• Aucun résultat trouvé

L’ŒUVRE MAMAN MARGUERITE

Dans le document Les enfants accusés de sorcellerie au Katanga (Page 112-125)

3.4 « LE PROJET AFRIQUE »

3.5 L’ŒUVRE MAMAN MARGUERITE

L‟Œuvre Maman Marguerite (OMM) est une asbl41

salésienne fondée en 1994. L‟OMM est un réseau qui regroupe douze centres d‟accueil pour enfants : Bakanja Ville, Bakanja Centre, maison Magone, maison-ferme Bakanja Jacaranda, maison des Jeunes, maison-ferme Chem Chem, maison Sainte Famille, maison Carolina, maison Garelli, maison Magone Filles, maison Luis Amigo, maison Katimel. L‟œuvre est financée partiellement par la congrégation et en large partie par des bailleurs de fonds internationaux à travers des projets présentés par le « Bureau salésien des projets » de l‟asbl42

.

À l‟heure actuelle il n‟y a pas, à ma connaissance, d‟études approfondies sur les structures et l‟organisation de l‟OMM43

. Les matériaux écrits disponibles sur les sujets sont des travaux de fin de cycle de l‟Université de Lubumbashi44

. Les données que je présente dans cette section sont ainsi basées sur mes propres observations et entretiens ainsi que sur les documents produits par les Salésiens.

La réorganisation des œuvres salésiennes s‟insère dans un cadre d‟importants changements. En premier lieu, il faut mentionner la question financière. Nous avons vu plus haut dans le texte l‟évolution de l‟organisation de la congrégation salésienne tout au long du siècle passé. L‟indépendance du pays marqua un tournant fondamental avec l‟interruption des bénéfices que l‟Église catholique recevait de l‟administration coloniale. Dans la correspondance épistolaire des années 1960, nous avons vu que les problèmes concernant les fonds et les ressources des missions congolaises étaient au centre des

41 Association sans but lucratif. L‟asbl prend le nom de la sainte fondatrice de la congrégation des Salésiens, Marguerite Occhiena.

42 Les détails concernant les partenaires internationaux de l‟OMM sont mentionnés sur le site de l‟asbl à la page web www.OMM.be.

43 À l‟instar de toute asbl, les Salésiens ont organisé un réseau de communication assez efficace constitué de blogs d‟informations, de news letters, de feuilles d‟informations, de sites Internet, etc.

44 Parmi les travaux que j‟ai consultés, voir notamment : Thèrese Kapinga Kabongo, L’Impact de l’œuvre

salésienne dans l’encadrement et la réintégration sociale des enfants de la rue à Lubumbashi (cas des maisons Bakanja et Magone), travail de fin de cycle, A.A. 1996-1997, Université de Lubumbashi.

préoccupations des Salésiens depuis les années 1960. D‟ailleurs, dès la fin des années 1950, les premières œuvres pour l‟« enfance abandonnée » bénéficièrent largement des financements de bailleurs de fonds privés et philanthropiques ainsi que de particuliers laïcs. Dès lors, les œuvres salésiennes de prise en charge de l‟enfance ont été fortement dépendantes de l‟aide financière extérieure. Ensuite, nous devons nous référer encore une fois au changement d‟approche envers les enfants et les jeunes à travers la formulation de la pastorale des jeunes. Cette nouvelle pastorale visait la fondation d‟une nouvelle mission au Congo dont les jeunes devaient devenir le moteur et les protagonistes. Ainsi fut construite peu à peu l‟image d‟une jeunesse « conscientisée », « sensibilisée » et « responsable », dont le pendant était en quelque sorte l‟enfance et la jeunesse « désœuvrées » et « abandonnées ».

Compte tenu du développement historique de la congrégation des Salésiens et des images d‟enfance et de jeunesse qu‟ils promurent, nous devons prendre en considération les années 1990. Au cours de ces années, l‟application des plans d‟ajustement structurel et le démantèlement des structures de l‟État eurent des répercussions tant sur le secteur public que sur l‟organisation et l‟économie des missions religieuses. Des lieux de production d‟excellence qui faisaient la renommée de la congrégation, par exemple les ateliers de la Cité des jeunes (l‟un des moteurs de l‟économie salésienne), étaient à présent en crise. Face à ces problèmes, les œuvres sociales comme les centres pour enfants de la rue furent relégués par le siège provincial au Congo au deuxième plan.

