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2 Minima sur les orbites

2.6 La norme géométrique sur le quotient

Soit k un corps complet pour une valeur absolue | · |. Soient X un k-schéma projectif et L un fais-ceau inversible ample sur X. Le schéma X s’identifie canoniquement au spectre homogène de la k-algèbre graduée de type fini

A :=M

d ≥0

Γ(X,L⊗d).

On suppose qu’un k-schéma en groupes réductif G agit sur le k-schéma X et de manière équiva-riante sur le faisceau inversible L. Soit Xss(L) l’ouvert des points semi-stables de X sous l’action de G et par rapport au faisceau inversible L, et

π : Xss −→ Y := Proj à M d ≥0 Γ(X,L⊗d)G !

le morphisme quotient. Pour tout nombre entier D ≥ 1 assez divisible, il existe un faisceau inversible ample MDsur Y et un isomorphisme de faisceaux inversibles sur Xss(L),

ϕDMD−→ L|⊗DXss(L), compatible à l’action de G.

À travers l’isomorphismeϕDles sections globales du faisceau inversible MDs’identifient aux sec-tions globales G-invariantes du faisceau inversible L⊗D. En sous-entendant cette identification, le morphismeπ est alors le morphisme de k-schémas associé à l’inclusion de k-algèbres graduée

BD:=M d ≥0 Γ(Y,M⊗d D ) −→ AD:=M d ≥0 Γ(X,L⊗Dd)

Le morphismeπ est alors une projection au sens de la section I.2.2 et un point x ∈ X est π-projetable (resp. nonπ-projetable) si et seulement s’il est semi-stable (resp. unstable).

Soit uLune norme géométrique continue sur le faisceau inversible L. On considère la fonction des minima sur les orbites de G définie pour tout s ∈ V(L)anv par

uGL(s) := inf©uL(s0) : s0∈ Ganv · sª .

En termes de métriques sur les sections du faisceau inversible L, pour tout point x ∈ Xsset pour toute section non nulle s ∈ xL, on a

kskGL(x) = sup

x0∈Gan

v ·xkskL(x0)

(ici on a fait un abus du terme métrique car chacun des termes vaut +∞ quand x est unstable). Soitπ[MD] : V(L|⊗D

Xss) → V(MD) le morphisme surjectif de k-schémas induit par l’isomorphismeϕD. On considère la norme géométrique sur les fibres deπ,

uMD: V(MD) //R+

t  // inf

π[MD](s)=tuL⊗D,v(s).

En termes de métriques sur les sections de MD, pour tout point y ∈ Yvanet toute section t ∈ yMD, on a kt kMD,v(y) := sup

π(x)=yt kL⊗D,v.

Puisque le morphismeπ est G-invariant, pour tout point s ∈ V(L⊗D) au dessus d’un point semi-stable, on a

uMD(π[MD](s)) ≤ uGL⊗D(s).

Soitµ la mesure de non projetabilité (par rapport au morphime π, au faisceau inversible L et à la norme géométrique uL) : dans le contexte de la théorie géométrique des invariants on l’appelera plutôt mesure d’instabilité.

Théorème 2.18. Soit X un k-schéma projectif muni de l’action d’un k-groupe réductif G. Soit L un faisceau inversible ample sur X muni d’une action équivariante de G. Soient Xssl’ouvert des points semi-stables de X par rapport à l’action de G et

π : Xss −→ Y := Proj à M d ≥0 Γ(X,L⊗d)G !

le morphisme quotient. Soient D > 0 un nombre entier assez divisible, MD un faisceau inversible ample sur Y et

ϕDMD−→ L|⊗DXss

un isomorphisme de faisceaux inversibles sur Xss.

Soit uLune norme géométrique sur Lancontinue, invariante sous l’action d’un sous-groupe com-pact maximal U de Ganet plurisousharmonique en tant que fonction sur V(L). Alors :

i. la norme géométrique des minima sur les fibres uMD:= π[MD]uL⊗Dest continue ; ii. pour tout point s ∈ V(L⊗D) au dessus d’un point semi-stable on a

uMD(π[MD](s)) = uGL⊗D(s); iii. la mesure d’instabilitéµ : Xan

iv. pour tout x ∈ Xanet tout point non nul t ∈ V(L)anau dessus de x, on a : µ(x) = logu G L(t ) uL(t ) := inf t0∈Gan·tlog uL(t0) − loguL(t ).

Démonstration. Puisque la construction de la norme géométrique des minima est compatible aux

puissances tensorielles (Proposition 1.13), quitte à prendre une puissance suffisamment grande de L et MD, on peut supposer que L et MDsoient très amples. On considère les k-algèbres graduées de type fini AD:=M d ≥0 Γ(X,L⊗Dd), B :=M d ≥0 Γ(Y,M⊗d D ).

