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Le développement du maillon intermédiaire « Obtenir l’attention des élèves »

« Bernie passeur de savoirs »

2. L’apprentissage au sein du dispositif de formation DF1 20

3.1. Le développement professionnel du pair formé au sein du dispositif de formation DF1

3.1.1. Le développement du maillon intermédiaire « Obtenir l’attention des élèves »

Le premier résultat relatif au développement professionnel du pair formé porte sur le maillon intermédiaire « Obtenir l'attention des élèves ». Lors de sa seconde mise en œuvre, le pair formé est confronté à des circonstances où les élèves « sortent » de la situation d'apprentissage « Les activités d'Épic ». L’enseignante décide alors de faire disparaître la marionnette afin d'obtenir à nouveau l'attention des élèves. Cette action du pair formé correspond à un suivi de règle sur la base d'une interprétation de la règle que lui avait enseigné le pair formateur.

En effet, lors de son EAC sur sa pratique spécifique « Bernie passeur de savoirs » le pair formateur avait expliqué au chercheur qu'elle intervient lorsque Bernie n'était plus écouté afin d'obtenir l'écoute.

Extrait 48 PFR – EAC – Pratique spécifique « Bernie passeur de savoirs » Notes d’observation

Un élève prend la parole sans lever le doigt et sans que Bernie ne lui donne la parole.

L'enseignante avec sa propre voix rappelle à l'élève qu'il lui faut d'abord lever le doigt puis attendre que Bernie lui donne la parole.

Extrait de l’EAC

Chercheur (36’19’’) : et là comment gères-tu la dualité ? PFR : (rire). Ben à un moment donné...

Chercheur : qu'est-ce que tu te dis dans ta tête.

PFR : à un moment donné la parole de l'adulte, la maîtresse doit intervenir. Parce que... Bernie n'est pas entendu, n’est pas écouté, donc je repose, je replace les choses... en tant qu'adulte de la classe, voilà, je dirai garante du respect des règles. Même si Bernie le fait, mais à un moment donné je... j'en ai besoin.… Je ne sais pas, mais c’est une autre intervention, que ce ne soit plus Bernie, mais que ce soit quelqu’un d’autre...

(…)

Chercheur : et ça fait quoi du coup que maîtresse intervient quand Bernie n’est pas écouté ? Tu obtiens quoi comme résultat ?

PFR : ce que je souhaite obtenir c'est... c’est l'écoute du coup.

Chercheur : Tu restaures l'écoute ?

PFR : Voilà, restaurer l'écoute pour après... Oui c’est ça.

Chercheur : donc Bernie n'est pas là systématiquement, maîtresse réapparaît au besoin… des fois de façon complice ou complémentaire puisque l’un a besoin de l’autre...

PFR : oui c'est ça, c’est une complémentarité, on est partenaire lui et moi. Des fois c’est lui, des fois c’est moi.

Au cours de cet extrait le pair formateur rend compte de son activité en énonçant la règle [« la maîtresse doit intervenir » vaut pour « je repose, je replace les choses... en tant qu'adulte de la classe » ce qui obtient pour résultat « ce que je souhaite obtenir c'est... c’est l'écoute »]

dans les circonstances où « Bernie n'est pas entendu, n’est pas écouté ».

Un élève prend la parole sans la demander, l’enseignante effectue un rappel des règles de communication en prenant sa propre voix.

Lors de l’EAC le chercheur interroge le pair formateur sur l’utilisation de sa propre voix associée à celle de la marionnette. L’enseignante explique que l’adulte de la classe doit intervenir afin de rappeler les règles « en tant qu'adulte de la classe, voilà, je dirai garante du respect des règles » dans la mesure où la marionnette ne jouit plus de l’écoute nécessaire

« Bernie n'est pas entendu, n’est pas écouté ». Pour le pair formateur, cette intervention de l’adulte permet de restaurer l’écoute de sorte que la marionnette puisse à nouveau jouer son rôle et être entendu « ce que je souhaite obtenir c'est... c’est l'écoute du coup ». Pour l’enseignante la pratique spécifique « Bernie passeur de savoirs » met en jeu un partenariat entre elle et la marionnette « c’est une complémentarité, on est partenaire lui et moi » de telle sorte que lors de ce moment, les élèves ont plutôt affaire à un « duo » « des fois c’est lui, des fois c’est moi. » Lors de l’enseignement ostensif, le pair formateur enseigne brièvement cette règle au pair formé. C’est ce que montre l’extrait suivant.

Extrait 49 (Enseignement ostensif PFR – PFÉ)

PFR (5’25’’) : donc là tu vois qu’il y a un rappel des règles. Et hop là, moi j’interviens.

PFÉ : oui oui, tu interviens.

PFR : voilà, j’interviens. Souvent soit il est là parce que moi je ne suis pas entendu, et quand lui il n’est pas entendu moi je suis là.

PFÉ : donc chacun fait son apparition en fonction…

PFR : voilà.

