chapitre IV – Le tiers protégé, « étranger » au différend ... 213

PARTIE II–LA PARTICIPATION DES TIERS DANS LE CONTENTIEUX INTERNATIONAL ... 259

TITRE III–LA TIERCE INTERVENTION ... 261

Chapitre V – L’intervention-protection ... 263

Chapitre VI – L’intervention-influence ... 327

TITRE IV–LA TIERCE-COOPÉRATION ... 385

Chapitre VII – L’expertise juridictionnelle ... 389

Chapitre VIII – Le témoignage ... 437

CONCLUSION ... 493

REPERTOIRE DES SOURCES ... 499

INDEX ALPHABETIQUE ... 563

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(16)

I

NTRODUCTION

Quelle place pour le tiers dans le contentieux international ? Une approche expéditive de la question amènerait sans doute à répondre « aucune ». Le droit du contentieux international consacre en effet le principe du consentement à la juridiction internationale, selon lequel « aucun Etat ne saurait être obligé de soumettre ses différends

avec les autres Etats [à un mode de règlement juridictionnel des différends] sans son consentement »1, et la règle de l’autorité relative de la chose jugée, en vertu de laquelle « la

décision de la [juridiction] n’est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé »2. Ces deux principes tendent à préserver les tiers et à s’assurer que le procès reste « la chose des parties ». Ils ne parviennent cependant pas à apaiser les craintes des Etats tiers (soucieux de préserver leurs intérêts face à l’effet extra partes indésirable qui s’attacherait à certaines décisions de justice), pas plus qu’ils ne délivrent le juge de toutes difficultés (celui-ci se trouvant parfois dans l’impossibilité de statuer en raison de l’absence de tiers « indispensables » à la résolution du différend)3. Dans son discours prononcé le 27 octobre 2017 devant la Sixième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies, R. ABRAHAM (alors Président de la Cour internationale de Justice)

développait, au nom de la Cour, ces enjeux :

« la Cour reconnaît que les intérêts d’Etats tiers, et plus particulièrement leurs intérêts juridiques, peuvent entrer en jeu dans le cadre de procédures contentieuses, et que ceci mérite d’être pris en considération. Cette prise en considération prend plusieurs formes. Elle permet à des Etats tiers, dans certaines circonstances, de jouer un rôle actif dans une affaire contentieuse entre deux autres Etats. Elle permet aussi aux Etats tiers d’être protégés, même en l’absence d’action de leur part, dans le cadre d’affaires contentieuses auxquelles ils ne sont pas parties et dont la résolution pourrait les concerner ou les affecter »4.

      

1 CPJI, Statut de la Carélie orientale, avis consultatif, 23 juillet 1923, Série B, p. 27 : « [i]l est bien établi en droit international qu’aucun Etat ne saurait être obligé de soumettre ses différends avec les autres Etats soit à la médiation, soit à l’arbitrage, soit enfin à n’importe quel procédé de solution pacifique, sans son consentement ».

2 Selon l’article 59 du Statut de la CIJ, « [l]a décision de la Cour n’est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé ».

3 v. notamment CIJ, Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France, Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord et Etats-Unis d’Amérique), arrêt, 15 juin 1954, p. 32.

4 Discours de S. Exc. M. Ronny ABRAHAM, président de la Cour internationale de Justice, devant la Sixième Commission de l'Assemblée générale des Nations Unies, 27 octobre 2017, p. 1.

(17)

Au-delà de ces problématiques, la place du tiers dans le contentieux international, qui constitue l’objet de cette thèse (II), soulève bien d’autres questions (VI) et ne concerne ni la seule CIJ ni les seuls Etats. L’intérêt d’une telle étude (III), basée sur l’examen du fonctionnement des juridictions (IV) selon une approche méthodologique essentiellement comparative (V), réside dans l’absence de recherche d’ensemble sur la question. Une investigation globale semble aujourd’hui s’imposer, dans un contexte (I) de juridictionnalisation, tant quantitative que qualitative, de l’ordre juridique international.

I. Le tiers « dans le contentieux international » : définition et délimitation du cadre de l’étude. Selon Le Petit Robert, l’adjectif contentieux renvoie à ce « [q]ui est, ou qui peut être l’objet d’une discussion devant les tribunaux ». Par extension, le domaine du

contentieux désigne l’« [e]nsemble des litiges susceptibles d’être soumis aux tribunaux »5. Le Dictionnaire de droit international public précise à cet égard que le contentieux renvoie à la « [b]ranche d’activité d’une juridiction qui s’oppose à son activité consultative et se caractérise par la production d’arrêts ayant l’autorité de la chose jugée »6. Le « contentieux international » dans le cadre duquel s’inscrit l’étude correspond à la branche du droit international public dédiée à la résolution des différends internationaux par les juridictions internationales. Un différend, selon les termes de la Cour permanente de Justice internationale (CPJI) est « un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre deux personnes »7. Un différend naît dès lors que la prétention d’une partie est contestée par l’autre8. Le caractère international du différend est établi par son objet, qui doit porter sur l’application du droit international9. Tous les différends internationaux ne sont cependant pas résolus par le recours à la juridiction internationale. Il est vrai que le droit international impose à ses sujets étatiques de résoudre pacifiquement leurs différends10. Cette obligation, qui vise à éviter le recours à       

5 REY-DEBOVE J., REY A. (Dir.), Le nouveau Petit Robert. Dictionnaire alphabétique et analogique de la

langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2011, p. 525. Ces définitions du langage courant sont

confortées par celle donnée par le Vocabulaire juridique, selon laquelle les questions contentieuses sont celles « qui sont ou qui peuvent être l’objet d’une discussion devant les tribunaux » (CORNU G. (Dir.),

Vocabulaire juridique, 11ème ed., Quadrige, PUF, 2016, p. 255). 6

SALMON J. (Dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 248.

7 CPJI, Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt (exception d’incompétence), 30 août 1924, Série A, p. 11.

8

SANTULLI C., Droit du contentieux international, Paris, LGDJ, Collection : Domat Droit public, 2015, p. 19.

