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L’individu protégé, ressortissant de l’Etat demandeur

Dans le document Le tiers dans le contentieux international (Page 156-163)

Section I – Une recevabilité de l’action conditionnée par des caractéristiques propres au tiers protégé

A- La nature nationale du lien de rattachement dans le cadre de la protection diplomatique

1- L’individu protégé, ressortissant de l’Etat demandeur

Le principe : le tiers protégé est une personne physique ayant la nationalité de l’Etat demandeur. Dans l’affaire Nottebohm, la CIJ considérait que le moyen

d’irrecevabilité tiré de la nationalité569 de celui pour la protection duquel le demandeur saisit la Cour est un moyen d’importance primordiale qu’il convient d’examiner prioritairement570. Se basant sur la pratique antérieure d’arbitres internationaux confrontés à des cas de double nationalité, la CIJ retient le critère de la nationalité effective, c’est-à-       

568 CPJI, Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, arrêt, 28 février 1939, Série A/B, p. 16.

569 Le droit international coutumier offre à l’Etat la liberté de déterminer par sa législation quels sont ses nationaux, et d’organiser les conditions de déchéance de sa nationalité : toute question relative à la possession par un individu de la nationalité d’un Etat doit ainsi être résolue conformément à la législation de cet Etat. Toutefois, pour que la possession d’une nationalité soit opposable aux autres Etats, les conditions d’octroi déterminées par le droit national doivent être conformes aux règles posées en la matière par le droit international. En d’autres termes, si l’octroi de la nationalité est un acte accompli dans l’exercice d’une compétence nationale, la question de savoir si cet acte produit un effet international relève du droit – et le cas échéant du juge – international. (v. à cet égard, notamment : CPJI, Décrets de nationalité promulgués en

Tunisie et au Maroc, avis consultatif, 7 février 1923, Série B, p. 24 ; et CIJ, Nottebohm (Liechtenstein c.

Guatemala), arrêt (deuxième phase), 6 avril 1955, p. 20). Cette approche vaut également pour les personnes morales. Dans l’affaire de la Barcelona Traction, la CIJ a énoncé : « (…) le droit international a du reconnaître dans la société anonyme une institution créée par les Etats en un domaine qui relève essentiellement de leur compétence nationale. Cette reconnaissance nécessite que le droit international se réfère aux règles pertinentes du droit interne, chaque fois que se posent des questions juridiques relatives aux droits des Etats qui concernent le traitement des sociétés et des actionnaires et à propos desquels le droit international n’a pas fixé ses propres règles » (CIJ, Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (nouvelle requête : 1962), arrêt, 5 février 1970, p. 34-35, §38).

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dire « celle concordant avec la situation de fait, celle reposant sur un lien de fait supérieur entre l’intéressé et l’un des Etats dont la nationalité était en cause »571. Un faisceau d’indices permettant d’identifier la nationalité la plus effective est indiqué, parmi lesquels le domicile de l’intéressé, le siège de ses intérêts, ses liens de famille, l’attachement manifesté à un pays572. Ainsi, pour juger de l’effectivité de la nationalité liechtensteinoise de M. NOTTEBOHM, et, partant, de la recevabilité de la réclamation présentée par le Liechtenstein à son profit, la Cour a du se pencher sur la situation de l’individu tiers à l’instance. Dans les motifs de l’arrêt, la Cour examine alors d’une part, la législation liechtensteinoise relative à l’attribution de la nationalité et, d’autre part, le comportement de l’individu vis-à-vis de l’acquisition de celle-ci573. Les juges reviendront ainsi sur la vie de ce citoyen allemand né à Hambourg en 1881 qui s’est installé au Guatemala à l’âge de vingt-quatre ans pour y résider et y travailler, continuant à se rendre parfois en Allemagne pour des raisons sociales, familiales ou professionnelles. L’individu demande la nationalité liechtensteinoise le 9 octobre 1939, dans des circonstances semblant hâtives, avant de retourner reprendre ses activités au Guatemala sitôt la nationalité obtenue. Les juges se demanderont si, « au moment de sa naturalisation, [il apparaissait] comme plus attaché par sa tradition, son établissement, ses intérêts, son activité, ses liens de famille, ses intentions proches, au Liechtenstein qu’à tout autre Etat ? »574. La Cour répondra par la négative observant qu’aux côtés des liens que le tiers entretient avec l’Allemagne, son pays d’origine, et le Guatemala, son pays de résidence, les liens entretenus avec le Liechtenstein sont extrêmement ténus. De ce fait, la Cour estime que la naturalisation ne reposant pas sur un attachement réel au Liechtenstein, « elle manque de la sincérité qu’on doit attendre d’un acte aussi grave » pour qu’il soit opposable au défendeur575. Cette décision n’a pas pour effet de dénaturaliser l’individu – la Cour n’en aurait pas le pouvoir – mais simplement de dénier au demandeur la capacité d’agir en protection diplomatique au profit de celui-ci. Un tel examen de la situation de l’individu témoigne d’une place véritable bien qu’incidente, accordée à celui-ci dans le contentieux international.

