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L’action collective chez les acteurs de la CCPL

LUNELLOIS : ACTION COLLECTIVE ET AGRICULTURE

4.2.1. L’action collective chez les acteurs de la CCPL

D‟après les agriculteurs interrogés, l‟action collective doit avant tout être un moyen pour eux d‟atteindre plus facilement leur objectif individuel, comme commercialiser leurs produits par exemple. Il y a peu de réponses qui abordent l‟utilité intrinsèque de l‟action collective (augmenter le réseau, construire de la résilience, partager une expérience). On retrouve cette utilité intrinsèque dans les effets de l‟action collective, mais ils sont toujours mis en deuxième position par rapport aux effets individuels dans l‟évaluation de l‟utilité de l‟action collective.

Ce type de rapport à l‟action collective est similaire dans les entretiens des élus, surtout celui avec le maire de Boisseron : ils collaborent dans l‟optique de la CCPL, ce pour quoi on leur demande de collaborer, mais ne cherchent pas à résoudre ensemble les autres problèmes. Pour ceux-ci, ils raisonnent à leur propre échelle de la « commune ».

4.2.1.1. Formes d’action collective

Cette partie présente les formes d‟action collective autour de l‟agriculture mentionnées par les enquêtés. Il ne s‟agit pas d‟une liste exhaustive de toutes les actions collectives passées et présentes sur le territoire, mais de celles dont les enquêtés ont choisi de parler et qu‟ils ont choisi de commenter. Parmi ces actions collectives, on peut distinguer celles qui organisent la collaboration de participants de même type (agriculteurs entre eux, élus entre eux, etc.) de celles qui réunissent des acteurs de différents types et donc une coopération entre eux.

Les associations créées sur la CCPL dans le cadre de la politique agricole (Croquelune, Paysans du Vidourle) sont une forme d‟action collective réunissant des acteurs du même type. D‟un côté, Croquelune est une association de consommateurs dont l‟objectif est de développer un réseau de consommateurs et d‟achat en circuit court. Paysans du Vidourle est une association d‟agriculteurs dont l‟objectif est également de développer le système de vente en circuit court. Ces deux associations sont nées du comité de pilotage « agriculture et alimentation locale ». Si elles sont séparées malgré un objectif en apparence identique, des ponts ont été imaginés à leur création, puisqu‟à l‟époque du comité de pilotage un membre de chaque association était accueilli dans l‟autre.

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La coopérative est une autre forme d‟action collective, encore plus réduite dans le type d‟acteur qu‟elle intègre, puisque seuls les viticulteurs y participent. Les coopératives sur le territoire de la Communauté de Communes ont presque toutes disparu ou se sont regroupées avec des coopératives extérieures au territoire. Cependant, la cave coopérative du Muscat de Lunel est encore en activité et est une marque forte du paysage viticole au centre du territoire.

D‟autres formes d‟action collective chez les agriculteurs ont été mentionnées dans les entretiens, comme les « paniers paysans », par lesquels les agriculteurs s‟organisent pour être complémentaires dans la gamme produite.

La collaboration entre les agriculteurs et la Communauté de Communes s‟illustre principalement par les actions portées par la CCPL ou le CIVAM, son partenaire. L‟opération « un fruit pour la récré » mobilise peu d‟agriculteurs, mais les agriculteurs mobilisés étendent leur participation à l‟accueil des classes sur leur exploitation pour du contenu pédagogique. Ils entretiennent donc une relation avec les enseignants et leurs écoles, ainsi qu‟avec le responsable CQV, organisateur de l‟opération. À l‟inverse, l‟opération « de ferme en ferme » place l‟action collective plutôt du côté des agriculteurs, en charge de la préparation du week-end, certains d‟entre eux ayant même une responsabilité d‟animation du groupe. Le CIVAM travaille avec eux en collaboration, organisant des journées de formation. La CCPL se contente de fournir des affiches et de préparer la communication du week-end au grand public.