9 Ibid., p. 19-22.

10 Selon l’article 2, paragraphe 3, de la Charte des Nations Unies : « [l]es Membres de l’Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger ».

(18)

la force dans les relations internationales11 offre cependant aux Etats la possibilité de laisser les choses en l’état et de ne pas chercher une solution juridique à leur conflit. Le différend peut en outre être résolu par le recours à des modes non-contentieux (amiables, parfois qualifiés d’« alternatifs ») de règlement des différends tels que la négociation directe, les bons offices, l’enquête, la médiation ou encore la conciliation12. Les modes juridictionnels de règlement des différends internationaux ne sont ainsi qu’un « succédané au règlement direct et amiable [des] conflits »13.

Le règlement juridictionnel est néanmoins un mode de règlement pacifique des différends essentiel, qui prend une importance considérable et croissante depuis la seconde moitié du XXème siècle, la juridictionnalisation du droit international accompagnant sa « juridicisation »14. Le règlement juridictionnel implique de résoudre le différend par « une décision fondée sur des considérations juridiques, obligatoire pour les parties, prononcée par un organe indépendant des parties au litige, à l’issue d’une procédure contradictoire et garantissant les droits de la défense et l’égalité des parties »15. Historiquement, c’est

      

11 Selon l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations Unies : « [l]es Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». Dans son arrêt de 1986 consacré aux Activités militaires et

paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, la CIJ considère que le principe du règlement pacifique des

différends internationaux est le complément essentiel du principe de l’interdiction du recours à la force dans les relations internationales (CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, 27 juin 1986, p. 145, §290).

12 Selon l’article 33, paragraphe 1, de la Charte des Nations Unies : « [l]es parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix ». v. à cet égard SANTULLI C., Droit du contentieux international, op. cit., p. 24-28 ;

DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, 8ème éd., Paris, LGDJ, 2009, p. 924-956 ; CALFISCH L., « Cent ans de règlement pacifique des différends interétatiques », RCADI, 2001, p. 245-467. 13 CPJI, Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, ordonnance, 19 août 1929, Série A, p. 13 ; CIJ, Incident aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), arrêt, 21 juin 2000, p. 33, §52. Il convient en outre de noter que divers modes de règlement pacifique des différends peuvent être utilisés parallèlement et simultanément (v. DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, op. cit., p. 920).

14

Terme emprunté à V. COUSSIRAT-COUSTERE, désignant « la progression quantitative des règles juridiques internationales », ce qui renvoie au développement, à la spécialisation, à la technicisation de la discipline du droit international (COUSSIRAT-COUSTERE V., « Avant-propos », in SFDI, La juridictionnalisation du droit

international. Colloque de Lille, Paris, Pedone, 2003, p. 3).

15 DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, op. cit., p. 958. v. également CAVARE L., « La notion de juridiction internationale », AFDI, 1956, p. 503-509, spéc. p. 503-505 ; SOREL J.-M., « Les tribunaux pénaux internationaux. Ombre et lumière d’une récente grande ambition », Revue Tiers Monde, 2011, p. 29-30.

(19)

l’arbitrage de l’affaire de l’Alabama entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni (1872)16 qui réunit le premier, bien que timidement, ces critères :

« [p]our la première fois, l’organe arbitral n’avait pas un caractère purement mixte : il était composé de cinq arbitres dont trois de nationalité autre que celle des parties. Pour la première fois aussi, le traité d’arbitrage [Traité de Washington de 1871] précisait le droit applicable – des règles de neutralité dont le gouvernement britannique contestait qu’elles fussent en vigueur à l’époque des faits, ce qui avait retardé la conclusion du traité. Cette solution impliquait que la décision serait fondée sur le droit international et non sur des considérations d’opportunité ou d’équité »17.

L’arbitrage se définit comme un « [m]ode de règlement juridictionnel des

différends juridiques internationaux par des arbitres que les parties ont choisis et investis

du pouvoir de rendre une décision sur la base du respect du droit »18. Cette forme historique19 de règlement juridictionnel des différends « continue à jouir d’une faveur certaine auprès des Etats » tout en dépassant désormais « le cadre strictement interétatique » pour permettre le règlement de litiges « transnationaux » ou « mixtes » (entre Etats et sujets de droit interne) ou entre Etats et organisations internationales20.

Aux côtés de l’arbitrage, c’est le recours à la juridiction internationale permanente qui constitue la seconde modalité de règlement juridictionnel des différends internationaux. Il faut la définir, d’après le Dictionnaire de droit international public, comme une       

16

Les Etats-Unis estimaient que le Royaume-Uni avait violé son obligation de neutralité dans le cadre de la Guerre de Sécession (1861-1865) en permettant aux insurgés sudistes de ravitailler leurs navires (particulièrement l’Alabama) et de s’équiper sur le territoire britannique.

17 DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, op. cit., p. 965. 18

SALMON J. (Dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 77. Il est à noter que d’un point de vue terminologique, une partie de la doctrine oppose le règlement « juridictionnel » des différends au règlement « arbitral », fondant cette distinction sur le degré d’institutionnalisation de l’organe chargé de résoudre le litige : « [t]ous les systèmes juridiques connaissent la distinction entre justice non

institutionnalisée – ou règlement arbitral, exercée pour chaque litige (ou groupe de litige) par un organe

constitué par les parties, donc occasionnel, et justice institutionnalisée – ou règlement juridictionnel stricto

sensu –, assurée par des organes préconstitués, permanents, et qui procèdent selon une procédure

prédéterminée (…). La distinction entre les deux modes gardera toute son importance tant que la procédure arbitrale n’aura pas été complètement “juridictionnalisée” ; malgré quelques progrès en ce sens, l’évolution est loin d’être achevée » (DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, op. cit., p. 959). Nous considérons cependant que le qualificatif « juridictionnel » est pertinent pour désigner le règlement arbitral des différends internationaux, dans la mesure où l’arbitrage fonde la résolution du litige sur l’application du droit et aboutit à une sentence qui s’impose aux parties. Bien qu’elle soit également imparfaite (v. à cet égard SANTULLI C., Droit du contentieux international, op. cit., p. 86-89, spéc. p. 88-89),

nous utiliserons l’expression « juridiction internationale permanente » pour marquer la distinction entre le règlement juridictionnel « arbitral » et le règlement juridictionnel « stricto sensu » des différends internationaux.

