8 Normes géométriques
Théorème 8.21. Soit E un k-espace vectoriel de dimension finie muni d’une norme géométrique non archimédienne p
8.4 Invariance par sous-groupes compacts
8.4.1. Définitions. — Soit k un corps complet pour une valeur absolue | · |. Soit X un k-espace analy-tique muni d’une l’action d’un k-groupe analyanaly-tique G. Soientσ,prX: G × X → X respectivment le mor-phisme de k-espaces analytiques définissant l’action de G et la projection sur X, et soit prG: G×X → G la projection sur G.
Définition 8.25. Soit F ⊂ |G| une partie et Y un ensemble. On dit qu’une fonction u : |X| → Y est
F-invariante (ou F-invariante sous l’action de F) si les applications composéesσ∗u, pr∗
Xu : |G × X| → Y coïncident sur pr−1 G (F), σ∗u¯ ¯ pr−1 G(F)= pr∗Xu¯ ¯ pr−1 G(F).
Si F = {g } est un singleton on dira que u est g -invariante au lieu de {g }-invariante.
Pour toute partie F ⊂ |G|, au niveau ensembliste la partie pr−1G (F) est la réunion disjointe des parties pr−1G (g ) avec g ∈ F. En particulier, une fonction u : |X| → Y est Finvariante si et seulement elle est g -invariante pour tout g ∈ F.
Définition 8.26. Soient Y un ensemble et u : |X| → Y une application. Le stabilisateur de u dans G est la partie
StabG(u) := {g ∈ G : u est g -invariante} ⊂ |G|.
Soient g ∈ G, K une extension de son corps résiduel complétébκ(g) et gKle K-point du K-espace analytique GKassocié. SiσgK: XK→ XKdésigne l’isomorphisme induit par l’action de gK, alors le point
g appartient à StabG(u) si et seulement si $∗
Ku = σ∗gK$∗ Ku,
où$K: XK→ X est le morphisme d’extension des scalaires.
Proposition 8.27. Soient X un k-espace analytique muni d’une l’action d’un k-groupe analytique G. Soient Y un ensemble et u : |X| → Y une application. Les propriétés suivantes sont satisfaites :
ii. compatibilité aux extension des scalaires : si K est une extension analytique de k, le K-groupe ana-lytique GKagit naturellement sur le K-espace analytique XKet on a
StabG,K($∗
X,Ku) = $−1G,KStabG(u)
où$G,K: GK→ G et $X,K: XK→ X sont les morphismes d’extension des scalaires.
Définition 8.28. Soit E un k-espace vectoriel de dimension finie muni d’une norme géométrique p. Si la valeur absolue de k est archimédienne (resp. non archimédienne) on suppose que la norme géo-métrique p soit hermitienne (resp. non archimédienne).
Le k-groupe analytique GL(E) agit naturellement sur E. Le sous-groupe StabGL(E)(p) de |GL(E)| est appelé le sous-groupe unitaire par rapport à p et noté U(p).
Proposition 8.29. Soit E un k-espace vectoriel de dimension finie muni d’une norme géométrique
p. Si la valeur absolue de k est archimédienne (resp. non archimédienne) on suppose que la norme
géométrique p soit hermitienne (resp. non archimédienne). Alors, les propriétés suivantes sont satis-faites :
i. compatibilité aux extensions des scalaires : si K est une extension analytique de k et pKla norme géométrique sur le K-espace vectoriel E:= E ⊗kK déduite par extension des scalaires, on a
U(pK) = $−1K U(p),
où$K: GL(E)K→ GL(E) est le morphisme d’extension des scalaires ;
ii. si la valeur absolue de k est non archimédienne et la norme géométrique p provient d’un
sous-k◦-moduleE⊂ E tel queE⊗k◦k = E, alors le groupe unitaire U(p) est le k-groupe affinoïde associé
au k◦-schéma en groupes GL(E) ;
iii. le sous-groupe unitaire U(p) ⊂ |GL(E)| est compact.
Démonstration. Le point (i) est un cas particulier de la compatibilité aux extension des scalaires du
stabilisateur (Proposition 8.27).
