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L’autorité de la chose jugée des décisions in rem

Dans le document Le tiers dans le contentieux international (Page 68-76)

Section I Les principes généraux du contentieux international protégeant les tiers

B- Les procédures de tierce-intervention, moyen complémentaire éventuel de protection des tiers

I- L’autorité de la chose jugée des décisions in rem

Dans l’affaire relative au Statut juridique du Groenland oriental, à l’occasion de laquelle le Danemark et la Norvège se disputaient la souveraineté sur certains territoires du Groenland oriental, C. DE VISSCHER, plaidant pour le Danemark, estimait :

      

204 BRANT L. N. C., L’autorité de la chose jugée en droit international public, op. cit., p. 100. 205

KOHEN M. G., « La requête à fin d’intervention du Nicaragua dans l’affaire du Différend frontalier

terrestre, insulaire et maritime (El Salvador / Honduras). L’ordonnance de la Cour du 28 février 1990 et

l’arrêt de la chambre du 13 septembre 1990 », AFDI, 1990, p. 343. 206 BERNHARDT R., « Article 59 », op. cit., p. 1247.

207

« [qu’en] droit, la question de savoir si une région doit être considérée comme terra nullius ou si, au contraire, elle doit être considérée comme sujette à une souveraineté, est une question qui, par sa nature même, se pose à l’égard de tous les Etats. Elle se pose erga omnes et non dans la perspective des relations particulières qui peuvent exister entre un Etat et un autre Etat »208.

Dans le cadre de l’affaire portant sur la délimitation du plateau continental entre la Libye et Malte, les opinions individuelle et dissidente respectivement rédigées par les juges JENNINGS et MBAYE alertaient sur les risques de la décision vis-à-vis des tiers. Selon ce

dernier, il est des situations :

« dans [lesquelles] l’article 59 du Statut ne protège les intérêts de l’Etat qu’imparfaitement, eu égard à la nature des droits en cause et des suites possibles de la décision de la Cour. Il y a en effet des circonstances où la décision de la Cour pourrait porter un préjudice irréparable à un Etat tiers. C’est par exemple le cas où la décision est attributive de droits concrets au profit de l’une ou de l’autre des parties »209.

Dans l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime, El Salvador et le Honduras chargeaient, par compromis, une chambre de la CIJ de résoudre leur différend. Les juges ont dû déterminer s’il existait, ou non, un condominium entre les trois Etats riverains du Golfe de Fonseca (El Salvador, le Honduras et le Nicaragua). Selon les termes de la Chambre :

« si la Chambre décidait de rejeter les allégations d’El Salvador et de conclure qu’il n’existe pas, sur les eaux du golfe, de condominium opposable au Honduras, cela reviendrait à conclure qu’il n’y a pas de condominium du tout. De même, juger que la “communauté d’intérêts” dont se réclame le Honduras n’existe pas entre El Salvador et le Honduras en leur qualité d’Etats riverains du golfe reviendrait à juger qu’il n’y a pas du tout de “communauté d’intérêts” de ce genre dans le golfe. Dans un cas comme dans l’autre, la décision affecterait donc évidemment un intérêt d’ordre juridique du Nicaragua »210.

Pour une partie de la doctrine également, « dans certaines circonstances, la décision internationale sera opposable “erga omnes”, c’est-à-dire qu’elle aura une autorité absolue

      

208 CPJI, Statut juridique du Groenland oriental, arrêt, 5 avril 1933, Série A/B. v. l’exposé de M. le Prof. DE VISSCHER (Danemark), Séances publiques et plaidoiries, Série C, p. 2794.

209 CIJ, Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne / Malte), arrêt (requête de l’Italie à fin d’intervention), op. cit., opinion individuelle du Juge MBAYE, p. 46-47.