L‟Église catholique, et les Salésiens en particulier, durent se « moderniser » rapidement d‟un point de vue structurel (structures d‟accueil et de gestion économique) pour s‟insérer dans le secteur humanitaire qui offrait de nouvelles sources de financement. La création de l‟OMM fut une tentative de réponse de l‟Église catholique, et dans ce cas particulier de la congrégation salésienne, à l‟émergence de ce nouveau marché. C‟est dans ce sens qu‟il faut voir la création d‟un « Bureau salésien des projets » visant à encadrer et à centraliser les centres et les maisons d‟accueil de la congrégation salésienne. Il s‟agit d‟une organisation calquée sur le modèle des ONG mais qui permettait par ailleurs de profiter de l‟étendue du réseau des structures salésiennes ainsi que des compétences et de la renommée de la congrégation à Lubumbashi.

108 À Bakanja Ville et Bakanja Centre, j‟ai eu accès aux archives des fiches de présence et aux statistiques concernant les enfants qui avaient vécu dans les centres. L‟action d‟enregistrement des effectifs et d‟évaluation de l‟activité des centres date de 2002 et cela me semble répondre aux besoins d‟objectiver le travail effectué par les différents centres et maisons. Il s‟agit d‟un système de monitorage de la production du service indispensable à toute asbl ou ONG qui se présente sur le plan national et international afin d‟acquérir un certain poids et une certaine crédibilité aux yeux des partenaires internationaux.

Je voudrais à ce stade présenter une brève esquisse de l‟organisation de Bakanja Ville et de Bakanja Centre. Le père Eric Meert a été le premier coordinateur salésien de l‟Œuvre Maman Marguerite. Depuis 2003, la coordination a été confiée à frère Pascal Mukendi, et père Eric Meert est passé à la coordination du Bureau salésien des projets. Le Bureau des projets poursuit l‟objectif du maintien des relations avec les bailleurs de fonds et de la mise en place de nouveaux projets. Eric Meert est aussi le père responsable de Bakanja Ville.

Les maisons et les centres de l‟OMM travaillent en synergie. Chaque centre, chaque maison est organisé pour répondre à des besoins spécifiques. Les centres professionnels offrent des formations spécialisées. Les centres Magone et la maison des Jeunes offrent des formations artisanales comme la cordonnerie, le battage du cuivre ainsi que des formations professionnelles en menuiserie, mécanique et maçonnerie ; la ferme Bakanja Jacaranda et la maison-ferme Chem Chem dispensent quant à elles des formations en élevage et agriculture.

Les autres centres offrent, par contre, l‟accueil, un internat et des écoles primaires et secondaires. Les centres et les maisons qui composent l‟OMM sont répartis sur une vaste étendue dans et autour de la ville. La maison Caroline, par exemple, se trouve à Kilobelobe, un village à une vingtaine de kilomètres de Lubumbashi, après la mission de la Kafubu. La maison Garelli a été fondée à Kipushi, une ville à trente kilomètres de la capitale katangaise. La maison Katimel est à Katuba, une commune très importante de Lubumbashi, alors que Bakanja Ville est localisé en plein centre-ville et que Bakanja Centre se situe en marge du périmètre urbain (quartier Kinkalabuamba).

Les structures de l‟OMM se partagent la prise en charge des garçons et des filles. Les Salésiens de Don Bosco, de par leur vocation, s‟occupent exclusivement de garçons en laissant la tâche de la prise en charge des filles aux Filles de Marie Auxiliatrice, branche salésienne formée par la congrégation des sœurs installée au Congo (la première maison fut à Sakania) en 1926.

Le centre Bakanja Ville est situé sur l‟avenue N‟djamena, en plein centre-ville de Lubumbashi. Le centre est né en 1998 comme refuge de nuit et il est considéré comme le premier maillon du réseau OMM. Depuis sa fondation jusqu‟aux initiatives entreprises par le gouvernement provincial en 2009, Bakanja Ville offrait aux enfants un service d‟écoute, un dispensaire pour les soins médicaux, des ustensiles de cuisine et un endroit où dormir la nuit.

