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Enjeux pour l’agriculture durable en territoire périurbain

QUELS ENJEUX ?

1.2.2. Enjeux pour l’agriculture durable en territoire périurbain

Le dictionnaire Larousse définit l‟adjectif périurbain comme signifiant « à proximité immédiate des villes ». S‟il s‟agit effectivement d‟étudier les territoires en périphérie des villes, et bien souvent des grands pôles urbains, le phénomène de périurbanisation englobe à la fois une transformation économique, sociale et géographique des territoires.

Apparue en France dans les années 70, la périurbanisation est un processus qui trouve ses sources dans le développement de l‟habitat en couronne autour des grandes agglomérations, notamment le développement de l‟habitat pavillonnaire dans les villages proches des grandes villes. Parfois qualifié d‟exode urbain ou de « rurbanisation », c‟est-à-dire l‟installation des travailleurs citadins dans les villages alentour, ce processus modifie durablement le paysage rural : construction de maisons neuves en bordure de village, voire de lotissements résidentiels hors village, développement d‟infrastructures reliant les zones périurbaines à l‟agglomération (voies rapides, autoroutes…), etc.

Les espaces périurbains sont également confrontés à des reconfigurations sociales : à l‟inverse de l‟exode rural qui voyait les agriculteurs s‟installer en ville, la périurbanisation voit les habitants des villes s‟installer en campagne pour y chercher un habitat plus spacieux à moindre coût, tout en conservant leurs emplois et logiques d‟activités et de loisir dans les centres urbains. Certains de ces espaces se sont ainsi vus transformés en « communes dortoirs », n‟ayant pas pu développer d‟activité économique autre que des services de

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proximité (petits commerces), la majorité de leurs habitants ayant un emploi à l‟extérieur de la commune13.

Selon Bertrand et Marcelpoil (1999), « si certaines conceptions de la périurbanisation se limitent à

l‟analyse d‟une simple diffusion de l‟urbanisation et de “l‟application” de la logique urbaine sur des milieux ruraux, d‟autres mettent en avant la complexité des processus, en considérant notamment la périurbanisation comme une co-construction de territoires ». La périurbanisation n‟est alors pas qu‟une simple

« avancée » des frontières urbaines sur les territoires ruraux. Plutôt que cette vision de « grignotage », il s‟agit de la création d‟un nouvel espace, d‟une reconfiguration géographique, sociale et économique du territoire dont les enjeux ne traduisent pas qu‟un simple « envahissement » de villages ruraux par les citadins. Car c‟est là tout l‟enjeu des territoires périurbains, celui de saisir les mutations pour les transformer en opportunités de développement.

Ce phénomène, présent à la fois au Nord et au Sud, n‟est pas approprié par tous de manière identique. Dans certains territoires, l‟idée de se transformer en ville-dortoir est rejetée politiquement, mais aussi socialement, et les acteurs locaux recherchent une « stratégie territoriale » pour redynamiser le territoire et construire une attractivité économique ainsi qu‟un équilibre. Dans d‟autres territoires, en revanche, les acteurs locaux se saisissent très peu du phénomène, ce qui s‟illustre soit par une absence dans les discussions publiques et dans les débats du « fait » de périurbanisation, soit justement par une absence, au moins en apparence, de l‟intégration de la ville et de la campagne, qui se traduit alors bien comme une simple « diffusion de l‟urbanisation ».

1.2.2.1. L’agriculture dans les territoires périurbains

En France, le phénomène d‟artificialisation des espaces se fait surtout aux dépens des terres agricoles14. La durabilité de l‟agriculture dans les territoires périurbains, a minima en tant que

résilience, est donc une question centrale des transformations de ces territoires.

Le phénomène de périurbanisation agit doublement sur l‟enjeu de durabilité de l‟agriculture. D‟une part, la reconfiguration des territoires fragilise l‟agriculture, notamment par les phénomènes de pression foncière : augmentation du prix des terres par l‟augmentation de la

13 La commune Les Matelles (34153), par exemple, à une quinzaine de kilomètres au nord de Montpellier,

comporte 726 actifs ayant un emploi, avec seulement 105 d‟entre eux travaillant sur la commune, soit 14,4%. Source : INSEE.

14 les terres agricoles occupent 60 % du territoire, contre 34 % pour les espaces naturels. Données : service de

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demande en terrain constructible, mais aussi rétention du foncier non constructible dans l‟espoir de le voir passer en constructible par le futur (Jarrige, Jouve et Napoleone, 2003). Mais la périurbanisation impose aussi à l‟agriculture et aux agriculteurs de redéfinir leur place sur le territoire. Ceci induit parfois des mutations des systèmes agricoles (changement de production, changement de pratiques), et des tensions comme la concurrence sur le foncier entre urbains/ruraux, mais également entre ruraux, voire des conflits d‟usage (Torre et al. 2006). Par ailleurs, l‟augmentation du prix du foncier est une opportunité pour beaucoup de propriétaires qui y voient la possibilité de vendre leur terre à prix fort pour changer d‟activité, ce qui précipite la diminution de l‟activité agricole sur le territoire.