210 CIJ, Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador / Honduras), arrêt (requête du Nicaragua à fin d’intervention), op. cit., p. 122, §73.

qui dépassera les limites réservées aux parties en litige »211. Les décisions de justice opposables erga omnes seraient des décisions in rem, c’est-à-dire consacrant des situations objectives212, par exemple tranchant des questions de souveraineté territoriale ou de délimitation de frontières. Selon les termes de C. DE VISSCHER, « [l]es arrêts qui statuent sur la souveraineté territoriale d’un Etat ou sur la délimitation des frontières entre deux Etats, font (…) exception à la relativité de la chose jugée [car] l’objet de la décision, le statut territorial, se présente dans les rapports internationaux comme une situation objective ayant effet erga omnes»213. R. BERNHARDT partage également ce point de vue :

« [a] judgment may produce objective results. In this case, third States cannot ignore these results. To take one example : if a judgment has decided on the correct border line between two States, a third State – not claiming sovereign rights in the same area – must accept the result of the judgment, it cannot take the position that the formerly disputed area belongs to State A if a binding decision has found that this area falls under the sovereignty of State B. Similar considerations can apply in other fields if, for instance, a certain citizenship of a person has been recognized in a judgment, if a judgment has recognized a status of neutrality, etc. »214.

La thèse selon laquelle les décisions de justice in rem jouiraient d’un effet erga

omnes faisant exception au principe de l’autorité relative de la chose jugée est en revanche

contestée par L. N. C. BRANT, qui s’appuie notamment sur le travail d’E. GRISEL :

« [l’]idée que la souveraineté d’un Etat a un caractère objectif indéniable et que, de ce fait, elle doit pouvoir être opposée non seulement à ses voisins immédiats, mais aussi aux autres membres de la communauté internationale, n’a rien d’exceptionnel. Il est vrai qu’un titre de souveraineté territoriale vaut “erga omnes”. Mais, comme le remarque Etienne Grisel, “il ne s’ensuit pas qu’une décision qui a trait, de près ou de loin, à une délimitation de frontières, soit chose jugée vis-à-vis des tiers. Les deux idées sont bien distinctes et la seconde ne découle nullement de la première. Qu’une frontière ait été fixée par un accord bilatéral, ou par un prononcé juridictionnel, ou encore par un traité fondé sur un jugement, de toute manière, les droits d’autrui ne peuvent pas être affectés ; ils sont

      

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BRANT L. N. C., L’autorité de la chose jugée en droit international public, op. cit., p. 100. Outre les auteurs sur lesquels nous nous attardons, L. N. C. BRANT se réfère notamment à C. ROUSSEAU et R. PINTO (v. Ibid., p. 100-102).

212 Selon G. SCELLE, « il est en droit international comme en droit interne, des décisions à caractère objectif qui valent pour tous les sujets de droit de la communauté internationale considérée » (SCELLE G., « Essai sur les sources formelles du droit international », op. cit., p. 426, cité in BRANT L. N. C., L’autorité de la chose

jugée en droit international public, op. cit., p. 100).

213 DE VISSCHER C., « La chose jugée devant la Cour internationale de La Haye », RBDI, 1965, p. 9. 214

BERNHARDT R., « Article 59 », op. cit., p. 1248. Le parallèle peut ici être dressé avec le principe de l’effet relatif des traités internationaux et les exceptions qui lui sont classiquement attachées, parmi lesquelles la création de situations objectives (v., DAILLIER P., FORTEAU M., PELLET A., Droit international public, op.

cit., p. 264-275, spéc. p. 271-275 ; ROUSSEAU C., « Le règlement arbitral et judiciaire et les Etats tiers », op.

forcément réservés, et ils pourront toujours être revendiqués devant un tribunal sans que joue “l’exceptio rei judicatae”. Le point essentiel est qu’un arrêt, quel que soit son objet, n’a pas de caractère définitif à l’égard des tiers” »215.

Cette analyse, à laquelle nous souscrivons, rejoint nos propos antérieurs sur la mise en œuvre du principe de l’autorité relative de la chose jugée. C’est précisément dans les affaires risquant de créer des situations objectives susceptibles d’affecter les tiers que le principe de la relativité du jugement doit déployer ses vertus protectrices. C’est à la juridiction saisie de garantir cette protection, éventuellement aidée par les Etats tiers intéressés qui auraient été autorisés à intervenir dans l’instance. En d’autres termes, la relativité de la chose jugée n’est pas une qualité intrinsèque à celle-ci mais un objectif que le juge doit s’efforcer d’atteindre. Il est cependant envisageable que la mise en œuvre du principe de l’autorité relative de la chose jugée soit faillible. Le juge peut par exemple manquer d’informations sur les droits et intérêts d’Etats tiers en cause dans le cas qui lui est soumis ; il est possible qu’in fine l’arrêt définitivement rendu affecte les droits d’Etats tiers. C’est dans une telle situation que le principe de l’autorité de la chose jugée peut (et doit) déployer un nouvel aspect protecteur, qui réside dans les termes précités : « un arrêt, quel que soit son objet, n’a pas de caractère définitif [ni obligatoire !] à l’égard des tiers ». Cette protection « en aval » offerte par la relativité de la chose jugée est subsidiaire dans la mesure où il est préférable, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration de la justice, que celle-ci s’avère superflue car la décision n’affecte en rien les tiers. Eviter de « toucher » aux droits des tiers permet également d’éviter la coexistence de décisions de justice contradictoires. Comme le souligne C. ROUSSEAU,