À partir de 2009, des actions de ramassage des sheges (enfants de la rue) ont été menées par le gouvernement provincial du Katanga. En août de cette même année, le gouvernement avait lancé une sorte d‟ultimatum à tous les enfants demeurant dans la rue ainsi qu‟aux enfants qui fréquentaient le centre Bakanja. Le père Eric Meert m‟expliqua qu‟il avait alors donné la possibilité aux enfants soit de rejoindre le nouveau centre Kasapa ouvert pour accueillir les sheges, soit de retourner dans leurs familles, soit de rentrer au Kasaï (pour ceux qui provenaient des deux provinces du Kasaï) ou enfin de « disparaître » d‟eux-mêmes en émigrant vers d‟autres villes de la province. Une fois passé l‟ultimatum, le centre Bakanja fut contraint de fermer ses portes après le lancement de l‟opération « Shege Zéro » du gouvernement provincial. L‟opération « Shege Zéro » eut pour conséquence un changement de vocation de Bakanja, qui passa de refuge de nuit à internat « temporaire ». Le passage de centre « ouvert » à centre « fermé » allait contre le projet éducatif pensé par les Salésiens mais, toutefois, ce fut le seul moyen pour contourner la décision du gouvernement local de fermer les portes.

Selon le nouveau système, le centre accueillait une trentaine d‟enfants qui, pour différentes raisons, n‟avaient pas rejoint le centre de la province de Kasapa. De manière générale, les enfants qui logeaient à Bakanja Ville avec cette nouvelle formule devaient fréquenter l‟école à Bakanja Centre et il leur était interdit d‟aller travailler en centre-ville. La politique de sensibilisation, l‟organisation du centre et les activités internes ne furent pas modifiées.

110 L‟objectif du centre était de réinsérer les enfants dans leurs familles. Toutefois le système adopté à Bakanja Ville était centré sur la volonté de l‟enfant et sur sa capacité à prendre certaines décisions : « On a décidé de laisser l‟initiative à l‟enfant lui-même parce qu‟on était convaincus qu‟il avait déjà dû prendre certaines initiatives dans sa vie de la rue », me confia le père Eric Meert. Ainsi, les activités menées à Bakanja Ville n‟empêchaient nullement la vie de l‟enfant dans la rue, mais elles continuaient à opérer une constante sensibilisation, à travers l‟intermédiation des opérateurs sociaux du centre, pour que ces enfants abandonnent ce type particulier de vie et qu‟ils regagnent la famille. Pour ce faire, le père directeur m‟expliqua que, dès de la fondation de Bakanja Ville, les Salésiens décidèrent de ne « rien offrir [aux enfants] pour faciliter leur vie dans la rue ». En outre, ils décidèrent également d‟éviter de rendre le centre Bakanja trop attrayant pour les enfants les plus pauvres pour éviter que ceux-ci, attirés par le centre, ne quittent leurs familles.

Bakanja Ville était le seul centre, parmi ceux de l‟OMM, qui n‟avait pas de lits. Ainsi, jusqu‟à ce que l‟ancien système ait été adopté, il était le seul centre où les enfants ne pouvaient pas demeurer pendant la journée, ils étaient censés sortir pour aller travailler en centre-ville. Ils pouvaient revenir dans l‟enceinte de Bakanja Ville le soir afin de préparer les aliments qu‟eux-mêmes s‟étaient procurés.

La première étape du réseau OMM se caractérisait ainsi par une vision assez novatrice de l‟approche du phénomène des enfants de la rue dans la mesure où elle n‟empêchait pas les enfants de circuler en ville ni d‟exercer leurs activités lucratives. Ce centre se caractérisait également par le rôle donné aux formateurs et aux opérateurs salésiens dans le programme de sensibilisation des enfants : mot du matin, mot du soir, prière quotidienne, rencontre hebdomadaire. Les moments de sensibilisation et d‟enseignement portaient sur l‟importance de la famille, de l‟école, de l‟hygiène personnelle, sur la prévention du sida et des maladies. Les moments de sensibilisation sont fondamentaux pour l‟action pédagogique dans tous les centres de l‟OMM. En particulier, les « mots » dispensés tout au long de la journée ont une valeur capitale et ce sont des moments qui, à Bakanja Ville, furent maintenus après le changement d‟organisation du centre dû aux arrêtés du gouvernement provincial.

