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Le contexte de recueil des données

2.3. La description du dispositif de formation DF1

Le dispositif de formation DF1 correspond à la transformation des activités d’apprentissage informel réalisées par les deux enseignantes lors de l’année scolaire 2015-2016.

DF1 s’est appuyé sur une démarche de recherche dite « transformative » (Bertone & Chaliès, 2015) qui a consisté à modifier le contexte de travail des acteurs ainsi que leur activité afin de mieux l’étudier. Par rapport à des activités d’apprentissage informel de type collaboratif avec récit des expériences de classe12, et sur la base des postulats théoriques énoncés antérieurement, DF1 a apporté les quatre changements suivants : a) captation audio-vidéo de la pratique spécifique du pair formateur suivi d’un entretien d’autoconfrontation, b) enseignement ostensif de la pratique du pair formateur au pair formé sur la base de la captation, c) mise en œuvre 1 de la pratique spécifique par le pair formé suivi du contrôle du pair formateur et d) mise en œuvre 2 de la pratique spécifique par le pair formé à nouveau suivi du contrôle du pair formateur. Ces quatre changements correspondent aux quatre étapes du dispositif de formation DF1. C’est ce que représente la figure suivante.

12 L’activité d’apprentissage informel de type collaboratif avec récit de l’expérience consiste pour un enseignant à raconter une pratique spécifique qu’il utilise au sein de sa classe à un collègue (Little, 2007). Le collègue peut estimer l’idée intéressante et décider d’« expérimenter » cette pratique avec ses élèves (Meirink, Meijer, Verloop et al., 2009a). Ce type d’activité d’apprentissage informel par récit de l’expérience-expérimentation en classe rencontre cependant des écueils. En effet, a) le récit n’est pas doublé d’un visionnage de la pratique, b)

Figure 1 Les 4 étapes du dispositif de formation DF1.

2.3.1. Étape 1 : Établir la vision synoptique de la pratique spécifique du pair formateur

La pratique spécifique devant faire l’objet de la transmission entre les deux enseignantes s’intitulait « Bernie passeur de savoirs ». Le pair formateur a commencé par filmer elle-même cette pratique spécifique. Elle a vécu ensuite un entretien d’autoconfrontation (EAC) sur cette pratique spécifique avec le chercheur de sorte à énoncer les règles qui régissaient cette pratique.

L’approche par vision synoptique mobilisée lors de l’EAC a permis au pair formateur d’énoncer les règles qu’elle avait apprises lors de formations réflexives antérieures, mais également de formuler des règles non conscientes, mais dicibles. En énonçant cette somme de règles, le pair formateur a pu accéder à une vision plus claire des raisons de ses actions.

De son côté, à partir des données d’action (les traces vidéo) et à partir des données d’activité (le discours du pair formateur sur sa pratique), le chercheur s’est livré à l’élaboration de la vision synoptique de la pratique spécifique « Bernie passeur de savoirs »13.

C’est à partir de l’enregistrement audio-vidéo de sa pratique spécifique et à partir de la vision synoptique des règles de cette pratique que le pair formateur s’est livré à l’enseignement ostensif en direction du pair formé.

2.3.2. Étape 2 : Enseigner la pratique spécifique « Bernie passeur de savoirs »

L’enseignement ostensif de la pratique spécifique « Bernie passeur de savoirs » a eu lieu après la captation effectuée par le pair formateur. Cet entretien s’est déroulé chez le pair formé après la classe. À partir de la vidéo de sa propre pratique et au moyen de ses propres notes relatives à sa vision synoptique de sa pratique, le pair formateur a enseigné certaines des règles qui régissaient ses actions au pair formé. Pour chacune des actions visionnées et significatives pour l’une ou l’autre des deux enseignantes, la vidéo était arrêtée, la signification était attribuée et l’attente de résultat associée à l’action était énoncée.

L’extrait suivant montre un exemple de cet enseignement ostensif.

Extrait 1 (Enseignement ostensif PFR – PFÉ) Notes d’observation

La séance démarre. Les élèves sont dans la salle de classe, ils sont assis sur des bancs disposés en U. La maîtresse est assise en face de ses élèves et elle chante avec eux une chanson « Bernie, réveille-toi, Bernie, nous ne sommes pas tous là. Bernie, réveille-toi, Bernie, nous ne sommes pas tous là. Bernie, réveille-toi. »

13 Le détail de cette élaboration est retranscrit dans la section des résultats intitulée « La vision synoptique de la

Extrait de l’échange PFÉ (0’29’’) : c’est la chanson ? PFR : voilà.

PFÉ : nous on n’en a pas.

PFR : c’est une chanson qui nous permet…

PFÉ : donc il nous faut une chanson…

PFR : … ben déjà de marquer le temps, de ce moment-là de la journée, qui permet d’attirer l’attention de chacun sur l’activité dans laquelle on entre quoi. Voilà. En même temps, ça crée le suspense. Et puis l’objectif, c’est que ce soit eux petit à petit qui chantent cette chanson. Donc c’est vraiment quelque chose qui est ritualisé. Et c’est ce qui introduit l’arrivée de Bernie.