Lors de cet extrait, le pair formateur enseigne au pair formé la règle [« moi (avec ma propre voix) j’interviens » vaut pour « chacun fait son apparition en fonction » ce qui obtient pour résultat « il y a un rappel des règles »] dans la circonstance où « lui (Bernie) il n’est pas entendu ». Le pair formateur enseigne donc au pair formé qu'il s’agit d’intervenir lorsque la marionnette n'est plus entendue. Néanmoins le pair formateur ne fait pas disparaître la marionnette, la situation est gérée uniquement pour ainsi dire « à la voix ».

Lors de sa seconde mise en œuvre, le pair formé décide elle aussi d'intervenir lorsqu'Épic n'est plus entendu. Néanmoins, elle le fait en faisant disparaître la marionnette. C’est ce que

Extrait 50 (PFÉ – EAC – Mise en œuvre 2) Notes d’observation

Épic demande quelle activité se déroulera au coin où il y a des lettres. Des élèves répondent sans lever la main ou s’agitent. La maîtresse décide de faire disparaître Épic derrière le tableau des activités. Elle se penche ensuite vers la marionnette en faisant mine que cette dernière lui parle.

Elle explique ensuite aux enfants qu’Épic n’entend plus personne et qu'il aimerait que les élèves lèvent le doigt pour prendre la parole.

Extrait de l’EAC

PFÉ (45’28’’) : Épic est parti. Parce qu’il y avait trop de bruit. Épic est parti, il s’est caché derrière… trop de bruit, trop d’agitation, à un certain moment c’est bon, stop. Épic est parti, parce qu’Épic il n’entend plus rien, il ne comprend plus rien, il se cache derrière le panneau. Voilà, il se fâche.

Chercheur : ce n’est pas maîtresse, c’est Épic…

PFÉ : c’est Épic.

Chercheur : c’est la première fois qu’Épic se fâche comme ça ?

PFÉ : oui. Là, plus d’attention, tout le monde est en train de faire à droite, à gauche, à côté, Épic se fâche et il se cache.

(PFÉ visionne la vidéo)

PFÉ : Épic est caché derrière son tableau, et puis quand il y a le silence, il me parle, et hop je reviens et maîtresse parle…

(PFÉ visionne la vidéo)

Chercheur : tu dirais quoi par rapport à ce que tu as décidé de faire ?

PFÉ : ben ils se sont calmés déjà, et là, je reprends parce que c’était ma dernière activité, c’était long, je le reconnais. Parce que là c’était quand même 15 minutes, enfin 14. C’était long. Donc voilà, je les reconcentre sur la dernière activité, j’enchaîne… et ouais.

Au cours de cet extrait le pair formé rend compte de son activité en énonçant les règles [« Épic est parti » vaut pour « il se cache derrière le panneau » ce qui obtient pour résultats

« ils se sont calmés », « je les reconcentre »] et [« je reviens (avec ma propre voix) » ce qui obtient pour résultats « maîtresse parle…(pour rappeler les règles) »] dans les circonstances où « il y avait trop de bruit », « trop d’agitation », « Épic il n’entend plus rien, il ne comprend plus rien », « plus d’attention, tout le monde est en train de faire à droite, à gauche, à côté ».

L’enseignante s’aperçoit que ses élèves n’écoutent plus la marionnette et ne respectent plus les règles de prise de parole. Elle cache alors la marionnette, rappelle les règles puis fait réapparaître Épic.

Lors de l’EAC, le pair formé explique que la marionnette s’est fâchée et s’est cachée « il se cache derrière le panneau. Voilà, il se fâche ». L’enseignante précise également les étapes de cette action : cacher la marionnette, attendre le silence, discuter avec la marionnette, rappeler les règles de participation aux élèves avec sa propre voix et faire réapparaître la marionnette

« Épic est caché derrière son tableau, et puis quand il y a le silence, il me parle, et hop je reviens et maîtresse parle… », « et là, je reprends ». L’intention du pair formé en agissant ainsi

est de calmer les élèves afin de les reconcentrer sur l’activité « ben ils se sont calmés déjà » et

« je les reconcentre sur la dernière activité ».

Les circonstances présentées par le pair formé sont différentes, mais présentent un air de famille avec celles décrites par le pair formateur lors de l’entretien d'enseignement ostensif. En effet, alors que le pair formateur évoque uniquement la circonstance « quand lui (Bernie) il n’est pas entendu », le pair formé évoque également le fait que « Épic il n’entend plus rien », mais aussi une situation où certains élèves semblent « sortir » de l'activité « tout le monde est en train de faire à droite, à gauche, à côté ». Dans ces circonstances semblables et nouvelles, le pair formé interprète la règle enseignée. L’enseignante ne fait donc pas que reprendre sa voix, elle décide de faire disparaître Épic, elle attend le silence, Épic discute avec elle, et enfin seulement Épic revient.

Lors du contrôle de la mise en œuvre 2, le pair formateur interroge le pair formé sur cette action et valide ce développement. C’est ce que montre l’extrait suivant.

Extrait 51 (Contrôle Mise en œuvre 2 PFR – PFÉ) PFR (56’55’’) : ça c’est nouveau !

