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25. Notre démonstration s’exprimera à travers une étude de cas, c’est-à-dire par le regard porté sur l’élaboration d’une constitution particulière. Un tel choix, plutôt qu’un travail centré sur plusieurs processus constituants, découle principalement de notre engagement méthodologique. La volonté d’articuler l’exercice du pouvoir constituant originaire ainsi que sa régulation au reste du système juridique, implique de retranscrire celui-ci de façon très fine. Cet impératif vaut aussi pour le contexte socio-politique, dès lors que si nous reconnaissons l’autonomie d’un ordre juridique en tant que système de

73 La structure organique est ici définie comme « la combinaison des procédés juridiques, caractérisant la répartition des compétences entre les organes du système et les rapports institués entre les organes qui en sont investis ». ALBERTINI, Pierre, Le droit de dissolution et les systèmes

constitutionnels français, Mont Saint Aignan, Presse universitaires de Rouen et du Havre, 1978, p.

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74 Les processus constituants tendent désormais à se dérouler dans le cadre d’une organisation des pouvoirs publics « normale » c’est-à-dire comprenant des organes exécutif et législatif dont les compétences s’équilibrent ainsi qu’une Cour suprême (Pologne 1992-1997, Russie 1991-1993, Afrique du Sud 1993-1997, Venezuela 1999…) ou au moins une de ces composantes. L’Assemblée constituante tunisienne de 2011, par exemple, dominait les autres organes politiques mais coexistait avec une Cour constitutionnelle. Pour une collection de monographies de processus constituants voir MILLER, Laurel E. et AUCOIN, Louis, Framing the State in Times of Transition : Case Studies

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production de normes, c’est-à-dire son caractère auto poïétique75, cela ne veut pas dire que

ce système soit déconnecté de l’extérieur. Le système juridique est « ouvert à l’environnement auquel il est en contact76 » et notamment à la configuration socio-politique

du pays dans lequel il existe et à laquelle il s’adapte77. Si l’ampleur du travail de mise en

perspective juridique et socio-politique aurait rendu difficile une focale sur plusieurs processus constituants, on procédera à des comparaisons lorsqu’elles contribueront à préciser l’analyse du cas étudié, dans la qualification de ses différentes manifestations et dans l’évaluation de la portée des conclusions que nous formulerons à son sujet.

26. Le cas d’étude sera celui de l’Égypte après la Révolution du 25 janvier 2011 (thawrat 25 yanayir)78, un évènement qui marqua la chute du président Hosni Moubarak

qui était au pouvoir depuis plus de 30 ans. Le processus constituant étudié, dont nous retraçons la chronologie après cette introduction, sera celui qui mena à l’élaboration de la Constitution du 25 décembre 2012. Ce texte ne resta en vigueur qu’un peu plus de six mois, puisqu’il fut abrogé lors du coup d’État du 3 juillet 2013 qui destitua le président Frère musulman Mohamed Morsi79 élu le 30 juin 2012. Le caractère éphémère du produit de

l’exercice de ce pouvoir constituant originaire, la Constitution du 25 décembre 2012, ne doit pourtant pas disqualifier l’étude de l’élaboration de ce texte80 ; l’exercice du pouvoir

constituant originaire et le produit de son accomplissement constituent deux objets distincts. Notre démonstration ne porte en effet pas tant sur le droit égyptien que sur la proposition d’un outil, le pouvoir pré-constituant, permettant à la science du droit d’appréhender l’élaboration d’un nouveau texte constitutionnel. Peu importe alors que la

75LUHMANN, Niklas, « Le droit comme système social », Droit et société, 1989, n°11, pp. 53-67. 76ALBERTINI, Pierre. Le droit de dissolution et les systèmes constitutionnels français, op.cit., p. 25. 77 Comme l’avance notamment Michel Troper, « le système juridique n’est pas fermé, il traduit et convertit, en éléments juridiques tous les apports qui viennent de l’extérieur ». TROPER, Michel, « La constitution comme système juridique autonome. » op.cit., p. 73.

78 La mobilisation nationale de grande ampleur du 25 janvier, qui marqua le début de la séquence menant à la chute de Moubarak, avait été organisée par des groupes de jeunes militants politiques de divers horizons venant de la gauche et des milieux libéraux et islamistes. EL CHAZLI, Youssef et HASSABO, Chaymaa, « Socio-histoire d’un processus révolutionnaire. Analyse de la configuration contestataire égyptienne (2003-2011) », in Au coeur des révoltes arabes : Devenir révolutionnaires. Paris, Armand Colin, 2013, pp. 185-213.