19 Entendu ici comme « préalable » au règlement des différends par des juridictions internationales permanentes (v. à ce propos CALFISCH L., « L’avenir de l’arbitrage interétatique », AFDI, 1979, p. 9-13, spéc. p. 9-11).

20

(20)

« [i]nstitution permanente, préconstituée par un acte international qui en définit la compétence et en règle l’organisation et le fonctionnement »21. Pour C. SANTULLI, la

juridiction internationale permanente se distingue de l’arbitrage en ce qu’elle est conçue pour « offrir un “service public” juridictionnel, garantir la cohérence et la constance des solutions, organiser une politique juridique par la motivation »22. Comme le note A. PELLET,« [a]vec la CPJI, on crée une véritable juridiction internationale caractérisée par sa permanence, la fermeté de sa procédure et la continuité de sa jurisprudence »23. Depuis leur émergence, notamment caractérisée par la création de la CPJI au début du XXème siècle, les juridictions internationales permanentes se sont considérablement multipliées24.

La juridictionnalisation du droit international, qui offre un contexte propice à notre étude, a provoqué une profonde mutation du contentieux international. Le phénomène recouvre plusieurs aspects et correspond à une juridictionnalisation tant quantitative que qualitative. On observe une « prolifération »25 des juridictions internationales, parfois perçue comme une menace pour l’unité du droit international, et qui ne se contente pas de rendre panoramique le paysage des juridictions, mais en change la structure : ratione

personae, les Etats ne sont plus les seuls acteurs du contentieux international, les

organisations internationales et les personnes privées y ont également accès. L’administration des juridictions et les procédures propres à chacune d’elles sont de plus en plus sophistiquées. Egalement, l’activité des juridictions donne lieu au développement d’une véritable jurisprudence26. Dans ce contexte, le cadre de l’étude (le « contentieux

      

21 Ibid., p. 628. 22

SANTULLI C., Droit du contentieux international, op. cit., p. 89.

23 PELLET A., « Harmonie et contradictions de la justice internationale », in BEN ACHOUR R., LAGHMANI S. (Dir.), Harmonie et contradictions du droit international, Colloque de la Faculté des Sciences Juridiques,

Politiques et Sociales de Tunis, Paris, Pedone, 1996, p. 197.

24

Sur les causes de la multiplication des juridictions internationales, v. notamment KARAGIANNIS S., « La multiplication des juridictions internationales : un système anarchique ? » in SFDI, La juridictionnalisation

du droit international. Colloque de Lille, Paris, Pedone, 2003, p. 14-80. La seconde partie de la contribution

est consacrée aux conséquences de cette multiplication, v. p. 80-161. 25

v. notamment GUILLAUME G., « L’unité du droit international public est-elle aujourd’hui en danger ? »,

Revue internationale de droit comparé, 2003, p. 24.

26 Entendue ici non seulement comme l’« [e]nsemble des solutions apportées par les juridictions internationales dans l’application du droit », mais aussi et surtout comme la « [p]osition qui se dégage, sur un point de droit donné, des décisions rendues par une juridiction », comme un « [e]nsemble de décisions concordantes » (SALMON J. (Dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 629). v. en outre KOVACS P., « Développements et limites de la jurisprudence en droit international » ; JOUANNET E., « La notion de jurisprudence en question », in SFDI, La juridictionnalisation du droit international. Colloque de

(21)

international ») est délimité par le choix d’un corpus de juridictions internationales27 au sein duquel l’étude du tiers trouvera sa place. Les juridictions qui composent ce corpus sont les suivantes28 :

- La Cour permanente de Justice internationale (CPJI)29, - la Cour internationale de Justice (CIJ)30,

- la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, anciennement Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE))31,

- la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH)32,

- le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI)33,

- la Cour interaméricaine des droits de l’Homme (CIADH)34, - le Tribunal international du droit de la mer (TIDM)35,       

27 Pour approfondir la notion de « juridiction internationale », v. ASCENSIO H., « La notion de juridiction internationale en question », in SFDI, La juridictionnalisation du droit international. Colloque de Lille, Paris, Pedone, 2003, p. 163-202 ; v. également DE CARA J.-Y., PHILIP C., « Nature et évolution de la juridiction internationale », in SFDI, La juridiction internationale permanente. Colloque de Lyon, Paris, Pedone, 1987, p. 7-26.

28 Ces juridictions sont présentées suivant l’ordre chronologique de leur création. D’autres juridictions sont écartées, ce qui ne saurait préjuger de leur importance ni de leur apport au droit du contentieux international dans ses aspects institutionnel et matériel.

29 Devancière de la CIJ, la Cour est établie sur la base de l’article 14 du Pacte de la Société des Nations (SDN). Elle tient sa séance inaugurale le 15 février 1922, elle est dissoute en 1946.

30

Instituée en 1945 par la Charte des Nations Unies, la CIJ est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Juridiction interétatique, la Cour est chargée, aux termes de l’article 38 de son Statut, de « régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis » (fonction contentieuse) ainsi que, selon l’article 65 du Statut, de « donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution » des Nations Unies autorisé(e) à le faire (fonction consultative).

31 Il incombe à la CJUE, créée en 1952, de garantir « le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités ». La Cour compte deux institutions : la Cour de Justice et le Tribunal (créé en 1988). Auparavant, s’ajoutait le Tribunal de la fonction publique (2004-2016) dont les fonctions sont désormais exercées par le Tribunal. Juridiction à la fois interétatique et transétatique, la Cour exerce sa fonction contentieuse à travers diverses procédures (renvoi préjudiciel, recours en manquement, recours en annulation, recours en carence. La Cour de Justice peut en outre être saisie de pourvois contre les décisions du Tribunal).