Cet examen n’est toutefois aussi poussé que lorsque le juge doit déterminer quelle est la nationalité la plus effective, en cas de pluripatridie. Ainsi dans l’affaire LaGrand, la        571 Ibid., p. 22. 572 Id. 573 Ibid., p. 13-16, spéc. p. 15. 574 Ibid., p. 24. 575 Ibid., p. 24-26.

nationalité allemande des frères Karl et Walter n’étant pas contestée par le défendeur, la Cour s’est contentée de rappeler qu’ils « étaient nés en Allemagne respectivement en 1962 et 1963 et étaient ressortissants allemands (…). Bien qu’ils aient passé la plus grande partie de leur existence aux Etats-Unis et qu’ils aient été adoptés par un ressortissant des Etats- Unis, ils ont toujours conservé leur nationalité allemande et n’ont jamais acquis la nationalité américaine »576. En revanche, lorsqu’un individu possède deux ou plusieurs nationalités, des problèmes peuvent se poser à ce titre dans l’exercice de la protection diplomatique, et justifier un examen approfondi de la situation du tiers. Si la réclamation de l’individu est endossée par l’un de ses Etats de nationalité à l’encontre d’un Etat dont l’individu n’est pas le ressortissant, le contentieux pourra traiter l’individu comme s’il n’avait qu’une seule nationalité, celle de l’Etat demandeur. Nul besoin pour les autres Etats dont l’individu est le ressortissant de se joindre à l’instance ; néanmoins, les fondements coutumiers de la protection diplomatique reconnaissent également à ces Etats le droit de voir le droit international respecté en la personne de leur ressortissant. Ainsi auraient-ils un intérêt à agir577. L’introduction d’une instance ou d’une requête à fin d’intervention étant toutefois laissée à la discrétion de l’Etat, le juge international devra se contenter de s’assurer, pour déclarer la réclamation recevable, que le lien de nationalité qui unit le demandeur à l’instance et l’individu est véritablement effectif, cette condition étant nécessaire à l’opposabilité au défendeur de ce lien d’allégeance. Cette démarche, suivie par la CIJ dans l’affaire Nottebohm, est cependant rejetée par la CDI qui précise dans les commentaires sous les projets d’articles 4 et 6 que l’existence d’un lien effectif entre l’Etat de nationalité et le national qui aurait une ou plusieurs autres nationalités n’est pas une condition de recevabilité de l’action en protection diplomatique lorsque celle-ci est exercée à l’encontre d’un Etat dont l’intéressé n’a pas la nationalité. Pour la Commission, l’affaire

Nottebohm constitue un cas particulier qui contraste avec la pratique arbitrale antérieure,

dont l’affaire Salem est symptomatique. En l’espèce, le tribunal arbitral avait conclu que       

576 CIJ, LaGrand, op. cit., p. 475, §13. Si les Etats-Unis ont relevé que les frères LaGrand « avaient l’allure et la manière de parler d’Américains plutôt que d’Allemands, qu’à la connaissance générale ni l’un ni l’autre ne parlait allemand et qu’ils semblaient à tous égards être des citoyens natifs des Etats-Unis » (Id.), c’est pour justifier le fait que la nationalité étrangère des individus ait été portée tardivement à la connaissance des autorités compétentes de l’Arizona, et non pour contester la possession de la nationalité allemande.