Pour atteindre l‟objectif final, c‟est-à-dire la réinsertion de l‟enfant dans sa famille, les Salésiens insistèrent aussi sur un changement de comportement de l‟enfant : l‟abandon des « manières de vivre de la rue », en mettant l‟accent sur les aspects négatifs de la « rue » et la nécessité pour l‟enfant d‟apprendre à gérer sa propre liberté. La rue, dans cette vision, était conçue comme un lieu unique opposé à la famille et au centre d‟accueil. La liberté dont jouit l‟enfant « en situation de rue » est dans la majorité des cas synonyme de libertinage et associée à la consommation de drogues.

L‟approche salésienne de Bakanja Ville se révèle donc plutôt problématique et dans une certaine mesure contradictoire. En effet, d‟un côté, en prétendant respecter les choix pris par l‟enfant de vivre différemment par rapport à la vie qu‟il menait chez lui, il y a une reconnaissance par les Salésiens de l‟agencéité des enfants. De l‟autre côté, par contre, les mêmes Salésiens exercent une constante œuvre de sensibilisation pour convaincre l‟enfant du mal-fondé de son choix et du bien-fondé d‟entreprendre un chemin de changement vers « son milieu naturel : la famille ».

D‟ailleurs, le changement dans la volonté de l‟enfant ne s‟opère pas exclusivement à travers les séances de sensibilisation ou les mots du matin et du soir qui rythment la journée. C‟est tout un parcours de rapprochement progressif de l‟enfant à la famille qui est mis sur pied. Le parcours vise à renouer un lien familial qui s‟est effiloché au fil du temps. Une fois que l‟enfant manifeste son désir d‟aller à l‟école, selon le système de Bakanja Ville, cela ne peut se réaliser que s‟il fournit les vraies cordonnées de sa famille. « On n‟a jamais mis un enfant à l‟école dont on n‟avait pas les références familiales », m‟expliquait père Eric Meert. Quand l‟enfant exprime son désir d‟aller à l‟école, un opérateur social prend contact avec la famille. Une fois les contacts renoués avec cette dernière, l‟enfant peut éventuellement passer aux étapes suivantes du réseau OMM pour fréquenter les écoles.

La réussite de la réintégration dépend de l‟habilité des opérateurs sociaux et des aspirants salésiens à la (re)construction d‟une relation de confiance avec l‟enfant ainsi que de la possibilité de nouer un rapport direct avec la famille de ce dernier. Pour une bonne réussite de ce processus, il faut, avant tout, qu‟ils trouvent un terrain d‟entente entre la version d‟abandon de l‟enfant et celle de fugue de la famille (Bakanja-Ville News 2008 : 1). Dans cette optique, dès l‟arrivée d‟un enfant au centre, les Salésiens ont un

112 entretien avec l‟enfant sur sa situation présente et passée. « Ouvrir son cœur » est le mot-clé afin que l‟enfant puisse raconter son histoire familiale. Le sens et l‟orientation de l‟« enquête sociale » menée au centre sont bien résumés dans le passage suivant :

« L‟enquête sociale s‟impose parce qu‟il ne s‟agit pas de connaître l‟adresse de l‟enfant et l‟identité de ses parents mais parce qu‟il y a une situation qui fait que l‟enfant est dans la rue. L‟enquête sociale cherche à comprendre cette situation. L‟enquête sociale est comme le diagnostic effectué en médecine grâce auquel il faudra déterminer le traitement. L‟enquêteur élabore un rapport qui doit permettre à l‟éducateur (l‟équipe éducative) de définir le “projet éducatif” pour cet enfant. La tendance, lors de l‟entretien avec l‟enfant, est de déterminer les raisons qui ont fait qu‟il est dans la rue. L‟enfant nous fournira généralement des informations partielles et subjectives.

Note importante : Toute enquête sociale doit avant tout viser la réintégration familiale le plus vite possible » (Meert 2007 : 3).

Ensuite, les assistants sociaux essayent d‟établir le contact avec la famille de l‟enfant. La première rencontre se passe de préférence sans l‟enfant pour écouter la version des parents concernant les événements.

