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apprentissages des enseignants expérimentés au sein des établissements scolaires 8

3. Les apprentissages formels et communautaires des enseignants expérimentés au sein des établissements scolaires expérimentés au sein des établissements scolaires

3.3. Des apprentissages communautaires au sein de la pratique

Parmi les formes d’apprentissage des enseignants sur le lieu de travail, il est possible de citer la « communauté professionnelle » MacLaughlin (1993). Pour Grossman et al. (2001), un rassemblement d’enseignants devient une communauté professionnelle lorsque celui-ci place

la préoccupation du bien-être des élèves en son centre. Cette communauté professionnelle, au sein de laquelle les normes sociales, les pratiques, les croyances et la confiance sont partagées, peut se développer à l’échelon d’un établissement scolaire entier ou au niveau d’un département disciplinaire dans l’établissement (MacLaughlin, 1993). La collaboration y constitue un élément central pour la réussite des élèves (Little, 1982). La force de la collaboration a permis à MacLaughlin (1993) de distinguer des communautés « fortes » et des communautés

« faibles ». Lorsque la communauté d’enseignants est faible, des normes de « privatisation » de la pratique prédominent : les enseignants travaillent indépendamment, ceux qui innovent le font seuls en comptant sur leurs propres ressources, les enseignants n’observent pas leurs collègues ou ne sont pas observés et ils ne participent pas non plus à des débats sur la qualité ou l’efficacité de leurs pratiques d’enseignement. Dans ces contextes, les enseignants innovent peu et conservent des pratiques qu’ils maîtrisent, même s’ils les savent inefficaces. Les communautés fortes, selon Little (1999), peuvent soit renforcer des croyances et des pratiques professionnelles et ainsi être peu propices aux apprentissages des enseignants, soit être ouvertes et questionner la pratique en mettant l’accent sur le développement professionnel. À partir de ces premiers travaux descriptifs de contextes professionnels favorisant ou inhibant les apprentissages des enseignants et la réussite des élèves, plusieurs lignes d’études prenant pour objet les multiples formes de communautés professionnelles ont émergé (Levine, 2010). Dans le cadre du présent article, les résultats de deux lignes de recherche s’enracinant dans le lieu de travail sont présentés : les résultats relatifs aux « communautés d’enquête » et ceux concernant les « communautés d’apprentissage professionnel » (CAP).

Les communautés d’enquête peuvent prendre différentes formes : (a) celle de la recherche collaborative (Butler & Schnellert 2012 ; Englert & Tarrant,1995 ; Mottier Lopez, 2015), (b) celle du groupe de recherche d’enseignants (Fairbanks & LaGrone, 2006) ou encore (c) celle du groupe d’amis critiques (Curry, 2008 ; Dunne, Nave & Lewis, 2000). Ces communautés d’enquête présentent des caractéristiques sensiblement différentes et produisent des résultats inégaux en termes de développement professionnel et de résultats d’élèves. Ainsi, la recherche collaborative réunit la communauté de recherche et la communauté de pratique autour d’un même questionnement lié aux pratiques professionnelles, elle tend à produire des connaissances et à favoriser le développement professionnel des enseignants (Desgagné, 1997). La recherche collaborative postule que la coopération des enseignants aux recherches universitaires sur leur propre pratique peut influer sur la construction des savoirs et la transformation des pratiques (Mottier Lopez, 2015).

Le groupe de recherche d’enseignants implique, de son côté, que les enseignants soient eux-mêmes en situation de chercheurs sur leur propre pratique (Fairbanks & LaGrone, 2006).

Ainsi, les groupes « d’enseignants-chercheurs » (Cochran-Smith & Lytle, 1992) se réunissent régulièrement. Ils peuvent être soutenus par un pair plus expérimenté ou un chercheur universitaire qui les aident à élaborer des questions et des méthodes de recherche (Fairbanks &

LaGrone, 2006). Les recherches menées prennent systématiquement pour substrat des observations de classe, des travaux d’élèves ou les propres pratiques des membres du groupe d’enseignants-chercheurs. Elles aboutissent à la mise en œuvre d’un plan d’action visant à modifier la pratique (Fairbanks & LaGrone, 2006).

Le groupe d’amis critiques, quant à lui, ne se livre pas à toutes les phases de la recherche.