L’homomorphismeϕ induit un homomorphisme injectif homogène de degré 1 de k-algèbres gra-duéesϕD: B → ADqu’identifie B avec la sous-k-algèbre graduée des invariants de A,

AGD=M

d ≥0

Γ(X,L⊗Dd)G.

Dans la suite on sous-entend cette identification. Les morphismes canoniques θ : V(L⊗D) −→ bXD:= Spec AD, ω : V(MD) −→ bY := Spec AGD

sont propres et ils induisent un isomorphisme en dehors de la section nulle. La métrique uL⊗D pro-vient par composition parθ d’une fonctionu : |bb XanD| → R+, i.e., uL⊗D = θu. La fonctionb u est conti-b

nue, 1-homogène, propre au sens topologique et non nulle en dehors de la section nulle du cône affine analytiqueXbanD. En outre, la fonction logu est plurisousharmonique et U-invariante.b

Le k-schéma affinebY est le quotient du k-schéma affineXbDpar le groupe réductif G. Si on désigne parπ :b XbD→ bY le morphisme quotient, i.e. le morphisme de k-schémas associé à l’inclusion AGD⊂ AD, les diagrammes (?) et (??) ci-dessus

b XD− bf−1(O b Y)  // (?) b XD (??) b f−1(O b Y) − ObXD ? _ oo V(L|⊗DU ) − e(U)  // θ OO V(L⊗D) θ OO V(L|⊗DZ ) − e(Z) ? _ oo θ OO

sont cartésiens (où O b

XD ⊂ bXD, O b

Y⊂ bY désignent la section nulle des cônes affinesXbDetbY, et e : X → V(L⊗D) est la section nulle du faisceau inversible L⊗D). On en déduit

π[M]uL⊗D= ωπbu.b (2.6.1)

La fonctionu :b bXanD → [−∞, +∞[ est continue, propre au sens topologique, plurisousharmonique et U-invariante. En vertu du Théorème 2.9 les fonctionsπbu etb ubGcoïncident, ce qui montre (ii). D’après la Proposition 2.17 la fonctionπbu est alors continue. En vertu de l’égalité précédente (2.6.1) la fonc-b tionπ[M]uL⊗Dest continue. Ceci achève la démonstration de (i).

D’après la Proposition 1.16, le point (iii) est une conséquence de (i).

Pour (iii), pour tout point x ∈ Xanet tout point non nul t ∈ bXanD au dessus de x on a µ(x) = 1 Dlog b π b πu(t )b b u(t ) .

D’après le Théorème 2.9 on a b π b πu(t ) =b ubG(t ) := inf t0∈Gan·tu(tb 0) ce qui achève la preuve.

2.6.1. Points minimaux et points résiduellement semi-stables. — On suppose que la valeur absolue de k soit discrète. SoitXun k-schéma projectif et plat muni de l’action d’un k-groupe réductifG. SoitLun faisceau inversible ample surXmuni d’une action équivariante deG. On désigne parXss

l’ouvert des points semi-stables sous l’action deGet par rapport au faisceau inversibleL.

On note en majuscules d’imprimerie la fibre générique des objets en caractère gothique (e.g., X :=

kk).

Définition 2.19. Soient x ∈ Xan un point et K =bκ(x) son corps résiduel complété. Puisque le k

-schémaXest propre, il existe un unique morphisme de k-schémas

x: Spec K−→X

qui prolonge le morphisme Spec K → X induit par x.

On dit que le point x est residuellement semi-stable si l’image du morphismexest contenue dans l’ouvertXss.

Un point residuellement semi-stable est par définition semi-stable. De plus, un point x ∈ Xanest residuellement semi-stable si et seulement si x est semi-stable et sa reduction, i.e. la fibre spéciale du morphismex: Spec K→X, est un point semi-stable de la fibre spéciale deX.

Théorème 2.20. Soit k un corps complet pour une valeur absolue discrète. SoitXun k-schéma

pro-jectif et plat muni de l’action d’un k-groupe réductifG. SoitLun faisceau inversible ample surX

muni d’une action équivariante deG.

Soit X la fibre générique du k-schémaXet uLla métrique induite parLsur le faisceau inver-sible L :=L|X. Pour tout x ∈ Xan, les conditions suivantes sont équivalentes :

i. x est residuellement semi-stable ;

ii. x est semi-stable et, six ∈ V(L)b anest un représentant non nul de x, le pointx est ub L-minimal sur l’orbite de Gan.