32

Instituée en 1959 dans le cadre du Conseil de l’Europe, siégeant de manière permanente depuis 1998, la CEDH connaît des requêtes étatiques et (surtout) individuelles qui allèguent des violations des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’Homme du 4 novembre 1950.

33 Le CIRDI est l’une des cinq institutions du Groupe de la Banque mondiale, institué par la Convention de Washington du 18 mars 1965 (entrée en vigueur le 14 octobre 1966, la Convention est aujourd’hui ratifiée par 154 Etats). Structure arbitrale permanente, le Centre assure notamment le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et investisseurs privés.

34 La Cour est instituée en 1979, après l’entrée en vigueur, le 18 juillet 1978, de la Convention interaméricaine des droits de l’Homme du 22 novembre 1969. Dans le cadre de sa compétence contentieuse, la Cour traite des requêtes étatiques et individuelles fondées sur des violations de la Convention.

35 Créé par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 (entrée en vigueur le 16 novembre 1994), le Tribunal est compétent pour connaître des différends portant sur l’interprétation et l’application de la Convention.

(22)

- le Mécanisme de règlement des différends mis en place par l’Organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du Commerce36 (ORD de l’OMC)37, - le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)38,

- le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)39,

- la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADH)40,

-

la Cour pénale internationale (CPI)41.

      

36

Le système du GATT prévoyait une procédure de règlement des différends, peu utilisée et peu efficace. L’une des grandes innovations de l’OMC a été la mise en place d’un mécanisme de règlement des différends performant, ouvert aux Membres de l’Organisation (dans leur immense majorité, des Etats) qui estiment que d’autres Membres ne respectent pas le droit de l’Organisation. Le règlement des différends étant fondé sur la conduite de négociations et, en cas d’échec de celles-ci, sur le rendu d’un « rapport » par un « groupe spécial », la qualité de juridiction d’un tel mécanisme a été contestée. Aujourd’hui, la doctrine majoritaire considère qu’il est pertinent de parler de juridiction pour désigner le mécanisme, qui rend des décisions obligatoires fondées sur le droit (v. notamment ASCENSIO H., « La notion de juridiction internationale en question », op. cit., p. 184-185 ; RUIZ-FABRI H., « Le juge de l’OMC : ombres et lumières d’une figure judiciaire singulière », RGDIP, 2006, p. 39-83 ; RUIZ-FABRI H., « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction, consolidation d’un droit », in LEBEN C., LOQUIN E., SALEM M. (Dir.),

Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du XXème siècle : à propos de 30 ans de recherches du CREDIMI. Mélanges en l’honneur de Philippe Kahn, Paris, Litec, 2000, p. 303-334 ; CANAL-FORGUES E., « La procédure d’examen en appel de l’Organisation mondiale du Commerce », AFDI, 1996, p. 845-863 ;

contra. v. SANTULLI C., « Qu’est-ce qu’une juridiction internationale ? Des organes répressifs internationaux à l’ORD », AFDI, 2000, p. 58-81).

37

Par commodité de langage, il est généralement fait référence au Mécanisme en employant l’expression « ORD de l’OMC ».

38 Le TPIY est créé par la résolution 827, adoptée le 25 mai 1993 par le Conseil de sécurité de l’ONU. Tribunal ad hoc, sa mission est de poursuivre et de juger les personnes accusées de violations du droit international humanitaire sur le territoire de l’ex-Yougoslavie à partir du 1er janvier 1991.

39

Créé sur le modèle du TPIY, le TPIR est créé par la résolution 955 (8 novembre 1994) du Conseil de sécurité. Il est institué pour poursuivre et juger les personnes accusées de violations du droit international humanitaire sur le territoire du Rwanda pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1994. Par sa résolution 1966 (20 décembre 2010), le Conseil de sécurité créé le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI), chargé d’assurer certaines fonctions résiduelles du TPIY et du TPIR après leur fermeture.

40 La Cour africaine des droits de l’Homme a été instituée en vertu de l’article 1 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (9 juin 1998, entré en vigueur le 25 janvier 2004). Dans le cadre de sa fonction contentieuse, la Cour est compétente pour connaître des différends concernant l’interprétation et l’application de la Charte africaine, du Protocole et de tout instrument relatif à la protection des droits de l’Homme ratifié par les Etats intéressés. Elle peut être saisie par des Etats parties au Protocole, des organisations intergouvernementales africaines, des ONG ayant le statut d’observateur auprès de la Commission africaine, des individus. Dans le cadre de sa fonction consultative, la Cour peut rendre un avis, sur demande des Etats membres de l’Union africaine, des organes de l’Organisation ou de toute organisation africaine reconnue par celle-ci.

41 La CPI est une juridiction internationale pénale permanente créée le 17 juillet 1998 par une convention multilatérale, le Statut de Rome, entré en vigueur le 1er juillet 2002. La compétence de la Cour s’exerce à l’égard d’individus accusés de crimes internationaux (crime de génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crime d’agression).

(23)

Les juridictions internationales retenues et leurs principales caractéristiques CPJI / CIJ CJUE CEDH / CIADH / CADH

CIRDI TIDM ORD (OMC) TPIY / TPIR CPI Permanente Interétatique Universelle Compétence générale Permanente Interétatique & Transétatique Régionale Compétence spéciale Permanentes Interétatiques & Transétatiques Régionales Compétence spéciale Structure permanente Transétatique Universelle Compétence spéciale Permanente Interétatique Universelle Compétence spéciale Permanente Interétatique Universelle Compétence spéciale Ad hoc Transétatique Régional (local) Compétence spéciale Permanente Transétatique Universelle Compétence spéciale