« [il pourrait exister] une contradiction entre deux sentences arbitrales ou deux décisions judiciaires successives intéressant un Etat qui se trouve être partie à deux instances différentes (cas où il y a une contradiction entre deux décisions arbitrales ou judiciaires intéressant l’une les Etats A et B, l’autre les Etats A et C). (…) C’est là une hypothèse classique de contrariété de jugements. Mais dans un système individualiste et relativiste comme le droit international, fondé sur l’indépendance et l’équivalence des actes juridiques concurrents et des titres qu’ils consacrent (…), une telle contradiction ne trouve

      

215

BRANT L. N. C., L’autorité de la chose jugée en droit international public, op. cit., p. 103, citant GRISEL E., « Res judicata : l’autorité de la chose jugée en droit international », in DUTOIT B., GRISEL E. (Dir.),

Mélanges Georges Perrin, Lausanne, Payot, 1984, p. 156-157 (v. plus largement p. 155-157. v., dans le

même sens, SALMON J., « L’autorité des prononcés de la Cour internationale de La Haye », op. cit., p. 29-30 : « [i]l a parfois été soutenu en doctrine que les arrêts sur la souveraineté territoriale ou sur la délimitation des frontières entre deux Etats auraient valeur erga omnes du fait de l’objet de la décision. Cette position est cependant tout aussi critiquable que celle qui estime que les traités internationaux portant sur des questions territoriales ont un caractère erga omnes et seraient une exception au principe de l’effet relatif des traités ».

pas de départiteur en l’absence d’une organisation judiciaire hiérarchiquement ordonnée. Dans cette mesure la relativité de la chose jugée aboutit non à la sécurité des rapports juridiques, mais à l’anarchie et à l’incohérence en perpétuant des contradictions insolubles »216.

Cette protection « en aval » est également complémentaire, dans le cas où l’arrêt affecte les tiers si le juge n’a pas veillé (ou n’a pas pu veiller) à protéger leurs intérêts, car la décision n’est pas obligatoire ni définitive à leur égard. Comme l’expliquait E. JOUANNET, « la chose jugée par la Cour ne peut avoir d’effet obligatoire pour le tiers au procès. Dans l’hypothèse où la Cour se prononce (…) sur la situation juridique d’un Etat tiers, elle n’exprime qu’un “point de vue” à l’égard du tiers car elle ne détermine cette situation, ni de façon définitive, ni de façon obligatoire pour le tiers »217. Selon L. N. C. BRANT, « l’élargissement du champ d’application de la chose jugée [à des tiers]

impliquerait qu’aucun Etat (…) ne pourra plus jamais discuter à nouveau le cas déjà décidé. Cette conclusion n’est pas acceptable »218. En effet, il sera toujours possible pour les tiers affectés par une décision de justice de porter à nouveau le différend devant le juge, en formulant leurs propres conclusions, soutenus par leurs propres arguments et preuves219. C’est ce qu’explique la CIJ dans l’affaire des Actions armées frontalières et

transfrontalières, lorsqu’elle énonce « [qu’]en tout état de cause, il appartient aux parties

d’établir dans la présente affaire les faits compte tenu des règles habituelles de preuve sans que puisse être invoquée la chose jugée dans une autre affaire ne mettant pas en cause les mêmes parties »220. L’exceptio rei judicatae ne joue donc pas s’il n’y a pas identité de parties, même si l’objet (et/ou la cause) est identique. En effet, pour que joue l’exceptio rei       