79La Constitution du 25 décembre 2012 fut remplacée par la constitution du 19 janvier 2014, ratifiée par référendum à près de 98% des votants. Un comité de 10 juristes adopta un avant-projet de constitution, puis un comité de 50 « représentants de la société » adopta le projet soumis à référendum. Tous deux avaient été nommés par le président par intérim désigné suite au coup d’État, le président de la Haute Cour constitutionnelle Adly Mansour.

80 L’analyse de l’élaboration de la Constitution du 25 décembre 2012 peut même, comme nous le verrons, contribuer à comprendre la durée de vie éphémère de ce texte.

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Constitution du 25 décembre 2012 ait laissé une faible empreinte sur le système constitutionnel égyptien81, d’autant plus que l’élaboration de ce texte a constitué un

phénomène très riche en termes de régulation. Ce foisonnement fut tel que le chercheur américain Marc Lynch compara la transition égyptienne au « Calvin Ball » : un sport imaginé dans la bande-dessinée Calvin and Hobbes dont le principe est que chaque action s’opère dans le cadre de nouvelles règles82.

Bill WATTERSON, Foreign Policy. 2012

27. La richesse de la régulation de l’exercice du pouvoir constituant originaire, dont notre concept de pouvoir pré-constituant permet la désignation, peut autant s’expliquer d’un point de vue conjoncturel, interne à la période transitoire égyptienne, que d’un point de vue structurel, historique, tenant à la forte valorisation du droit comme ressource dans l’espace politique égyptien.

28. Si l’explication interne à la période constituante ressort du développement de ma thèse, elle peut être évoquée, à titre préliminaire, pour mettre en valeur l’intérêt du cette étude. L’abondance de l’activité normative autour de l’exercice du pouvoir constituant tient

81 Comme nous l’évoquerons dans cette thèse, la Constitution du 25 décembre 2012 contenait néanmoins des dispositions tout à fait intéressantes s’agissant de la place du champ religieux dans le droit constitutionnel.

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à la combinaison de la structure organique83 ou plutôt des structures organiques84 et de la

forte conflictualité politique qui caractérisa cette période transitoire. La structure organique fut tout d’abord marquée par la subordination de l’organe principal de la procédure constituante, la commission de rédaction du projet de constitution85 (jamʿiyya ta’sisiyya),

que l’on peut traduire littéralement par « assemblée constituante », même si nous préférerons recourir au terme « commission constituante » tout au long de nos développements86. Cet organe ne détenait pas de compétence dans le fonctionnement des

pouvoirs publics et n’eut pas ou ne se donna pas les moyens87, de s’opposer aux velléités

des autres organes d’intervenir dans ses travaux. Les autres composantes de la structure organique, ou plutôt des structures organiques de la période transitoire, se distinguèrent en revanche par la quantité d’organes qui occupèrent, pas nécessairement simultanément, un rôle important dans le fonctionnement des pouvoirs publics. On y trouve un gouvernement provisoire militaire (Conseil supérieur des forces armées)88, un président de la République

(Mohamed Morsi)89, une chambre législative (l’Assemblée du Peuple), une cour

constitutionnelle (la Haute Cour constitutionnelle)90 et une juridiction administrative (la

83Voir supra.

84Voici une chronologie des organes qui se succédèrent à la tête de l’État égyptien : un gouvernement provisoire militaire (11 février 2011-23 janvier 2012), un couple gouvernement provisoire militaire- Parlement (23 janvier 2012-16 juin 2012), à nouveau un gouvernement provisoire militaire seul (16 juin 2012-30 juin 2012), un couple gouvernement provisoire militaire-président de la République (30 juin 2012-12 août 2012) et enfin un président de la République seul (12 août 2012-25 décembre 2012). 85Il y eut en fait deux commissions constituantes. La première fut nommée le 24 mars 2012 et dissoute le 10 avril 2012 suite à une décision de la Cour du contentieux administratif. La seconde fut nommée le 12 juin 2012 et rédigea la Constitution du 25 décembre 2012.

86Leterme « commission » renvoie au fait qu’elle a été nommée par un autre organe et nous réservons la qualification « assemblée constituante » à des organes dominant l’organisation des pouvoirs publics d’une période transitoire. Voir infra.