PFÉ : oui, je te dis, il s’est fâché Épic. Il s’est fâché, ben voilà il n’y avait pas de concentration, pas de lever de doigt, rien…

PFÉ : oui, parce que du coup… un petit instant, ils se sont calmés, ils ont réappris à lever le doigt, mais après quand Épic est réapparu il y en a qui était un petit peu trop content… ils… je ne sais pas Lydie ou Léon… ça a remis un petit gain d’activité, mais après…

PFR : mais c’est rassurant, attends, il s’en va, peut-être qu’il ne reviendra plus jamais… tu imagines ? Tu imagines l’angoisse ? (Rire). En effet, il joue ce rôle-là aussi, quand on parlait…

de la capacité à capter son auditoire, il a aussi cette capacité, tout le monde ne l’a pas toujours, d’arriver à canaliser…

PFÉ : moi je suis pour laisser faire Épic, depuis le début c’est plus Épic qui gère ce côté-là. Et voilà, moi je sais que je ne les sentais pas, qu’ils n’étaient pas concentrés, voilà quoi. Je me suis dit, on va le sortir, et peut-être que du coup boum, ils vont repartir dans l’activité, ils vont être un peu plus attentif mine de rien, après ils l’ont été, mais ils ne l’ont pas été jusqu’au bout.

PFR : ouais, après l’effet escompté n’est pas aussi long que l’on souhaiterait, mais en tout cas l’effet escompté est là.

Lors de cet échange, le pair formateur interroge le pair formé sur cet acte nouveau. Le pair formé explique qu'elle a souhaité suivre la règle [« on va le sortir (Épic) » obtient pour

circonstances où « il n’y avait pas de concentration, pas de lever de doigt, rien… », « Il y avait trop de bruit », « moi je sais que je ne les sentais pas, qu’ils n’étaient pas concentrés ». Le pair formateur explique alors au pair formé qu’il s’agit ici d’obtenir l’attention des élèves en utilisant la marionnette [« (utiliser la marionnette) » vaut pour « il joue ce rôle-là aussi (se fâcher et se cacher) » ce qui obtient pour résultats « (de) capter son auditoire », « d’arriver à canaliser (les élèves) »]. Le pair formateur valide enfin ce développement en précisant « l’effet escompté n’est pas aussi long que l’on souhaiterait, mais en tout cas l’effet escompté est là ».

Plus tard, lors de ce même échange, le chercheur intervient afin de savoir si le pair formateur avait elle aussi déjà agi ainsi. L’enseignante explique qu’effectivement, Bernie s’est déjà caché. C’est ce que montre l’extrait suivant.

Extrait 52 (Contrôle Mise en œuvre 2 PFR – PFÉ)

Chercheur (58’3’’) : toi PFR, tu l’avais déjà fait ça ? Cacher Bernie ? PFR : oui. Ouais.

PFÉ : il s’était caché ? PFR : oui.

PFÉ : mais après, il repose le cadre ?

PFR : oui, voilà. À un moment donné, voilà, l’attention n’est plus là, il n’est plus entendu, il n’est plus écouté. Il m’est même déjà arrivé à moi de m’en aller ! De rentrer chez moi ! Ah mince, la directrice n’était pas au courant29 ! (Rire).

PFÉ : mais comment ça ? Comment ça, explique… (Rire).

PFR : non, mais ce que je veux dire, c’est que nous, on ne peut pas partir, donc par contre la marionnette elle peut. Tu vois ? Donc c’est un élément supplémentaire.

(…)

PFR : non, mais ça, c’est quelque chose que l’on peut se permettre avec une mascotte, avec une marionnette.

Chercheur : vous n’aviez jamais parlé de cette idée-là, je crois ? Pas à ma connaissance…

PFR : on n’en avait pas parlé, parce que ça ne s’était pas présenté. En effet. C’est pour ça que je l’interroge dessus pourquoi elle le fait, parce que c’est une nouveauté.

Chercheur : c’est une nouveauté.

PFR : qui vient d’elle et pas de moi. Même si moi je l’ai déjà fait en effet, mais la nouveauté, ça vient d’elle…

Au cours de cet extrait, le pair formateur explique qu'elle avait déjà suivi la règle [« il s’était caché (Bernie) » obtient pour résultat « il repose le cadre »] dans les circonstances où

« l’attention n’est plus là, il n’est plus entendu, il n’est plus écouté ». Elle précise enfin que lors de l'activité d'enseignement, cette situation ne s'était pas produite « on n’en avait pas parlé, parce que ça ne s’était pas présenté » et qu'en conséquence ce développement vient du pair formé « Même si moi je l’ai déjà fait en effet, mais la nouveauté, ça vient d’elle… » Ce résultat permet enfin de préciser l'idée de « création » à partir de la règle, notamment la dimension

essentiellement publique de la normativité. En effet, bien que le pair formé « crée » une action à partir d’une règle, l’analyse montre que cette règle a déjà été suivie par le pair formateur.

Cette règle suivie par le pair formé n'est donc pas privée, elle appartient bien à une communauté de pratique. La création à partir de la règle s’opère bien à partir de l’interprétation d’une règle apprise dans des circonstances plus ou moins éloignées.

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