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L’idéalisation de l’exercice du pouvoir constituant originaire

Paragraphe 3 La maîtrise de l’acte d’adoption de la constitution

283. L’acte d’adoption de la constitution constitue l’accomplissement de l’exercice du pouvoir constituant originaire. Il constitue à la fois l’acte final de la procédure constituante et la marque de l’intervention de l’acte constituant du souverain472 qui vient nier l’existence

de la procédure constituante, et il autorise la promulgation de la constitution et « signale sa validité et sa mise en vigueur473 ».

284. Cet acte d’adoption de la constitution ne prend pas nécessairement la forme d’une ratification, comme pourrait sembler le laisser entendre Olivier Beaud474. A définir la

ratification comme un acte confirmant un acte préalablement rédigé et adopté par un autre organe475, on infére qu’une « ratification constituante » implique nécessairement deux

organes, un premier qui rédige et adopte le projet de constitution et un second qui le ratifie. Or, il arrive dans les processus constituants que l’organe qui a rédigé la constitution soit aussi celui qui l’adopte, comme en Tunisie où la promulgation de la Constitution de 2014 a coïncidé avec son vote par l’Assemblée constituante.

285. Il sera procédé, comme dans le paragraphe 1, à une reconstruction des options qui s’offraient au comité El-Bichry en matière de mise en forme de l’acte d’adoption de la

membres de l’Assemblée du Peuple et du Conseil consultatif, peuvent demander l’adoption d’une nouvelle constitution. […] » ; article 189 bis : « Dans un délai de six mois après leur élection, les membres élus de l’Assemblée du Peuple et du Conseil consultatif se réunissent pour choisir une Assemblée constituante conformément aux dispositions de l’article 189 » (voir annexe 4).

472 Olivier Beaud qualifie l’acte d’adoption de la constitution de « sanction constituante », qu’il entend comme « le pouvoir du dernier mot du Souverain ». BEAUD, Olivier, La puissance de l’État,

op.cit., p. 276. Claude Klein et Andras Sajo emploient le terme de « certification ». KLEIN, Claude

et SAJÓ, András, « Constitution-Making: Process and Substance », op.cit., 435.

473Ibid., p. 436.

474BEAUD, Olivier, La puissance de l’État, op.cit., p. 276.

475Voir les différentes définitions de la ratification proposées par le doyen Cornu. CORNU, Gérard.

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constitution s’agissant de la participation du corps électoral. Cela permettra là aussi de souligner la volonté des juristes égyptiens d’attribuer un pouvoir fort au corps électoral. 286. La première option aurait été une forme d’adoption de la constitution ne convoquant pas le corps électoral, autrement dit « non démocratique ». L’organe d’adoption aurait pu être le CSFA, mais nous avons vu dans le paragraphe précédent que le comité El-Bichry souhaitait qu’il ait quitté le pouvoir avant le début du processus constituant. De plus, aucune constitution définitive contemporaine ne semble avoir été adoptée par un organe autre que le corps électoral ou ne procédant pas de son choix, ce qui correspond à l’ubiquité moderne de la thématique populaire comme justification du pouvoir des gouvernants. Si le pouvoir s’exerce au nom du peuple, il est difficilement justifiable de ne pas l’associer à l’adoption du texte présenté comme la source du pouvoir des gouvernants476.

287. La seconde option aurait été d’attribuer le pouvoir d’adopter la constitution à un organe procédant du choix du corps électoral. Cet organe aurait pu être la commission constituante choisie indirectement par le corps électoral à travers sa nomination par les parlementaires élus qui aurait donc eu, comme l’Assemblée constituante tunisienne, la compétence de rédiger et aussi d’adopter la constitution. L’organe d’adoption aurait aussi pu être distinct de la commission constituante, comme le président de la République, l’Assemblée du Peuple ou le Conseil consultatif, tous élus au suffrage universel direct, comme cela avait été le cas pour la Constitution érythréenne de 1997, adoptée par l’Assemblée législative élue après avoir été rédigée par une commission constituante qu’elle avait elle-même nommée477. Un des enjeux de l’adoption de la constitution par un

organe politique plutôt que par le corps électoral touchait à l’autonomie de la commission constituante dans la rédaction du projet de constitution, puisque le pouvoir d’adoption de l’autre organe aurait pu contraindre la commission à respecter la représentation qu’elle se faisait des souhaits en matière constitutionnelle de cet autre organe afin de s’assurer que le projet de constitution soit adopté.

288. La troisième option, celle choisie par le comité El-Bichry, consistait à impliquer

476L’association du peuple à l’adoption de la constitution paraît même valoir pour les régimes dits « non-démocratiques ». La Constitution de la République islamique d’Iran de 1979, régime communément qualifié de théocratique, fut par exemple adoptée par référendum.

477 SELASSIE, Bereket Habte, « Constitution Making in Eritrea. A Process-Driven Approach »,

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directement le corps électoral. L’acte d’adoption de la constitution prit donc la forme d’une ratification par référendum : une « procédure par laquelle les citoyens sont invités à se prononcer chacun individuellement sur le projet de constitution, en fonction d’un code préétabli478 ». La majorité du corps électoral, le « peuple majoritaire479 », devait approuver

le projet de constitution de la commission constituante pour que le texte adopté devienne la nouvelle constitution définitive. C’est ainsi que furent adoptées les deux dernières constitutions françaises et la plupart des constitutions adoptées après la chute du mur de Berlin480.

289. L’importance de l’intervention du corps électoral dans l’adoption de la constitution se manifesta aussi par l’imposition d’un délai de 15 jours pour convoquer le référendum après l’adoption du projet de constitution par la commission constituante481. Le délai avait

ici essentiellement pour fonction de marquer le caractère obligatoire du vote. Il fallait en effet éviter que l’autorité de convocation ne maintienne indéfiniment en vigueur la constitution provisoire, au cas où cette dernière lui aurait convenu davantage que le projet de constitution rédigé par la commission constituante. Le Dr Mohamed Hassanein Abdel Al avance ainsi que : « Le délai de 15 jours visait à ce qu’on ne laisse pas le projet de constitution dans le tiroir. Il devait être soumis rapidement à référendum, sinon il risquait d’être oublié482 ».

290. La volonté d’accorder une place centrale au corps électoral dans l’exercice du pouvoir constituant originaire ne fut pas la seule motivation du comité El-Bichry dans la rédaction des règles pré-constituantes. L’autre idée principale était la nécessité de la brièveté du processus constituant.

478HAMON, Francis, Le référendum : étude comparative, 2e éd. Paris, LGDJ, p. 17. 479BEAUD, Olivier, La puissance de l’État, op.cit., p. 296.

480 ARATO, Andrew, « Redeeming the Still Redeemable : Post Sovereign Constitution Making »,

op.cit. Par exemple : la Constitution polonaise de 1997, la Constitution albanaise de 1998, la

Constitution irakienne de 2005.

481Amendements à la Constitution de 1971 soumis à référendum le 19 mars 2011, article 189 alinéa 3 : « Le projet de nouvelle constitution sera soumis au peuple pour référendum par le président de la République dans les quinze jours suivant sa préparation. » (voir annexe 4). Ce délai sera repris dans l’article 60 de la Proclamation constitutionnelle du 30 mars 2011 : « […] Le projet de nouvelle constitution sera soumis au peuple pour référendum dans les quinze jours suivant son adoption. […] » (voir annexe 5).

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