87 Il est déjà arrivé que des organes uniquement dotés de compétence constituante s’auto-attribuent des compétences dans le fonctionnement des pouvoirs publics de la période transitoire. Lorsqu’ils s’attribuent le pouvoir législatif, Jon Elster les qualifie de « self-created legislating assemblies ». Donnons l’exemple de l’Assemblée constituante indienne de 1946 ou du Parlement de Francfort de 1848, qui dissolut l’Assemblée de la Confédération germanique et s’attribua ses pouvoirs. ELSTER, Jon, « Legislatures as Constituent Assemblies », op.cit., p.182.

88 Comme nous le verrons, le Conseil supérieur des forces armées était composé des plus hauts officiers militaires et était à l’origine seulement compétent pour traiter des problèmes internes au fonctionnement des forces armées. Il intervint dans le mouvement révolutionnaire le 11 février 2011 en se positionnant du côté des manifestants contre Moubarak.

89 Mohamed Morsi était le candidat des Frères musulmans à l’élection présidentielle post- révolutionnaire. Il en remporta le second tour disputé les 16 et 17 juin 2012 contre le général Ahmed Shafik qui avait été le dernier premier ministre de l’ère Moubarak. Mohamed Morsi fut ensuite déposé lors du coup d’État du 3 juillet 2013 et emprisonné.

90 La Haute Cour constitutionnelle a été instituée par la loi n° 48 de 1979. Comme nous le verrons, sa saisine ordinaire s’opère par voie d’exception par le biais d’une question préjudicielle des juridictions inférieures ou direcement par l’une des parties devant le juge du fond.

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Cour du contentieux administratif)91. La forte conflictualité politique autour de

l’élaboration de la constitution, principalement entre islamistes et non-islamistes92, incita

tous ces organes à intervenir en usant de leurs compétences normatives en fonction des motivations qui leur furent propres, c’est-à-dire par volonté de conciliation, discipline partisane, intérêt personnel, ou tout simplement pour s’octroyer un rôle d’arbitre à même de renforcer leur position institutionnelle. Par ailleurs, ce nombre élevé d’organes concurrents engendra un effet d’émulation qui exacerba encore davantage l’activité pré- constituante, dans la mesure où ces organes adoptèrent de nouvelles règles d’élaboration de la constitution en réaction à celles adoptées par les autres, ou par anticipation de celles qu’ils auraient éventuellement pu adopter.

29. Cette importance de l’activité normative autour de l’élaboration de la constitution postrévolutionnaire trouvait aussi sa source dans la structure politique égyptienne et dans le fait que la forme juridique s’y était imposée comme une grammaire du pouvoir et de sa contestation à l’époque du régime de Moubarak entre 1981 et 2011. Cette prégnance du droit dans le champ politique permet ainsi de comprendre que les organes politiques de la période transitoire aient entendu manœuvrer dans la conflictualité du processus constituant postrévolutionnaire en recourant à la forme juridique, tout comme le poids qu’eurent les organes juridictionnels dans l’élaboration de la constitution93.

30. Cette dynamique de forte juridicisation du politique fut initiée par le pouvoir dans les années 80, catalysée à l’époque par la pression internationale de la conditionnalité démocratique de l’aide au développement et de l’accès au marché mondial94. En plus de

91En Égypte, le terme « Conseil d’État » désigne l’ensemble des juridictions administratives La Cour du contentieux administratif, créée en 1946, est la juridiction de droit commun et de premier degré. 92 Comme évoqué dans les développements, cet antagonisme entre islamistes et non-islamistes ne reposa pas que sur des bases idéologiques. Leur conflit constitua surtout le fruit de l’écrasante victoire des islamistes aux élections législatives de 2012 qui les mit en mesure d’exercer le pouvoir sans le concours des autres forces sociales et politiques.

93 Par contraste, Bastien François souligne que l’élaboration de la Constitution française de 1958 se caractérisa par la faible valeur du droit comme ressource argumentative dans la conflictualité politique entourant son déroulé.FRANÇOIS, Bastien, Naissance d’une constitution-La cinquième République,

1958-1962, p. 56.