Ainsi, le corpus choisi est composé d’institutions qui tranchent les différends internationaux par des décisions obligatoires fondées en droit, réunissant dès lors les deux éléments permettant d’identifier la juridiction : juris dictio et imperium. Il s’agit également de se concentrer sur des juridictions internationales permanentes, ou présentant des éléments de permanence. Le caractère permanent emporte en effet l’existence de « documents de base » qui prédéfinissent l’organisation de la procédure, il favorise en outre le développement d’une jurisprudence 42. De surcroît, les décisions des juridictions internationales sont rendues accessibles grâce au principe de publicité, ce qui est plus rarement le cas des décisions arbitrales, encore largement gouvernées par la confidentialité. Le corpus de juridictions présenté a été arrêté sans prétendre à l’exhaustivité ; il est néanmoins varié et représentatif. Les juridictions choisies sont interétatiques et transétatiques, universelles et régionales, elles ont des compétences matérielles générale et       

42 Sur le développement d’une jurisprudence au-delà du critère de la permanence de la juridiction,

v. JOUANNET E., « La notion de jurisprudence en question », op. cit., p. 370-380.

Ces critères permettent – afin, notamment, d’en améliorer les qualités en termes de variété et de représentativité – d’inclure dans le corpus de juridictions retenu le centre d’arbitrage qu’est le CIRDI. En effet, les tribunaux arbitraux constitués dans le cadre du CIRDI rendent des sentences juridiquement fondées qui sont obligatoires pour les parties (en ce sens, sur la qualité de juridiction du Centre, v. notamment ASCENSIO H., « La notion de juridiction internationale en question », op. cit., p. 182-183, spéc. p. 183). En outre, les tribunaux CIRDI ne sont pas permanents, mais la structure du centre l’est. La procédure est institutionnalisée, et de nombreux tribunaux CIRDI sont sensibles à la construction d’une jurisprudence cohérente (v. infra, Partie I, Titre I, Chapitre II). Par ailleurs, les TPI sont des tribunaux ad hoc, mais qui ont existé durant plus de vingt ans, suivant une procédure élaborée par leurs statuts et leurs règlements de procédure et de preuve (RPP) ; établissant, par ailleurs, une jurisprudence stable (v. infra, Id).

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spéciales. Ratione temporis, les décisions rendues couvrent tout le XXème siècle jusqu’à nos jours. Dès lors, le corpus retenu est à même de rendre compte de l’évolution ainsi que de l’état actuel de la juridictionnalisation du droit international public. Un tel choix est en outre conforté par diverses études doctrinales. Par exemple, dans son article « L’amicus

curiae devant les juridictions internationales », H. ASCENSIO s’intéresse à la CEDH, à la CIADH, au TPIY et au TPIR, à la CIJ, à l’ORD et aux tribunaux administratifs internationaux43. Dans sa contribution intitulée « The Amicus Curiae before international

Courts and Tribunals », L. BARTHOLOMEUSZ prend en considération la CIJ, le TIDM, la

CEDH, la CPI, le TPIY et le TPIR, la Cour spéciale pour la Sierra Leone, l’ORD, le CIRDI, et l’arbitrage mis en place dans le cadre de l’ALENA44. Dans sa thèse consacrée à

La preuve devant les juridictions internationales, G. NIYUNGEKO se concentre essentiellement sur la CPJI et la CIJ, la CEDH, ainsi que sur les décisions rendues par des tribunaux arbitraux aux XIXème et XXème siècles45. L. SAVADOGO,dans son article « Le

recours des juridictions internationales à des experts », s’appuie sur la CIJ, la CJUE, la CEDH, le TIDM, le TPIY, l’ORD et le Tribunal irano-américain de réclamations46. Les journées d’études sur le contentieux des juridictions internationales organisées par H. RUIZ-FABRI et J.-M. SOREL intègrent les juridictions interétatiques à vocation

universelle (la CIJ, l’ORD, le TIDM parfois), les juridictions « communautaires » (CJUE), les juridictions régionales (CEDH) ainsi que les juridictions pénales internationales (TPIY, TPIR et CPI)47.

Ce corpus de juridictions internationales constitue ainsi un cadre d’étude relativement « classique », dans lequel le tiers est un objet, plus original, d’analyse. A cet égard, le choix de la préposition « dans », qui « indiqu[e] la situation d’une personne,       

43 ASCENSIO H., « L’amicus curiae devant les juridictions internationales », RGDIP, 2001, p. 897-930. 44 BARTHOLOMEUSZ L., « The Amicus Curiae before International Courts and Tribunals », in BIANCHI A. (Ed.), Non-State Actors and International Law, Farnham, Ashgate, 2009, p. 253-330.

45 NIYUNGEKO G., La preuve devant les juridictions internationales, Bruxelles, Bruylant, 2005, 480 p. 46 SAVADOGO L., « Le recours des juridictions internationales à des experts », AFDI, 2004, p. 231-258. 47 v. par exemple RUIZ-FABRI H., SOREL J.-M. (Dir.), La motivation des décisions des juridictions

internationales, Paris, Pedone, Collection : Contentieux international, 2008, 285 p. ; RUIZ-FABRI H., SOREL J-M. (Dir.), La preuve devant les juridictions internationales, Paris, Pedone, Collection : Contentieux

international, 2007, 255 p. ; RUIZ-FABRI H., SOREL J-M. (Dir.), Le principe du contradictoire devant les juridictions internationales, Paris, Pedone, Collection : Contentieux international, 2004, 195 p. ; RUIZ-FABRI H., SOREL J-M. (Dir.), Le contentieux de l’urgence et l’urgence dans le contentieux devant les juridictions internationales : regards croisés, Paris, Pedone, Collection : Contentieux international, 2003, 210 p. ; R UIZ-FABRI H., SOREL J.-M. (Dir.), La saisine des juridictions internationales, Paris, Pedone, Collection :

Contentieux international, 2006, 317 p. ; RUIZ-FABRI H., SOREL J.-M. (Dir.), Le tiers à l’instance devant les

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d’une chose [d’une entité] par rapport à ce qui la contient »48 permet de préciser la délimitation du sujet. L’étude du tiers dans le contentieux international implique de s’intéresser à la situation du tiers dans la phase contentieuse d’un litige, c’est-à-dire depuis l’acte introductif d’instance jusqu’au rendu de la décision49. Les phases pré-contentieuse (négociations préalables visant à définir l’objet du différend, choix du mode de règlement pacifique de ce dernier, etc.) et post-contentieuse (exécution de la décision) sont exclues du champ de l’étude.