Enfin, la forme où l‟action collective est la plus « partagée » est le comité de pilotage « agriculture et alimentation locale », qui réunit des agriculteurs, des consommateurs, le CIVAM et la CCPL, représentée par le responsable CQV et le maire de Boisseron. Il s‟agit d‟un espace de réflexion et de dialogue dont l‟objectif principal a été de construire un projet, le marché paysan, permettant d‟inclure tous les participants de l‟élaboration à l‟organisation.

D‟autres formes d‟action collectives plus informelles ont également été mentionnées, comme l‟action collective contre l‟emprise du tracé de la nouvelle LGV (Ligne Grande Vitesse). Ce tracé, existant et approuvé depuis déjà longtemps, a dû être révisé et son emprise sur les terres agricoles, notamment celles de certains viticulteurs, a été élargie. En réponse, les élus des communes concernées ont créé une mobilisation collective hors du cadre de la CCPL pour discuter avec la préfecture des alternatives possibles. En revanche, les agriculteurs, à ma connaissance, ne se sont pas mobilisés dans cette contestation de manière collective.

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4.2.1.2. Effets de l’action collective

Je peux dégager trois types de retombées ou effets principaux de l‟action collective à partir de mes entretiens. L‟opération « de ferme en ferme », l‟opération « un fruit pour la récré » et la convention entre le CIVAM et la CCPL ont permis l‟élargissement du réseau des participants. Cela constitue un apprentissage de gouvernance, comme nous le verrons en partie 4.2.2, qu‟il s‟agisse de la consolidation des rapports entre agriculteurs, des agriculteurs avec la CCPL, ou des agriculteurs avec leurs clientèles. Sur ce dernier aspect, les opérations ont également provoqué des retombées commerciales qui sont qualifiées par les personnes enquêtées comme « petites », et interprétées comme des effets secondaires et non comme un objectif des diverses actions collectives menées, c'est-à-dire que les participants à ces actions collectives ne jugeaient pas l‟action par ses retombées commerciales.

La formation des deux associations, Croquelune et Paysans du Vidourle, ainsi que la participation de leurs membres au comité de pilotage « agriculture et alimentation locale » est vue par les animateurs interrogés comme une volonté de leur part de « regrouper » les acteurs en collectifs pour faciliter les interactions :

« On a voulu accompagner les agriculteurs vers plus d’autonomie en les aidant à se constituer en association. Ca devenait presque inévitable, il fallait qu’on ait un seul interlocuteur pour gérer les questions de matos, être force de proposition auprès des mairies » (responsable CQV, entretien du 2 avril 2013)

L‟action collective est identifiée comme sources d‟apprentissages et d‟innovation par quelques enquêtés. Le maire de St Christol par exemple mentionne les réunions et la collaboration lors de l‟élaboration du SCoT comme des moments qui lui ont donné des idées sur la manière de gérer sa propre commune, d‟y aborder le développement. Un agriculteur mentionne sa présence dans un réseau (FARRE) comme source d‟innovation pour son exploitation.

Ces trois types de « retombées » illustrent trois types de liens entre les formes d‟action collective et les apprentissages.

1) Dans le premier cas, l‟action collective peut produire des apprentissages de gouvernance directement bénéfiques à l‟action collective : élargissement du réseau, apprentissages de la participation, etc.

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2) Dans le deuxième, l‟action collective peut être vue comme une arène de diffusion de la connaissance et des apprentissages : produire des formes d‟action collective permet de faciliter les échanges et de simplifier la diffusion de l‟information et de la connaissance.

3) Enfin, dans le troisième cas, l‟action collective peut être source d‟apprentissages individuels techniques, l‟action collective étant alors un lieu de transfert de la connaissance d‟un individu à l‟autre.

Ces deux derniers cas ressemblent à ceux identifiés lors de la revue de la littérature (voir 2.3.1et 2.3.2), à savoir les apprentissages techniques favorisant la gouvernance et la gouvernance favorisant les apprentissages.

4.2.1.3. Relations entre communes et agriculteurs

Les relations entre communes et agriculteurs ont un statut particulier. Les agriculteurs ont un poids variable d‟une commune de la CCPL à l‟autre. Ils sont fortement minoritaires dans des communes urbaines comme Lunel ou Lunel-Viel, et sont plus nombreux dans les communes comme Marsillargues, où l‟agriculture garde un poids important, ou dans les communes où ils restent des propriétaires fonciers.