Cette forme de communauté d’enquête utilise un « protocole » formellement structuré pour organiser la conversation au sein du groupe (fixation de l’ordre du jour, des tours/temps de parole) et pour investiguer minutieusement sur la pratique (Curry, 2008) en allant au-delà des normes de confidentialité de l’enseignement en classe (Levine, 2010). Les groupes d’amis critiques se réunissent régulièrement pour discuter des travaux d’élèves et des problèmes de classe, ou pour élaborer des matériaux et des activités d’enseignement (Dune et al., 2000). En ce qui concerne les résultats, il apparaît que les communautés d’enquête conduisent à l’amélioration des pratiques pédagogiques (Dune et al., 2000 ; Englert & Tarrant, 1995 ; Fairbanks & LaGrone, 2006 ; Mottier Lopez, 2015) et à l’amélioration de la collaboration entre les enseignants (Butler & Schnellert, 2012 ; Curry, 2008 ; Dune et al., 2000). Elles permettent aux enseignants de mieux identifier les besoins et les capacités des élèves (Butler & Schnellert, 2012 ; Fairbanks & LaGrone, 2006) et d’entreprendre individuellement leur propre perfectionnement professionnel (Curry, 2008 ; Fairbanks & LaGrone, 2006). Selon Curry (2008), les groupes d’amis critiques ont une influence minimale sur l’amélioration des connaissances pédagogiques des enseignants, toutefois ces derniers s’y sentent soutenus et motivés et les préfèrent aux formes traditionnelles de développement professionnel (Dune et al., 2000).

Si l’étude d’Englert et Tarrant (1995) relative à la recherche collaborative documente l’amélioration effective des résultats des élèves, ce sont surtout les communautés d’apprentissage professionnel (CAP) qui sont explicitement tournées vers les progrès des élèves. En effet selon Vescio et al. (2008), le concept de CAP suppose (a) que le savoir est situé dans les expériences quotidiennes des enseignants et qu’il peut être mieux compris par une réflexion critique collective et (b) que l’engagement actif des enseignants dans une CAP

améliore leurs savoirs professionnels ainsi que l’apprentissage des élèves. Les conclusions de divers travaux portant sur l’implantation de CAP (Berry, Johnson & Montgomery, 2005 ; Bolam, McMahon, Stoll et al., 2005 ; Lee, Smith & Croninger, 1995 ; Phillips, 2003) montrent un lien étroit entre la force de la collaboration et les résultats des élèves (Bolam et al., 2005 ; Louis & Marks, 1998). On y trouve également un alignement des pratiques pédagogiques aux besoins des élèves (Berry et al., 2005 ; Louis & Marks, 1998 ; Philips, 2003). Ces études montrent cependant que ces résultats positifs ont été recueillis après plusieurs années : quatre ans pour l’étude de Berry et al. (2005), trois ans pour les études de Bolam et al. (2008) et de Phillips (2003). L’implantation fructueuse d’une CAP apparaît comme un processus long dont l’une des caractéristiques-clés est la prise en compte des effets des pratiques pédagogiques sur les résultats des élèves (Stoll, Bolam, McMahon et al., 2006 ; Vescio et al., 2008). Par ailleurs, si les recherches sur les communautés d’enquête et sur les CAP montrent des résultats positifs tant au niveau des pratiques des enseignants qu’au niveau des résultats des élèves, il apparaît cependant que l’implantation de telles communautés au sein des établissements suppose une transformation en profondeur de la culture professionnelle de l’école (Saussez, 2015).

En résumé, il est possible de dire que le nouveau paradigme de la formation continue des enseignants prend acte de l’inefficacité des modèles traditionnels. Il intègre des dispositifs de développement professionnel de haute qualité qui peuvent plus ou moins s’enraciner dans la pratique ordinaire des enseignants. Les dispositifs qui fournissent les résultats les plus probants sont ceux qui tiennent le plus compte des pratiques pédagogiques locales des enseignants. De façon plus large, le nouveau paradigme de développement professionnel consiste en un changement culturel profond qui implique de questionner deux dimensions essentielles du travail des enseignants au sein des écoles. D’une part celle de la dé-privatisation de la pratique, permettant d’en faire un objet d’investigation collective et, d’autre part, celle de la collaboration permettant de fonder la communauté professionnelle.

Chapitre 4

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