Au cours de cet extrait, le pair formateur enseigne au pair formé la règle [« (chanter la chanson de Bernie) » vaut pour « (chanter « Bernie, réveille-toi, Bernie, nous ne sommes pas tous là. Bernie, réveille-toi, Bernie, nous ne sommes pas tous là. Bernie, réveille-toi. ») » ce qui obtient pour résultats « de marquer le temps, de ce moment-là de la journée », « d’attirer l’attention de chacun sur l’activité dans laquelle on entre » et « ça crée le suspense »].

Lors de cet extrait, c’est le pair formé qui a arrêté la vidéo et qui a signifié l’action visionnée « c’est la chanson ? » En agissant ainsi, le pair formé a demandé au pair formateur de lui expliquer l’action visionnée. Le pair formateur a confirmé cette signification « voilà ».

Le pair formateur a dressé ainsi un lien de signification entre l’étiquette verbale « la chanson » et l’action visionnée. L’étayage de la signification correspond au contenu du chant, mais également au fait que ce chant soit effectué à chaque fois au début du moment de Bernie « c’est vraiment quelque chose qui est ritualisé ». Le pair formateur a également indiqué au pair formé l’attente de résultats qu’elle associait à cette action. Il s’agissait pour elle d’identifier ce moment spécifique par une chanson « de marquer le temps, de ce moment-là de la journée », de capter l’attention de ses élèves « d’attirer l’attention de chacun sur l’activité dans laquelle on entre » et de créer un moment d’attente « ça crée le suspense ».

Suite à l’enseignement ostensif des règles régissant la pratique spécifique « Bernie passeur de savoirs », le pair formé a pu se livrer à un premier emploi de cette pratique avec ses propres élèves. Cette première mise en œuvre a ensuite fait l’objet d’un contrôle par le pair formateur.

2.3.3. Étape 3 : Mettre en œuvre une première fois et contrôler ce premier emploi Le premier emploi a été l’occasion pour le pair formé de se livrer à ses premières tentatives de suivi des règles enseignées par le pair formateur en restant proche des circonstances d’enseignement. Le pair formé s’est livrée à ces suivis avec l’intention d’obtenir les résultats associés à des suivis corrects. À la manière du pair formateur, le pair formé a utilisé

une marionnette « Épic » et a également présenté les ateliers de la matinée aux élèves. Le pair formé a filmé cette première mise en œuvre.

Le contrôle de la mise en œuvre 1 entre le pair formé et le pair formateur s’est ensuite déroulé à partir de la captation effectuée par le pair formé. Ce premier contrôle a eu lieu chez le pair formé après la classe. Lors de cet échange, le pair formateur a pu valider les suivis corrects de règles en montrant au pair formé les résultats obtenus sur la vidéo. Ce contrôle a également été l’occasion pour le pair formateur d’invalider les premiers suivis incorrects. Ces invalidations ont pris la forme de dialogues de formation. Lors de ces dialogues, le pair formé a pu justifier ses actions et interroger le pair formateur sur ses incompréhensions. De son côté, en se livrant à une activité d’explication ostensive, le pair formateur a pu lever les mésinterprétations du pair formé en montrant ou en décrivant les expériences associées aux règles enseignées et suivies incorrectement. Ce contrôle a permis au pair formé de s’engager dans un second emploi de la pratique « Les activités d’Épic ».

2.3.4. Étape 4 : Mettre en œuvre une seconde fois et contrôler ce second emploi Lors du second emploi, le pair formé s’est éloignée des circonstances d’enseignement et a adapté la pratique spécifique du pair formateur à sa propre pratique. Cette seconde mise en œuvre a été l’occasion pour le pair formé d’interpréter les règles apprises lors des deux étapes précédentes. Cette interprétation a abouti à la réalisation d’actions innovantes par rapport à la pratique enseignée. Le pair formé a filmé elle-même cette seconde mise en œuvre.

Le contrôle de la mise en œuvre 2 entre le pair formé et le pair formateur a été réalisé à partir de l’enregistrement effectué par le pair formé. Ce second contrôle a également eu lieu chez le pair formé après la classe. Ce moment a permis au pair formateur de valider des suivis corrects de règles, de se livrer à une activité d’explication ostensive supplémentaire quant aux mésinterprétations des règles, mais aussi de découvrir une variante de sa propre pratique. De son côté le pair formé a pu justifier les actions jugées non conformes par le pair formateur, interroger cette dernière sur ses incompréhensions et montrer à sa collègue de nouveaux résultats associés à de nouveaux suivis de règles.

Lors de ce second contrôle, le rapport entre les deux enseignantes a été moins asymétrique permettant alors au pair formateur d’entrer dans un développement réflexif de sa propre pratique.

À partir des avancées technologiques issues du dispositif de formation DF1, le dispositif DF2 a été imaginé et mis en œuvre au sein d’un réseau d’éducation prioritaire. Ceci correspond à une diffusion de DF1 à une plus grande échelle14. C’est ce que décrit la section suivante.

14 Cette diffusion à plus grande échelle a été rendue possible par l’obtention des résultats relatifs à DF1 qui valident l’hypothèse auxiliaire incarnée. Ces avancées sont détaillées au sein de la section intitulée « Les résultats issus de

3. Présentation du second dispositif de formation support à l’étude

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