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L’idéalisation de l’exercice du pouvoir constituant originaire

Paragraphe 2 L’élection des organes susceptibles de contraindre l’organe de rédaction de la constitution

278. Une décision du comité El-Bichry sera ici étudiée, celle d’écarter l’option de la nomination de l’organe de rédaction de la constitution par le gouvernement de fait, le Conseil supérieur des forces armées. Comme évoqué plus haut, cette question possède un intérêt particulier dans le cas égyptien. La nomination de l’organe de rédaction de la constitution par le CSFA après consultation des acteurs politiques était prônée par les non- islamistes dans le camp du « non » au référendum du 19 mars 2011 puis, par la suite, dans la campagne « La constitution en premier » qui mena au document El-Selmi. Les non- islamistes affirmèrent plus tard que si le processus constituant avait été corrompu et que la Constitution du 25 décembre 2012 n’était pas légitime, c’était dû au fait que la constitution n’avait pas été rédigée avant la tenue des élections et que le rapport de forces engendré par les résultats électoraux avait brisé l’unité révolutionnaire.

279. En réalité, si le choix par le comité El-Bichry d’une commission constituante nommée par le Parlement élu avait pour fonction de permettre le contrôle de l’exercice du pouvoir constituant originaire par le corps électoral par le biais de sa participation à la nomination de l’organe auteur de la constitution, cette décision servait aussi à assurer un autre type de contrôle de la part du corps électoral sur la rédaction de la constitution, celui qu’il pourrait exercer en choisissant les éventuels organes politiques entourant l’organe constituant dans la structure institutionnelle de la période transitoire : « Nous ne voulions pas d’un processus constituant qui se fasse sous l’autorité des militaires, mais sous celle d’organes élus. Il fallait que la commission constituante existe dans un univers démocratique pour ne pas qu’elle soit sous la contrainte d’un organe non choisi par le

159 peuple468 ».

280. La question de la nomination de l’organe de rédaction de la constitution par le CSFA engageait en effet la définition de l’organisation des pouvoirs publics au moment de l’exercice du pouvoir constituant originaire. Dans un tel cas de figure, la rédaction de la constitution se serait en effet déroulée, pour le moins en partie, avant qu’il ait été procédé à l’élection des organes destinés à remplacer les militaires au pouvoir, par le biais des élections législatives et présidentielles469. La commission constituante aurait donc dû

coexister avec un pouvoir au moins en partie militaire. Or, cette présence aurait pu induire une influence de l’armée sur le travail de cet organe. D’une part, le CSFA aurait pu la contraindre en adoptant ou menaçant d’adopter de nouvelles règles pré-constituantes restreignant sa liberté de travail470. Cette influence aurait pu aussi s’exercer de façon

passive, les constituants se sentant incités à accommoder les intérêts de l’armée de façon préventive. Le choix du comité El-Bichry éclaire en creux la position de subordination d’un organe auteur de la constitution, doté de cette seule compétence. Son absence de prérogatives dans le fonctionnement des pouvoirs publics de la période transitoire ne lui donnera pas les moyens de s’opposer, dans l’immédiat, aux velléités des autres organes de lui prescrire son travail.

281. Cette volonté du comité El-Bichry d’intégrer le corps électoral dans l’exercice du pouvoir constituant originaire à travers l’élection des organes de gouvernement susceptibles de contraindre l’organe auteur de la constitution, s’est manifestée dans un autre de ses énoncés. Le pouvoir de nomination de la commission constituante par les chambres, ainsi que la compétence du président de la République dans le déclenchement de la procédure constituante471, signifiait que ces organes seraient présents dès le début de

468Entretien avec le Dr Mohamed Hassanein Abdel Al, le 7 avril 2014.

469Dès son arrivée au pouvoir, le CSFA s’était engagé à quitter le pouvoir après la tenue d’élections présidentielles et législatives. Point 2 de la Déclaration constitutionnelle du 13 février 2011 : « Le Conseil supérieur des forces armées administre temporairement les affaires du pays pendant une période de six mois ou jusqu'à l’élection d’une Assemblée du peuple, d’un Conseil consultatif et la tenue d’élections présidentielles » (voir annexe 3).

470 Ce fut effectivement le cas avec l’acte constitutionnel complétif du 17 juin 2012 du CSFA. Son article 60 B avait pour fonction d’attribuer aux militaires la compétence de dissoudre la commission constituante du 12 juin 2012 : « Si un obstacle empêche l'Assemblée constituante de terminer ses travaux, le Conseil supérieur des forces armées forme, dans la semaine, une nouvelle Assemblée constituante, représentative de toutes les composantes de la société, pour rédiger une nouvelle constitution dans un délai de trois mois à partir de sa formation. […] » (voir annexe 8).

471Rappel : amendement à la Constitution de 1971 soumis à référendum le 19 mars 2011, article 189 : «Le président de la République, avec l’accord du conseil des ministres, ainsi que la moitié des

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la procédure constituante. Or, une telle présence impliquait qu’il devait avoir été procédé aux élections présidentielles et législatives et que le CSFA, qui exerçait les compétences de ces organes provisoirement, devait avoir quitté le pouvoir.

282. Pour le comité El-Bichry, le corps électoral ne devait pas être associé à la seule rédaction de la constitution mais également à son adoption.

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