577 Ceci est confirmé par l’article 6 du Projet d’articles de la Commission du droit international (« CDI ») sur la protection diplomatique de 2006 : « 1. Tout Etat dont une personne ayant une double ou multiple nationalité a la nationalité peut exercer la protection diplomatique à l’égard de cette personne à l’encontre d’un Etat dont elle n’a pas la nationalité. 2. Deux ou plusieurs Etats dont une personne ayant une double ou multiple nationalité a la nationalité peuvent exercer conjointement la protection diplomatique à l’égard de cette personne » (les italiques sont de nous).

l’Egypte ne pouvait arguer que la nationalité effective de l’intéressé était la nationalité persane, pour faire échec à l’action en protection diplomatique introduite par les Etats- Unis : « la règle du droit international veut que, dans les cas de double nationalité, une puissance tierce ne soit pas habilitée à contester la réclamation de l’une des puissances dont l’intéressé a la nationalité en invoquant la nationalité de l’autre puissance »578. Pour la Commission, la règle de l’effectivité de la nationalité ne joue qu’en cas de réclamation par l’Etat de nationalité à l’encontre d’un Etat dont l’intéressé est également le national579.

En effet, autrement problématique est l’hypothèse de l’exercice de la protection diplomatique du binational (ou plurinational) par l’un des Etats dont il est le ressortissant à l’encontre de l’autre Etat dont il est le ressortissant. La jurisprudence internationale nous laisse penser que les Etats ont pu choisir de s’abstenir d’exercer, dans un tel cas, la protection diplomatique. Ainsi la France déclare dans son Mémorandum du 16 août 1922 présenté à la CPJI que « dans les cas de double nationalité d’origine si fréquents dans le droit international, c’est une règle généralement reçue de ne pas exercer la protection diplomatique en cas de contre-réclamation du souverain territorial »580. Dans le même ordre d’idées, la CIJ énonce dans son avis sur la Réparation des dommages subis au

service des Nations Unies que la pratique « selon laquelle un Etat n’exerce pas sa

protection au profit d’un de ses nationaux contre un Etat qui considère celui-ci comme son propre national [est une] pratique généralement suivie »581. Qu’en est-il toutefois lorsque les Etats ne font pas preuve d’autolimitation ? L’article 4 de la Convention de La Haye concernant certaines questions relatives aux conflits de loi sur la nationalité du 12 avril 1930 prévoit qu’« un Etat ne peut exercer sa protection diplomatique au profit d’un de ses

      

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Sentence arbitrale, Tribunal arbitral (Etats-Unis / Egypte), Salem, Décision du 8 juin 1932, RSA, vol. II, p. 1188. Pour P. DE VISSCHER, la motivation de cette sentence, « fondée sur une référence inexacte à l’affaire

Mackenzie, ne saurait emporter la conviction » (v. DE VISSCHER P., « Cours général de droit international public », op. cit., p. 161-165, spéc. p. 163, ainsi que Sentence arbitrale, Commission des réclamations Etats- Unis / Allemagne, Mackenzie and others v. Germany, Décision du 30 octobre 1925, UN Reports, vol. VII, p. 288).

579 Aux termes du projet d’article 7 : « [u]n Etat de nationalité ne peut exercer la protection diplomatique à l’égard d’une personne contre un Etat dont cette personne a également la nationalité, à moins que la nationalité prépondérante de celle-ci soit celle du premier Etat en question, tant à la date du préjudice qu’à la date de la présentation officielle de la réclamation ».

580 CPJI, Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc, op. cit., p. 20.

581 CIJ, Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, op. cit., p. 186. v. par exemple CIJ,

Avena et autres ressortissants mexicains, op. cit., p. 18, §7 et Ibid., opinion individuelle du Juge PARRA- ARANGUREN, p. 87, §12-15 ; quoique la question de la double nationalité se posait ici également – et surtout – au regard du fond, relativement à l’applicabilité, vis-à-vis des doubles nationaux, de l’obligation d’information du droit à la protection consulaire en vertu de l’article 36, paragraphe 1, alinéa b) de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires.