II. Le « tiers » : définition et délimitation d’un objet d’étude à géométrie variable. La notion de « tiers » correspond, selon le Dictionnaire de droit international

public, à la « [q]ualité d’un Etat par rapport à un différend ou un traité auquel il n’est pas

partie »50. C’est la définition, plus large, proposée par le Vocabulaire juridique, qui nous apparaît davantage adéquate aux fins de l’étude. Selon celle-ci, un tiers « [d]ans un procès, [est] toute personne qui n’y est ni partie, ni représentée »51. En effet, le tiers fait tout d’abord l’objet d’une identification négative, d’une définition a contrario : il s’agit de toute entité qui n’est ni le juge, ni les parties. Ces dernières sont aisément identifiables car l’acte introductif d’instance les désigne52. Il est vrai, par ailleurs, que le juge peut être communément53 défini comme un « tiers impartial ». L’expression « recours à un tiers impartial » permet notamment de caractériser de tels modes de règlement des différends par rapport au recours à la négociation directe entre les parties. Le juge international n’est cependant pas un tiers dans le contentieux international, il se « confond » avec le contentieux international tel que nous l’avons défini, et doit ainsi être rattaché au cadre de l’étude plutôt qu’à son objet54.

      

48

REY-DEBOVE J., REY A. (Dir.), Le nouveau Petit Robert. Dictionnaire alphabétique et analogique de la

langue française, op. cit., p. 614.

49 Dans une acception large qui suppose, ici, la recevabilité de la demande et son traitement au fond. 50 SALMON J. (Dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 1083.

51

CORNU G. (Dir.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 1026.

52 « La qualité de partie est subordonnée au bénéfice de la capacité processuelle. Elle est acquise par la désignation dans l’acte introductif d’instance » (v. SANTULLI C., Droit du contentieux international, op. cit.,

p. 317-323, spéc. p. 317). 53

Ibid., p. 36. 54

« L’existence d’un litige implique seulement une relation triangulaire (demandeur-défendeur-juge) qui est devenue presqu’entièrement redondante avec l’idée de tiers indépendant et impartial » (ASCENSIO H., « La notion de juridiction internationale en question », op. cit., p. 171) ; v. en outre SANTULLI C., Droit du contentieux international, op. cit., p. 37. Commentant l’expression « tiers impartial », l’auteur précise : « le

mot “tiers” n’est pas utilisé dans sa signification juridique, le juge peut ne pas être toujours, en droit, l’organe d’une personne juridique distincte des parties. L’exigence du “tiers”, en réalité, sert uniquement à désigner une des caractéristiques de l’exigence d’impartialité, les membres de la juridiction ne doivent pas avoir des intérêts dans le procès. L’expression “tiers impartial” désigne donc des règles relatives à la détermination des

(26)

Il faut cependant affiner cette définition a contrario du tiers, trop large en l’état. Positivement, c’est alors le critère de l’intérêt qui permet d’appréhender plus précisément la notion : le tiers est intéressé par le contentieux international et/ou le contentieux international s’intéresse à lui. La notion d’« intérêt » revêt plusieurs significations. Au sens large, il s’agira de « [c]e qui importe (…), concerne, attire, préoccupe une personne [une entité] »55. Dans un cadre juridictionnel, l’intérêt « en cause »56 renvoie à l’« [e]njeu du procès »57. Plus précisément, le Dictionnaire de droit international public distingue l’intérêt « simple » de l’intérêt juridique. Le premier est un « [a]vantage matériel ou moral non juridiquement protégé que présente pour une personne une situation donnée », tandis que le second est un « [a]vantage, matériel ou moral, juridiquement protégé que présente pour une personne une situation donnée ; on accole alors souvent au mot l’adjectif “juridique”. Compris en ce sens, le terme est synonyme de “droit” »58. L’intérêt juridique « en cause » est celui « que doit démontrer l’Etat qui souhaite intervenir dans un différend auquel il n’est pas partie »59. La notion d’intérêt permet de préciser les contours de la notion de « tiers » tout en évitant de la restreindre, c’est pourquoi elle est préférée au critère de l’indispensabilité. Comme le note J.-P QUENEUDEC,

« [l]e rapprochement que l’on peut esquisser entre “Etat intéressé” et “partie indispensable” a pour mérite essentiel de mettre en évidence l’existence de degrés dans l’intérêt que des Etats portent à une situation. La notion d’Etat intéressé est, en effet, à intensité variable. Il y a toujours, parmi les Etats réputés intéressés, des Etats qui sont plus intéressés que d’autres ; ce qui suppose qu’il en est d’autres qui sont moins intéressés. L’Etat dont on prétend que la participation est “indispensable” à une instance judiciaire internationale est à coup sûr celui qui, parmi les tiers, est le plus intéressé »60.

L’identification des tiers intéressés, qui ne se limitent pas aux Etats, demeure complexe dans la mesure où elle « repose le plus souvent sur un phénomène d’autodésignation »61. Il convient alors de fournir, d’ores et déjà, quelques exemples       

formations de jugement, celles qui garantissent l’impartialité du jugement » (v. également SANTULLI C., « Qu’est-ce qu’une juridiction internationale ? Des organes répressifs internationaux à l’ORD », AFDI, 2000, p. 63).

55

CORNU G. (Dir.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 565. 56

Id.

57 Id. (v. également « intérêts en présence », Id.).

58 SALMON J. (Dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 596 (Selon le Juge MBAYE, l’intérêt juridique est « celui qui peut se justifier par référence à une règle de droit » (MBAYE K, « L’intérêt pour agir devant la Cour internationale de Justice », RCADI, 1988, p. 263)).