Pour (ii), soient g un point de GL(E), K =bκ(x) son corps résiduel complété et gK: E ⊗kK → E ⊗kK l’isomorphisme de K-espaces vectoriels associé. Le K◦-moduleEk◦⊗K◦s’identifie au sous-K◦-module de E ⊗kK formé par les éléments t tels que
|t (x)| ≤ 1 pour tout x ∈ V(E ⊗kK) tel que pK(x) ≤ 1
(où pKest la norme géométrique sur E ⊗kK déduite par extension des scalaires). Le point g appartient alors au sous-groupe unitaire U(p) si et seulement si l’isomorphisme gK se restreint à un isomor-phismeE⊗k◦K◦→E⊗k◦K◦, c’est-à-dire, il définit un K◦-point du k◦-schéma GL(E).
Pour (iii), si la valeur absolue de k est archimédienne, le résultat est connu par k = C et dans le cas
k = R se déduit du cas complexe par proprété topologique du morphisme d’extension des scalaires.
Si la valeur absolue est non archimédienne, en vertu du Théorème 8.21, il existe une extension ana-lytique K de k telle que la norme géométrique pKsur EK:= E ⊗kK provient d’un sous-K◦-module libre
E⊂ E qui engendre EK. Le sous-groupe unitaire U(pK) coïncide alors avec le sous-groupe affinoïde de GL(E) déduit du K◦-schéma en groupes GL(E). En particulier U(pK) est compact et par proprété topologique du morphisme d’extension des scalaires$K: GL(E)K→ GL(E), le sous-groupe U(p) est aussi compact.
8.4.2. Cas archimédien. — Soit k un corps complet pour une valeur absolue archimédienne. On rap-pelle tout d’abord que si G est un groupe topologique compact, il existe une unique mesure sur G, dite mesure de Haar et notéeµG, invariante par multiplication à gauche (et donc à droite) et de masse totale 1.
Proposition 8.30. Soient E un k-espace vectoriel de dimension finie muni d’une action linéaire d’un
k-groupe analytique G. Alors pour tout sous-groupe compact H ⊂ |G|, il existe une norme géométrique
hermitienne H-invariante sur E.
Démonstration. On suppose d’abord k = C. Dans ce cas les points de l’espace topologique sous-jacent
au C-espace analytique G coïncident avec les C-points de G. En particulier, |G| est un groupe topolo-gique localement compact et le sous-groupe H est un groupe topolotopolo-gique compact. Pour toute norme géométrique hermitienne p sur E, la fonction
Z
H
p dµH: x 7→ Z
Hp(g · x) dµH(g ) est une norme hermitienne H-invariante.
Si k = R, soient GCle C-groupe analytique qui se déduit par extension des scalaire et$ : GC→ G le morphisme d’extension des scalaires. L’image inverse HC:= $−1(H) de H dans GCest un sous-groupe compact du groupe topologique |GC|. Soit p une norme géométrique hermitienne sur E et pCla norme géométrique hermitienne sur EC:= E ⊗RC qui se déduit par extension de scalaires. La fonction
Z HC pCdµHC: x 7→ Z HC pC(g · x) dµHC(g )
est une norme hermitienne HC-invariante sur E. De plus, puisque HCest stable sous l’action de Gal(C/R), pour tout x ∈ V(E)Con a
Z HC pC(g · x) dµHC(g ) = Z HC pC(g · x) dµHC(g ) = Z HC pC(g · x) dµHC(g ) = Z HC pC(g · x) dµHC(g ). Autrement dit, la norme géométrique hermitienneR
HCpCdµHCest invariante sous l’action de Galois et elle descend donc en une norme géométrique hermitienne sur E.
Corollaire 8.31. Soit E un k-espace vectoriel de dimension finie. Alors,
i. maximalité : les sous-groupes unitaires par rapport à une norme géométrique hermitienne sur E sont maximales (par rapport à l’inclusion) parmis le sous-groupes compactes de |GL(E)| ; ii. conjugaison : si p, q sont des normes géométriques hermitiennes sur E, il existe un k-point g de
GL(E) tel que
U(q) = g U(p)g−1.