La preuve s’inspire à celle de la Proposition 2 dans [Bur92].

Démonstration. Quitte à remplacerLpar une puissance suffisamment grande, on peut supposer qu’il soit très ample. En particulierLest engendré par ses sections globales et pour tout t ∈ V(L)anon a

uL(t ) = max

s∈Γ(X,L)|s(t )|.

Soient x ∈ Xan, K =bκ(x) son corps residuel complété etx: Spec K→Xle morphisme de k-schémas déduit par critère valuatif de proprété. Soitx ∈ V(L)b an un représentant non nul de x : quitte à en prendre un multiple, on peut supposer qu’il soit un K-point et que uL(x) = 1. Le pointb x défini alorsb un K-pointbxdu k-schéma V(L) et le morphismexest la classe d’équivalence [bx] du morphismebx.

Il s’agit de montrer que le point x est residuellement semi-stable si et seulement si le point xb

est uL-minimal sur l’orbite de Gan.

On suppose d’abord que le point x soit residuellement semi-stable. Par définition l’image du mor-phismexest contenue dans l’ouvert des points semi-stablesXss. De manière équivalente, il existe un nombre entier d ≥ 1 et une section globaleG-invariante deL⊗d,

telle quexf soit inversible. Autrement dit f (bx) est inversible dans K, c’est-à-dire | f (bx)| = 1. Pour tout pointxb0∈ V(L)anon a uL(bx0) = max s∈Γ(X,L)|s(bx0)| = max s∈Γ(X,L⊗d) d ≥1 |s(bx0)|1/d≥ | f (xb0)|1/d. (2.6.2)

De plus, sixb0appartient à l’orbite debx, comme f est G-invariant, on a |f (xb0)| = |f (x)|. D’après l’inéga-b lité 2.6.2 pour toutxb0∈ Gan·x on ab

uL(xb0) ≥ |f (bx)|1/d= 1 = uL(x).b

En d’autres termes, le pointx est ub L-minimal sur l’orbite de Gan.

On suppose ensuite que x soit semi-stable etx soit ub L-minimal sur l’orbite de Gan. Par l’absurde on suppose que le point x ne soit pas residuellement semi-stable. Si on désigne par s le point fermé du schéma Spec K, alors le pointx(s) n’est pas semi-stable. D’après le critère numérique de Hilbert-Mumford, quitte à étendre K, il existe un sous-groupe à paramètre

e

λ : Gm,Ke−→G×kKe duK-groupe réductife G×kK tel quee

lim

t →0eλ(t) ·bx(s) = 0.

En vertu de [SGA 3, Exposé XI, Théorème 4.1], le foncteur des sous-groupes de type multiplicatif deGest représentable par un k-schéma lisse. Puisque Kest henselien, d’après le « Lemme de Hen-sel »[SGA 3, Exposé XI , Corollaire 1.11], le sous-groupe à un paramètre eλ se relève à un sous-K -schéma en groupes de type multiplicatifT. Quitte à étendre à nouveau K, on peut supposer que le K -schéma en groupes de type multiplicatifTse deploye sur K, i.e. qu’il soit isomorphe à Gm,Ken tant que K-schéma en groupes. On obtient ainsi un sous-groupe à un paramètre

λ : Gm,K−→G

de fibre spéciale eλ et on considère l’application

λxb: Gm,K //V(L) ×kK

t  //λ(t) ·

b

x

Puisque le sous-groupe à un paramètre est défini sur K, la fonction logλ b

xuL: Ganm,K−→ R est U(1)-invariante. Il existe, donc, une fonction continue (même convexe en vertu de la Proposition I-10.22) vx: R → R telle que logλ b xuL= vxb◦ log|t |. Comme v b

x(0) = loguL(u) = 0, il s’agit de montrer que la fonction vxbatteint des valeurs strictement négatifs.

Le K-schéma en groupes Gm,K agit à traversλ sur le K-module libre de rang finiΓ(X,L). Cette action est définie par un homomorphisme de K-modules

λ]:Γ(X,L) −→ K[t , t−1] ⊗K◦Γ(X,L). Si pour tout m ∈ Z on considère le sous-K-module deΓ(X,L),

on a

Γ(X,L) =M

m∈Z

Γ(X,L)m.