59 SALMON J. (Dir.), Dictionnaire de droit international public, op. cit., p. 597.

60 QUENEUDEC J-P., « La notion d’Etat intéressé en droit international », RCADI, 1995, p. 359. 61

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d’illustration qui seront ultérieurement développés. Ainsi, le Nicaragua est un Etat tiers intéressé par l’instance pendante devant la CIJ entre El Salvador et le Honduras car les trois Etats sont riverains du Golfe de Fonseca dont la délimitation des eaux est soumise à la Cour62. La Nouvelle-Zélande est également un Etat tiers intéressé par la résolution du litige entre l’Australie et le Japon sur la chasse à la baleine dans l’Antarctique, les trois Etats étant parties à la Convention internationale pour la réglementation de cette chasse, qui doit faire l’objet d’une interprétation63. Ahmadou Sadio DIALLO est un individu tiers, intéressé par le litige né des actions congolaises à son égard et porté devant la CIJ par son Etat de nationalité, la Guinée64. L’ONG Fonds mondial pour la nature (WWF) est un tiers intéressé par le différend porté devant l’ORD concernant les Crevettes65. De leur côté, les juridictions internationales veillent à ce que leurs décisions n’affectent pas les tiers, dont les droits ou les intérêts pourraient être en cause dans les instances pendantes. A cet égard, la CIJ a notamment développé une jurisprudence protectrice des Etats tiers dans le cadre du contentieux territorial. Les juges internationaux sont en outre soucieux d’établir et de respecter une jurisprudence constante, garante de sécurité juridique pour l’ensemble des tiers, en particulier pour les potentiels justiciables. A côté de ces tiers intéressés par le contentieux international, figurent des tiers intéressants pour le contentieux international. En effet, aux fins de l’établissement de la preuve, les tribunaux ont parfois besoin de se tourner vers des personnes qui sont en mesure de leur fournir une expertise ou un témoignage. Cités à comparaître à des fins probatoires par les parties au différend et/ou par le juge, les experts ou les témoins sont pourtant bien des tiers – ne se confondant ni avec l’une des parties ni avec l’organe juridictionnel – car ils sont au service de la vérité légale.

Dans ces divers exemples brièvement évoqués, le tiers est un Etat, une ONG, un individu, un témoin, un expert. Cela illustre la variété de l’objet de l’étude, dont l’ambition est, dans un premier temps, de souligner la multiplicité et l’hétérogénité des situations       

62

CIJ, Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador / Honduras), arrêt (requête du Nicaragua à fin d’intervention), 13 septembre 1990 et CIJ, Différend frontalier terrestre, insulaire et

maritime (El Salvador / Honduras ; Nicaragua (intervenant)), arrêt, 11 septembre 1992.

63 CIJ, Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon ; Nouvelle-Zélande (intervenant)), arrêt, 31 mars 2014.

64

CIJ, Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), arrêt (exceptions préliminaires), 24 mai 2007 ; CIJ, Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), arrêt (fond), 30 novembre 2010 ; CIJ, Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), arrêt (indemnisation), 19 juin 2012.

65 Etats-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, Rapport du Groupe spécial, WT/DS58/R, 15 mai 1998 ; Etats Unis – Prohibition à l’importation de certaines

crevettes et de certains produits à base de crevettes, Rapport de l’Organe d’appel, WT/DS58/AB/R, 12

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pouvant interroger la place des tiers dans le contentieux international. La recherche de leur identité révèle d’ores et déjà que n’importe quel sujet ou acteur du droit international peut être un tiers intéressé – ou auquel le contentieux international s’intéresse, dans le cadre d’un litige. La qualité de tiers n’est pas une qualité intrinsèque, ni l’apanage d’une entité particulière ; elle est, au contraire, à géométrie variable. L’identité des tiers sera ainsi précisée tout au long de l’étude : elle se détermine en fonction du type de contentieux et par rapport à un litige donné.

Aux côtés de la notion d’intérêt, qui permet une première identification, c’est le critère fonctionnel qui nourrira la réflexion, à travers le prisme du rôle joué par le tiers dans le contentieux international : un rôle devant se conformer à ce qu’exige la bonne administration de la justice internationale. L’éventuelle participation à l’instance des tiers dépend des procédures offertes par le statut et le règlement de la juridiction considérée. Néanmoins, qu’ils participent à l’instance ou non, que leurs intérêts fassent ou non l’objet d’une protection effective, qu’ils soient intéressés par le litige ou intéressants pour sa résolution ; la place des tiers dans le contentieux international se détermine de manière à satisfaire la bonne administration de la justice. Le respect de ce principe guide en effet la prise en considération des tiers et, réciproquement, cette prise en considération contribue à satisfaire l’exigence de bonne justice. Une définition de cette « notion insaisissable »66 qu’est la « bonne administration de la justice internationale » doit dès lors être tentée ici. L’expression est absente du Dictionnaire de droit international public. Le Vocabulaire

juridique la définit comme « celle qui doit présider à tous les actes d’administration

judiciaire stricto sensu et au “bon déroulement de l’instance” »67. Si jusqu’alors la notion n’a que peu mobilisé la doctrine internationaliste68, un volume de la revue « L’Observateur des Nations Unies »69 lui est cependant consacré et permet d’en esquisser les contours. La

bonne administration de la justice (que l’on peut également rencontrer sous les termes « proper administration of justice », « good administration of justice », ou encore « better

      

66

LIENARD Q., « Editorial », L’Observateur des Nations Unies, 2009-2, p. 1. 67

CORNU G., (Dir.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 134.

68 v. néanmoins MALINVERNI G., « Les principes internationaux relatifs à une bonne administration de la justice », in BIAGGINI G., DIGGELMANN O., KAUFMANN C. (Dir.), Polis und Kosmopolis : Festschrift für

Daniel Thürer, Zürick, Dicke, 2015, p. 473-483 ; SAKAI H., « La bonne administration de la justice in the Incidental Proceedings of the International Court of Justice », The Japanese Yearbook of International Law, 2012, p. 110-133.