D‟autre part, l‟agriculture se trouve au cœur de la multifonctionnalité des territoires périurbains (Aubry et al., 2005). Les agriculteurs des territoires périurbains sont par exemple souvent montrés du doigt comme trop gros consommateurs d‟eau en période de sécheresse, ou comme grands pollueurs par l‟utilisation des fertilisants et pesticides. Mais ils sont aussi aujourd‟hui reconsidérés à la lumière des services écosystémiques qu‟ils peuvent produire dans ce système agriurbain. Du « poumon vert » qui fournit un service d‟entretien du paysage, à l‟utilisation des déchets par compostage, les agriculteurs ont leur place dans ces nouveaux territoires.

Le territoire périurbain est donc un espace où les enjeux de l‟agriculture durable sont d‟autant plus importants et nécessaires que la problématique de durabilité est omniprésente dans un paysage au changement si important. Les visions de ce que doit être l‟agriculture se croisent dans ces territoires, certains acteurs revendiquant par exemple le droit de vivre de leur activité agricole, d‟autres pointant du doigt cette agriculture comme source de pollution potentielle.

Cependant, la périurbanisation n‟est pas qu‟une source de menaces pour l‟agriculture, elle apporte également de multiples opportunités, comme la création d‟un lien villes-campagnes dont certains agriculteurs peuvent profiter, par exemple par la proximité des marchés urbains ou par la multiplication des circuits courts, mais également par la multiplication des projets de développement. Il devient donc nécessaire de comprendre comment se réinventent les relations entre urbain et rural , à la fois en termes de place et rôle de l‟agriculture au sein des villes (Rousier et Bertrand, 2003), mais également en termes de prise en compte de la ville et de ses dynamiques au sein des exploitations agricoles (Soulard et Thareau, 2009). C’est en fait la résilience de tout le système agriurbain qui est mis à l’épreuve (Perrin, Jarrige et

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Soulard, 2013), et la capacité de ses acteurs à travailler collectivement et coopérer est précisément l’un des composants clés de cette résilience (Adger, 2010).

1.2.2.2. Gouvernance des territoires périurbains

La gouvernance est souvent présentée par les institutions et les chercheurs comme « quatrième pilier du développement durable », la participation des citoyens à la réflexion permettant d‟ancrer les pratiques du développement durable dans les esprits, et la transposition de normes globales abstraites du développement durable en solutions locales semble rendue possible par la gouvernance (Goxe, 2007). Pour Goxe, « la notion de

“gouvernance” trouve sa légitimité dans l‟existence de situations complexes difficilement gouvernables. Les crises et les scandales environnementaux et sanitaires, mais aussi la généralisation de mobilisations locales contre des projets d‟aménagements, rendent manifestes les difficultés de la puissance publique à décider de manière unilatérale ».

C‟est vis-à-vis de ce dynamisme que s‟insère toute la problématique du lien entre gouvernance territoriale et agriculture durable : il devient indispensable que les acteurs concernés, et notamment les agriculteurs, puissent se faire entendre et comprendre pour que le développement dans ces zones se fasse en prenant en compte l‟existence de l‟agriculture dans toutes ses fonctions (nourricière, environnementale, paysagère, etc.). L‟« expertise d‟usage » des agriculteurs permet de s‟assurer que la réalité sur laquelle se fondent les politiques publiques ne relève pas que d‟une vision que se font les élus de l‟agriculture sur leur territoire15. D‟un autre côté, la participation des autres acteurs (habitants, entreprises,

associations) permet justement de redéfinir des normes collectives, des valeurs communes… bref, le rapprochement entre anciens et nouveaux, urbains et ruraux.

L‟une des difficultés en termes de gouvernance du territoire périurbain est son système d‟acteurs recomposé, la rencontre, et souvent l‟opposition, entre différents types d‟acteurs : ruraux et urbains, anciens habitants et nouveaux arrivants, etc., mais aussi des différences socioculturelles et des différences d‟intérêts, par exemple sur l‟utilisation du terrain, entre loisirs et économie notamment (Torre et al., 2006). Il est donc nécessaire pour le territoire que ces acteurs arrivent à communiquer malgré leurs différences, pour pouvoir construire ensemble le développement durable de leur territoire, et notamment celui de l‟agriculture.

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Cependant, dans certains milieux, notamment périurbains, les relations et la sont rendues plus incertaines en raison des différences, des conflits d‟intérêts, des préjugés, etc. Doyon (2011) souligne que par la concentration des contraintes, les territoires périurbains sont des lieux où les conflits d‟usage vont se multiplier. La gouvernance devient alors à la fois un outil d‟autant plus nécessaire, puisqu‟elle permet par le biais de la concertation de contourner les différences, résoudre les conflits, éviter les préjugés, mais elle est également mise à l‟épreuve en tant qu‟outil dans ce contexte. Il y a donc un double intérêt à étudier ce processus de gouvernance à l‟œuvre dans les territoires périurbains : il est à la fois un outil producteur de ce territoire, mais également un enjeu (Berrebi-Hoffmann et Boussard, 2005).

1.3.

LE TERRITOIRE : QUELLE DÉFINITION POUR LES

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