216 ROUSSEAU C., « Le règlement arbitral et judiciaire et les Etats tiers », op. cit., p. 309-310. L’auteur relève que la contrariété de jugements en droit international est « rare [mais] pas sans exemple. C’est ainsi qu’il existe une contradiction entre la sentence arbitrale rendue le 23 décembre 1906 entre le Honduras et le Nicaragua par le roi d’Espagne Alphonse XIII en vertu du traité Gamez-Bonilla signé à Tegucigalpa le 7 octobre 1894 et la sentence arbitrale rendue le 23 janvier 1933 entre le Guatemala et le Honduras par un Tribunal spécial (Hughes, Bello-Codesido et Castro Uréna) en vertu du compromis signé à Washington le 16 juillet 1930. Dans l’un et l’autre cas il s’agissait de délimitation de frontière : dans le premier, de la délimitation de la frontière entre le Honduras et le Nicaragua du Portillo de Teotecacinte à l’océan Atlantique ; dans le second, de la délimitation de la frontière entre le Guatemala et le Honduras dans la région de la rivière Motagua et du territoire de Cuyamel » (Ibid., p. 309).

217

JOUANNET E., « Le principe de l’Or monétaire. A propos de l’arrêt de la Cour du 30 juin 1995 dans l’affaire du Timor oriental (Portugal c. Australie) », op. cit., p. 688-689.

218 BRANT L. N. C., L’autorité de la chose jugée en droit international public, op. cit., p. 102.

219 « Le point de savoir si leur action réussira est une autre question » (SALMON J., « L’autorité des prononcés de la Cour internationale de La Haye », op. cit., p. 46). L’absence de stare decisis, ainsi que l’autorité du précédent nullement empêchée par l’absence de règle contraignante à cet égard, permettront aux tiers d’orienter leurs arguments au mieux. Ces aspects sont traités dans le chapitre suivant.

220 CIJ, Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), arrêt, 20 décembre 1988, p. 92, §54.

judicatae, il faut que l’affaire soumise au juge international ait déjà été jugée (par ce juge

ou un autre). L’« affaire préalablement jugée » désigne une affaire définitivement jugée, qui présente une identité de parties, d’objet et de cause221. Selon les termes du Tribunal arbitral dans l’affaire de la Fonderie du Trail, « [t]here is no doubt that in the present

case, there is res judicata. The three traditional elements for identification : parties, object and cause are the same »222. Ou encore, en reprenant le Juge ANZILOTTI :

« [l’article 59 du Statut de la Cour] détermine les limites matérielles de la chose jugée en disant que “la décision de la Cour n’est obligatoire que pour les Parties en litige et dans le cas qui a été décidé”: ce sont les trois éléments traditionnels d’identification : persona, petitum, causa petendi, car il est certain que “le cas qui a été décidé” comprend aussi bien la chose demandée que la cause de la demande »223.

Il semblerait cependant qu’il y ait effectivement une exception, bien spécifique, à l’autorité relative de la chose jugée des décisions judiciaires internationales. Il s’agit des jugements rendus par les juridictions pénales internationales. Dans ces cas particuliers, la règle non bis in idem selon laquelle une même personne ne peut être jugée deux fois pour les mêmes faits, autorise le jeu de l’exceptio rei judicatae. Cet effet erga omnes de la décision de justice pénale se produit dans les rapports entre le droit international et le droit interne car :

« [d’une part, le droit international pénal introduit] une compétence concurrente entre les TPIY et TPIR et les juridictions nationales, en ce qui concerne le jugement d’un individu présumé responsable de violations graves du droit international humanitaire, d’autre part [la discipline] établit une compétence complémentaire entre la Cour pénale internationale et les juridictions criminelles nationales en ce qui concerne les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale, c’est-à-dire le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression224. La conséquence de cette concurrence de compétence entre la juridiction interne et la juridiction internationale, réside en ce que la sentence internationale pourra exercer ses effets juridiques sur la sphère interne, alors que, inversement, la sentence interne pourra

      

221 v. notamment CIJ, Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie

au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), arrêt (exceptions

préliminaires), op. cit., p. 124-132, §55-88, spéc. p. 125-126, §58-61. 222

Sentence arbitrale, Trail Smelter Case (Etats-Unis / Canada), Décision du 11 avril 1941, RSA, vol. III., p. 1952.

223 CPJI, Usine de Chorzów, arrêt, op. cit., opinion dissidente de M. ANZILOTTI, p. 23. v. également LIMBURG J., « L’autorité de chose jugée des décisions des juridictions internationales », op. cit., p. 523. Les parties peuvent être identifiées aisément grâce à la requête ou au compromis qui introduit l’instance. L’objet du différend (res petita) correspond à l’objet de la plainte ; quant à la cause (causa petendi), elle réside dans le fondement de la plainte (pour approfondir, v. BRANT L. N. C., L’autorité de la chose jugée en droit

international public, op. cit., p. 114-141, spéc. p. 114-123).