94 KIENLE, Eberhard, A Grand Delusion : Democracy and Economic Reform in Egypt, Londres, I.B.Tauris, 2001.

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faire figure d’instrument d’affirmation de l’autorité du régime95 et de « mode d’emploi96 »

de son fonctionnement pour les différentes factions le composant, le droit constitutionnel devint ainsi pour le pouvoir une ressource économique et un mode de légitimation sur la scène internationale. Cet ajustement à l’environnement international entraîna une série de réformes institutionnelles supposées faire correspondre l’État égyptien au modèle de l’« État de droit ». Les réformes impliquèrent notamment le renforcement du pouvoir des organes juridictionnels, qui étaient censés rassurer les investisseurs face aux éventuels revirements du pouvoir politique et à la corruption97. Cet aggiornamento démocratique du

régime prit toutefois dans sa globalité des airs de tromperie, en ce que ces réformes s’accompagnèrent d’ajustements normatifs sophistiqués, destinés à préserver le fonctionnement autoritaire du régime et la mainmise des élites dirigeantes98.

31. Cette juridicisation de la technologie politique du régime de Moubarak se répercuta sur les pratiques de l’opposition dans toutes ses composantes, libérales socialistes et islamistes, qui elle aussi se juridicisa par mimétisme contestataire99. S’emparant des

références à l’État de droit et à la démocratie mises en avant par le pouvoir, les opposants y articulèrent leur discours de contestation. Ils tentèrent de délégitimer le régime en pointant les incohérences entre son discours de démocratisation et son fonctionnement réel, et le constitutionnalisme devint le maître-étalon à l’aune duquel étaient critiquées les pratiques autoritaires du pouvoir100. Ces références servirent aussi de matrice à la

95 BROWN, Nathan, Constitutions in a Nonconstitutionnal World, New York, State University of New York Press, 2002.

96GINSBURG, Tom et SIMPSER, Alberto, « Introduction: Constitutions in Authoritarian Regime ». in GINSBURG, Tom et SIMPSER, Alberto (éd.), Constitutions in Authoritarian Regimes, Cambridge, Cambridge University Press, 2013, p. 5.

97 MOUSTAFA, Tamir, The Struggle for Constitutional Power: Law, Politics, and Economic

Development in Egypt, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.

98 La révision de la Constitution de 1971 en 2007 fut en cela symptomatique. La modification de la constitution rééquilibrait la distribution des compétences entre les organes politiques en faveur du Parlement, tout en comportant des règles électorales favorisant le parti National démocratique du président Moubarak au détriment de l’opposition politique. BERNARD-MAUGIRON, Nathalie, « « Moderniser la Constitution » ou renforcer l’autoritarisme de l’État ? Les amendements constitutionnels de 2007 », in Hadjar Aouardji et Hélène Legeay (ed.), Chroniques égyptiennes 2007, Le Caire, CEDEJ, 2008, pp. 1-24.

99 Mona El-Ghobashy affirme ainsi qu’il n’est « pas surprenant que le droit soit devenu le principal idiome de la conflictualité pendant la période post-révolutionnaire, vu comment il était largement ancré dans les structures et pratiques autoritaires de l’État ». EL-GHOBASHY, Mona. « Constitutionalist Contention in Contemporary Egypt », American Behavioral Scientist, 2008, vol. 51, n° 11, p. 1606.

100 Les dispositions libérales de la Constitution de 1971 étaient considérées dans le champ politique comme une « blague qui était devenue sérieuse ». EL-GHOBASHY, Mona, « Unsetting the Authorities: Constitutional Reform in Egypt », MERIP, 2003, n° 226, p. 31.

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formulation de programmes politiques, dans lesquels le droit constituait le site privilégié du changement, et où la révision constitutionnelle, voire l’adoption d’une nouvelle constitution, faisait figure de composante principale101. L’opposition vit, en parallèle, dans

les organes juridictionnels dont le pouvoir avait été renforcé102, un canal pour

institutionnaliser leurs revendications et négocier avec la volonté du régime. Cela permit aux juges d’accroitre encore davantage leur autonomie vis-à-vis du pouvoir politique103.

32. Notre étude du processus constituant égyptien entre la chute de Moubarak le 11 février 2011 et l’adoption de la Constitution du 25 décembre 2012 représentera, en outre, un éclairage historique de première main. Ce travail est alimenté par une collection et une analyse de ses documents en langue arabe104, une observation de sa recension par la presse

nationale105, et surtout une résidence au Caire pendant la période106, qui nous a permis

d’observer les lieux physiques d’élaboration de la constitution107 et de la conflictualité

politique108, ainsi que de recueillir les témoignages d’acteurs de premier ordre109.