69 AFNU (Section Aix-en-Provence), La bonne administration de la justice internationale. L’Observateur

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administration of justice »)70 est un principe correspondant à « un pouvoir implicite contenu dans les textes constitutifs », ou pouvant être rattaché aux principes généraux visés par l’article 38, paragraphe 1, lettre c) du Statut de la CIJ71. Selon R. KOLB,ce principe :

« exerce une série de fonctions déterminées et ponctuelles, ainsi qu’une fonction résiduelle générale. Les premières sont des concrétisations générales du principe, la seconde exprime une substance normative générale, apte à être individualisée à des situations d’espèce nouvelles en cas de besoin »72.

Des précisions sur ces « concrétisations générales » sont fournies73 : il s’agit de préserver l’égalité des parties à l’instance (par exemple en matière d’accès au prétoire, de non-comparution à l’instance, de tardiveté dans l’invocation de nouveaux moyens ou de nouvelles preuves), ou encore de garantir le fonctionnement adéquat de la procédure (notamment en cas de jonction au fond de certaines exceptions préliminaires, de demandes reconventionnelles, d’indication de mesures conservatoires, de procédures d’intervention, de détermination de l’objet du différend). L’auteur relève en outre que « [l]e rôle et le contenu du principe de la “bonne administration de la justice” ne s’épuisent pas dans ces contextes situés »74. Cela justifie que le principe remplisse cette « fonction résiduelle générale », permise par sa « substance normative générale », ainsi caractérisée :

« [d]ans [un] sens générique, le principe signifie le pouvoir et la responsabilité de la [juridiction] de veiller à ce que la justice qu’elle rend soit conforme aux standards les plus élevés de la procédure judiciaire et qu’elle tienne dûment compte des exigences légitimes de chaque participant à l’instance »75.

Ainsi, la bonne administration de la justice internationale commande, ou justifie, de prendre en considération les tiers dans le contentieux international, parfois même au-delà       

70 KOLB R., « La maxime de la “bonne administration de la justice” dans la jurisprudence internationale »,

L’Observateur des Nations Unies, 2009-2, p. 5.

71 Ibid., p. 8. Selon l’article 38, paragraphe 1, lettre c) du Statut de la CIJ : « [l]a Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis, applique : (…) les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ».

72 Ibid., p. 9. A. LELARGE défend également l’idée selon laquelle la bonne administration de la justice est une notion « mixte », duale : il s’agirait à la fois d’un principe général procédural « normatif et axiomatique » (inspiré des « principes de justice communs aux nations civilisées (…) indissociables et donc inhérents à l’idée même de la justice, particip[ant] directement au bon exercice de la fonction juridictionnelle ») et d’un « standard éthique » (LELARGE A., « L’émergence d’un principe de bonne administration de la justice internationale dans la jurisprudence internationale antérieure à 1945 », L’Observateur des Nations Unies, 2009-2, p. 25-32, spéc. p. 31-32).

73 v. KOLB R., « La maxime de la “bonne administration de la justice” dans la jurisprudence internationale »,

op. cit., p. 9-19.

74 Ibid., p. 19.

 

75

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de ce que prévoient les textes régissant les juridictions considérées. Au fil de l’étude, les rapports qu’entretiennent la place du tiers dans le contentieux international et la bonne administration de la justice permettront d’enrichir la définition de cette notion malléable, tout en précisant, réciproquement, les contours du critère fonctionnel permettant d’appréhender le tiers.

III. L’intérêt de l’étude : une approche générale de la question du tiers dans le contentieux international. De nombreuses contributions sectorielles se penchent sur certains tiers dans certains contentieux76. Aucune étude francophone ou anglophone n’a été cependant consacrée à la place des tiers dans le contentieux international de manière générale et/ou comparative77. Certes, le différend international et sa résolution par des voies contentieuses ont longtemps été « la chose des parties ». Un constat global d’une présence accrue des tiers dans le contentieux international, qui perturbent le traditionnel « duel judiciaire »78 entre demandeur et défendeur, semble pourtant s’imposer. La spécialisation et la technicisation du droit international public et, corrélativement, de son contentieux ont accentué le recours à des experts, l’avènement d’une justice pénale internationale à partir des années 90 a fait du témoin un participant indispensable au processus juridictionnel, l’acceptation des mémoires d’amicus curiae est devenu un phénomène commun à l’ensemble des juridictions internationales. A côté de ces « innovations », certaines institutions séculaires du contentieux international ont connu un renouveau. La procédure d’intervention prévue par l’article 62 du Statut de la CIJ (et auparavant de sa devancière la CPJI), notamment, est restée lettre morte pendant une soixantaine d’années avant de se développer à partir des années 1980, jusqu’à l’établissement d’une jurisprudence clarifiée sur la question. La protection diplomatique, institution « archaïque » du contentieux international n’est pas tombée en désuétude malgré l’octroi d’un jus standi à l’individu devant des juridictions internationales de       

76 v. notamment les références citées ci-dessus (notes infrapaginales n°43 à 47) ; v. en outre, par exemple, PALCHETTI P., « La protection des intérêts d’Etats tiers par la Cour internationale de Justice : l’affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria », RGDIP, 2003, p. 865-884 ; TORRES BERNARDEZ S., « L’intervention dans la procédure de la Cour internationale de Justice », RCADI, 1995, p. 193-457 ; ou encore LAUCCI C., « Tribunaux pénaux internationaux : pas de justice sans témoins »,

L’Observateur des Nations Unies, 1998, p. 199-235.

77 Les « Recherches sur l’Etat tiers en droit international public » menées en 1968, outre qu’elles n’envisagent comme objet d’analyse que le seul Etat, sont limitées à un cadre d’étude portant sur la normativité internationale (v. BRAUD P., « Recherches sur l’Etat tiers en droit international public », RGDIP, 1968, p. 17-96).

78 DECAUX E., « L’intervention », in SFDI, La juridiction internationale permanente. Colloque de Lyon, Paris, 1987, p. 219.

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