8.4.3. Cas non archimédien. — Soit k un corps complet pour une valeur absolue non archimédienne. Proposition 8.32. Soient E un k-espace vectoriel de dimension finie muni d’une action linéaire d’un
k-groupe analytique G. Alors pour tout sous-groupe compact H ⊂ |G|, il existe une norme géométrique
non archimédienne H-invariante sur E.
Démonstration. Soientσ : G×V(E) → V(E) le morphisme de k-espaces analytiques définissant l’action de G sur E et prG: G × V(E) → G la projection sur G. Puisque l’application continue canonique
est propre au sens topologique, la restriction deσ à pr−1 G H, σH: |pr−1G H| −→ |V(E)|
est une application continue et propre au sens topologique entre espaces topologiques localement compacts. Soient p une norme géométrique non archimédienne sur E et prE: G × V(E) → V(E) la pro-jection sur V(E). Pour tout x ∈ V(E) on pose
pH(x) := σH↑pr∗Xp(x) = sup©p(prX(y)) : y ∈ pr−1
G H,σ(y) = xª.
Par compacité de H et continuité de p, la fonction pHque l’on obtient est à valeurs réels. On va mon-trer que pHest une norme géométrique non archimédienne continue.
On remarque tout d’abord que pour tout x il existe une extension analytique K de son corps rési-duel complétébκ(x) et un K-point h du K-espace analytique GKappartenant à HKtel que
pH(x) = pK(h · x)
(où pKest la norme géométrique déduite par extension des scalaires). Puisque l’action de G sur E est linéaire, ceci entraîne que la fonction pHest une norme géométrique non archimédienne. Il reste à démontrer la continuité, ce qui achevé dans le Lemme qui suit la preuve (à appliquer avec X = pr−1G H, Y = |V(E)| et u = pr∗Xp, en rappelant qu’une application continue et propre au sens topologique entre
espaces localement compacts est fermée).
Lemme 8.33. Soient X, Y des espaces topologiques, f : X → Y une application continue surjective fer-mée et u : X → R une fonction semi-continue supérieurement (resp. continue). Alors, la fonction
f↑u : Y // R
y // sup f (x)=y
u(x)
est semi-continue supérieurement (resp. continue).
Démonstration. Il s’agit de montrer que pour tout nombre réelα ∈ R, la partie Fα:= {y ∈ Y : f↑u(y) ≥ α}
est fermée. D’autre part Fαest l’image de la partie
Eα:= {x ∈ X : u(x) ≥ α}.
Par semi-continuité supérieure deα, la partie Eαest fermée et donc son image f (Eα) = Fαest fermée. On suppose désormais que la fonction u soit continue. On considère la partie des points maximaux sur les fibres de f ,
Xmax:= {x ∈ X : f∗f↑u(x) = u(x)}.
Un point x ∈ X appartient à Xmaxsi et seulement si
f∗f↑u(x) − u(x) ≥ 0.
Comme la fonction f∗f↑u est semi-continue supérieurement et la fonction u est continue, la fonction f∗f↑u − u est semi-continue supérieurement. En particulier, la partie des points maximaux Xmaxest
fermée dans X. La restriction de f à Xmax, f : Xmax→ Y, est alors fermée et, par définition de point maximal, on a le diagramme commutatif d’espaces topologiques
X f //Y f↑u Xmax? OO u //R
Pour toute partie Y de R, l’image réciproque de Y par f↑u est alors fermée si et seulement si l’image
réciproque de Y par u est fermée. La fonction f↑u est donc continue.
Corollaire 8.34. Soit E un k-espace vectoriel de dimension finie. Alors,
i. maximalité : les sous-groupes unitaires par rapport à une norme géométrique non archimédienne continue sur E sont maximales (par rapport à l’inclusion) parmis le sous-groupes compactes de | GL(E)| ;
ii. conjugaison : si p, q sont des normes géométriques hermitiennes sur E, il existe une extension analytique de K et un K-point g du K-groupe analytique GL(E)Ktel que
U(qK) = g U(pK)g−1.