33. Ce travail s’adresse donc aussi à un public intéressé par la trajectoire du pays et celle du « Printemps arabe » puisqu’il apporte des éléments pour comprendre un

101 Les acteurs de l’opposition, des islamistes à la gauche, se coalisèrent à plusieurs reprises pour demander un changement constitutionnel. La première fois, ce fut en 1991, lorsqu’ils publièrent et cosignèrent un projet de nouvelle constitution, rédigé par une équipe de 18 juristes renommés. Un an avant la Révolution du 25 janvier 2011, ils diffusèrent également sous l’emblème de l’Association nationale pour le Changement, une pétition exigeant une révision de plusieurs articles de la Constitution de 1971.

102Voir supra.

103 EL-GHOBASHY, M. « Constitutionalist Contention in Contemporary Egypt », op.cit., p.1606; MOUSTAFA, Tamir. The Struggle for Constitutional Power: Law, Politics, and Economic

Development in Egypt, op.cit.

104Il n’existe pas de base de données juridique en ligne et librement accessible au public en Égypte. Il a fallu par exemple se rendre au Conseil d’État pour obtenir les décisions des juridictions administratives.

105 Nous avons principalement travaillé à partir du site du quotidien privé Al-Yum al-Sabiʿ. Les articles y sont nombreux, très factuels et tendent à reprendre verbatim les déclarations des acteurs. 106Séjour au Caire de septembre 2011 à juillet 2014.

107 Nous avons assisté à plusieurs séances de la commission constituante qui rédigea la Constitution du 25 décembre 2012.

108Nous avons, par exemple, assisté à plusieurs manifestations d’opposition au processus constituant sur la place Tahrir et à plusieurs meetings de la campagne du référendum constituant. Cette campagne a aussi été suivie sur le terrain avec les militants des principaux partis et mouvements politiques dans la ville de Tanta entre 12 et le 15 décembre 2012.

109 32 entretiens avec des acteurs des acteurs du processus constituant de tout horizons ont été menés. Cette série inclut un entretien avec Mohamed Hassanein Abdel Al, un membre du comité de juristes qui rédigea une partie de la Constitution provisoire, Mohamed Fouad Gadallah, le conseiller juridique du président Morsi et Hossam Al-Gheriany, le président de la commission constituante qui rédigea la Constitution du 25 décembre 2012.

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phénomène indissociable de l’échec de la séquence de changement politique initiée par la chute de Moubarak110. Le conflit autour de la question constituante, qui constitua l’enjeu

politique principal de la période postrévolutionnaire111, entre les différents acteurs ayant

soutenu la Révolution du 25 janvier 2011, permet en effet de comprendre comment l’armée, en se positionnant en arbitre, a d’abord pu se saisir du pouvoir lors du coup d’État du 3 juillet 2013, puis réorienter le régime vers un fonctionnement autoritaire encore plus prononcé qu’à l’époque de Moubarak112.

34. Le plan de thèse s’attachera à refléter la valeur heuristique du concept de pouvoir pré-constituant que nous proposons. Il s’agira d’expliquer comment il contribue à la connaissance de l’exercice du pouvoir constituant originaire, c’est-à-dire à la compréhension du phénomène d’élaboration d’une nouvelle constitution. La première partie montrera que ce pouvoir pré-constituant permet de penser la dépendance par rapport à l’ensemble du système juridique existant pendant la période transitoire de la production des règles d’exercice du pouvoir constituant originaire (Partie 1). La seconde partie illustrera la façon dont il permet de concevoir l’exercice du pouvoir constituant originaire comme un objet normatif auquel est articulé un ensemble de règles dotées d’une autonomie relative vis-à-vis des normes non pré-constituantes du système juridique (Partie 2). La troisième partie montrera que le pouvoir pré-constituant permet d’identifier des contraintes susceptibles de s’exercer sur les organes exerçant le pouvoir constituant originaire qui, en l’espèce, conduisirent à la précipitation de la procédure constituante afin d’empêcher la contestation de sa légalité (Partie 3).

110Voir BLOUET, Alexis, « La constitution, mère des batailles ? » Vacarme, 2016, n° 74, pp. 36-41. 111 Dominique Rousseau explique l’importance du phénomène d’élaboration d’une nouvelle constitution dans un champ politique par le fait que « la fonction attendue du texte constitutionnel est d’exprimer une idée du droit, c’est-à-dire une représentation de l’ordre social idéal ». ROUSSEAU, Dominique. « La construction constitutionnelle de l’identité des sociétés plurielles », Confluences

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