Enfin, le passage suivant est la visite en famille avec l‟enfant. L‟opérateur se présente donc avec l‟enfant bien habillé et en exposant aux parents la volonté de ce dernier de fréquenter, ou reprendre, l‟école. La nouvelle image de l‟enfant présentée par l‟opérateur social doit suggérer aux parents que le jeune n‟est plus un vagabond ni un shege. Ainsi, le but poursuivi est d‟ouvrir un espace de négociation et de travailler avec la famille pour aboutir à un rapprochement progressif de l‟enfant avec sa famille. En travaillant sur la consolidation de ce rapprochement, qui doit se conclure avec la réinsertion complète de l‟enfant, ce dernier peut passer de Bakanja Ville à un autre centre ou à une autre maison de l‟OMM pour continuer les études.

Le Bakanja Centre a été fondé en août 1985. Il est situé sur la commune Kampemba, dans le quartier Kinkalabuamba (nom de la rivière qui le traverse). Bakanja Centre a été bâti sur un terrain appartenant à la congrégation salésienne, où se trouvent

deux autres structures salésiennes : le centre artisanal Magone et le centre de formation professionnelle Cité des jeunes.

Bakanja Centre constitue généralement la deuxième étape du réseau de l‟OMM. Les enfants qui sont réintégrés en famille peuvent s‟inscrire à l‟école du centre salésien. De même, les enfants qui depuis Bakanja Ville désirent « quitter la rue », mais dont la réinsertion en famille n‟est pas immédiate ou s‟avère compliquée, peuvent résider dans le centre-internat.

Bakanja Centre a une capacité d‟accueil plus importante que le centre Bakanja Ville. Les effectifs sont de l‟ordre de quatre cents enfants et jeunes externes qui fréquentent l‟école du centre et près de soixante internes qui, pour les raisons expliquées ci-dessus, n‟arrivent pas à réintégrer leurs familles.

Le Bakanja Centre organise ses activités autour d‟un projet éducatif plus avancé que celui de Bakanja Ville, qui représente d‟ailleurs l‟étape préliminaire. L‟enfant qui rejoint le centre de la commune Kampemba est en fait déjà réinséré et les Salésiens pourvoient à sa scolarisation. C‟est un cas fréquent du fait du manque de moyens d‟une large partie des familles pour faire face aux frais de scolarisation de leurs enfants. En outre, la réinsertion en famille « contre » la scolarisation gratuite, offerte par les Salésiens, est un bon compromis pour que l‟enfant ne se retrouve plus dans la rue. Il existe un deuxième cas : l‟enfant fréquente l‟école à Bakanja Centre car il ne peut pas être réinséré en famille immédiatement, malgré sa « bonne volonté ». Il faut remarquer, par ailleurs, que, dans la constante négociation entre les opérateurs sociaux et les familles, bien plus fréquente que dans les cas abordés à Bakanja Ville, un bon bulletin scolaire, la réussite de l‟enfant à l‟école, sont autant d‟instruments utilisés afin de montrer aux parents que leur enfant a changé d‟attitude. « On leur montre les points », me disaient les opérateurs sociaux, pour favoriser l‟acceptation de l‟enfant dans une famille encore réticente à l‟accueillir.

On peut ainsi résumer que si Bakanja Ville se concentre davantage sur l‟« enquête sociale », afin de (re)nouer le contact avec les familles des enfants, Bakanja Centre continue le travail de « tissage » des relations avec la famille. Toutefois, dans cette deuxième étape, la dimension éducative prend une forme plus prégnante par rapport à la formation de l‟enfant poursuivie à Bakanja Ville. La dimension éducative tourne autour

114 de la scolarisation. La scolarisation est, dans l‟optique du projet éducatif salésien, le pilier de la réussite de la réinsertion en famille. Bakanja Centre travaille donc dans ce sens.

CONCLUSION

L‟analyse du système préventif salésien nous a éclairés sur la combinaison qui se réalisa, au Katanga, entre l‟évangélisation catholique et le projet colonial de civilisation. La méthode salésienne d‟inculturation, dont les principales cibles furent les enfants, a

Dans le document Les enfants accusés de sorcellerie au Katanga (Page 112-125)