224

exercer ses effets juridiques sur la sphère internationale. Dans ce contexte, les effets de la sentence juridictionnelle dépassent la sphère juridictionnelle du tribunal qui l’a rendue, déterminant une certaine unité entre le droit interne et le droit international »225.

La possibilité d’étendre les effets de l’autorité de la chose jugée à des tiers s’est en outre posée dans le cadre de l’arbitrage d’investissement, autour de la notion de collateral

estoppel.

Le règlement juridictionnel des différends entre Etats et investisseurs présente en effet quelques particularités. Les tribunaux arbitraux peuvent être saisis, notamment, sur la base d’une offre d’arbitrage contenue dans une loi nationale, d’une clause compromissoire contenue dans un contrat entre l’investisseur et l’Etat hôte (contract claim), dans un traité bilatéral d’investissement (TBI) ou dans un traité multilatéral (treaty claim). Cette multiplicité des « possibles » quant au règlement juridictionnel des différends entraîne un phénomène de forum shopping sans doute plus développé que dans d’autres branches du droit international 226 , et peut conduire à une « concurrence des procédures contentieuses »227 . Il est en effet fréquent que plusieurs tribunaux soient saisis d’une même affaire ou, plus exactement, d’une affaire quasi identique, c’est-à-dire présentant une identité d’objet et de parties, mais pas de cause puisque différents tribunaux – ou un même tribunal – peuvent être saisis concomittement ou successivement en invoquant une base de compétence distincte228. On peut envisager de résoudre ces difficultés par la consolidation229 ou par le jeu de l’exception de litispendance230 ou de connexité231.

Outre la variété des juridictions pouvant être saisies et des bases de compétence pouvant être invoquées à cet égard, les différends qui surviennent en matière d’investissements internationaux peuvent s’avérer complexes quant à la détermination des parties – et donc, des tiers. Comme le relève M. AUDIT,

      

225 BRANT L. N. C., L’autorité de la chose jugée en droit international public, op. cit., p. 111 (v., plus largement, p. 110-113). v. également LA ROSA A.-M., Juridictions pénales internationales : la procédure et la preuve, Paris, PUF, 2003, p. 132-136 ; TRIBOLO J., « L’articulation des compétences des juridictions internes avec celles des juridictions nationales », in ASCENSIO H., DECAUX E., PELLET A. (Dir.), Droit international pénal, 2ème éd., Paris, Pedone, 2012, p. 1039-1054.

226

v. AUDIT M., « La coexistence de procédures contentieuses en matière d’investissements étrangers »,

ACDI, 2017, p. 338-350 (exposé des « options contentieuses offertes aux investisseurs).

227 Ibid., p. 351.

228 Le litige opposant la société italienne Saipem à l’Etat du Bangladesh illustre bien ce phénomène : le différend a entraîné la saisine d’un tribunal arbitral CCI, d’un tribunal arbitral CIRDI, ainsi que de diverses juridictions internes (Ibid., p. 336-338, spéc. p. 338).

229 Ibid., p. 352-354 230 Ibid., p. 355-358 231

« [une] conception stricte de l’identité de parties [peut] condui[re] à pouvoir considérer que la requête arbitrale introduite par une société est distincte de celle qu’ont diligentée ses actionnaires. Formellement, les parties sont alors effectivement différentes, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit de la même opération d’investissement, et du même comportement qui est reproché à l’Etat, voire du même TBI fondant la compétence arbitrale »232.

Face à un litige présentant une identité d’objet, voire de cause, mais ne présentant pas formellement une identité de parties en raison de l’artificielle distinction entre société et actionnaires, la question s’est donc posée d’étendre à des tiers – dès lors eux-mêmes « artificiels » – l’effet de l’autorité relative de la chose jugée. L’enjeu est ici de pouvoir « tenir pour définitivement acquis ce qui a déjà été précédemment, et définitivement, jugé »233 afin notamment « d’éviter que soient rendues des décisions contradictoires entre les mêmes parties »234. Un précédent intéressant doit, à cet égard, être évoqué : dans

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