nationaux à l’encontre d’un Etat dont celui-ci est aussi le national »582. Ce traité, entré en vigueur en 1937, ne compte aujourd’hui que très peu de parties583, et le caractère coutumier de cette disposition, affirmé dans un premier temps, fut rapidement contesté584. En effet, selon P. KLEIN, « si [cette règle, dite « de non-responsabilité »] présente une certaine constance, pour certains Etats tout au moins, les sentences du XIXème et du début du XXème siècle sont par contre loin d’être univoques »585. L’origine de la règle serait à rechercher dans l’affaire Alexander rendue par la Commission anglo-américaine dite de Newport. L’individu, américano-britannique, mourut aux Etats-Unis, ses héritiers demandèrent réparation586 à la Commission pour les dommages causés à la propriété du défunt durant la Guerre de Sécession. Pour rejeter la réclamation, la Commission s’appuie sur deux arguments : seules les voies de recours internes de l’Etat hôte sont ouvertes à un binational, qui ne saurait assigner son propre Etat devant un tribunal international ; le fait pour un Etat d’exercer la protection diplomatique pour un de ses nationaux à l’encontre d’un Etat dont l’individu est également le ressortissant correspond à une ingérence dans les affaires intérieures de l’Etat défendeur. Dans l’affaire Hammer et De Brissot soumise à la Commission américano-vénézuélienne instituée par le Traité du 5 décembre 1885, et qui concernait deux plaignantes américano-vénézuéliennes qui demandaient réparation au Venezuela pour la mort de leurs époux américains, tués par des factions de l’armée nationale, un nouvel argument est avancé à l’appui du rejet de la réclamation. Celui-ci tient au principe de l’égalité souveraine des Etats : recevoir la plainte d’un binational reviendrait à admettre une supériorité de la nationalité, et donc de la loi, de l’Etat demandeur sur celle de l’Etat défendeur. Ce raisonnement fut réutilisé dans les affaires Manina et Massiani instruites par la Commission franco-vénézuélienne instituée par le Protocole de Paris du 19 février 1902. Cependant, dans de très nombreuses autres sentences, les arbitres se sont       

582 A la Conférence de La Haye pour l’élaboration de cette convention, huit Etats sur vingt-sept se sont expressément déclarés favorables à cette règle (l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, la Pologne, la Suède, la Grande-Bretagne, l’Inde, la Nouvelle-Zélande). D’autres Etats, sans y être frontalement hostiles, souhaitaient que la possibilité d’exercer la protection diplomatique en cas de double nationalité fut conditionnée à l’effectivité de la nationalité (la Belgique, le Danemark, les Etats-Unis, la France, le Japon, les Pays-Bas, la Roumanie). L’article 4 fut finalement voté à vingt-neuf voix contre cinq.

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Convention on Certain Questions relating to the Conflict of Nationality Laws, 12 avril 1930, disponible ici : https://treaties.un.org/Pages/showDetails.aspx?objid=0800000280046354 (consultée le 21/09/2018). 584 Pour une analyse détaillée de la pratique relative à cette règle avant et après 1930, concluant à l’absence de valeur coutumière et à la faible valeur conventionnelle de cette règle, v. KLEIN P., « La protection diplomatique des doubles nationaux : reconsidération des fondements de la règle de non-responsabilité »,

RBDI, 1988, p. 184-216.

585 Ibid., p. 186.

586 Il s’agit d’une action contentieuse dans laquelle l’individu n’est pas un tiers mais le demandeur. Ces exemples demeurent pertinents pour dégager les règles applicables en cas de double nationalité.

livrés à un examen minutieux du comportement de l’individu aux fins de déterminer quelle était, de celle de l’Etat demandeur ou de l’Etat défendeur, la nationalité la plus effective. Il en fut ainsi dans l’affaire Lebret dans laquelle les membres de la Commission franco- américaine vont considérer que les liens entretenus par l’individu avec la France sont désormais trop ténus pour justifier que cet Etat puisse le protéger encore. Les commissaires retiendront notamment l’absence de retour et d’intention de retourner en France, l’absence « de service(s) rendu(s) à la mère patrie » par exemple par le paiement d’impôts. La nationalité la plus effective fut également recherchée dans la sentence Canevaro rendue par la CPA, pour conclure que celle-ci correspondait à celle du défendeur (le Pérou) et non du demandeur (l’Italie). Ainsi, E. de GERMINY relevait que « la conduite du sujet est

toujours étudiée avec minutie et la nationalité de fait triomphe inéluctablement »587. Lorsque la nationalité la plus effective ne correspond pas à la nationalité de l’Etat demandeur – et a fortiori si elle correspond à celle du défendeur – l’action est déclarée irrecevable. A contrario, si la nationalité la plus effective est celle de l’Etat demandeur, l’action pourra être déclarée recevable, même si l’individu est également un ressortissant de l’Etat défendeur. P. KLEIN estime alors que la règle de l’article 4 de la Convention de