Pour tout m ∈ Z, le K-moduleΓ(X,L)mest sans torsion et de type fini car il est un facteur direct d’un K-module libre de rang fini. D’après [BGR84, Chapter 1, 1.6, Proposition 2], le K-moduleΓ(X,L)m

est alors libre et de rang fini. En particulier, pour tout t ∈ Gm,Kon a λ b xuL(t ) := uL(t ·x) = maxb m∈Z©|t|muL(x)bmª , où uL(x)bm:= max s∈Γ(X,L)m |s(x)|.b Si l’on pose am:= loguL(x)bmpour toutξ ∈ R on a :

v b

x(ξ) = max

m∈Z{mξ + am} .

Puisque uL(x) = 1 pour tout m ∈ Z on a ub L(x)bm≤ 1, i.e. am≤ 0. De plus, pour tout nombre entier m ≤ 0, cette inégalité est stricte car la fibre spéciale du sous-groupe à un paramètreλ destabilise la fibre spéciale du pointbx.

En conclusion pour tout nombre réelξ < 0 on a : – si m ≥ 1 alors am≤ 0 et mξ + am< 0 ;

– si m = 0 alors am< 0 ;

– si m ≤ −1 alors am< 0 et mξ + am< 0 si et seulement si ξ > −am/m. Comme amest strictement négatif, −am/m est aussi strictement négatif.

La fonction v b

xest donc strictement négative dans l’intervalle ¸

max

m<0{−am/m} , 0 ·

ce qui achève la démonstration.

On suppose de plus que l’anneau ksoit universellement japonais. SoitXun k-schéma projectif et plat muni de l’action d’un k-groupe réductifG. SoitLun faisceau inversible ample surXmuni d’une action équivariante deG. SoitXssl’ouvert des points semi-stables deXpar sous l’action deG

et π :Xss−→Y:= Proj à M d ≥0 Γ(X,L⊗d)G !

le morphisme quotient. Pour tout nombre entier D > 0 assez divisible, il existe un faisceau inversible ampleMDsurYet un isomorphisme de faisceaux inversibles surXss,

ϕDMD−→L|⊗DXss,

compatible à l’action deG. Soit u une norme géométrique continue sur le faisceau inversibleL. D’après Proposition 1.14 l’applicationπ[MD]uL⊗Dest une norme géométrique sur le faisceau inver-sibleMD.

On note en majuscules d’imprimerie la fibre générique des objets en caractère gothique (e.g., X :=

kk). Soit uL(resp. uMD) la norme géométrique induite parL(resp.MD) sur le faisceau inversible L (resp. MD). L’isomorphismeϕDinduit le diagramme cartésien suivant de k-schémas :

V(L|⊗D Xss) π[MD] // p  V(MD) q  Xss π //Y

Corollaire 2.21 (Compatibilité de norme géométrique des minima aux modèles entiers). Soit k un corps complet pour une valeur absolue discrète et tel que l’anneau des entiers ksoit universellement japonais. Alors, avec les notations introduites avant, on a :

π[MD]uL⊗D= uMD.

Démonstration. L’inégalitéπ[MD]uL⊗D≥ uMD suit par fonctorialité de la construction de la norme géométrique associée à un modèle entier. Il reste donc à prouver l’inégalitéπ[MD]uL⊗D ≤ uMD. Quitte à remplacerLetMDpar une puissance suffisamment grande, on peut supposer qu’il soient très amples. En particulier,MDest engendré par ses sections globales et pour tout t ∈ V(MD)anon a

uMD(t ) = max

s∈Γ(Y,MD)|s(t )|.

L’homomorphisme injectif homogène de degré 1 de k-algèbres graduées

B:=M

d ≥0

Γ(Y,M⊗dD ) −→AD=M

d ≥0

Γ(X,L⊗dD) identifieBavec la sous-k-algèbre graduée des invariants deAD,

AD:=M

d ≥0

Γ(X,L⊗dD)G. En particulier, pour tout t ∈ V(MD)anon a

uMD(t ) = max

s∈Γ(X,L⊗D)G|s(t )|. (2.6.3)

Soit t ∈ V(L|⊗D

Xss) un point uL-minimal sur l’orbite de Gan. Quitte à en prendre un multiple on va suppo-ser qu’il soit de norme 1, i.e., uL⊗D(t ) = 1. D’après le Théorème précédent 2.20 l’image x de t dans Xan est un point residuellement semi-stable. On suppose par l’absurde qu’on a

1 = uL⊗D(t ) > π[MD]uMD(t ).

En vertu (2.6.3), ceci revient à dire que pour toute section globaleG-invariante S deL⊗Don a

|s(t )| < 1.

PuisqueMDest engendré par ses sections globales, ceci entraîne que le point x n’est pas residuelle-ment semi-stable en contradiction avec l’hypothèse de uL⊗D-minimalité de x sur l’orbite de Gan.

Chapitre III

Théorie géométrique des invariants