La qualité des relations telles qu‟elles sont décrites par les enquêtés varie. Certaines sont vues comme positives. À Campagne, les relations entre agriculteurs et mairie sont jugées bonnes par son maire. Celui-ci se positionne comme « conseiller » par rapport aux viticulteurs de la commune. D‟autres mentionnent également des expériences de relations positives, mais plutôt de manière individuelle. Un manadier de St Christol désigne sa proximité avec le maire de St Christol comme facteur de développement potentiel. Il espère élargir son réseau et son activité grâce aux retombées du pôle oenotouristique situé sur la commune. Le maire de St Sériès juge également « bonnes » ses relations avec les agriculteurs de la commune par les rapports qu‟ils ont eus dans l‟élaboration du Plan d‟Occupation des Sols (POS, ancien PLU). L‟absence de litige ou controverse tient selon lui au fait que tous les propriétaires de foncier agricole de la commune ont vu à un moment où un autre une partie de leurs terres passer de la zone agricole à la zone urbaine, rendant le terrain constructible. Cet élu voit donc le zonage du POS ou du PLU comme une situation de gestion pouvant mener à controverse, nécessitant un partage « équitable » entre propriétaires de foncier agricole :

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« Il n’y a pas de tension particulière avec l’agriculture< ils ont tous eu des terres constructibles à un moment où à un autre du POS. C’était les mêmes familles qu’aujourd’hui *<+. En plus ils étaient élus : ils avaient fait en sorte d’avoir tous un petit bout constructible chacun » (maire de St Sériès, entretien du 13 mai 2013).

À Marsillargues, les relations avec agriculteurs sont en général faibles, mais les situations individuelles permettent aux agriculteurs en relation avec la mairie d‟améliorer la recherche d‟employés saisonniers. Les agriculteurs concernés laissent « un petit mot » à la mairie pour faciliter la recherche de main d‟œuvre.

À l‟opposé de ces situations, d‟autres enquêtés ont révélé des relations difficiles entre les agriculteurs et les mairies de leurs communes. Une agricultrice vendant sa production au marché de Lunel mentionne par exemple la dépendance dont elle fait preuve par cette place au marché. Elle indique n‟avoir pas participé aux actions lors de l‟élaboration du SCOT par peur de se voir retirer sa place au marché, le maire de Lunel étant alors en conflit avec la CCPL. Du côté des élus, plusieurs d‟entre eux mentionnent des problèmes d‟ordre juridique avec des agriculteurs de leur commune. Ceux-ci sont liés au problème de « cabanisation » : les agriculteurs, principalement éleveurs d‟après les élus, construisent des abris pour leurs outils et leur bétail, ce que les élus contestent au tribunal pour forcer le démantèlement de ces abris « illégaux » en zone non constructible.

Contrairement à la mairie de St Sériès, la mairie de St Just a fait l‟expérience lors de la création de son PLU de conflits avec les propriétaires de foncier agricole. L‟un d‟eux poursuit la mairie de St Just en justice parce que « ses terres (pommiers) ne sont pas en terrain à

bâtir » (maire de St Just, entretien du 22 février 2013).

Enfin, certains entretiens ont révélé une absence de relation entre les mairies et les agriculteurs de leurs communes. Un éleveur de Boisseron considère par exemple qu‟il n‟existe aucun lien entre la mairie et les agriculteurs. La maire de Marsillargues estime que l‟agriculture sur sa commune est trop « anecdotique » pour justifier de réelles relations avec la mairie.

Les relations entre agriculteurs et mairies sont donc diversifiées. Les exemples tirés des entretiens sont anecdotiques et personnels, ne révélant pas de grandes tendances. Seules des enquêtes systématiques permettraient de tirer des conclusions. Cependant, ces exemples

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illustrent bien la complexité des relations, surtout autour des instruments d‟action publique, et à propos des éleveurs que les élus voient comme de potentiels constructeurs de « cabanes ».

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