La Haye ne présente pas un caractère coutumier, c’est plutôt la règle de la nationalité effective et dominante qui pourrait prétendre à un tel statut. Cette règle régit en effet les questions de double nationalité depuis 1930 et a su inspirer la CIJ dans l’affaire Nottebohm et convaincre la doctrine majoritaire. En ce sens, l’article 7 du Projet d’articles de la CDI sur la protection diplomatique s’analyse également comme une validation – timide – de cette règle dans le cas d’une pluripatridie et d’une réclamation à l’encontre d’un Etat de nationalité : « [u]n Etat de nationalité ne peut exercer la protection diplomatique à l’égard d’une personne contre un Etat dont cette personne a également la nationalité, à moins que la nationalité prépondérante de celle-ci soit celle du premier Etat en question, tant à la date du préjudice qu’à la date de la présentation officielle de la réclamation ». En formulant cette règle négativement, la CDI a entendu établir que l’exercice par un Etat de la protection diplomatique en faveur d’un individu qui est également un ressortissant de l’Etat défendeur doit être exceptionnel et doit s’appuyer sur une preuve de la prépondérance et de la continuité de la nationalité du demandeur, dont la charge incombe à

      

587 KLEIN P., « La protection diplomatique des doubles nationaux : reconsidération des fondements de la règle de non responsabilité », op. cit., p. 200, citant GERMINY E., Les conflits de nationalité devant les juridictions internationales, Paris, Sirey, 1916, p. 307.

ce dernier. La règle de non-responsabilité, bien qu’elle ait charmé les arbitres du tribunal des différends irano-américains588, n’a été depuis cette date, que très peu appliquée.

L’exception : le tiers protégé est une personne physique n’ayant pas la nationalité de l’Etat demandeur. Les apatrides et les réfugiés résidant sur le territoire d’un

Etat peuvent bénéficier de la protection diplomatique de ce dernier589. S’agissant des apatrides, cette liberté avait été niée à l’Etat par la Commission américano-mexicaine des réclamations dans l’affaire Dickson Car Wheel Company v. United Mexican States, qui avait jugé qu’un Etat portant préjudice à un apatride « n’[était] pas en défaut sur le plan international » et qu’« aucun Etat n’a le pouvoir d’intervenir ou de présenter une réclamation au nom dudit individu, que ce soit avant ou après le dommage »590. Concernant les réfugiés, la proposition néerlandaise à la Conférence de La Haye de 1930 visant à faire reconnaître un droit de protection des réfugiés pour l’Etat d’accueil n’a pas été adoptée591. Cependant, selon la CDI, le droit international porte aujourd’hui un intérêt particulier au statut des apatrides et des réfugiés comme le révèlent les conventions relative au statut des apatrides et sur la réduction des cas d’apatridie (1954 et 1961), et relative au statut des réfugiés (1951). Cela amène la Commission à introduire, dans son projet de 2006 sur la protection diplomatique, un article 8 qui se lit comme suit :

« 1. Un Etat peut exercer la protection diplomatique à l’égard d’une personne apatride si celle-ci, à la date du préjudice et à la date de la présentation officielle de la réclamation, a sa résidence légale et habituelle sur son territoire.

2. Un Etat peut exercer la protection diplomatique à l’égard d’une personne à laquelle il reconnaît la qualité de réfugié, conformément aux critères internationalement

      

588 KLEIN P., « La protection diplomatique des doubles nationaux : reconsidération des fondements de la règle de non responsabilité », op. cit., p. 207.

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Historiquement, ainsi en allait-il de la protection des communautés religieuses de l’Empire ottoman : selon une pratique bien établie et entérinée par le Traité de Berlin du 13 juillet 1878 (aux termes de l’article 62 du Traité : « [l]es droits acquis à la France sont expressément réservés, et il est bien entendu qu’aucune atteinte ne saurait être portée au statu quo dans les Lieux Saints »), la France pouvait protéger les communautés religieuses catholiques installées en territoire ottoman, quelle que soit la nationalité de leurs

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